La dernière enquête du bureau des affaires extraordinaires : Viviane Moore [LC avec Bianca]

Titre : La dernière enquête du bureau des affaires extraordinaires – Alchemia 04

Auteur : Viviane Moore
Édition : 10/18 (19/10/2023)

Résumé :
Paris, 1588. Au cours d’un hiver particulièrement glacial, le cadavre mutilé d’une jeune lavandière est retrouvé. En à peine trois mois, trois assassinats déjà ont bouleversé les habitants de la ville. La rumeur court : un loup garou mutile les Parisiens. Et ce loup garou ne serait que le roi lui-même déguisé en bête immonde.

Alors que la colère d’un peuple déjà trop affamé gronde, alors que le royaume est terrassé par la guerre qui fait rage entre Protestants et Catholiques, le jeune commissaire du Moncel va devoir faire vite : pour maintenir la paix, il doit absolument trouver l’assassin car la date du prochain meurtre est connue – il aura lieu lors de la prochaine pleine lune.

Croisant sur son tortueux chemin bourreaux, alchimistes, intrigants, médecins, Jean du Moncel va devoir parcourir la capitale du royaume jusque dans ses entrailles pour mener sa plus périlleuse enquête. Qui sera peut-être la dernière…

Critique :
Dehors, il fait froid, cette semaine de janvier 2024 est glaciale et voilà-ti pas que l’action de ce roman se déroule en janvier 1588 et on nous précise bien qu’un vent du nord souffle sur Paris, que la Seine charrie des blocs de glace, bref, il fait un froid de gueux !

Cette lecture était bien dans l’ambiance du froid qui régnait dehors… Un coup à monter le thermostat ou à serrer le plaid un peu plus fort sur ses épaules.

Dans les rues de Paris, on retrouve des cadavres mutilés… Il rôde dans les ruelles une grosse bête poilue, velue, qui pue et qui tue. Des témoins l’ont vu, c’est un loup-garou, donc, oui, cette bête elle est poilue et velue ! Et elle tue, assurément.

Pour l’odeur, on n’a pas de précision, mais on se doute qu’un loup-garou ne sent pas le parfum Acqua Di Giòu (© Armani un peu changé pour garder la rime).

Et tout cas, ce n’est pas celui de la chanson de Carlos ♫ le loup-garou joue le boogie-woogie bougalou ♪ (désolée de la foutre dans la tête pour toute la journée).

Une enquête en 1588, ça a une autre dimension. L’Histoire prend une grande part du récit, sans pour autant l’étouffer ou avoir des airs de Secrets d’Histoire. Nier la partie historique aurait été un hérésie, car elle a une importance capitale, notamment avec ce Henry III, fils du II et de Catherine de Médicis. Lui aussi aura une part importante dans ce récit.

Les personnages qui mènent l’enquête sont attachants, notamment le commissaire Jean du Moncel, le commissaire-enquêteur du Châtelet, Perrin Touraine et leur meilleur limier, Lorion, dit la Belette… Sans doute un de mes ancêtres…

Les chapitres sont assez courts, le récit ne manque pas de rythme, sans pour autant que l’on cavale dans tous les sens, mais une chose est sûre, ces 288 pages se dévorent rapidement (une grosse soirée et le roman est plié) et il est difficile de le lâcher.

Les enquêtes de nos deux personnages vont se croiser, se recouper, s’éloigner, tant il n’est pas aisé de trouver le coupable de ces meurtres horribles. Il me fut impossible de trouver le coupable avant les enquêteurs.

De plus, l’auteur en profite aussi pour dresser les décors et nous parler de ce Paris de 1588, des événements qui eurent lieu, de la misère des gens, du froid qui règne, de la famine, de la peste qui a fait son œuvre, du roi, de ses mignons et de ce peuple qui gronde et que roi, sorte de dieu Jupiter sur son trône, n’entend pas, n’écoute pas, s’en moque, ne se rendant pas compte qu’il scie la branche sur laquelle il est assis.

Un polar historique très intéressant, qui parle de croyance, d’ésotérisme, d’astres dans les cieux, des prédictions de Nostradamus, d’Histoire, de roi de France, de complots, des ducs de Guise, de morts sauvages, de misère sociale, de la position de paria des bourreaux, des exécutions publiques, le tout porté par des personnages qui sont attachants, qui n’en sont pas à leur première enquête (il existe trois autres tomes avant celui-ci) – on peut lire celui-ci sans avoir lu les autres.

Mon seul bémol sera que notre Jean du Moncel parlera de ses enquêtes précédentes, divulguant les noms des coupables et là, ce n’est pas bien, parce que si l’on n’a pas lu les précédents, le suspense est gâché. Mais bon, c’est minuscule, d’ici-là, on aura oublié les noms.

Une LC plus que réussie avec ma copinaute Bianca et qui nous a donné envie de lire les trois précédents romans de cette fin équipe.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°100 !].

 

Bootblack – Tomes 01 & 02 : Mikaël

Titre : Bootblack – Tomes 01 & 02

Scénariste : Mikaël
Dessinateur : Mikaël

Édition : Dargaud (2019 / 2020)

Résumé :
Sur le front allemand, au printemps 1945 : la guerre ne laisse que mort et destruction dans son sillage. Pour échapper à l’horreur du présent, Al, soldat américain, seul rescapé de son unité, se plonge dans les souvenirs de sa vie new-yorkaise.

