Orphlins de sang : Patrick Bard

Titre : Orphelins de sang 🇬🇹

Auteur : Patrick Bard
Édition : Points Policier (07/06/2012)

Résumé :
A Ciudad de Guatemala (🇬🇹), l’une des villes les plus violentes du monde, deux jeunes femmes mayas gisent dans la boue d’un terrain vague à côté d’un jouet en peluche.

L’une est morte. L’autre a survécu par miracle, mais sa fille de dix mois a disparu. C’est ce qu’elle confie à Victor Hugo Hueso, un officier des pompiers municipaux qui rêve de devenir journaliste.

L’apprenti reporter décide alors de mener l’enquête, loin de se douter qu’il met ainsi le doigt dans l’engrenage infernal du négoce le plus florissant de son pays : le vol et le commerce de masse des enfants.

Loin de là, en Californie, Katie et John Mac Cormack, désespérés par leur stérilité, font appel à une association d’adoption express au-dessus de tout soupçon. Entre les deux extrémités de la chaîne agissent de pitoyables crapules de bidonvilles, d’anciens tortionnaires reconvertis dans la police, des ex-militaires patrons de sociétés de sécurité privées, des avocats sans scrupule.

Mais rien ni personne ne saurait arrêter Victor Hugo Hueso, résolu à aller jusqu’au bout pour retrouver la petite Claudia, fût-ce au péril de sa vie et, pire, de celle des siens.

Critique :
Voilà 12 ans que ce roman prenait les poussières dans ma biblio, alors que je voulais lire assez vite… Hem, la faute est réparée. Mais je regrette d’avoir traîné aussi longtemps à le lire.

Voilà un roman noir comme je les aime : addictif, serré, violent, parlant de faits réels, de faits de sociétés. En une soirée, j’avais déjà dévoré la moitié de ses 410 pages, sans voir le temps passer.

Contrairement à un thriller pur race, qui se contente d’action et de scènes de crimes inventives, ce roman noir n’a jamais manqué de profondeur et est resté collé à la terrible réalité de l’Histoire du Guatemala, avec les milices, les viols de dizaine de milliers de femmes, les massacres, les assassinats et les vols d’enfants pour les vendre à des gens qui ne savent pas en avoir et qui ont les moyens. Et non, tous les adoptants ne savaient pas que les bébés avaient été volés à des mères.

Dans ce roman noir, plusieurs fils narratifs ont lieu, sans que l’on sache si ensuite, ils vont se croiser. D’un côté, nous suivrons Victor Hugo Hueso, officier des pompiers municipaux, qui va enquêter sur le rapt d’un enfant guatémaltèque et de l’autre, nous suivrons la quête d’un couple d’américains qui, désirant adopter un enfant, vont se tourner vers les réseaux d’adoption en provenance du Guatemala, suite à de multiples échecs avec d’autres pays.

L’Histoire violente du Guatemala est parfaitement incorporée dans le récit et l’auteur n’en fera pas des tonnes pour nous expliquer toute l’horreur des massacres, des injustices et des viols dont ont souffert les femmes (et les jeunes filles), qui, se retrouvant enceintes de leurs tortionnaires (elles étaient leur esclaves), ont vendu leurs bébés, amorçant à ce moment-là la pompe et mettant en route un engrenage qui ne s’arrêtera plus ensuite : il fallait des bébés à vendre. Avant, ils exportaient des bananes, ensuite, ils exportèrent des enfants.

Il ne se privera pas non plus pour dénoncer le travail d’esclaves que font subir les multinationales aux femmes, les faisant bosser durant des heures, en leur donnant juste de quoi ne pas s’endormir à leur poste de travail… Non, ce n’est pas du Raide Bull, ce sont des pastilles et non, ce ne sont pas des Valda… Vous m’avez compris ? De la drogue, pour ceux qui seraient mal réveillés. Et elles sont payées des clopinettes et pas question de monter un syndicat ou de parler de grève.

C’est un roman très noir qui explore la face cachée et sombre du Guatemala, qui nous plonge dans les quartiers miséreux, où les flics n’osent pas aller. De toute façon, les flics sont des pourris, corrompus jusqu’à la moëlle, comme tout le système du pays, chacun prélevant son écot sur le dos des autres, telles des tiques sur le dos d’un chien.

Non, pas d’éthique dans ce système, le Guatemala étant décrit par ses habitants comme un Moloch qui dévore ses propres enfants. La population se fait parfois justice elle-même, lynchant une personne en l’accusant d’avoir tué une gamine (après enlèvement), alors que cette personne porte en elle la vie. La logique fait toujours défaut à la foule enragée, c’est bien connu. Elle veut du sang.

Le monde décrit dans ces pages est terrible, horrible, merdique, sombre, mais au moins, à la fin, l’auteur nous offre une loupiote d’espoir, une petite flamme brillante qui nous fait refermer le livre avec un petit sourire de joie. Et croyez-moi, il faisait du bien.

Un roman noir sans concession, qui parle d’Histoire et de squelettes dans les placards, de violences faites aux femmes (c’est toujours pour nous), aux enfants, tandis que les hommes boivent, ne foutent rien, frappent leurs femmes, tout en les laissant trimer à l’usine. Bref, une société dans laquelle il vaut mieux être un mec qu’une meuf. Un magnifique roman, qui frappe où il faut et qui vous remuera les tripes.

