Orphlins de sang : Patrick Bard

Titre : Orphelins de sang 🇬🇹

Auteur : Patrick Bard
Édition : Points Policier (07/06/2012)

Résumé :
A Ciudad de Guatemala (🇬🇹), l’une des villes les plus violentes du monde, deux jeunes femmes mayas gisent dans la boue d’un terrain vague à côté d’un jouet en peluche.

L’une est morte. L’autre a survécu par miracle, mais sa fille de dix mois a disparu. C’est ce qu’elle confie à Victor Hugo Hueso, un officier des pompiers municipaux qui rêve de devenir journaliste.

L’apprenti reporter décide alors de mener l’enquête, loin de se douter qu’il met ainsi le doigt dans l’engrenage infernal du négoce le plus florissant de son pays : le vol et le commerce de masse des enfants.

Loin de là, en Californie, Katie et John Mac Cormack, désespérés par leur stérilité, font appel à une association d’adoption express au-dessus de tout soupçon. Entre les deux extrémités de la chaîne agissent de pitoyables crapules de bidonvilles, d’anciens tortionnaires reconvertis dans la police, des ex-militaires patrons de sociétés de sécurité privées, des avocats sans scrupule.

Mais rien ni personne ne saurait arrêter Victor Hugo Hueso, résolu à aller jusqu’au bout pour retrouver la petite Claudia, fût-ce au péril de sa vie et, pire, de celle des siens.

Critique :
Voilà 12 ans que ce roman prenait les poussières dans ma biblio, alors que je voulais lire assez vite… Hem, la faute est réparée. Mais je regrette d’avoir traîné aussi longtemps à le lire.

Voilà un roman noir comme je les aime : addictif, serré, violent, parlant de faits réels, de faits de sociétés. En une soirée, j’avais déjà dévoré la moitié de ses 410 pages, sans voir le temps passer.

Contrairement à un thriller pur race, qui se contente d’action et de scènes de crimes inventives, ce roman noir n’a jamais manqué de profondeur et est resté collé à la terrible réalité de l’Histoire du Guatemala, avec les milices, les viols de dizaine de milliers de femmes, les massacres, les assassinats et les vols d’enfants pour les vendre à des gens qui ne savent pas en avoir et qui ont les moyens. Et non, tous les adoptants ne savaient pas que les bébés avaient été volés à des mères.

Dans ce roman noir, plusieurs fils narratifs ont lieu, sans que l’on sache si ensuite, ils vont se croiser. D’un côté, nous suivrons Victor Hugo Hueso, officier des pompiers municipaux, qui va enquêter sur le rapt d’un enfant guatémaltèque et de l’autre, nous suivrons la quête d’un couple d’américains qui, désirant adopter un enfant, vont se tourner vers les réseaux d’adoption en provenance du Guatemala, suite à de multiples échecs avec d’autres pays.

L’Histoire violente du Guatemala est parfaitement incorporée dans le récit et l’auteur n’en fera pas des tonnes pour nous expliquer toute l’horreur des massacres, des injustices et des viols dont ont souffert les femmes (et les jeunes filles), qui, se retrouvant enceintes de leurs tortionnaires (elles étaient leur esclaves), ont vendu leurs bébés, amorçant à ce moment-là la pompe et mettant en route un engrenage qui ne s’arrêtera plus ensuite : il fallait des bébés à vendre. Avant, ils exportaient des bananes, ensuite, ils exportèrent des enfants.

Il ne se privera pas non plus pour dénoncer le travail d’esclaves que font subir les multinationales aux femmes, les faisant bosser durant des heures, en leur donnant juste de quoi ne pas s’endormir à leur poste de travail… Non, ce n’est pas du Raide Bull, ce sont des pastilles et non, ce ne sont pas des Valda… Vous m’avez compris ? De la drogue, pour ceux qui seraient mal réveillés. Et elles sont payées des clopinettes et pas question de monter un syndicat ou de parler de grève.

C’est un roman très noir qui explore la face cachée et sombre du Guatemala, qui nous plonge dans les quartiers miséreux, où les flics n’osent pas aller. De toute façon, les flics sont des pourris, corrompus jusqu’à la moëlle, comme tout le système du pays, chacun prélevant son écot sur le dos des autres, telles des tiques sur le dos d’un chien.

Non, pas d’éthique dans ce système, le Guatemala étant décrit par ses habitants comme un Moloch qui dévore ses propres enfants. La population se fait parfois justice elle-même, lynchant une personne en l’accusant d’avoir tué une gamine (après enlèvement), alors que cette personne porte en elle la vie. La logique fait toujours défaut à la foule enragée, c’est bien connu. Elle veut du sang.

Le monde décrit dans ces pages est terrible, horrible, merdique, sombre, mais au moins, à la fin, l’auteur nous offre une loupiote d’espoir, une petite flamme brillante qui nous fait refermer le livre avec un petit sourire de joie. Et croyez-moi, il faisait du bien.

Un roman noir sans concession, qui parle d’Histoire et de squelettes dans les placards, de violences faites aux femmes (c’est toujours pour nous), aux enfants, tandis que les hommes boivent, ne foutent rien, frappent leurs femmes, tout en les laissant trimer à l’usine. Bref, une société dans laquelle il vaut mieux être un mec qu’une meuf. Un magnifique roman, qui frappe où il faut et qui vous remuera les tripes.

