Les belles vies : Benoît Minville

Titre : Les belles vies

Auteur : Benoît Minville
Édition : Sarbacane (2016) / J’ai Lu (2019)

Résumé :
Turbulents, pas vraiment délinquants, ils cumulent les bêtises plus ou moins graves, les rires et les bleus. Vasco est en CFA BTP, Djib passe en première S. Leur dernière rixe est pourtant celle de trop…

Afin de leur mettre du plomb dans la tête, leurs parents décident d’employer les grands moyens : ils envoient les deux ados dans la Nièvre, le temps d’un été chez un ami du père de Vasco, entrepreneur local qui propose ses services comme famille d’accueil pour la DDASS.

C’est dans cette campagne éloignée de tout, France profonde dont on parle peu, qu’ils vont rencontrer et se confronter à une autre forme de jeunesse : celle des enfants élevés par celle que tous surnomment « Tata », une femme qui accueille des enfants placés et donne sa vie aux autres.

Critique :
Cela faisait 6 ans que ce roman traînait dans mes biblio, alors que je souhaitais le lire au plus vite et qu’il était même répertorié dans ma PAL « Urgentissime » (vous comprenez pourquoi je refuse les demandes de lecture d’auteurs et les SP !).

Et maintenant, je me demande pourquoi j’ai attendu aussi longtemps pour le lire… Alors que j’avais eu un coup de coeur pour « Rural Noir » (un autre roman de l’auteur).

Registre différent, mais les émotions étaient présentes lors de ma lecture, même si elles ont été moins intenses qu’avec son autre roman.

Néanmoins, j’avais envie d’un peu de douceur dans ce monde de brute, envie d’une lecture plus soft, envie de soleil, de vacances et ce roman est arrivé au bon moment, même si, pour la douceur, on repassera. Nous sommes tout de même avec des mômes ou des ados fracassés par la vie, par leurs parents, déficitaires, violents, aux abonnés absents… et placés en famille d’accueil par la DDASS.

Vasco et Djib sont deux ados qui ont fait une bêtise, rien de trop grave, mais voilà, c’est une de plus et leurs parents ont décidés de les placer dans une famille d’accueil, dans la Nièvre, dans un lieu au milieu des campagnes, des bois, bref, dans le trou du cul de la France.

Croyez-moi, il y a pire comme punition, parce que nos deux amis vont découvrir des émois, des bons moments, du sexe, de l’amusement, bref, ils vont passer de bons moments, même si, ils seront parfois entrecoupés de passages plus forts, plus chahutés.

Non, il ne se passe pas grand-chose dans ce roman, mais il m’a fait du bien au moral, car il se déroulait pendant les grandes vacances et qu’on a tout de même une bande d’amis qui vont s’amuser, découvrir la vie, les charmes de la campagne et que j’ai eu, tout comme eux, la larmiche à l’œil au moment de se quitter.

Pas de smartphones dans l’histoire (nous sommes un peu après 2001, avant que tous les jeunes se fassent greffer un téléphone au bout de leur main), pas de réseaux sociaux et tant mieux. C’était reposant.

Par contre, impossible d’échapper au racisme, Djibril étant Noir et Vasco portugais… Bizarrement, Dylan, un jeune déjà présent dans cette famille d’accueil, est d’un racisme crasse, comme celui que l’on trouve plus souvent chez les personnes de la génération au-dessus et rarement chez un jeune de 16 ans.

Il aurait mérité qu’on le recadre un peu plus fort, parce que parler du pain que les étrangers prennent aux français, alors qu’on est placé, avec sa sœur, dans une famille d’accueil, que l’on est nourri, logé et blanchi grâce à l’argent que tous les français, qu’ils soient d’origines, naturalisés ou qu’ils aient gardé leur nationalité, ont donné aux impôts, je la trouve forte de café… Dylan, tu en veux au monde entier, mais tu t’en prends aux mauvaises personnes.

Heureusement qu’au fil des pages, certains personnages vont évoluer et que les yeux vont s’ouvrir, même s’il reste encore du taf à faire sur la gestion de la colère de certains. Bref, ce sont des ados, en bute avec le monde entier, avec leurs hormones qui travaillent, avec les sentiments bouillonnants et l’apprentissage de la vie encore à faire, à peaufiner.