Darwyne : Colin Niel

Titre : Darwyne

Auteur : Colin Niel
Édition : du Rouergue – Noir (24/08/2022)

Résumé :
Darwyne Massily, un garçon de dix ans, légèrement handicapé, vit à Bois Sec, un bidonville gagné sur la jungle infinie. Et le centre de sa vie, c’est sa mère Yolanda, une femme qui ne ressemble à nulle autre, bien plus belle, bien plus forte, bien plus courageuse.

Mais c’est compter sans les beaux-pères qui viennent régulièrement s’installer dans le petit carbet en lisière de forêt. Justement un nouvel homme entre dans la vie de sa mère : Jhonson, un vrai géant celui-là.

Et au même moment surgit Mathurine, une employée de la protection de l’enfance. On lui a confié un signalement concernant le garçon. Une première évaluation sociale a été conduite quelques mois auparavant par une collègue qui a alors quitté précipitamment la région.

Critique :
J’ai encore dû être maraboutée, ce n’est pas possible autrement ! Voilà encore un roman bien coté sur Babelio, qui a tourné sur bien des blogs, toujours avec des chroniques élogieuses et moi, bardaf, je passe à côté (idem avec « Le silence » de Lehane).

J’avais lu que ce roman avait des airs avec « Vipère au poing » ou « Les noces barbares », et effectivement, on est dans le même genre de récit : noir, violent, sordide.

Darwyne est un gamin qui vit près d’une forêt, dans l’Amazonie et il est né avec des malformations sur le corps. Yolanda, sa mère, se débrouille comme elle peu, elle est travailleuse et le gamin ne semble manquer de rien…

Ce roman noir avait tout pour me plaire : un bidonville, de la misère, une relation mère-fils effroyable, un récit aussi poisseux que la forêt aux alentours, des ambiances moites, des beaux-pères qui disparaissent, une dame des services de protection de l’enfance qui tourne autour et des critiques élogieuses.

Alors pourquoi ça a foiré ? Je ne sais pas… Dès le départ, j’ai patiné avec le récit, n’avançant qu’à petits pas, comme si je marchais dans cette forêt amazonienne qui prend toujours plus d’ampleur, malgré les coupes. Comme si je marchais dans la boue, je pataugeais avec l’histoire, malgré le fait que je me sois attachée à Darwyne.

J’ai aimé sa relation avec la nature, sa manière qu’il a de l’apprivoiser, de la comprendre, de fuir les relations humaines, de regarder de travers les amants de sa mère, qui le chassent dans l’autre pièce, puisqu’ils dorment avec sa mère, jusqu’à ce qu’ils partent, sans laisser d’adresses.

J’ai aimé la relation qui nait entre Mathurine, des services de protection de l’enfance et cet étrange gamin tout cabossé. J’ai été horrifiée du comportement de sa mère, sorte de Folcoche de l’Amazonie, qui le rabaisse plus bas que terre.

Si la première moitié du roman ne m’a pas emballée, j’ai préféré la seconde moitié, plus sombre, plus intéressante et là, j’ai repris pied dans le récit et j’ai pu arriver jusqu’au bout.

Dommage que mes impressions ne rejoignent pas la horde de celles et ceux qui ont adoré ce roman et l’ont ajouté dans leurs coups de coeur…

Abondance : Jakob Guanzon

Titre : Abondance

Auteur : Jakob Guanzon
Édition : La Croisée (10/01/2023)
Édition Originale : Abundance (2021)
Traduction : Charles Bonnot

Résumé :
Un père et son fils de 8 ans tentent de survivre. Mangeront-ils aujourd’hui ? Où dormiront-ils ? Pourront-ils se laver ? Que faire si l’un d’eux tombe malade ?

Ce roman ne se passe pas au 19e siècle, mais dans l’Amérique d’aujourd’hui, celle des villes meurtries par le chômage, la pauvreté, la violence.

Pour ce duo toujours sur le fil, chaque acte et achat du quotidien est une odyssée cruelle, pour qui n’a presque plus d’argent – et presque plus d’espoir.

Roman court inoubliable, à la fois ultra-réaliste et terriblement tendre, Abondance a été acclamé à sa parution pour sa réalité choc et sa finesse psychologique. Il a été sélectionné pour le National Book Award 2021.

Critique :
Le rêve américain a peut-être existé pour certains, mais il y a eu beaucoup de rêveurs et peu d’élus. Henry, père célibataire, sait que ce n’est qu’une utopie, lui qui vit dans sa voiture, avec son gamin de 8 ans et 70$ dans la poche.

Ce roman qui parle de misère sociale, de l’Amérique des laissés pour compte, de ceux qui se trouvent en bas, sans rien, alternera deux époques, deux récits.

Le premier est consacré au présent, à Henry et à son gamin qui vient de fêter son anniversaire au MacDo et à la journée du lendemain, qui est cruciale, car Henry a un entretien d’embauche hyper important.

L’autre partie du récit est consacrée au passé, à la jeunesse d’Henry auprès d’un père Philippin, qui ne montre pas ses sentiments, qui l’élève à la dure, qui est aigri d’avoir dû abandonner ses belles ambitions et devenir ouvrier pour faire vivre sa petite famille.

Henry n’est pas un homme qui s’est retrouvé endetté jusqu’au cou à cause des banques et des prêts immobiliers foireux. On pourrait dire que Henry s’est mis lui-même dans la merde, qu’il a joué, fait le con et perdu bien plus qu’il ne le pensait.