Les Affreux : Jedidiah Ayres

Titre : Les Affreux

Auteur : Jedidiah Ayres
Édition : Les Arènes – Equinox (05/10/2022)
Édition Originale : Peckerwood (2013)
Traduction : Antoine Chainas

Résumé :
Plongez dans le quotidien de la bande des affreux du Missouri : arnaques, cadavres et balles perdues au programme.

Dans une petite ville du Missouri, Jimmy Mondale, shérif corrompu, doit gérer son ex-femme, sa fille rebelle, ses adjoints et son complice: un dangereux trafiquant de drogue qui utilise un magasin de pêche pour dissimuler ses activités illicites.

Ajoutez à cela un télévangéliste que deux voyous minables entreprennent de faire chanter, et vous obtenez une bande d’affreux qu’un drame local va entraîner dans une spirale infernale.

Critique :
Bienvenue à Hamilton… Non, Lewis, pas le pilote de F1 ! Hamilton, c’est petite ville située quelque part dans le Missouri et où vivent nos affreux.

Dans les bédés, les affreux sont souvent plus bêtes que méchants, mais dans ce roman noir, si certains de nos affreux ne brillent pas par leur intelligence, ils brillent par leur méchanceté et leur violence, tandis que d’autres, en plus d’être vicieux, ont de la matière grise dans la cervelle.

Voilà un roman noir comme je les aime : serré à fond, sombre, amer, sans sucres, sans lait, mais avec plein de portraits tous plus azimutés les uns que les autres.

Entre nos deux loosers, amateurs de braquages d’épiceries, de plans foireux et de plans cul, nous avons un shérif corrompu jusqu’à l’os et un dealer, intelligent, qui a su faire le ménage autour de lui et réduit la concurrence à presque zéro.

Tous portent des armes, les utilisent, boivent comme des trous et ont les mains avec du sang dessus, certains plus que d’autre. Quand on veut protéger son business, faut pas hésiter à flinguer, massacrer, réduire en cendre par le feu, les potentiels emmerdeurs.

Ne cherchez pas de la lumière ou de la rédemption dans ces pages, il n’y en a pas. Le business drogues/putes/magasin de pêche de Chowder Thompson tournait bien, le shérif Jimmy Mondale le protégeait et nos deux voyous minables que sont Terry Hickerson et Cal Dotson faisaient leurs petites magouilles dans leur coin.

Et puis, un caillou est venu gripper un peu la machine bien huilée et même si Chowder, aidé de sa fille, a résolu ce premier bug, d’autres ont suivis et tout s’est enchaîné jusqu’au bordel total final.

Peu de répit durant la lecture, ne fusse qu’avec ces portraits bien brossés des rednecks du Missouri et des trafiquants en tout genre, qui ont corrompu ce qu’il fallait pour avoir la paix. Nous avons beau être avec des affreux infréquentables que l’on ne voudrait pas dans sa ville, malgré tout, on les apprécie et je me suis même surprise à espérer qu’ils s’en sortent.

Ce roman noir, c’est un peu une comédie, grinçante, cynique, sombre, violente, sanglante et sans pitié, mais comédie humaine tout de même. Les dialogues sont croustillants, épicés, avec de la saveur et le scénario m’a tenu en haleine, tiraillée que j’étais entre les méchants et le Lucky Luke débarqué dans ce jeu de quilles, prêt à tout pour coincer ce beau monde.

Comme dans les romans noirs hard-boiled d’antan, nos hommes sont des durs à cuire, pas des mauviettes et ils sont prêts à tout pour sauver ce qu’ils doivent sauver, que ce soit leur business ou leur peau.

Bien entendu, tous ce jolicpetit monde fait partie de l’Amérique blanche et profonde, celle du Sud, celle qui n’aime pas les autres, celles qui ne roule pas sur l’or, qui magouille, qui triche, qui se plaint, qui ne fout pas grand-chose, mais espère beaucoup, comme nos deux loosers.

Anybref, c’est un roman noir qui se déguste sans sagesse, qui se boit d’une seule traite, laissant un goût de caféine en bouche et un sourire niais sur les lèvres. Le genre qui se termine trop vite et dont on aurait envie de s’enfiler un deuxième.

Ambiances moites et pesantes garanties, comme il est de rigueur dans les polars noirs.

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°000]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024).

Un seul parmi les vivants : Jon Sealy

Titre : Un seul parmi les vivants

Auteur : Jon Sealy
Éditions : Albin Michel Terres d’Amérique (2017) / 10/18 (2019)
Édition Originale : The whiskey baron (2014)
Traduction : Michel Lederer

Résumé :
Caroline du Sud, 1932. Par un soir d’été caniculaire, le vieux shérif Furman Chambers est tiré de son sommeil par un coup de téléphone : deux hommes ont été froidement abattus à la sortie d’une ancienne auberge qui sert désormais de couverture au trafic d’alcool de Larthan Tull, le « magnat du bourbon ».

Quand Chambers arrive sur les lieux, le nom du coupable circule déjà : Mary Jane Hopewell, un vétéran de la Grande Guerre, qui vit en marge de la société. Mais le shérif décide de mener l’enquête et se retrouve plongé dans une spirale de violence qui va bouleverser le destin de personnages inoubliables.

Critique :
1932, Caroline du Sud. La Grande Dépression est passée par là et la prohibition aussi. Alors, certains boivent pour oublier et d’autres produisent du bourbon de contrebande pour se faire des couilles en or.