C’est une jolie histoire, mais l’auteur n’enjolive pas les faits : malgré des parents violents, malgré des parents immatures et sans emploi fixe, la justice peut décider à tout moment que ces parents peuvent récupérer leurs enfants, et peu importe que cette décision foute en l’air leur avenir, le travail réalisé par la famille d’accueil. La justice, rouleau compresseur, décide, exécute et se fout royalement de l’avis des enfants ou de ceux qui les aident à grandir dans le droit chemin.

Pas de morale à cette histoire, juste une histoire racontée, des destinées qui se sont croisées, durant un été et qui repartiront, pour suivre leur propre route, une fois la rentrée arrivée. Que deviendront-ils ? Nous ne le saurons jamais, c’est à nous de leur inventer un futur, pas trop merdique ou alors, de les laisser figés à jamais dans l’instant X de la fin du roman…

Une jolie découverte, même si, le récit aurait mérité d’être un peu plus approfondi, plus creusé, plus détaillé, notamment avec ce couple qui accueille les jeunes et qui se donne à fond pour eux.

 

L’odeur des garçons affamés : Loo Hui Phang et Frederik Peeters

Titre : L’odeur des garçons affamés

Scénariste : Loo Hui Phang
Dessinateur : Frederik Peeters

Édition : Casterman (30/03/2016)

Résumé :
Texas, 1872. Oscar Forrest, photographe, répertorie les paysages de l’Ouest pour le compte du géologue Stingley. Entre Oscar et Milton, jeune garçon à tout faire du groupe, s’installe une relation ambiguë… Alors qu’autour de l’expédition, rôdent un inquiétant homme en noir et un Indien mutique.

Stingley a conduit la mission aux portes d’une région hostile, dernier bastion de résistance des redoutables Comanches. Sur cette frontière lointaine, les limites entre civilisation et sauvagerie s’estompent. Un western intense où la Nature révèle les secrets les plus troubles.

Critique :
C’est le titre énigmatique qui m’a attiré en premier : qu’est-ce que ça pouvait être, l’odeur des garçons affamés ? Je me doutais que l’on ne parlait de nourriture.

La deuxième chose qui m’a attirée, c’est le fait que l’histoire se déroule dans les paysages de l’Ouest, au Texas.

Les couleurs de cet album étaient dans des tons très chauds et les dessins ne me déplaisaient pas. Embarqué !

Dès le départ, Stingley le géologue, soulève quelques petits détails qui clochent chez Oscar, le photographe qu’il a engagé pour immortaliser les paysages et les autochtones. Oscar n’est pas aussi net que ses photos et on en saura un peu plus sur lui au fil des pages.

Stingley est lui aussi un personnage bizarre, qui se promène souvent les fesses à l’air et le service trois pièces aussi. Sans doute sa mère lui a-t-elle dit qu’il fallait aérer pour les odeurs… En tout cas, j’ai été étonnée qu’il ne se prenne pas un coup de soleil sur sa tchole, son tich, son zeb, son zob, sa bite, son p’tit zizi (qui n’est pas si petit que ça, entre nous, pour celles que ça intéressent).

Ce qui est grand aussi, ce sont ses ambitions : tout raser, extraire toutes les richesses des montagnes, du sol, tout foutre en l’air et surtout, éliminer les Indiens, surtout les femmes et les enfants.

L’autre mystère, c’est Milton, le jeune homme à tout faire. Mystère qui se lèvera plus rapidement pour les lecteurs que pour Oscar… Et puis, dans ses paysages magnifiques, il y a deux personnages troubles : un Indien mutique et souriant et un cow-boy avec une gueule ravagée, sans oublier des chevaux qui disparaissent et que l’on retrouve morts.

Cette bédé est atypique : elle commence normalement et puis ensuite, viennent se greffer des éléments oniriques (jusque là, tout allait bien), puis du fantastique et je me suis demandée ce qu’un tel personnage avait à faire dans ce récit. Non pas qu’il détonne, j’ai déjà croisé un de son genre dans une autre saga, mais dans cette histoire, je n’ai pas compris son rôle, son utilité.