Déjà qu’au départ, il ne partait avec les bonnes cartes en main, les bonnes origines et que, au fil du temps, à force de faire de mauvais choix, de prendre des drogues et de se laisser guider par l’amour qu’il éprouve pour une fille, croisée au centre de désintoxe, il a définitivement prendre la mauvaise route et être incapable de revenir sur le droit chemin.

Ce roman, qui a tout d’un roman noir, tant le contexte social est important : malnutrition, difficulté pour vivre, se laver, dormir ailleurs que dans la bagnole, petits boulots au noir, pas d’assurance, de mutuelle, difficulté d’obtenir des soins de santé sans se ruiner, monte en puissance, tout doucement, prenant son temps pour nous amener au final, dont on ne sait s’il sera en forme de happy end ou au contraire, d’un réalisme sans pitié.

C’est un roman glaçant, car ce que vivent Henry et son fils, ils sont combien à le vivre au quotidien ? Tous ces gens qui tirent le diable par la queue et pour qui, aller au MacDo, équivaut à aller dans un resto select pour le commun des autres mortels, ceux qui ne sont pas dans la merde ?

Jamais le roman ne sombrera dans le pathos ou les pleurnicheries pour les lecteurs dans leurs chaumières. Le récit est assez froid et jamais je n’ai réussi à vibrer pour Henry et son gamin, à m’attacher à eux, c’est ce qui a rendu ma lecture moins émouvante que ce que j’espérais.

Par contre, j’ai adoré que les titres des chapitres soient le montant que Henry avait dans sa poche… Et là, on voit bien jusqu’où il a été quand il avait du fric et jusqu’où il est descendu ensuite.

Un roman sur la déchéance des uns et l’abondance des autres, quand, des ces magasins, il y a tout ce que l’on pourrait rêver (même des médicaments) et qu’on ne peut pas se l’acheter, car les poches sont vides et qu’avec un casier, il est difficile d’obtenir un boulot.

Un roman fort, dommage pour mon ressenti qui n’a pas été à la hauteur de mes attentes.

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°098]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°18.

Frère Athelstan – 11 – La pierre de sang : Paul C. Doherty

Titre : Frère Athelstan – 11 – La pierre de sang

Auteur : Paul C. Doherty
Édition : 10/18 Grands détectives (2013)
Édition Originale : Bloodstone (2011)
Traduction : Christiane Poussier et Nelly Markovic

Résumé :
Décembre, 1380. Lorsque le cadavre de Sir Robert Kilverby est découvert dans une pièce fermée à clé, Frère Athelstan est appelé pour aider le coroner du roi dans son enquête.

Car Sir Robert avait en sa possession une relique inestimable, une pierre de sang sacrée, qui a maintenant disparu. Sir Robert est-il mort d’une cause naturelle ou a-t-il été assassiné ?

Athelstan se montre sceptique vis-à-vis des rumeurs de malédiction qui plane sur Sir Robert, mais quand il découvre qu’un deuxième soldat a été horriblement assassiné dans la même nuit, les rumeurs ne semblent plus si farfelues…

Critique :
Pour terminer mes lectures 2023 en beauté, j’ai décidé d’aller faire un tour dans les ruelles puantes de Londres, avec mes deux vieux copains que sont le coroner du roi, John Cranston et son ami, Frère Athelstan.

Cette fois-ci, nous avons fait moins de tavernes que d’habitude, Cranston a moins bu et fait moins de sieste… Serait-il malade ? Que nenni, juste que nous n’avons pas eu le temps de prendre du bon temps, vu tous les meurtres qui ont eu lieu en 380 pages.

Dans cette enquête, nos deux amis vont marcher sur des œufs, car, une fois de plus, le régent, le terrible Jean de Gand, leur met la pression. Une relique a disparue et il faut la retrouver au plus vite.

La relique est le Passio Christi formé, selon la légende, par le sang et la sueur du Christ. C’est un rubis énorme qui vaut du fric, mais surtout, l’excommunication à celui ou celle qui le déroberait. De nos jours, ça fait rire, mais en 1380, personne ne rigole et tout le monde croise les doigts qu’on la retrouve.

Ce polar historique est fort détaillé en vie et mœurs de l’époque, ce n’est donc pas à lire si vous être à la recherche de course-poursuites à cheval ou de rythme endiablé. Athelstan prend son temps, même s’il a la pression du régent gérant le royaume.

On pourrait trouver des longueurs dans les récits de l’auteur, pour moi, il n’en est rien, j’apprécie toujours en apprendre un peu plus sur cette époque à laquelle je n’ai absolument pas envie de vivre et je trouve que cela immerge plus facilement les lecteurs dans l’époque, dans ses odeurs, ses habitants et leur mode de vie.

De plus, l’auteur n’est jamais lourd, toutes ces infos sont diluées dans le récit et je n’ai jamais l’impression de recevoir un cours magistral sur le Londres des années 1380. L’univers est riche et on sent que l’auteur connaît son sujet, sait de quoi il parle.

Pas de folies non plus dans les explications finales, tout est clair, logique, réaliste, sans chichis, mais au moins, ce n’est pas tarabiscoté ou capillotracté. Bref, ce que j’aime (même si j’adore les romans d’Agatha Christie et ses résolutions qui m’ont toujours troué le cul).

C’était une bonne pioche pour terminer l’année, en douceur (tout est relatif, vu les nombreuses morts), en beauté (relative aussi, avec les pendaisons, les odeurs, la misère, les gens qui grognent), avec deux vieux amis que je connais bien, maintenant, et que je retrouverai au cours de l’année qui vient, parce que décidemment, ces romans sont des petites douceurs, des gourmandises à lire sans prise de tête.