Petites infos historiques, pour se coucher moins bête : le bourbon est fabriqué à partir de maïs alors que les autres whiskies sont conçus à partir d’autres céréales telles que l’orge, le seigle ou le blé. Et apparemment, le bourbon est aux États-Unis ce que le scotch est à l’Écosse.

Pas facile de distiller du bourbon sans se faire prendre. Certains ont essayé, ils ont eu des problèmes… Mais dans notre petite bourgade miséreuse, remplie de pauvres gens bossant dans les usines ou trimant sur leurs terres, l’un d’eux a une couverture géniale : il fabrique du soda ! C’est génial, la distillerie de bourbon est camouflée par le soda, tout comme les commandes d’ingrédients : maïs et sucre.

Le point de départ de ce roman noir qui parle de prohibition, c’est deux personnes assassinées par Mary Jane Hopewell, un vétéran de la Grande Guerre. Oui, Mary Jane est un homme, ce n’est pas son nom, mais son surnom.

Problème : personne ne croit que c’est lui, le chérif Chambers en premier. Il est vieux, ne pense qu’à sa pension et à siroter du bourbon de contrebande dans son bureau. No stress… Oui, mais, les hommes en noirs viennent de débarquer pour enquêter !

Ce roman noir est un roman social qui parle de l’Amérique blanche, celle d’en bas, celle qui travaille, qui peine, qui trime et qui a du mal à joindre les deux bouts. Comme la majorité sont pauvres, personne ne se rend compte qu’il est dans la dèche. Le seul qui a des thunes, c’est Larthan Tull, le « magnat du bourbon ».

Ceci n’est pas un thriller qui va à fond la caisse ! Tout le monde va à pied, hormis les livreurs de bourbon et les flics. C’est plus une partie de cache-cache que de 24h chrono. À pied, on va moins vite !

Le plus important, ce sont les ambiances : noires, sombres, sordides, parce que l’on se doute que à un moment, ça va exploser entre le magnat et celui qui a tenté de le doubler… Ou entre lui et le jeune garçon qui aime sa fille.

On ne sait pas où ça va péter, mais on sait que ce sera terrible. Effectivement, ce sera terrible et violent. L’autre chose importante, ce sont les portraits des personnages, tous bien esquissés, réalistes, profonds. Une belle galerie de personnages !

Un roman noir qui prend son temps, qui soigne ses personnages, ses ambiances, qui n’hésite pas à servir de l’alcool, dans des bocaux et à nous faire comprendre que les fermiers du coin gagent plus à vendre leur maïs au bootlegger (contrebandier d’alcool, pendant la prohibition) qu’à la coopérative des céréales. Un comble !

Un roman noir profond qui redonne vie à la prohibition, à la Grande Dépression et à un morceau des États-Unis à cette époque. Un roman noir qui possède une belle intensité dramatique.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°026] et Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.

L’or vert du Sangha : Pierre Pouchairet

Titre : L’or vert du Sangha

Auteur : Pierre Pouchairet
Édition : Filature(s) (23/09/2022)

Résumé :
Les élections présidentielles approchent au Sangha, pays fictif situé quelque part entre le Cameroun, la R.D.C et le Gabon. Le vieux président, dont les sondages prédisent la victoire avec 80% des suffrages, se prépare sans crainte à son sixième mandat…

Mais un challenger, le charismatique ancien footballeur Luc Otsiemi, coaché par un directeur de campagne français, gagne du terrain.

La journaliste Claire Dorval est envoyée par sa production pour couvrir l’évènement et faire une série de documentaires sur le pays.

Alors qu’elle glane des infos, le corps d’un de ses collègues est retrouvé à proximité d’une exploitation sauvage de bois précieux, le kevazingo, dont l’exportation est officiellement interdite…

Une enquête sanglante au coeur du trafic de bois, qui met à découvert les intérêts français, hérités de la France-Afrique, comme ceux étrangers, notamment chinois.

Critique :
Sans la chronique de Pierre (Black Novel 1), jamais je n’aurais eu l’envie de lire ce mélange de polar, d’enquête journalistique et de politique, dans un pays imaginaire d’Afrique centrale.

De quoi ça parle ? Vous prenez un shaker et vous y introduisez les ingrédients suivants : des personnages réalistes, un vieux dictateur africain qui s’accroche à son poste, la mort chelou d’un journaliste français, la déforestation et la coupe d’arbres protégés, un policier qui aime les vêtements voyants, des magouilles, des mafiosi, des Chinois trafiquants, des petits villages perdus dans les forêts, des croyances vaudous, de la drogue, des élections bidons et vous secouez fortement.

Ajoutez une touche d’écologie, quelques glaçons pour donner des sueurs froides et assaisonnez le tout avec de la poudre pour balle. Cocktail explosif qui vous vrille les entrailles à certains moments et qui vous glace la couenne, sans que les températures extérieures entrent en ligne de compte.

Ce roman policier n’est pas un thriller qui va à cent à l’heure, où chaque chapitre se termine par un rebondissement.

Non, non, l’auteur prend le temps de faire monter sa sauce, de placer les décors, grandeur nature, de poser ses personnages, de nous immerger dans l’Afrique que tout le monde pille, avec l’aide des autochtones qui cherchent l’argent facile (parfois juste pour survivre), de vous montrer que la corruption est à tous les étages, que tout le monde l’applique, en use et en abuse.