L’auteur n’expliquera pas tout, ne donnera pas toutes les clés pour comprendre le final, laissera des mystères sans réponse, mais au moins, il ne vous prend pas par la main pour vous emmener là où il désire que vous alliez. Ce sera à vous de faire le job. Liberté totale d’interpréter le truc comme vous le voulez. On apprécie la fin étrange ou pas.

Si j’ai aimé les personnages d’Oscar et de Milton, si j’ai aimé ce qu’il se déroule, j’ai trouvé qu’il manquait un petit quelque chose pour que le récit m’emporte. Ou alors, c’est moi qui ait renâclé sans m’en rendre compte quand le truc fantastique est entré dans l’histoire, sans rien y apporter de pertinent.

Trop d’inexplicable n’est pas toujours un problème, il faut juste que tout le reste s’intègre bien dans le récit et n’aient pas l’air tout droit sorti d’on ne sais où, comme si on précipitait la fin et qu’on l’opacifiait un peu plus.

Dommage, parce qu’il y avait des thématiques intéressantes dans cette bédé, de la profondeur et du mystère. Sans oublier deux personnages intéressants et sympathiques.

Une lecture intéressante, sans aucun doute, mais je reste mitigée sur certaines choses. C’est un western fantastique inclassable, ça, c’est sûr !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°023], Le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur, Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023 et le Challenge Amérique du Nord anglophone chez ENNA LIT, ENNA VIT!

W3 – 03 – Le calice jusqu’à la lie : Jérôme Camut et Nathalie Hug

Titre : W3 – 03 – Le calice jusqu’à la lie

Auteurs : Jérôme Camut et Nathalie Hug
Édition : Télémaque (2016) / LP (2017) – 992 pages

Résumé :
Les locaux de W3 ont été soufflés par une terrible explosion.
Qui est responsable de ce massacre ?
Ceux qui ont échappé à la mort vont très vite comprendre qu’ils ne sont pas sortis d’affaire.
Sur les décombres encore fumants de l’immeuble, les drames se nouent et les destins s’entrelacent une dernière fois.
La plus unie des familles peut-elle résister à tant d’horreur ?

Critique :
Avec les sagas, c’est toujours la même chose : on est enchanté par le premier tome, on attend la suite avec impatience et puis, quand les suites sont publiées, on les achète, on se promet de les lire très vite et puis on les oublie, parce qu’on a tellement d’autres livres à lire… Et 7 ans après sa sortie, le dernier tome n’était toujours pas lu !!!

L’été est la période propice pour terminer mes sagas entamées ! En voilà encore une saga que je peux classer et archiver.

Le tome 2, que j’avais enfin lu l’année dernière, se terminait sur un cliffhanger de dingue et maintenant, j’allais enfin savoir qui allait continuer l’aventure.

Les auteurs sont des pros pour jouer avec les nerfs des lecteurs et faire monter le suspense, parce qu’avant d’avoir le décompte complet des morts et des survivants, les auteurs sont revenus un peu en arrière, montrant tout ce qu’il s’était passé, alternant ces chapitres avec d’autres, ce qui fait que ça a pris du temps avant de savoir qui vivrait et qui mourrait.

Ce troisième et dernier tome est dans la lignée des précédents, tout en étant différent. Les auteurs, bien que reprenant la recette gagnante qui donne un récit addictif, composé de chapitres assez courts, où l’on suivra bien des personnages, ont réussi à éviter que l’on ne tourne en rond. Le récit est différent des précédents, tout en conservant une partie des ingrédients clés.

C’est un pavé énorme (830 pages dans sa grande édition, 992 dans sa version poche), mais je vous garantis qu’il se lit très vite et que l’on atteint la page 100 sans l’avoir remarqué. Commencé le 31 juillet au soir, le 2 août au matin, le roman était lu en entier.