Une fin d’année réussie, coincée que j’étais entre un Athelstan et un Montalbano (pour la bouffe, préférez le commissaire Montalbano)…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°092].

Faire bientôt éclater la terre : Karl Marlantes

Titre : Faire bientôt éclater la terre

Auteur : Karl Marlantes
Édition : Calmann-Lévy Littérature étrangère (17/08/2022) – 866 pages
Édition Originale : Deep River (2020)
Traduction : Suzy Borello

Résumé :
Fuyant l’oppression russe du début du XXe siècle, trois jeunes Finlandais, Ilmari, Matti et leur sœur Aino, émigrent aux États-Unis, dans une colonie de bûcherons près de la Columbia River.

Abattre les arbres de la région se révèle une activité lucrative pour les patrons, d’autant qu’aucune loi ne protège les ouvriers. L’impétueuse Aino décide donc d’organiser un embryon de syndicat et lance une série de grèves violemment réprimées, tandis que ses frères tentent de bâtir leur nouvelle existence.

Au fil des ans, entre amours parfois tragiques, épreuves et rêves brisés, la fratrie va poursuivre sa quête d’une vie meilleure.

Saisissante de vérité, cette saga familiale raconte aussi bien les beautés de la forêt primaire et les ravages causés par son exploitation que les combats d’une génération entière en proie aux remous d’une Amérique qui se construit à toute vitesse.

Critique :
Ce livre n’est pas pour Idefix, le chien d’Obélix… Ça le ferait hurler à la mort de lire qu’on y abat tant et tant d’arbres…

Des arbres centenaires, millénaires, appartenant à des forêts primaires. Pas de tronçonneuses, juste des haches, des longues scies, de la sueur, du sang, des salaires de misère et l’exploitation de nombreux hommes par quelques hommes.

Ce pavé comprend assez bien d’ingrédients, notamment sur l’abatage des arbres, le syndicalisme naissant, le socialisme, le communisme, la lutte des classes, l’esclavage moderne, le travail des sages-femmes, les droits des femmes (heu, elles n’en en avaient pas), la Russie qui tenait la Finlande sous sa coupe, l’immigration aux États-Unis, soi-disant terre des libertés, les religions, l’effort de guerre pour la Première Guerre Mondiale, l’Espionage Act (*)…

Oui, ça fait beaucoup de matières à ingérer, à intégrer dans le texte pour en faire un récit qui doit tenir debout… Rome ne s’est pas faite en un jour, les États-Unis non plus et ce pavé de 850 pages mettra lui aussi du temps pour en venir à bout. Peut-être un peu trop…

Avec 200 pages de moins, cela aurait été mieux. Il y a trop de détails techniques, dans ce roman qui pèse une tonne. Le travail documentaire a été fastidieux pour l’auteur, sans aucun doute, il est précieux, je ne le nierai pas, mais purée, trop c’est trop.

Aino Koski est le personnage principal. Cette jeune finlandaise qui a fuit aux États-Unis est une syndicaliste convaincue, une Rouge, comme on dit, et à cette époque, c’est une insulte. Elle ne veut rien lâcher, elle harangue les bûcherons, leur parle de salaires équitables, de sécurité, de conditions de travail décentes, de capitalistes…

Raison elle a. Tout à fait raison, même. Hélas, face à des gens qui gagnent des misères en bossant dur et qui ne peuvent se permettre de faire grève ou de perdre leur emploi, elle frise parfois l’idéalisme, la folie pure (elle se fout souvent des conséquences pour les autres, ses proches).

Son caractère est fort, elle aime la liberté, ne croit pas à l’utilité des mariages (vive les unions libres), mais il m’a été impossible de l’apprécier, comme j’ai pu chérir d’autres femmes (filles) fortes de caractère dans d’autres romans.

Pour tout dire, elle m’a énervée bien souvent et fait lever les yeux au ciel. Malgré tout, je respecterai son engagement, car c’est grâce à ce genre de personne entêtée que nous avons des syndicats, l’inspection sécurité et hygiène,…

Les bémols posés, passons à ce qui est intéressant dans ce pavé ultra détaillé : c’est tout de même une page importante de l’Histoire des États-Unis qui se trouvent mises en scène dans ce pavé, notamment dans des secteurs que nous connaissons peu tels que l’abattage d’arbres, la pêche aux saumons, mais surtout, sur la naissance du syndicalisme. Il faut garder en mémoire que certains (certaines) ont risqué leur vie, se sont battus, ont pris des coups, affrontés des dangers, pour faire progresser les droits des travailleurs.

Lors de ma lecture de la saga Blackwater (1919 et après), avec la famille Caskey, j’étais chez les propriétaires de scierie, les capitalistes et je ne me suis jamais demandée si leurs ouvriers étaient bien payés, s’ils avaient des conditions de travail décentes, humaines. Avec le roman de Karl Marlantes, je me suis trouvée du côté des damnés de la forêt et ça changeait tout.

Les personnages sont nombreux, mais il est difficile de les confondre, tant ils sont différents les uns des autres, certains étant même plus intéressants que d’autres (Matti Koski, le petit frère d’Aino, Aksel Långström, Kullerrikki et Jouka Kaukonen). Ils ne manquent jamais de profondeur et sont tous bien travaillés, même le Kullerrikki, le voyou siffleur, qui n’a pas un grand rôle, mais est attachant.