Bien entendu, plus vous êtes haut placé et plus vous vous en mettez plein les fouilles, avec ces magouilles.

Le territoire Africain regorge de ressources naturelles qui intéressent un maximum de sociétés, de nations, de mafiosi, de trafiquants, bref, beaucoup de monde se servent, bouffent à tous les râteliers, en se foutant bien de ce qu’ils laisseront après : un pays exsangue, une nature à l’agonie, des animaux sans habitat naturel.

Ce qu’ils ne savent pas (ou bien ils s’en foutent), c’est que si la Terre survivra sans problème au sale virus qu’est l’être humain, nous, l’humain, risquons de ne pas survivre à la perte des ressources naturelles, à force d’en prendre plus qu’il n’en faut, plus vite qu’elles ne poussent, qu’elle ne grandissent…

Anybref, c’est un roman exigeant, qu’il faut lire avec du temps devant soi, on ne le dévore pas à toute vitesse, vaut mieux aller lentement, afin de s’immerger dans tout cet univers mis en scène par l’auteur, où toute ressemblance avec des faits avérés et des personnages réels n’est absolument pas fortuite.

Un roman qui a tout d’une enquête d’investigation où tous les coups sont permis et où personne ne sait qui va gagner, ni qui peut trahir qui… L’enfer est pavé de bonnes intentions et un personnage le comprendra trop tard. Nous sommes dans un roman réaliste, pas dans un feel-good, ni chez les Bisounours, hélas.

Un roman qui m’a glacée et dont le final m’a secoué les tripes.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°102].

Trois vautours : Henry Trujillo

Titre : Trois vautours

Auteur : Henry Trujillo 🇺🇾
Édition : Actes Sud – Actes noirs (2012)
Édition Originale : Tres buitres (2007)
Traduction : Alexandra Carrasco

Résumé :
Pour gagner de quoi quitter l’Uruguay, un jeune homme accepte de passer une voiture en contrebande en Bolivie. Là-bas, il rencontre une magnifique paumée qui lui vole son passeport.

Pour le récupérer, il devra s’enfoncer encore un peu plus dans la marginalité. Un roman noir plein de misère et d’espoir.

Critique :
Les auteurs Uruguayens ne se battent pas dans mes étagères, Henry Trujillo étant le seul représentant de ce pays d’Amérique du Sud.

C’était donc une bonne occasion de profiter du challenge Mois Lusophone pour le sortir.

C’est un roman noir, indubitablement. La misère est présente, même si elle semble décrite de manière ténue par l’auteur.

Malgré tout, on sent bien sa présence dans les décors, les villages, les villes, les personnages, leurs actions…

Dans l’émission Top Chef, les chefs le disent tous : il faut du goût, du goût, du goût ! De l’audace, mais surtout du goût. Hélas, c’est ce qui a manqué dans ce roman noir : du goût, du peps, du sel, du rythme.

Tout est un peu lent, sans pour autant que le récit devienne intéressant. Le personnage principal manque de relief, de profondeur, est terne et il semble être le spectateur de sa propre vie.

Le tout manquant de cohérence, comme si l’auteur n’avait pas réussi à faire le lien entre ces différents chapitres, comme si personne ne savait vraiment où il allait aller. Le style est sans doute trop dépouillé.

Dommage parce que la description de la misère était bien réalisée, sans en faire de trop, sans sombrer dans le pathos. Avec quelques situations, nous avions déjà compris que nous étions chez les paumés, les miséreux, ceux qui tirent le diable par la queue.

Les décors étant en harmonie avec ces pauvres gens : perdus, arides, secs, poussiéreux.

Le final nous plongera dans une histoire glauque à faire frémir et on se dit que cela ne pouvait finir qu’ainsi pour certaines personnes.

Bon, une lecture à oublier, l’étincelle n’ayant jamais eu lieu (et pourtant, je n’ai sauté aucune pages, ce qui est paradoxal).

Le Mois Espagnol (et Sud-Américain) chez Sharon – Mai 2022 (Fiche N°27) et Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres chez Bidb » (Uruguay).

Le fleuve des rois : Taylor Brown

Titre : Le fleuve des rois

Auteur : Taylor Brown
Édition : Albin Michel – Terres d’Amérique (12/05/2021)
Édition Originale : The river of kings (2017)
Traduction : Laurent Boscq

Résumé :
Un an après le décès de leur père, Lawton et Hunter entreprennent de descendre l’Altamaha River en kayak pour disperser ses cendres dans l’océan.

C’est sur ce fleuve de Géorgie, et dans des circonstances troublantes, que cet homme ténébreux et secret a perdu la vie, et son aîné compte bien éclaircir les causes de sa mort.

Il faut dire que l’Altamaha River n’est pas un cours d’eau comme les autres : nombreuses sont ses légendes. On raconte notamment que c’est sur ses berges qu’aurait été établi l’un des premiers forts européens du continent au XVIe siècle, et qu’une créature mystérieuse vivrait tapie au fond de son lit.

Remontant le cours du temps et du fleuve, l’auteur retrace le périple des deux frères et le destin de Jacques Le Moyne de Morgues, dessinateur et cartographe du roi de France Charles IX, qui prit part à l’expédition de 1564 au cœur de cette région mythique du Nouveau Monde.

Critique :
Voilà un triptyque qui n’est pas banal et qui n’est jamais arrivé à me faire vibrer totalement.