Fils d’immigrés allemands, né aux États Unis, il n’a pas dix ans quand, en une nuit, sous l’oeil satisfait de ces Américains anti-étrangers, il perd ses parents et son foyer dans un terrible incendie.

Tournant le dos à ses origines, Al n’a pas d’autre choix que de vivre dans la rue ; il devient Bootblack, un « cireur de chaussures ».

Critique :
Les premières cases commencent durant la Seconde Guerre Mondiale, sur le front européen… Dans la neige, il y a Al, un soldat yankee qui regarde un Dog Tag (plaque militaire) au milieu de ses compagnons d’armes morts.

Flash back vers 1929, après le crash boursier. Altenberg (Al), notre héros principal, le soldat des premières cases, se dispute avec ses parents. C’est un jeune gamin qui soutient qu’en Amérique, les gens se font tous seuls.

Altenberg déteste son prénom, il se sent américain puisque né sur le sol américain, il sait que tout est possible en Amérique et il se sauve de la maison, fâché sur ses parents, avant de revenir vers l’immeuble… Immeuble qui vient de disparaître dans les flammes. Le voilà seul au monde, notre Al…

Livré à lui même, dans la rue, il devient, comme Picsou, un cireur de chaussures : un Bootblack. Sauf que lui ne trouvera pas son sou fétiche et qu’il va galérer pour tenter de se hisser au-dessus de sa condition, allant de galère en galère, de plans foireux en plan avec des mafiosi, tentant d’obtenir de l’argent pour emmener la belle Maggie sur la grand roue à Coney Island.

Voilà un diptyque sombre, très sombre, mais réussi ! La misère sociale de l’Amérique est présente à chaque page : les ruelles sordides, les chômeurs, les gosses qui bossent pour des clopinettes, côtoyant le beau linge en col et cravate qui se font cirer les pompes et les immigrés qui tentent de vivre le rêve américain…

La xénophobie est omniprésente dans ces pages, notamment avec notre jeune Al qui, tout fier d’être né en Amérique (d’émigrés allemands), traite tous les autres de métèques (ceux nés ailleurs), tant il se sent plus américain qu’un vrai natif.

Le seul bémol de ces deux bédés, c’est que l’auteur mélange souvent les époques sur les mêmes planches, sans préciser qu’il vient de faire un bon dans le temps. Cela met de la confusion inutile. Je n’ai rien contre les récits qui ne sont pas linéaires, que du contraire, ça pimente le récit de le fractionner, mais il faut de même faire attention à ne pas perdre ses lecteurs dans ces multiples opérations.

La preuve, je n’avais pas compris pourquoi, tout d’un coup, un homme lui disait qu’il n’oublierait pas l’année 45, alors que la case d’avant, nous étions en 35… Ok, changement d’époque, bon en avant, puis, hop, retour en arrière. Ça donne le tournis.

Les dessins sont superbes, hyper détaillés (avec de multiples références que je n’ai pas toutes vues ou comprise), donnant l’impression que nous sommes à New-York, dans les quartiers mal famés. C’est assez cinématographique, d’ailleurs. On a des gros plans sur certains scènes, ce qui intensifie ce que l’auteur veut nous montrer, sans que l’on comprenne tout de suite de quoi il retourne.

Avec sa construction non linéaire, commençant presque par la fin, l’auteur nous fait découvrir son histoire par petits morceaux et ce n’est qu’une fois arrivé au bout des deux albums que la trame est visible, dans son entièreté, dans notre esprit.

Explorant une partie de l’Amérique entre les années 1929 et 1945, l’auteur m’a fait vibrer avec des personnages attachants, des anti-héros, des gamins drôles, amusants, même si un jour, leurs jeux tourneront mal.

Le final est surprenant, je ne l’ai même pas vu arriver et il était bien trouvé et il met bien en place la déconstruction du fameux rêve américain : le rêve n’était qu’un rêve et très peu ont réussi en devenant des self-made man.

Une belle fresque historique et sociale sur les conditions de vie des petites gens en Amérique… Oui, c’est l’Amérique d’en bas, qui grouille dans ces pages. Et c’est une réussite totale.

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°000]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°14.

Les armes de la lumière – Kingsbridge 04 : Ken Follett [LC avec Bianca]

Titre : Les armes de la lumière – Kingsbridge 04

Auteur : Ken Follett
Édition : Robert Laffont (05/10/2023) – 792 pages
Édition Originale : The Armor of Light (2023)
Traduction : Odile Demange, Valentine Leÿs, Christel Gaillard-Paris et Renaud Morin

Résumé :
À la fin du XVIIIe siècle, un gouvernement tyrannique est résolu à faire de l’Angleterre un empire commercial puissant. En France, c’est le début de l’ascension au pouvoir de Napoléon Bonaparte. Les dissensions sont nombreuses et les pays voisins de la France en alerte maximale. Il y a de la révolution dans l’air…

Et elle est aussi industrielle. Sans précédent, elle bouleverse la vie des ouvriers des prospères manufactures de textile de Kingsbridge. La mécanisation galopante et l’invention de nouvelles machines à tisser engendrent l’obsolescence de plusieurs métiers et brisent des familles entières.