Malgré mes bémols dû à l’abus de détails, ce pavé met tout de même en récit tout un pan de l’histoire du Nord-Ouest des États-Unis (de 1901 à 1950) et on se dit que bosser à cette époque n’avait rien d’une sinécure, que l’on mourrait souvent, que l’on se blessait tout autant, qu’il n’y avait aucune sécurité sociale, aucun syndicat et que les patrons étaient les rois…

Une grande fresque historique, familiale, un pavé énorme, qui est mieux passé chez les autres que chez moi, à cause des longueurs et du fait que je ne me sois pas vraiment attachée à Aino Koski (mais j’ai adoré les autres).

Ce roman, c’est une partie de la construction de l’Amérique, loin des rêves promis, vendus, attendus… C’est aussi une grande fresque familiale sur l’apprentissage, l’exil, l’amour, l’amitié, la solidarité et l’envie de s’élever, de réussir, de gagner sa vie, de nourrir les siens, de garder la tête haute.

(*) L’Espionage Act of 1917 est une loi fédérale des États-Unis adoptée le 15 juin 1917, peu après l’entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale. Elle a été modifiée à maintes reprises au fil des ans. Elle était destinée à empêcher toute tentative de gêne avec les opérations militaires américaines comme le soutien d’ennemis du pays pendant la guerre, la promotion de l’insubordination dans l’armée américaine ou l’interférence du recrutement militaire américain.

#Pavés de l’été – 15

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°035], Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023, Le Challenge « Les épais de l’été » 2023 (21 juin au 23 septembre) chez Dasola (par ta d loi du cine, « squatter » chez dasola) et « Pavés de l’été 2023 » chez La Petite Liste. 

Mascarade – Michael Talbot et Ida Davies 02 : Ray Celestin

Titre : Mascarade – Michael Talbot et Ida Davies 02

Auteur : Ray Celestin
Édition : 10/18 (2018) – 624 pages
Édition Originale : Dead Man’s Blues (2016)
Traduction : Jean Szlamowicz

Résumé :
1928. Chicago est la cité de tous les contrastes. Du ghetto noir aux riches familles blanches, en passant par la mafia italienne tenue par Al Capone, la ville vit au rythme du jazz, de la prohibition et surtout du crime, que la police a du mal à endiguer.

C’est dans ce contexte trouble qu’une femme appartenant à l’une des plus riches dynasties de la ville fait appel à l’agence Pinkerton. Sa fille et le fiancé de celle-ci ont mystérieusement disparu la veille de leur mariage.

Les détectives Michael Talbot et Ida Davies, aidés par un jeune jazzman, Louis Armstrong, vont se charger des investigations.

Au même moment, le corps d’un homme blanc est retrouvé dans une ruelle du quartier noir. Le meurtre en rappelle un autre à Jacob Russo, photographe de scènes de crime, qui décide de mener son enquête.

Quel est le lien entre ces deux affaires ? Y a-t-il un rapport avec le crime organisé ? Car la vieille école d’Al Capone et de la contrebande d’alcool est menacée par de jeunes loups aux dents longues qui, tels Lucky Luciano ou Meyer Lansky, n’hésitent pas à se lancer dans le trafic de drogue.

Jazz, mafia, tensions raciales et meurtres inexpliqués, après Carnaval, nous retrouvons dans ce thriller passionnant, inspiré de faits réels, le cocktail explosif qui fait la signature de Ray Celestin.

Critique :
Bien que je n’aime pas le jazz, lire un roman noir qui en parle n’est pas un problème pour moi, puisque je n’entendrai pas la musique (désolée pour celles et ceux qui adorent le jazz).

Et quand un roman noir se passe en 1928, à Chicago, durant le prohibition, une partie du récit dans l’organisation d’Al Capone et l’autre en compagnie d’un duo de détective de la Pinkerton, je suis pour.

Comme j’avais bien aimé le premier tome, il était plus que temps de lire la suite ! J’ai mis 8 ans avant de le sortir, je sais, c’est long (trop à lire dans mes biblios).

Nos deux détectives ont quitté La Nouvelle-Orléans pour Chicago. Une décennie est passée aussi. Les voilà chargé par une mère très riche de retrouver sa fille qui a disparu mystérieusement, en même temps que son fiancé.

Ce roman est polyphonique, parce qu’à côté de notre duo d’enquêteurs, nous auront aussi un certain Dante qui sera chargé par Al Capone de retrouver ceux qui ont tenté d’empoisonner une réception, réussissant à tuer des invités et à en envoyer d’autres à l’hosto et de l’autre, Jacob, un photographe, qui tente d’aider la police pour un crime sordide.

Ce roman noir est truffé d’anecdotes, qui vous plongeront dans le Chicago de ces années-là, comme si vous y étiez. C’est fort documenté et j’ai aimé ces extraits de journaux qui parlaient des événements qui avaient lieu à ce moment-là. L’auteur a parfois changé des faits historiques, mais il explique ses choix à la fin, expliquant le pourquoi du comment.

Les ambiances sont d’époque, chaudes, violentes, saturées d’alcool de contrebande et de mafiosi qui arrosent policiers, douaniers et politiciens. Le tout sur des airs de jazz puisque nous suivrons aussi le jeune Louis Armstrong (non, il n’a pas aussi marché sur la lune, ni gagné 7 fois le Tour de France) dans son ascension, le tour sur fond de ségrégation raciale (même si elle n’existe pas à Chicago, contrairement aux villes sudistes, elle est souvent appliquée).