Pour les incultes du fond de la clase, un triptyque n’est pas un vélo à trois roues, ni une partie de jambes en l’air à trois.

Les trois récits se déroulent à des époques différentes, dont une bien distincte.

Le premier met en scène le périple de Lawton et Hunter, remontant Altamaha River (Géorgie) en kayak pour disperser les cendres de leur père à un endroit précis.

Le deuxième va nous parler de la vie de leur père, un homme ténébreux, mystérieux, qui avait des multiples secrets, quant au troisième, il nous plongera dans le passé, en 1564, avec le récit de Jacques Le Moyne de Morgues.

C’est instructif, je le nierai pas. C’est très bien écrit, je ne pourrai pas le reprocher à l’auteur. Les décors sont très bien décrits, l’auteur ne lésine pas sur les descriptions sans que cela ne devienne lourd, les personnages sont travaillés, réalistes, avec leur part d’ombre, leurs qualités, leurs défauts, jamais manichéen.

Quant aux atmosphères, elles ont des vraies gueules d’atmosphère ! Nous sommes sur des terres à la fois sauvages et inhospitalières, où une légende parle d’un monstre marin, l’auteur nous parle aussi de préservation de la Nature, de l’exploitation exagérée par l’Homme des différents ressources du fleuve, de leur cochonneries qu’ils laissent trainer partout, de la pollution, de trafic de drogue, de l’installation des premiers colons français (Huguenots)…

Oui, une fois de plus, il y avait tous les ingrédients pour me plaire. Non, l’auteur ne s’est pas dispersé dans ses multiples sujets puisque tous se recoupent, se rejoignent, sont approfondis…

Où le bât a-t-il blessé ? Je cherche encore pourquoi j’ai ressenti de l’ennui à un certain moment, pourquoi j’ai décroché du récit et que la suite ne fut qu’une longue lecture dont je ne voyais pas la fin, comme un repas dont vous avez du mal à terminer.

Ce n’est ni la première, ni la dernière fois que je navigue à contre-courant (c’est le cas de dire, ici) des autres critiques et que je passe à côté d’un roman qui me tentait fort et qui possédait tout pour me faire vibrer.

Hélas, aucun personnage n’a réussi à m’émouvoir, à recevoir mon empathie, mon amitié. Malgré une belle écriture, du réalisme dans les décors, dans les personnages et dans l’histoire, je suis ressortie de cette lecture avec un sentiment mitigé. C’est le seul sentiment qui est ressorti de ma lecture.

Dommage…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°39].

 

[Angor] – Franck Sharko & Lucie Hennebelle 04 : Franck Thilliez

Titre : [Angor] – Franck Sharko & Lucie Hennebelle 04

Auteur : Franck Thilliez
Édition : Pocket Thriller (2015) – 638 pages

Résumé :
Camille Thibaut est jeune gendarme dans le nord de la France à Villeneuve d’Ascq. Très appréciée dans son service, certains de ses collègues s’inquiètent pour elle. Depuis son opération. Depuis sa greffe du cœur. Et depuis qu’elle a des cauchemars chaque nuit. Une femme séquestrée l’appelle au secours. Un rêve tellement vrai, comme un souvenir… celui de son donneur ?

Alors qu’elle est en plein rejet de greffe et qu’elle sait qu’elle va mourir, Camille n’a plus qu’une obsession : savoir qui lui a donné son cœur et quel drame son donneur a vécu… Au même moment, à une centaine de kilomètres de là, deux employés de l’Office National des Forêts constatent les dégâts des orages violents survenus en ce mois d’août.

Dans une cavité mise à jour par un arbre déraciné, ils croient apercevoir une ombre. L’un d’eux s’approche. Deux yeux presque blancs, dépourvus d’iris. C’est tout ce qu’il aura le temps de voir avant qu’une main venue du fond du trou lui agrippe les cheveux et tire de toutes ses forces.

Lucie et Sharko sont en train de donner le biberon à leurs jumeaux âgés d’un mois quand Franck est appelé sur une nouvelle affaire. Une femme semble avoir été victime d’une longue séquestration. Presque aveugle, tant elle est restée dans le noir.

Retrouvée… sous un arbre. Lucie est inquiète  » Plus jamais en première ligne  » lui a promis le père de ses enfants. Mais elle-même parviendra-t-elle à laisser son homme enquêter seul pendant qu’elle termine son congé maternité ?

D’autant que l’enquête prend des proportions inhabituelles lorsque Sharko s’aperçoit qu’à chacune de ses découvertes il a été devancé : par une jeune femme, gendarme dans le nord…

Critique :
J’ai un retard monstre dans mes Franck Thilliez et si je suis à jour avec ses dernières publications, il n’en est pas de même avec ses plus anciens romans. Shame on me parce que bien souvent, je les adore et ils sont hyper addictif.

Tellement addictif que je risque des soucis avec la brigade des addictions… Sans compter des problèmes que je risque parce que je ne suis pas la chronologie et que j’ai sauté des tomes.

Une fois de plus, Thilliez va jouer avec nous, nous entraîner là où on ne s’y attend pas, nous faisant courir dans de multiples directions, faire monter l’adrénaline et les pulsations cardiaques.

Le duo Frack Sharko & Lucie Hennebelle a évolué, les voici en couple et en train de pouponner leurs jumeaux. Le fait d’être père a ramolli un peu Sharko, d’ailleurs, il pense même mettre sa Lucie au placard, le reléguer à son rôle de mère, la croyant petite chose fragile alors qu’elle est flic comme lui, qu’elle a perdu ses jumelles et à surmonté ce deuil terrible… C’est une battante, pas une femme fragile.