Tandis qu’un conflit international devient inéluctable, un petit groupe d’habitants de Kingsbridge – dont Sal, fileuse, Spade, tisserand, et Kit, le fils volontaire et ingénieux de Sal – va incarner la lutte d’une génération pour un avenir libre de toute oppression.

Critique :
John Paul Young chantait ♫ Love is in the air ♪ et Ken Follet, lui, ce sera ♫ Revolution is in the air ♪…

Kingsbridge, le retour ! Mais cette fois-ci, nous sommes à l’époque où un petit corse monte en France, où le roi Louis XVI s’est fait décapiter et où l’Angleterre regarde tout ces événements avec un regard acéré.

Faudrait pas que les froggies exporte leurs idées révolutionnaires chez les rosbifs, non mais !

Comme toujours, c’est un plaisir de lire le dernier Ken Follet, mais comme toujours, les ficelles sont les mêmes, la trame aussi, le tout étant cousu de fil blanc. C’est de rigueur, puisque dans ce roman, on parle de confection de vêtements, de filer la laine et de métier à tisser…

Bon, comme d’habitude, le manichéisme est de rigueur : les deux méchants sont méchants (dont un est bête et cupide, tandis que l’autre est cupide et haineux), mais ils m’ont semblé être moins caricaturaux que d’habitude. Quant aux gentils, ben, ils sont gentils. Mais là aussi, je les ai trouvé un peu plus vindicatifs, plus énergiques que dans les autres romans où les gentils étaient des tous mous. Ils sont attachants, en tout cas.

L’auteur nous fait voyager dans l’Angleterre de 1792 à 1824 (post Waterloo), une Angleterre conservatrice (peur d’une révolution), mais qui avance tout de même à grand pas dans la mécanisation dans les ateliers de confection. Les ouvriers sont contre cette mécanisation qui leur fait perdre leur travail et des syndicats commencent à se former, ce qui est vu d’un très mauvais œil.

Comme toujours en ce bas monde, les injustices sont légions et l’iniquité entre les maîtres propriétaires et leurs ouvriers est immense. J’ai tremblé plusieurs fois pour les personnages que j’aimais, tant ils pouvaient se faire accuser pour un rien, sans même un début de preuve. Ça me fait toujours froid dans le dos et le Combination Act était terrible.

Le roman est ultra documenté, ultra précis et c’est vraiment un pan de l’Histoire qui se joue sous nos yeux, sans que l’on ait l’impression de bouffer de l’Histoire. Tout est assez fluide, se lit facilement, assez rapidement aussi.

Le seul passage un peu long, ce sera celui de Waterloo, trop détaillé à mon goût, mais ceci n’est jamais qu’un avis personnel. Je comprends cette profusion de détails, des personnages du livre étaient impliqués dans cette bataille et certains dans cette guerre qui durait depuis plus de 20 ans. Spolier alert : vous voulez savoir qui a gagné à Waterloo ou pas ?

Anybref, dans ce roman épais comme un pavé, la lumière est une arme, autrement dit, l’instruction, l’intelligence, la réflexion, étaient des armes utiles pour se défendre contre les propriétaires qui voulaient gruger leurs ouvriers. Hélas, tout le monde n’était pas instruit.

Une monumentale fresque historique, que ce roman, qui vient s’ajouter aux autres, afin de former une fresque encore plus grande qui nous fait voyager dans le temps et en Angleterre.

Une LC réussie avec Bianca, mais bon, avec Ken Follet, nous ne prenions pas grand risques de nous planter.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°066].

Étude en noir : José Carlos Somoza

Titre : Étude en noir

Auteur : José Carlos Somoza
Édition : Actes Sud – Actes noirs (03/05/2023)
Édition Originale : Estudio en negro (2019)
Traduction : Marianne Millon

Résumé :
1882, Angleterre. Anne McCarey fuit l’agitation londonienne et une liaison toxique avec un marin ivrogne et violent pour revenir à Portsmouth, la ville de son enfance. Infirmière chevronnée, elle est engagée dans une institution psychiatrique très select sur la côte.

Elle n’a en charge qu’un seul patient : monsieur X, qui par sa singularité et ses exigences est déjà venu à bout de bon nombre de soignants. Issu d’une famille puissante et richissime, outre quelques fantaisies, l’homme a surtout développé un talent unique de déduction lui permettant de découvrir le moindre secret enfoui au tréfonds de l’âme de ceux qui passent la porte de sa chambre.

C’est dans cette atmosphère emplie de mystères qu’une série de meurtres commence à endeuiller la ville. Avec l’aide d’Anne et du jeune docteur Arthur Conan Doyle, qui prodigue des soins à notre “mentaliste” tout en peaufinant le personnage principal de son roman, un certain Sherlock Holmes, M. X utilise ses dons de clairvoyance pour diriger l’enquête depuis son antre.

Préquel de l’œuvre de Conan Doyle, ce nouveau livre de Somoza est un hommage à l’un des pères fondateurs du roman policier, autant qu’un portrait saisissant de l’Angleterre victorienne et de la misère de ses petites gens, décrites avec empathie et émotion, à la manière d’un Charles Dickens.