Contrairement à ce qu’annonce le 4è de couverture, Armstrong n’enquêtera pas aux côtés de notre duo, même s’il donnera quelques renseignements à Ida. Dommage, j’aurais aimé le voir vraiment investiguer avec nos deux enquêteurs. Au moins, je l’ai suivi durant des enregistrements. Bien que je n’aime pas le jazz…

Les personnages sont bien travaillés et si leurs investigations ne se déroulent pas au pas de course, le rythme était là et le pavé s’est lu tout seul. L’intrigue n’est en rien simpliste et elle réservera des surprises à tout le monde. Et puis, avec la ville de Chicago dans les personnages et en décor, cela ajoute du piquant à l’enquête. Du poisseux aussi, nous sommes tout de même dans la ville du crime.

Si pendant la prohibition, il y avait du danger d’avoir de l’alcool frelaté et de finir à l’hôpital, avec des blessures graves (y’a des clients qui devenaient aveugles), vous ne prendrez aucun risque à lire ce roman noir aux accents de jazz. Que du contraire, vous pourriez même apprécier le voyage… Comme moi.

Et avoir envie de chanter : ♪ Armstrong, je ne suis pas noir ♫ Je suis blanc de peau ♪ Quand on veut chanter l’espoir ♫ Quel manque de pot… ♪ (Nougaro – Armstrong ©).

PS : L’auteur a écrit 4 romans avec ce duo de personnages (3 traduits en V.F). Il s’agit en fait d’une série de quatre ouvrages qui retracent l’histoire du jazz et de la mafia pendant cinquante ans au XXe siècle. Selon un procédé inspiré par l’Oulipo, chacune des quatre parties présente une ville, une décennie, un morceau, une saison, un thème et des conditions météorologiques différentes. Le troisième roman sera situé dans les années 1940, à New York et à l’automne.

#Pavés de l’été

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°028], Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023, Le Challenge « Les épais de l’été » 2023 (21 juin au 23 septembre) chez Dasola (par ta d loi du cine, « squatter » chez dasola) et « Pavés de l’été » chez La Petite Liste. 

Voyage à motocyclette : Ernesto Che Guevara

Titre : Voyage à motocyclette

Auteur : Ernesto Che Guevara
Édition : Au diable Vauvert – Les poches du diable (2021)
Édition Originale : Diarios de motocicleta (1993)
Traduction : Martine Thomas

Résumé :
En 1951, à bientôt vingt-quatre ans, Ernesto Guevara, alors jeune étudiant en médecine et fils de bonne famille désireux de découvrir le monde, grimpe à l’arrière de la Norton 500 de son ami Alberto Granado pour une traversée de l’Amérique latine qui deviendra un véritable voyage initiatique, embarquant le lecteur dans la variété des paysages, architectures et populations du pays.

Mais face à la misère omniprésente, ce voyage est aussi celui d’une prise de conscience politique, d’un sentiment de révolte qui se convertit en nécessité révolutionnaire.

La naissance de celui qui deviendra bientôt le commandante Che Guevara.

Critique :
« En 1951, durant ses études de médecine, Ernesto Rafael Guevara entreprend avec Alberto Granado un premier voyage à moto en Amérique latine. Il en effectuera un deuxième en 1953.

Avec cette première expédition, le Che est au contact quotidien de la pauvreté. Ce terrible constat a fait naître en lui le sentiment que seule une révolution pourrait permettre d’abolir les inégalités ». Voilà ce qu’il en est dit de ces carnets de voyage de Guevara…

Partis de San Francisco, en Argentine, sur une Norton 500, Ernesto Rafael Guevara part avec son ami Granado pour un périple à la Easy Rider. Sauf que la moto rendra l’âme en court de route et qu’ils continueront à pied… Leur but était d’atteindre l’Amérique du Nord, alors, ils continueront à pied, à cheval, peu importe le moyen de transport.

Normal de casser, lorsque l’on voyage sur une moto surchargée, où trop de choses tiennent grâce à des bouts de fil de fer… Au début, sur des routes encaissées, ils se taperont le cul sur la selle, auront des crevaisons de pneus, des casses, des pannes mécaniques… Mais ne dit-on pas que le plus important, dans un voyage, c’est le voyage lui-même ?

Argentine, Pérou, Chili, Colombie, Vénézuela, ça fait un sacré périple, des aventures à foisons et des rencontres de population. Bref, ça fait une lecture où il aurait été difficile de s’ennuyer et pourtant, c’est ce qui m’est arrivé !

J’ai sans doute dû descendre à la première crevaison, sans m’en rendre compte et les deux hommes sont parti sans moi. Durant tout le récit, j’ai passé mon temps à errer, sans jamais reprendre pied tout à fait dans leur voyage. Les seuls moments où je suis revenue dans le récit, c’est lorsque que Guevara a parlé de misère humaine, des vestiges Incas…

Là c’était intéressant, instructif et une fois ces passages terminés, je reprenais ma sieste. Le voyage de nos deux hommes a été plus long que prévu et il est à l’image de ma lecture : chaotique, long, pénible. Ils ont eux faim et moi j’avais faim d’un autre livre, de passer à autre chose.

Bref, ce livre, qui avait été recommandé par un (une) libraire sur l’émission « La grande librairie » n’a pas eu le même impact sur moi, puisque je suis passé à côté et que la lecture a été foirée sur toute la ligne, quasi.