Dans ce roman, on commence aussi avec plusieurs affaires et ça nous laissera peu de temps pour se tourner les pouces ou s’embêter durant sa lecture.

Ceci est un pavé de plus de 600 pages mais on ne les sent pas (sauf le poids du livre), elles se tournent toutes seules et le récit est rendu addictif du fait que l’on suivra plusieurs personnages lorsque l’on changera de chapitre.

Âmes sensibles, s’abstenir ! Avec Thilliez, on s’enfonce souvent dans le glauque, dans l’horreur, l’abomination : il faut avoir le cœur et les tripes bien accrochées. Parfois, on pourrait penser que l’auteur cherche à nous montrer ce qu’il y a de plus sombre chez l’Homme, de plus horrible, de plus dégueulasse.

De nouveau, j’ai retrouvé un élément dont l’auteur avait déjà utilisé dans un autre roman et cela m’a un peu gêné aux entournures, pour ma part, ce n’était pas nécessaire de jouer sur cette filiation.

De même que pour le voyage en Argentine où moult péripéties vont arriver à Sharko, comme si pour ajouter du suspense et du piment à son récit, l’auteur avait voulu lui jouer des tours pendables, le mettant dans des situations totalement périlleuses… Trop est l’ennemi du bien ou, comme on dit chez nous : « Trop is te veel » (trop c’est trop).

Comme toujours, beaucoup de choses se retrouvent au cœur (c’est le cas de le dire) du roman de Thilliez et l’on sent qu’il a bien potassé ses sujets afin que tout cela tienne ensemble et forme un tableau qui ne doit pas être bancal lorsqu’on le dévoilera au lectorat.

Le tableau restera cohérent si l’on fait abstraction de quelques sauvetages au bon moment (ils font du bien), de quelques facilités auxquelles l’auteur aura recours pour aider ses personnages qui enquêtent (ah, les doués en langues !) ou d’un personnage qui avait l’air d’être quelqu’un de bien et qui, au final, sera un abominable assassin, sans que l’on en sache plus sur lui et son basculement du côté obscur de la Force.

Ce pavé de Thilliez met, une fois de plus, le Mal absolu face à ceux qui tentent de faire respecter la loi ou de rester tout simplement en vie. Face à certains, les autres ne sont que des proies potentielles pour les super prédateurs qu’ils sont. Prédateurs prêt à tout pour aller plus loin encore dans l’horreur absolue (mon dieu, le portefeuille !).

On descendra dans tout ce que l’Homme est capable de faire aux autres, on arpentera les couloirs glauques et sanglants de l’Histoire de certaines dictatures, on frémira d’émotion devant des chiffres et on tremblera à l’idée que ce que l’on a lu dans ces pages puissent avoir lieu un jour (on sait qu’elles ont lieu, mais on aimerait croire que non).

Comme toujours, Franck Thilliez a joué avec mes nerfs, mon cœur, mes tripes, me foutant la rate au court-bouillon et me tenant éveillée alors que j’aurais dû aller au lit. Je l’aurais bien terminé en deux jours, top chrono, mais bon, je m’en étais gardé un peu pour mon voyage en train, en espérant ne pas rater ma gare pour cause de plongée dans le final de son roman.

Malgré mes bémols, j’ai passé un excellent moment de lecture.

Lu dans son édition Pocket Thriller faisant 638 pages.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°12] et Le pavé de l’été – 2021 (Saison 10) chez Sur Mes Brizées.

Les énigmes d’Aurel le Consul – 01 – Le suspendu de Conakry : Jean-Christophe Rufin

Titre : Les énigmes d’Aurel le Consul – 01 – Le suspendu de Conakry

Auteur : Jean-Christophe Rufin
Édition : Flammarion (2018) / Folio (2019)

Résumé :
Un riche français est retrouvé assassiné, pendu par un pied au mât de son voilier dans la marina de Conakry. Tout accuse la jeune Africaine qui vit avec lui sur le bateau. Mais Aurel se met sur la piste du meurtrier et découvre une toute autre affaire.

Avec l’aide de la soeur du défunt, débarquée de France pour reconnaître le corps, il commence à assembler les pièces du puzzle.

Et, sur les pas d’Aurel on découvre en la personne du défunt un homme complexe qui, à l’image du Lord Jim de Conrad, a vu le destin lui donner l’occasion de racheter ses faiblesses passées…

Jean-Christophe Rufin, sur un mode volontiers humoristique et avec un sens consommé du récit, nous entraîne à la suite de son étonnant enquêteur, à la découverte des coulisses du travail diplomatique et d’une Afrique inattendue, sur fond de trafic de cocaïne.

Avec Aurel Timescu, il crée une figure qui pourrait nous devenir bientôt aussi familière, dans des contextes bien différents, de celles d’Hercule Poirot ou de Jules Maigret.

Critique :
Un peu de fraîcheur, ça fait du bien, même si elle n’est que littéraire et ça ne change rien à la canicule qui sévit.

Mais la fraîcheur était aussi de mise après des lectures plus éprouvantes, plus sombres.

Toute la saveur de ce roman policier tient dans son personnage principal : Aurel Timescu.