Critique :
Anne McCarey est infirmière, sa relation avec son compagnon est toxique, elle a dû mal à s’en défaire (mais le veut-elle ?) et elle accepte un poste d’infirmière à Portsmouth, dans une institution psychiatrique.

Lorsque l’on découvre son patient, le fameux Monsieur X, on ne peut s’empêcher de lui trouver des points communs avec Sherlock Holmes. Hormis pour la folie et la taille.

Alors qu’elle tente de trouver la manière pour s’occuper de ce patient bizarre, voilà que surgit hors de la nuit, un médecin nommé Arthur Conan Doyle, qui tente d’écrire un roman policier. Son personnage se nomme Sherlock Holmes et il lui trouve des points communs avec cet homme étrange.

Ce roman noir historique, ne fait pas que de rendre hommage aux romans de Conan Doyle. Il parle aussi des théâtres clandestins, véritables antres de perdition, où des enfants jouent nus…

Ce polar historique noir parle aussi de la misère, de l’exploitation humaine, de cette Angleterre victorienne, pas vraiment folichonne, où les écarts entre les différentes classes sociales avaient la largeur de gouffres. Soit on pétait dans de la soie, soit on pétait au grand air, le ventre vide…

J’ai apprécié le rapprochement entre le monsieur X et le personnage de Holmes, X en étant une sorte de modèle. Malgré sa folie, malgré sa froideur, malgré le peu de choses que l’on saura sur ce monsieur X, il est assez facile de s’attacher à lui, ainsi qu’à l’infirmière Anne.

L’arrivée de Conan Doyle ajoutera du piment dans l’histoire, puisqu’il aidera monsieur X à résoudre les meurtres atroces qui ont lieu dans la ville de Portsmouth. Qui est coupable, quel est le mobile ?

Le bémol est que le rythme est assez lent… Pas d’ennui à l’horizon, on ne s’embête pas dans le récit, mais le scénario donne l’impression, à un moment donné, d’être un peu trop touffu et de partir un peu dans tous les sens, avant de revenir dans les rails et de tamponner les lectrices et lecteurs avec un final exceptionnel ! Quel twist à Portsmouth.

Après Une Étude en Rouge, voilà Étude en Noir et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec ses ambiances gothiques, son côté récit d’épouvante dans un hôpital psychiatrique et ses meurtres glauques, ce roman a tout pour être le parfait compagnon un soir de pluie, avec du vent qui souffle, afin d’être bien dans le thème.

Il est parfait aussi pour la lecture au soleil, rassurez-vous !

Un roman noir aux ambiances et aux côtés historiques parfaitement bien décrits et qui donne un autre aperçu de la naissance, dans la tête de Conan Doyle, de son personnage le plus célèbre, même s’il le détestera ensuite.

Une chouette découverte ! Ah non, pardon, c’est un corbeau sur la couverture… Un corbeau découverte, alors !

#lemoisanglais

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°226] et Le Mois Anglais, chez Lou et Titine – Saison 12 – Juin 2023 [Fiche N°26].

‭La frontière : ‬Patrick Bard

Titre : ‭La frontière

Auteur : Patrick Bard
Édition : Points Thriller (2003)

Résumé :
Bienvenue à Ciudad Juàrez, frontière américano-mexicaine… du mauvais côté du Rio Grande, celui du Mexique. Bienvenue dans « la ville où même le diable a peur de vivre ».

Journaliste au grand quotidien espagnol El Diario, Toni Zambudio est envoyé à Juàrez par son rédacteur en chef pour enquêter sur une série de meurtres abominables : en moins de deux ans, les cadavres de cinquante trois jeune filles atrocement mutilées ont été retrouvés aux abords de la ville.

Crimes rituels commis par une secte satanique ? Œuvre d’un terrifiant serial killer ?

Toutes les questions restent en suspens dans cet univers d’extrême pauvreté où la mondialisation économique a apporté avec ses usines l’humiliation, le commerce de la chair, la violence et la mort.

Et ce que va découvrir Toni Zambudio est pire encore que le pire des cauchemars… Terriblement noir et violent, ce roman ne fait hélas que se baser sur des faits réels.

Critique :
Vous en avez marre du temps pourri du mois de mai, de cette pluie qui n’arrête pas de tomber (du moins, en Belgique), de ces températures trop basses pour mai ?

Vous rêvez de vacances, de soleil, de farniente ? Alors pourquoi ne pas prendre un billet pour le Mexique et la charmante ville de Ciudad Juàrez ? Si, si, elle est charmante et peuplée de Bisounours…

Bon, ce n’est pas ce roman noir qui me donnera envie d’aller passer des vacances au Mexique ! J’aurais mieux fait de lire un guide du routard, cela aurait été moins dangereux pour ma santé mentale.

Ciudad Juàrez « la ville où même le diable a peur de vivre »… La ville du crime n’a jamais aussi bien porté son nom puisque des jeunes femmes se sont assassiner, mutiler, dépecer, violer, profaner et vous compléterez la liste. Les cadavres des prostituées assassinées par jack The Ripper étaient en meilleur état… C’est vous dire.