Mais au moins, maintenant, je sais pourquoi on a surnommé Guevara « Che » ! En fait, « Che » est une sorte de tic de langage des Argentins, qui veut dire « Tiens » ou « hé ». S’il était de notre époque et jeune en pays francophone, on l’aurait surnommé « quoi » ou « du coup »…

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°26].

Tijuana Straits : Kem Nunn

Titre : Tijuana Straits 🇲🇽 / 🇺🇸

Auteur : Kem Nunn
Édition : 10/18 Domaine policier (2014)
Édition Originale : Tijuana Straits (2004)
Traduction : Natalie Zimmermann

Résumé :
Tijuana Straits, frontière de la Californie et du Mexique (🇲🇽 / 🇺🇸). Repris de justice, Sam Fahey mène là une vie solitaire et recluse. Cet ex-surfer, en proie à de fréquents accès de panique, est bien décidé à ne plus se mêler des affaires humaines.

Lorsqu’il recueille une jeune femme mexicaine, Magdalena, qu’on a essayé d’assassiner près de chez lui, son existence paisible et solitaire vole en éclats.

Activiste en lutte contre les injustices économiques de la région, où les grands groupes étrangers n’hésitent pas à exploiter les travailleurs mexicains et à polluer sans vergogne l’air et les rivières, Magdalena entraîne Sam à la recherche de ceux qui veulent sa mort.

Dans ce no-man’ s-land qu’est la frontière, patrie désolée de la corruption, de l’immigration clandestine, des trafiquants de drogue, où toute apparence s’avère trompeuse, Sam devra aller au bout de lui-même pour, peut-être, trouver la rédemption.

Critique :
Cela faisait trop longtemps que Tijuana Straits traînait dans mes étagères. Il était plus que temps de le lire. Maintenant que c’est fait, je me demande pourquoi je ne l’ai pas lu plus tôt…

Ce roman, c’est comme une vague pour le surf, on commence doucement, des trucs pas trop durs, mais pas trop gentils non plus, durant tout un temps, on pense que la mer est calme, que le tsunami n’arrivera pas et puis bardaf, ça vous tombe dessus et ça emporte tout.

Tout d’abord, nous ferons connaissance avec Sam Fahey, un ancien surfeur, un type qui avait tout pour réussir dans la vie et qui en faisant les mauvais choix (pour gagner plus de fric, plus vite), s’est trop souvent retrouvé dans la case prison, sans passer par la banque.

Magdalena est une activiste, qui vit au Mexique et qui, après quelques péripéties, va se retrouver du côté américain, à la frontière entre les deux pays, de l’autre côté du mur, des fils, des barrières en fer. Et puis il y a un autre type, un de ceux dont on n’a pas envie de croiser la route…

L’auteur ne nous livre pas un thriller haletant où tout le monde court comme des poulets sans têtes. Il prend le temps de poser son décor (pas paradisiaque) et de présenter ses personnages principaux, remontant le fil du temps afin qu’on puisse mieux les appréhender. C’est aussi une bonne occasion pour nous parler de la misère au Mexique, loin des cartes postales touristiques.

Armando avait un boulot, comme d’autres, mais dans une usine où le comité sécurité et hygiène est aux abonnés absents, de même que les syndicats, les droits des travailleurs et où les femmes enceintes ne sont pas travailleuses protégées. Les gens bossent avec des solvants, des diluants, des colles fortes, sans protection, pour un salaire de misère.

Il y a une grande part écologique aussi, dans ce récit, puisque Magdalena a le rêve un peu fou que les pollueurs soient les payeurs et surtout, qu’ils nettoient leurs merdes, leur pollution et qu’ils soient jugés (et punis) pour tous les torts qu’ils ont commis et dont les principales victimes sont les habitants qui respirent, boivent, vivent dans des pollutions hautement dangereuse.

Le rythme n’est pas trépidant, mais le plaisir de lecture est ailleurs, notamment dans les portraits des personnages, ni tout blancs, ni tout noirs, dans la critique des sociétés mexicaines et américaines, dans le scénario qui ne manque pas de profondeur, dans la partie écologique (sans devenir indigeste), dans les conditions de travail décrites. Bref, tout ce qui fait d’un roman un grand roman noir, sombre, violent, mais pas que ça.

Parce que oui, dans toute cette boue polluée, il y a une lueur d’espoir, celle que l’on appelle la rédemption et que certains cherchent afin de donner un sens à leur vie, afin de réparer les erreurs du passé, afin de ne plus être lâche, afin d’avoir de la dignité, afin de se racheter à leurs propres yeux.

Tijuana Straits est un bon roman noir, avec tous les ingrédients qu’il faut, de qualité, le tout cuisiné à l’ancienne, avec des vrais morceaux de hard-boiled dedans, sans pour autant que l’auteur ait forcé sur les quantités.

Mais pourquoi l’ai-je laissé prendre si longtemps les poussières, moi ???

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°190] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°19].

Toute la poussière du chemin : Wander Antunes et Jaime Martin

Titre : Toute la poussière du chemin

Scénariste : Wander Antunes 🇧🇷
Dessinateur : Jaime Martin 🇪🇸

Édition : Dupuis Aire libre (2010)

Résumé :
Bien loin du rêve américain, Wander Antunes et Jaime Martin nous entraînent sur les routes poussiéreuses du sud des États-Unis, à la suite de milliers d’hommes chassés de chez eux par la crise de 1929.

L’un d’entre eux, Tom, fuit l’ombre d’un passé que l’on devine douloureux. Misanthrope muré dans le silence et la solitude, il va pourtant accepter de partir à la recherche d’un enfant disparu.