Si ce thriller est addictif, c’est aussi grâce à ses personnages, qui sont réalistes, sympathiques et avec qui on a envie de devenir copains. Même le terrible Ilya Kalinine semble sympathique…

Stop, c’est un tueur et un proxénète ! Je ne peux pas l’apprécier ! Oui, mais il sauve des filles des containers et si elles se prostituent, c’est de leur plein gré, elles peuvent garder une partie de leurs gains et ensuite, aller vivre où elles veulent…

Rien n’est tout à fait noir, ni tout à fait blanc, dans ce roman, je l’apprendrai à mes dépends. Nuances de gris, du réalisme, des parallèles avec l’actualité et les attentats, la traite des jeunes filles (des gamines), l’espionnage, la politique, la mafia russe, les magouilles et compagnies, les chapes de plombs pour ne pas révéler la vérité, les mensonges, les demi-vérités… Et une romance dans tout ça.

Il y a beaucoup de choses, dans ce thriller. Il est bavard, il est rempli de dialogues, d’action et de violence et je pense qu’on aurait pu se passer de certains chapitres, de certains actes, qui, pour moi, n’ajoutaient rien à l’histoire. Si ce n’est des pages et des pages (et de l’action).

Le plus gros reproche que je ferai à ce dernier tome c’est qu’il y a trop de morts, trop de personnages qui m’étaient chers qui vont disparaître, comme dans Game Of Thrones. Et trop, c’est trop, parce que ces morts m’ont semblées inutiles, gratuites. Merde, j’ai eu l’impression de perdre des êtres chers ! Ma foi, j’ai eu plus de peine que Lara Mendes, qui a bien changée, elle, au fil des tomes.

Pour moi, les auteurs ont assassinés trop de personnages, mon petit cœur a saigné et je suis en colère contre eux. Malgré tout, cela ne m’a pas empêché de dévorer leur pavé en me consolant du fait qu’ils n’aient pas fait dans la répétition afin de nous offrir un dernier tome dans la continuité des deux premiers, tout en étant différent.

Ce dernier tome, c’est une hécatombe de personnages, c’est de la violence, de l’horreur, des vengeances qui datent de mathusalem et qui feront bien des victimes collatérales et qui n’avaient rien demandé…

C’est aussi un sacré page-turner qui ne m’a pas laissée indifférente, des personnages emblématiques qui sont bien détaillés, qui ne manquent pas de profondeur (sauf pour le méchant) et qu’on ne sait pas confondre avec d’autres.

Le tout avec une écriture fort descriptive, ce qui donne l’impression de tout vivre en direct, comme si l’on était avec eux. Une fois commencé, difficile de lâcher le roman, même s’il aurait pu être bien plus court en retirant l’inutile.

Une fin de saga fort sombre, triste… Beaucoup de rebondissements (trop ?), trop de morts (oui, trop), une romance qui ne m’a pas convaincue (inutile, même) et  comme une impression que les auteurs ont ajouté des faits juste pour en ajouter.

Alors oui, j’ai aimé cette lecture et oui, je suis mitigée pour certains points. Comme quoi, rien n’est facile, rien n’est aisé, rien n’est assuré. J’ai le cul entre deux chaises (et je basculerai plus du côté « aimé » que « pas aimé »).

À vous de vous faire votre propre avis.

#Pavés de l’été

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°000] et « Les épais de l’été » 2023 (21 juin au 23 septembre) chez Dasola (par ta d loi du cine, « squatter » chez dasola) et chez La Petite Liste.

Lagos lady – Amaka Thriller 01 : Leye Adenle

Titre : Lagos lady – Amaka Thriller 01

Auteur : Leye Adenle
Édition : Métailié Noir (2016) / Points Policiers (2017)
Édition Originale : Easy Motion Tourist (2016)
Traduction : David Fauquemberg

Résumé :
Mauvaise idée de sortir seul quand on est blanc et qu’on ne connaît rien ni personne à Lagos; Guy Collins l’apprend à ses dépens, juste devant le Ronnie’s, où il découvre avec la foule effarée le corps d’une prostituée aux seins coupés.

En bon journaliste, il aime les scoops, mais celui-là risque bien de lui coûter cher : la police l’embarque et le boucle dans une cellule surpeuplée, en attendant de statuer sur son sort. Le sort, c’est Amaka, une splendide Nigériane, ange gardien des filles de la rue, qui, le prenant pour un reporter de la BBC, lui sauve la mise, à condition qu’il enquête sur cette vague d’assassinats.