Partant de faits divers réels, l’auteur en profite aussi pour nous parler des conditions de travail abominables et précaires qui sont celles des travailleuses à la frontera : salaires de misère, pas de sécurité, pas d’hygiène et l’obligation, tous les mois, de montrer son tampon usagé pour prouver qu’elles ne sont pas enceintes.

Bosser pour des multinationales, à bas prix, pour que les actionnaires et les hauts dirigeants s’en foutent plein les fouilles… Dans des usines qui se foutent bien de polluer à mort, de foutre en l’air les nappes phréatiques et où la corruption, la mordida, comme ils disent (pot-de-vin).

Comme prévient l’auteur, une centaine de jeunes femmes ont été retrouvées violées et mutilées ces dernières années à Juarez, et si l’on a bien arrêté et jugé quelques coupables ou prétendus tels, l’ensemble de l’affaire n’a jamais été élucidé.

Ce livre est donc plus qu’une fiction, c’est une œuvre de révolte qui dénonce, entre autres, la perversité d’un système où les grandes multinationales viennent chercher chez les plus pauvres la main-d’œuvre bon marché, corvéable et humiliable à merci.

On ose espérer que la réalité est un peu moins horrible, mais c’est malheureusement loin d’être une certitude. Lorsque l’on peut faire fabriquer des marchandises à bas prix et se faire une grosse marge bénéficiaire, certains n’hésitent pas et y vont à fond, se moquant de la misère humaine qu’ils créent et de la pollution qu’ils font.

Un roman noir ultra violent, réaliste, inspiré de faits divers vrais et qui vous plongera dans la noirceur humaine, sans vous laisser entrevoir une mini lumière au fond du tunnel. Ici, tout est sombre, sanglant, sans concession. Une lecture en mode « j’arrête de respirer ».

Ciudad Juàrez est la capitale mondiale du meurtre, pas celle des gentils Bisounours et elle a une réputation à tenir. Croyez-moi, elle le fait super bien et ce roman ultra noir ne vous donnera pas envie d’aller vous balader dans cette ville (ni même au Mexique).

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°XXX] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°XX].

1795 : Niklas Natt och Dag

Titre : 1795

Auteur : Niklas Natt och Dag
Édition : Sonatine Thriller/Policier (09/02/2023)
Édition Originale : 1795
Traduction : Rémi Cassaigne

Résumé :
Les portes de l’enfer se referment. Stockholm, 1795. Devant une Révolution qui couve, la famille royale s’enferme dans une paranoïa d’une ampleur inédite.

Une purge acharnée se prépare contre tous les opposants au pouvoir en place. La police secrète traque ainsi sans relâche jeune femme, Anna Stina Knapp, qui serait en possession d’une lettre contenant les noms des principaux conspirateurs. Un ancien artilleur, Jean Michael Cardell, recherche lui aussi Anna, mais pour la protéger.

Pendant ce temps, son acolyte, Emil Winge, piste une ombre menaçante qui étend son emprise dans les rues de la ville : Tycho Ceton. Celui-ci peaufine en effet un plan d’une ampleur inédite pour plonger la capitale suédoise dans des abîmes infernaux.

Critique :
La Suède de 1795 n’a rien à voir avec celle de nos jours, ni même celle du groupe ABBA. Nous sommes dans un roman historique, mais aussi dans un roman noir, tant la dimension sociale est importante dans cette trilogie.

1795 termine donc cette trilogie majeure, dont j’avais eu des coups de coeur pour les deux premiers (1793 et 1794).

Voilà une sacrée aventure humaine qui allait prendre fin, le tout était de savoir comment (faut pas rater son final), surtout après le final dantesque de 1794 où on aurait pu chanter ♫ allumer le feu ♪

Comment diable pouvait-on continuer ensuite ? Qu’est-ce que l’auteur avait encore à nous raconter ? Et comment repartir sans se prendre les pieds dans le tapis après ce fameux final de 1794 qui était aussi effrayant (je suis allée le relire avant de commencer le dernier tome)…

Bon, disons-le de suite, 1795 ne sera pas mon préféré de cette trilogie, sans pour autant dire qu’il est mauvais ou que j’ai détesté, non, faut pas pousser ! Oui, j’ai aimé cette lecture, mais j’avais plus trouvé mon quota d’émotions dans les deux précédents.

Oui, 1795 est différent des autres, tout en étant dans la même veine : la ville de Stockholm, un chancre à ciel ouvert, un caniveau merdique, où les journalistes contemporains trouveraient des troupeaux entiers de rats sans même devoir fouiller…

Une misère noire, de la crasse, un énorme tas de merde (au sens propre !) et des gens qui crèvent la dalle, qui crèvent de froid et là, l’auteur sait vous faire ressentir le froid, le chaud et la faim. Oui, Stockholm est un personnage à part entière et ses décors sont d’un réalisme fou, sans pour autant sombrer dans la contemplation.