Aurel est un Roumain qui a connu les années de Ceaușescu, qui est arrivé en France, a connu des galères avant de pouvoir entrer au Quai d’Orsay et le voilà devenu Consul de France.

Mais quel consul… Il a une dégaine qui vaut le déplacement avec son style années 30 et son pardessus alors qu’il est en Guinée et qu’il y fait chaud. Son boulot, c’est de ne rien faire, de rester dans son placard où il n’a accès ni à un PC, ni à Internet, ni même à un téléphone. Il traîne une réputation épouvantable et personne ne veut de lui.

Le problème, comme toujours, c’était l’accent. Avec sa voix qui déraillait, ses « r » roulés et ses intonations de paysan du Danube, Aurel savait qu’il était difficile de se présenter à un inconnu au téléphone sous le titre « consul de France ». Cela sentait le canular et on lui avait plusieurs fois raccroché au nez.

Pourtant, Aurel a des passions… Le vin blanc (le Tokay), le piano et les enquêtes criminelles ! Alors, quand on retrouve un Français mort et pendu au mat de son voilier, dans la marina de Conakry, Aurel profite de l’absence de l’ambassadeur pour se livrer à une enquête.

C’est à cause (ou grâce) à #La Grande Librairie que j’ai entendu parler de l’auteur et de son personnage atypique, version Columbo mais avec des casseroles au cul, sans posséder la confiance de ses supérieurs et sans les petites phrases du lieutenant.

Il est moqué, regardé de haut, pas pris au sérieux… Pourtant, si les autres personnages se foutent de lui, ne l’invitant jamais à rien, on remarque qu’Aurel mérite d’être connu, qu’il a des choses à nous apprendre et jamais son père littéraire ne se moque de lui, ne le rabaisse, ne le tourne en ridicule.

Que du contraire, l’auteur lui donne de l’épaisseur, de la profondeur et si Aurel est fantasque, maladroit et prête à rire avec son accoutrement, c’est une belle personne à l’intérieur. Un homme qui, plus jeune, a connu la dictature et le communisme.

Il avait été élevé dans un pays désorganisé où il fallait faire la queue à tout propos. Ce qui était difficile pour lui c’était de conserver dignité et volonté dans de telles ambiances. Son premier réflexe dans la foule était de retrouver la soumission et la passivité que le monde communiste exigeait de ses sujets.

La vie l’avait doté, par la force des choses, d’une résistance inépuisable face à des vexations bien plus humiliantes. La Roumanie de Ceaușescu, où il avait grandi, était à cet égard une école d’une exceptionnelle rigueur, qui armait à jamais contre la bêtise et le mépris.

On ne va pas se leurrer, nous ne sommes pas dans de la grande littérature policière, on a déjà connu mieux en matière d’intrigue, mais le récit est cohérent, amusant, rempli de fraîcheur et l’auteur ne se prive pas pour égratigner la diplomatie française, puisqu’il sait de quoi il parle.

C’est aussi une partie de la Guinée que nous visitons, sa société, que nous apprenons à connaître et même si le colonialisme est terminé, il y a toujours de la condescendance dans le ton employé par les français envers les guinéens.

Dupertuis aimait sincèrement l’Afrique et il entretenait de véritables amitiés avec ses collègues guinéens. On l’aurait beaucoup étonné en lui faisant remarquer qu’il parlait d’eux avec une condescendance qui n’était pas tout à fait sans évoquer la mentalité coloniale.

La plume de Ruffin est des plus agréable à suivre, elle est fluide, amusante, détaillée mais sans exagérer et mes yeux avançaient tout seuls sur le papier, dévorant le récit avec avidité tant il était rafraîchissant.

Un roman policier amusant de par son enquêteur atypique, ce consul que tout le monde prend pour un imbécile alors qu’il est loin d’en être un (faut juste apprendre à le connaître), un roman policier sérieux quand il parle de diplomatie ou de la société guinéenne, le tout étant parfaitement intégré dans le récit, sans que le ton soit moralisateur ou sentencieux.

Une vraie belle découverte, inattendue et qui m’a fait un bien fou avec pas grand-chose. Juste un enquêteur atypique, un hurluberlu qui ne paie pas de mine mais qui possède assez bien de qualités, bien camouflées.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°24].

Les aigles endormis : Danü Danquigny

Titre : Les aigles endormis

Auteur : Danü Danquigny
Édition : Gallimard Série noire (09/01/2020)

Résumé :
Dans l’Albanie d’Enver Hoxha, l’un des régimes communistes les plus durs du bloc de l’Est, Arben grandit entouré de sa bande de copains et de ses parents profs. Son avenir semble tout tracé.

Mais avec la chute du régime et l’avènement du libéralisme s’ouvre une période de chaos politique et de déliquescence morale qui emportent tout sur leur passage et transforment le jeune idéaliste en malfrat endurci.

Pour tenter d’échapper à la spirale de la violence et protéger les siens, Arben n’a qu’une solution : fuir avant qu’il ne soit trop tard.

Critique :
L’Albanie n’est pas une destination régulière en littérature. La vie là-bas ne fait pas rêver et comme dans les romans, il n’y a pas de belles images de plages, on laissera tomber l’exotisme pour l’extorsion en tout genre.

Ce roman noir se déroule sur plusieurs années et c’est 40 ans de misère qui s’inscrit sous vos yeux. La Série Noire n’est pas réputée pour faire dans le Bisounours non plus.