Le visage de l’Amérique qu’il va rencontrer, au gré de ses pérégrinations, va être celui de la violence, du racisme et de l’injustice, exacerbés par la crise que traverse le pays.

Un récit âpre, qui raconte la quête d’un homme seul face à l’iniquité des représentants de l’ordre et à la brutalité d’hommes sans foi ni loi, dont la force évocatrice n’est pas sans rappeler les écrits réalistes et politiques de Georges Orwell.

Critique :
La crise économique de 1929 a jeté des gens sur les routes, sans oublier le Dust Bowl. Les banques ont tout pris aux fermiers, aux pauvres gens et ensuite, elles ont fait faillite (les hauts placés sont sans doute foutu le camp avec le fric des autres).

Tom fait partie de ces hobboes qui voyagent en train, dans cette Amérique exsangue, dans ce Sud ségrégationniste, raciste, méchant, violent, meurtrier, où les gens n’ont que les mots « nègres » et « lynchage » à la bouche.

Le road-trip de Tom n’est pas de tout repos. Lorsqu’un pays est en crise, la solidarité fout souvent le camp la première et on a l’impression que le cerveau reptilien est seul aux commandes, tant les gens deviennent agressifs, violents, avec des tendance meurtrière. C’est le replis sur soi. L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine à la violence.

J’ai apprécié les dessins dans des tons lavés, jaunâtre, ces visages pas toujours détaillé. Bizarrement, ça a passé comme une lettre à la poste. Idem avec le scénario, qui est simple, mais très fort, très profond.

Si le récit semble saccadé, il se lit pourtant très facilement et trouve son rythme assez vite, nous emportant dans cette Amérique de 1929 où l’on voyage en schmet dans les wagons de trains de marchandises.

Tom est un personnage tourmenté, mais attachant, on apprendra plus tard ce qui le tourmente ainsi. Au moins, lui, ne perd pas son humanité, alors qu’il était si facile de la paumer sur les chemins poussiéreux et semés d’embûches (et des types armés), de devenir égoïste et de bouffer les autres pour ne pas être bouffé aussi.

Une bédé forte, âpre, qui ne fait pas dans le sentimentalisme, même si elle laisse la porte entrouverte pour apporter un peu de lumière dans ce monde sombre, rempli de brutes armées de gourdins, de flingues et qui n’hésite pas à tirer sur tout ce qui n’appartient pas à leur ville, village… Les flics n’étant pas mieux.

Ce petit côté manichéen ne m’a pas empêché de savourer cette bédé, car tout le monde n’était pas mauvais dans l’affaire et la solidarité, même en voie de disparition, se débattait encore pour exister.

Une bédé à découvrir, assurément !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°187] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°13].

Un Monde divisé pour tous,… suivi de Les Pauvres : Roberto Sosa

Titre : Un Monde divisé pour tous,… suivi de Les Pauvres

Auteur : Roberto Sosa 🇭🇳 (Honduras)
Édition : Seghers (1977)
Édition Originale : Un mundo para todos dividido (1984)
Traduction : Joaquin Medina Oviedo

Résumé :
Le poète Roberto Sosa (1930 – 2011) est l’un des grands poètes d’Amérique Centrale et l’icône de son pays, le Honduras.

Roberto Sosa défend et croit dans le pouvoir de la poésie pour éveiller la conscience du monde et dénoncer la misère et l’oppression politique.

Roberto Sosa est considéré comme le poète national du Honduras. Ses poèmes, considérés comme une résistance à l’oppression, ont souvent fleuri sur les murs de certaines villes de l’Amérique Centrale.

Critique :
La poésie et moi, cela fait deux… Non pas que je ne l’aime pas, mais j’ai beaucoup de mal à lire des recueils de poèmes, alors que j’aimerais en lire plus souvent.

Si j’ai acquis ce petit recueil de poésie de cet auteur qui m’était inconnu, c’est parce qu’il venait du Honduras et que je n’avais jamais lu de littérature hondurienne.

Du le rayon de la bouquinerie où je l’ai extirpé, un peu par hasard, je me suis dit qu’il ferait parfaitement l’affaire pour le Mois Espagnol et Sud-Américain du mois de mai.

Dans ce petit recueil, les pages de gauche comportent les poèmes en V.O (espagnol) et les pages de droites sont pour les traductions. C’est agréable, j’ai pu lire quelques phrases en espagnol et tenter de comprendre ce que cela voulait dire.

Verdict ? Mon espagnol est aussi mauvais que mon italien ! Mais qu’à cela ne tienne, sur la page de droite, en français, ça allait tout de suite mieux !

Je ne dirai pas que ces poésies m’ont plongées dans un état extatique, mais leur lecture était assez facile, rapide et plaisante.

Cancion para un gato muerto (chanson pour un chat mort) :
[…] Il implorait mon aide en m’appelant, rongé par l’ombre,
de ses petites lumières verticales félines,
s’éloignant tout raide dans la bruine de l’agonie.
Et à la fin jusqu’à l’abîme, pour ne blesser personne
avec le frôlement de sa dépouille, le pauvre petit animal
est mort seul dilué dans la pénombre.

Bon, ce n’est pas avec lui que je deviendrai folle de poésie (sans doute ne le deviendrai-je jamais), mais au moins, j’ai lu tous les poèmes et j’ai passé un petit moment dans une bulle, loin de tout.

Et maintenant, je peux colorier le Honduras sur la mappemonde !

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°07].