De l’autre côté, dans la Suède d’en haut, on s’amuse, on chasse, on festoie, on dort dans des lits de plumes, sous des duvets légers et chauds, et on s’encanaille. Il y a une scène, au théâtre, qui m’a fait frémir d’horreur. Tycho Ceton, le salopard, est bien capable de tout pour divertir les Euménides et retrouver sa place…

Dans cette trilogie, pas de manichéisme dans les personnages, ils ont de la profondeur, des défauts, des qualités et ne versent jamais dans la caricature. Et cela est important à souligner.

1795 est un polar historique qui prend son temps, qui ne court pas dans tous les sens, c’est un roman noir qui va à son rythme et qui ne se prive pas pour décrire toute la misère humaine de l’époque.

Même si j’ai trouvé son récit moins prenant que celui des deux précédents, il n’en reste pas moins que 1795 est un grand roman noir historique, aux atmosphères denses, bien décrites, portés par des personnages marquants, que j’ai eu du mal à quitter. Et au moins, le final n’est pas bâclé, comme cela arrive parfois dans les fins de saga.

PS : je suis contente de ne pas avoir vécu à cette époque et à cet endroit, car la régence à imposé une ordonnance contre le luxe et le café est déclaré être un luxe : on ne peut donc plus en boire ! Argh, je ne survivrai pas dans une société où le café est banni…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°171].

 

Trois vautours : Henry Trujillo

Titre : Trois vautours

Auteur : Henry Trujillo 🇺🇾
Édition : Actes Sud – Actes noirs (2012)
Édition Originale : Tres buitres (2007)
Traduction : Alexandra Carrasco

Résumé :
Pour gagner de quoi quitter l’Uruguay, un jeune homme accepte de passer une voiture en contrebande en Bolivie. Là-bas, il rencontre une magnifique paumée qui lui vole son passeport.

Pour le récupérer, il devra s’enfoncer encore un peu plus dans la marginalité. Un roman noir plein de misère et d’espoir.

Critique :
Les auteurs Uruguayens ne se battent pas dans mes étagères, Henry Trujillo étant le seul représentant de ce pays d’Amérique du Sud.

C’était donc une bonne occasion de profiter du challenge Mois Lusophone pour le sortir.

C’est un roman noir, indubitablement. La misère est présente, même si elle semble décrite de manière ténue par l’auteur.

Malgré tout, on sent bien sa présence dans les décors, les villages, les villes, les personnages, leurs actions…

Dans l’émission Top Chef, les chefs le disent tous : il faut du goût, du goût, du goût ! De l’audace, mais surtout du goût. Hélas, c’est ce qui a manqué dans ce roman noir : du goût, du peps, du sel, du rythme.

Tout est un peu lent, sans pour autant que le récit devienne intéressant. Le personnage principal manque de relief, de profondeur, est terne et il semble être le spectateur de sa propre vie.

Le tout manquant de cohérence, comme si l’auteur n’avait pas réussi à faire le lien entre ces différents chapitres, comme si personne ne savait vraiment où il allait aller. Le style est sans doute trop dépouillé.

Dommage parce que la description de la misère était bien réalisée, sans en faire de trop, sans sombrer dans le pathos. Avec quelques situations, nous avions déjà compris que nous étions chez les paumés, les miséreux, ceux qui tirent le diable par la queue.

Les décors étant en harmonie avec ces pauvres gens : perdus, arides, secs, poussiéreux.

Le final nous plongera dans une histoire glauque à faire frémir et on se dit que cela ne pouvait finir qu’ainsi pour certaines personnes.

Bon, une lecture à oublier, l’étincelle n’ayant jamais eu lieu (et pourtant, je n’ai sauté aucune pages, ce qui est paradoxal).

Le Mois Espagnol (et Sud-Américain) chez Sharon – Mai 2022 (Fiche N°27) et Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres chez Bidb » (Uruguay).

La vierge du mal : Edmundo Paz Soldan

Titre : La vierge du mal

Auteur : Edmundo Paz Soldan 🇧🇴
Édition : Gallimard – Du monde entier (15/10/2020)
Édition Originale : Los días de la peste (2017)
Traduction : Robert Amutio

Résumé :
La Casona n’est pas une simple prison sud-américaine. Véritable cour des miracles, elle est à la fois dortoir, bureau, centre commercial, dispensaire et église, et mêle, outre les détenus, des enfants abandonnés, des prostituées, des politiciens, des illuminés, des médecins et de riches barons de la pègre.

Cette galerie de personnages hauts en couleur va progressivement nous dévoiler la vie quotidienne d’un lieu unique, ainsi que les farouches luttes de pouvoir auxquelles s’adonnent les partisans d’une déesse nouvelle, « l’Innommable », dont les attributs rappellent ceux des divinités précolombiennes.

Comme elles — et aux antipodes de la Vierge chrétienne —, l’Innommable n’appelle pas à la paix mais à la guerre. Son culte secret fait résonner un cri de justice dans toute la Casona, alors que parmi les prisonniers commence à circuler un virus inconnu.

S’inscrivant dans la tradition de la littérature pénitentiaire, mais également du récit d’horreur et du roman de dictateur, La Vierge du Mal est une vaste fiction chorale dotée d’une forte dimension symbolique.

Elle offre la radiographie d’une société en décomposition, gangrenée par la violence et rongée par la peur, mais percée aussi, çà et là, comme la nôtre, par une lueur d’espoir.