Arben nous raconte une partie de sa vie, de gosse à la cinquantaine et c’est aux travers de ses yeux que nous allons découvrir un pays et une population qui a été écrasée sous le régime communiste, les dictatures avant de passer à une démocratie « ferme-ta gueule » où les diplômes s’achètent et les postes ne sont accessibles qu’aux neveux, cousins, nièces, enfants des gens qui dirigent.

Un jour, à la mort du dictateur Enver Hoxha, les gens ont cru que l’enfer était derrière eux, mais non, ils avaient juste changé de cercle et continuaient de se faire entuber dans les grandes largeurs.

L’enfance d’Arben ne fut pas insouciante, le régime surveillait tout le monde, ensuite, après un service militaire de 3 ans, il perd ses parents et ses ambitions d’études s’effondrent. Il sera ouvrier sans qualification dans une usine qui le foutra à la porte ensuite et tintin pour trouver un nouvel emploi ensuite, sauf dans les magouilles.

L’auteur nous peint une fresque au vitriol de l’Albanie et de ses régimes politiques, de ces caciques du parti, de la corruption et de dirigeants qui n’ont pas vu le pays grogner, pensant qu’ils resteraient tous la tête basse, éternellement.

La misère crasse, on la côtoie avec Arben qui a du mal à faire bouillir la marmite et en Albanie, ne pas savoir nourrir sa famille est très mal vu, au même titre que les unions libres et les mariages d’amour. C’est tout un pan des traditions albanaises qui s’offre à nos yeux et l’auteur intègre bien le tout dans son récit.

Arben aurait pu vivre heureux, mais il a mis le doigt dans l’engrenage des trafics et est devenu le même salaud qu’Alban et Loni, même si eux sont sans conscience et qu’Arben a au moins mal au bide en faisant passer des jeunes albanaises qui finiront sur les trottoirs ou dans des bordels alors qu’elles se voyaient déjà en haut de l’affiche.

Le régime gouvernemental était injuste et broyait tout le monde, mais les suivants ne sont pas mieux et ce que fait Arben n’est pas toujours mieux que les dirigeants qu’il vilipendait dans sa tête.

Roman Noir qui commence avec l’histoire de 4 copains qui jouent dans la neige, ils sont jeunes et qui descendront tous dans l’inhumanité pour le fric, le pouvoir, le respect, la crainte que l’on aurai d’eux.

Un récit sombre mais beau, l’histoire d’un jeune qui avait tout pour réussir mais qui s’est fait entuber par le communisme et ensuite par le capitalisme et qui, cédant à la facilité, à la fatalité, n’a pas eu d’autre choix que d’entrer dans les magouilles pour survivre et qui n’a pas su se retirer à temps.

Ce roman noir, c’est aussi le récit d’une vengeance qu’Arben veut accomplir, 20 ans après, mais qui n’est jamais qu’un prétexte pour l’auteur pour nous faire découvrir l’Albanie d’une autre manière, et pas celle des agences de voyages.

Un roman noir puissant, profond, poignant où il est impossible de détester Arben. Un roman qui mélange habillement le passé et le présent, la politique et les trafics. Bref, un grand roman noir, serré et corsé comme je les aime.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°16].

Spirou et Fantasio – Tome 11 – Le gorille a bonne mine : Franquin

Titre : Spirou et Fantasio – Tome 11 – Le gorille a bonne mine

Scénariste : Franquin
Dessinateur : Franquin

Édition : Dupuis (1959)

Résumé :
Nos deux aventuriers partent faire un reportage sur les gorilles du Mont Kilimaki. Des malfrats craignent qu’ils ne découvrent leurs activités.

Critique :
Oui, le gorille a bonne mine… En fait, il y a une autre référence dans le titre, mais tant qu’on n’a pas lu la bédé, on ne peut pas le comprendre.

Nos deux amis, accompagnés de Spip et du Marsupilami, vont en Afrique, dans un pays imaginaire, afin de faire un reportage sur les gorilles.

Dès le départ, le mystère est présent car Fantasio a une caisse dont personne sauf lui ne connait le contenu…

Spirou en sera pour deux belles frayeurs à cause de lui !

Aventure et mystère, malédictions aussi, superstitions… Et enquête car il faudrait tout de même élucider si ce sont vraiment les gorilles qui font disparaître les gens aux alentours du Mont Kilimaki.

Humour aussi, parce que Spip n’est pas en reste avec ses pensées et le Marsupilami sera au centre de l’aventure, volant la vedette à Spirou et Fantasio. Normal, notre animal est dans son élément naturel.

Les dessins de Franquin sont détaillés, nets, précis et donnent le ton à cet album aux saveurs africaines. Les décors nous donnent la sensation d’y être. Franquin avait le soucis du détail et de la perfection.

C’est une aventure que j’apprécie car elle emmène nos deux héros ailleurs, dans la savane, comme avec « La corne du rhinocéros » et que cette histoire est bourrée de mystère, de suspense, de choses étranges, comme si l’élément fantastique s’était glissé dans le récit.

La seconde aventure, plus classique, possède de l’humour mais pas le souffle épique de celle sur le continent Africain. Franquin aurait peut-être pu développer un peu plus l’histoire avec les gorilles et nous donner ainsi un album complet, sans devoir rajouter une petite histoire pour arriver au quota de pages.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°158  et le Mois du Polar chez Sharon (Février 2020) [Lecture N°03].