Critique :
♫ Les portes du pénitencier ♪ Bientôt vont se refermer ♪ Et c’est là que je finirai ma vie ♫ Comme d’autres gars l’ont finie ♪

Voilà une critique qui va être difficile à faire tant cette lecture fut laborieuse.

Déjà, la plongée dans ce milieu donne l’impression de nager dans de la vase, tant la misère est prégnante. Et pourtant, de la misère, j’en ai lu plus que je n’en ai vu.

La Casona est un pénitencier horrible. Éloigné de tout, il est composé d’une faune bigarrée, allant de prisonniers qui peuvent vivre avec leur famille à des violeurs dangereux, des assassins… Et tout ce petit monde peut se croiser.

Lorsque je pars en vacances, je passe des péages et bien, dans cette prison, les matons en ont installé aussi et il faut s’acquitter du prix lorsque l’on passe d’une zone à l’autre.

D’ailleurs, avec du fric, la corruption est plus que possible et tout peut s’acheter : drogues, putes… Vous demandez, vous payez et on vous livre. Gaffe au racket, aussi.

Les autorités ? Elles s’en foutent royalement. La seule chose qui tracasse le Gouverneur, qui vit dans la cinquième tour (et qui est tenue secrète), c’est le culte de l’antévierge. Ben quoi, si l’antéchrist existe, pourquoi n’y aurait-il pas le contraire de la Vierge Marie ?

Ce qui gêne ce gouverneur, c’est que le pouvoir de cette entité prend le pas sur le sien. La déesse vengeresse, représentée avec un couteau entre les dents, n’incite décidément pas à la tolérance ni à l’harmonie.

Ah, ce roman avait tout pour me plaire et je me suis embourbée dans le récit, assez foutraque, ou les dialogues sont imbriqués dans le récit, rendant la lecture laborieuse et pénible.

Bref, au suivant !

Le Mois Espagnol (et Sud-Américain) chez Sharon – Mai 2022 (Fiche N°21) et Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres chez Bidb » (Bolivie).

Indomptable : Vladimir Hernández

Titre : Indomptable

Auteur : Vladimir Hernández 🇨🇺
Édition : Asphalte Noir (19/10/2017)
Édition Originale : Indómito (2016)
Traduction : Olivier Hamilton

Résumé :
La Havane, de nos jours. Un jeune ingénieur en électronique, Mario Durán, se retrouve en prison après avoir trafiqué des accès Internet avec son meilleur ami et complice de toujours, Rubén.

À leur grande surprise, il est libéré prématurément, à condition de prêter main forte au vol d’un coffre-fort, pour lequel ses compétences techniques et celles de Rubén sont indispensables. Un boulot apparemment facile… ce qui éveille la méfiance de Durán.

À raison. Quelques heures après le casse, il se retrouve enterré vivant dans un parc de La Havane, le cadavre de Rubén à ses côtés. Il n’aura dès lors plus qu’une seule idée : se venger de « l’Homme Invisible », leur commanditaire… Encore faut-il savoir de qui il s’agit réellement.

Polar mené à un train d’enfer, Indomptable nous transporte dans les rues de La Havane pour nous montrer le Cuba d’aujourd’hui, et sa jeunesse désillusionnée qui rêve d’ailleurs.

Critique :
Comment réussir à foirer sa journée et se retrouver à moitié mort dans un trou. Suivez bien les conseils…

1. Bénéficiez d’une liberté conditionnelle et sortez de prison,
2. Montez à l’arrière de la moto de votre pote et ancien complice,
3. Suivez-le dans la combine géniale qu’un type lui a proposé,
4. Accomplissez le casse en bidouillant le système de sécurité,
5. Ne vous méfiez pas et tournez le dos à un type armé,
6. Sortez du trou, couvert de sang, de terre, la rage au ventre et ruminez votre vengeance.

Pour réussir à avoir un type à vos basques qui veut se venger, il suffit de ne pas respecter sa parole et de demander à votre homme de main, qui a des problèmes de vue, de le tuer. Simple comme un coup de feu loupé…

Raconté ainsi, on pourrait croire que ce n’est jamais qu’une énième histoire de vengeance. En effet. Et pourtant, si cela semble à un récit réchauffé, l’auteur a réussi à lui donner un souffle et de la profondeur.

Tout en instrumentant sa vengeance, Durán va aussi nous parler de la ville de La Havane et de ce qu’il se passe à Cuba : misère noire, bidonvilles, émigration clandestine dans des barques, en direction des États-Unis, corruption, magouilles, salaires de merde, l’embargo…

La dictature qui ne dit pas son nom est sous-jacente. La génération de Rubén et de Durán n’a pas les mêmes aspirations que celle de leurs parents.

A la différence de la génération perdue de leurs parents, et de celle du désenchantement – ou plutôt des jérémiades- qui avait suivi, ils rejetaient le projet social collectif. Comme tant d’autres enfants nés sous la période spéciale, élevés dans une ouverture économique illusoire empreints d’un pragmatisme post-millenium, ils se sentaient totalement libérés des compromis idéologiques d’antan. Ils ne croyaient qu’en l’initiative personnelle. Il était clair pour eux qu’en politique les dés étaient pipés et que la seule issue qu’ils offraient étaient une salle d’attente donnant sur un futur toujours plus incertain.

Pas de bons sentiments, dans le scénario, cela se résout à la testostérone et avec des armes, bien entendu. Ceci n’est pas une vengeance fine, telle celle de Monte Cristo. Ce sera une traque, intelligente tout de même, afin de trouver le mystérieux commanditaire du casse.

En alternance avec le récit, des chapitres seront consacrés à la jeunesse de Durán et à ses années passées en prison, avec toutes les emmerdes que cela implique (dont les viols). Durán semble être fait de métal, pourtant, il a des faiblesses, mais au moins, il apprend de ses erreurs.

Un roman noir brutal, sans concessions, ou quelques surprises nous attendrons au tournant. Le roman n’est ni trop long, ni trop court, en 256 pages, l’auteur arrive à planter ses décors, à donner vie à ses personnages, à les étoffer, sans en faire trop, tout en nous dressant un portrait peu flatteur de La Havane.

Un bon roman noir où l’on ne s’ennuie pas une seconde. Dès les premières pages, je me suis faite happer par le récit et j’ai apprécié ma folle cavalcade avec l’ami Durán et ses guns.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°2XX], Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres chez Bidb » (Cuba) et Le Mois Espagnol (et Sud-Américain) chez Sharon – Mai 2022 (Fiche N°19).

Nos vies en flammes : David Joy

Titre : Nos vies en flammes

Auteur : David Joy
Édition : Sonatine Thriller/Policier (20/01/2022)
Édition Originale : When These Mountains Burn (2020)
Traduction : Fabrice Pointeau

Résumé :
Retraité depuis quelques années du service des forêts, Ray mène une vie solitaire dans sa ferme des Appalaches. Il attend sans vraiment attendre que son fils Ricky vienne le rejoindre. Mais celui-ci a d’autres préoccupations – se procurer sa dose quotidienne de drogue, par exemple.

Autour d’eux, leur monde est en train de sombrer : le chômage qui s’est abattu sur la région, les petites villes dont la vie s’est peu à peu retirée, la misère sociale, la drogue. Bref, l’Amérique d’aujourd’hui, dont Ray contemple les ruines, alors que les montagnes environnantes sont ravagées par un incendie.

Le jour où un dealer l’appelle pour lui réclamer l’argent que lui doit son fils, Ray se dit qu’il est temps de se lever. C’est le début d’un combat contre tout ce qui le révolte. Avec, peut-être, au bout du chemin, un nouvel espoir.

Critique :
La région des Appalaches est un formidable terreau pour les auteurs de roman noir car tous les ingrédients y sont réunis pour donner de l’épaisseur au contexte social : chômage, pauvreté, misère sociale, drogues, paumés, forêts dévastées par la surexploitation…

Les personnages sont à l’image de cette région : désespérés, camés, perdus…

Dans ce roman fort noir, plusieurs destins vont s’entrecroiser : un père et son fils junkie qu’il ne veut plus voir, un frère drogué et sa sœur qui n’en peut plus de le voir dévaster sa vie, des dealers, des flics qui tentent de faire leur job, des ripoux. La totale, quoi.

L’auteur ne tire pas à boulets rouges sur les drogués, bien au contraire, il arrive facilement à nous expliquer ce qu’est devenue leur vie depuis qu’ils se sont camés, commençant, comme bien des autres, avec des médicaments prescrits à volonté après un accident ou tout simplement volés, achetés à la sauvette.

Les drogués sont seuls, leurs familles sont dévastées, elles ne savent plus comment les aider, ne veulent plus le faire, ne veulent plus les croire parce qu’elles savent que leurs promesses d’arrêter ne sont que des paroles en l’air, que dès qu’ils le pourront, les drogués les voleront pour aller s’acheter leur dose.

Les drogués oublient très vite leurs bonnes résolutions une fois que l’on agite un sachet devant eux, ou à la perspective d’en avoir un.

Ce sont des portraits d’une Amérique jeune et dévastée que l’auteur dresse et le constat est amer : ce sont les gouvernements qui ont commencé à droguer leurs concitoyens en laissant arriver sur le marché des médicaments dont personne n’avait pris la peine de signaler qu’ils entraîneraient une forte dépendance.

Une fois de plus, David Joy nous dépeint une Amérique qui part en eau de boudin, qui sacrifie ses jeunes, ses habitants, se foutant pas mal de leurs déchéances, de leur misère… Justice absente, flics débordés, parents dépassés, tout est réuni pour que les drames arrivent.

C’est sombre, noir, les portraits des personnages sont taillés à la serpe, sans fioritures, à l’os, mais il n’en fallait pas plus pour leur donner une épaisseur. Avec peu de matière, l’auteur vous fabrique des portraits réalistes.

Mon seul bémol est que je n’ai pas ressentit des émotions fortes durant ma lecture, comme j’en avais ressentie avec les autres romans de Joy (Là où les lumières se perdent / Ce lien entre nous).

Malgré tout, ce roman est puissant et explore avec justesse les relations familiales entre les drogués et les membres de leur famille qui en ont vu de toutes les couleurs.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°119] et Le Mois du Polar chez Sharon (Février 2022 – N°01).