Entraîné dans une sombre histoire de juju, la sorcellerie du cru, notre journaliste à la manque se demande ce qu’il est venu faire dans cette galère, tandis qu’Amaka mène la danse en tant qu’épatante femme d’action au milieu des notables pervers.

Hôtels chics, bars de seconde zone, jungle, bordels, embouteillages et planques en tout genre, Lagos bouillonne nuit et jour dans la frénésie highlife; les riches font tinter des coupes de champagne sur Victoria Island pendant que les pauvres s’entretuent à l’arme lourde dans les bas quartiers.

Critique :
« Rythme d’enfer avec des personnages impeccablement brossés », disait le bandeau-titre à l’arrière de la version poche.

Le rythme n’était pas d’enfer, d’ailleurs, un rythme trop élevé aurait nuit au récit. Un roman noir, ça se savoure, ça se déguste lentement. Attention, le récit ne manquait pas de rythme, loin de là, mais il était équilibré : ni trop rapide, ni trop lent.

Dans ce genre de roman, il ne faut pas bâcler les préliminaires, les lecteurs doivent avoir le temps de s’imprégner des atmosphères de la ville de Lagos, de ses quartiers miséreux où règnent la violence, sans oublier ses quartiers riches où vivent des gens qui s’en sont mis plein les fouilles grâce à la corruption ou autres trafics pas nets.

Quant aux personnages, en effet, ils étaient bien brossés, même si le journaliste anglais était un peu mou du genou, un peu crétin aussi, tandis que la jolie Amaka avait des couilles pour trois. Je me demande même si elle n’en avait pas pour plus que 3…

Mais au moins, les méchants n’étaient pas de ceux d’opérette, ils n’avaient rien de risibles, c’étaient des truands, ordinaires ou sadiques, devenu tels quels parce qu’ils n’ont pas eu le choix pour survivre ou parce que c’était le plus facile comme job, même si l’on ne fait pas vieux os et que la retraite, c’est souvent une balle que l’on se prend dans le buffet (et avant 64 ans).

M’est avis que le syndicat d’initiative ne sera pas content de la mauvaise pub que ce roman fait au pays : le Nigéria n’était pas dans mon top ten des destinations de rêves et il ne le sera jamais (surtout après cette lecture).

Ici, même si notre journaliste crèche dans un bel hôtel, ce que l’auteur nous montre, c’est ce que vous ne verrez jamais sur une carte postale ou dans un reportage d’échappées belles.

Ce que l’on voit a plus sa place dans une émission de reportage d’investigation où l’on dénonce la corruption, la violence, la politique pourrie (pléonasme, pardon), les flics véreux (on n’a pas envie de se faire arrêter par eux), le fétichisme, les croyances, la sorcellerie, la misère dans laquelle on a poussé des gens, obligeant les femmes à se prostituer pour payer des frais d’hospitalisation, pour pouvoir manger, se payer des études…

Notre journaliste n’avait pas l’intention d’enquêter sur les trafics du pays, ni sur les crimes rituels, ni sur les pratiques des policiers : il s’est juste trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. C’est la belle Amaka, qui, en le sortant de ce mauvais pas, va lui raconter ce qu’elle fait, ce qui se passe dans son pays et lui proposer d’écrire un article sur le sujet.

Ce roman noir, sombre, n’est pas difficile à lire, l’écriture de l’auteur va au plus simple, directement, sans fioritures, sans mettre des gants, avec de temps en temps une touche d’humour, d’ironie. Les phrases se lisent toutes seules et ce roman a été lu en deux petits jours à peine, tellement il prenait aux tripes.

Malheureusement, il a manqué des émotions. Malgré le côté badass d’Amaka (ou à cause de ça ?), je suis restée en retrait par rapport aux personnages et je n’ai pas vraiment su m’attacher à eux.

Ceci ne m’a pas empêché de profiter de ma lecture et de mon incursion en territoire Africain. J’ai apprécié le voyage, en sécurité dans mon canapé. Au moins, l’auteur ne sombre jamais dans le pathos.

Un premier roman qui laisse augurer que le suivant puisse être meilleur… Ah oui, c’est un problème : la suite au prochain épisode ! Là, j’ai moins aimé, car le lecteur n’est pas prévenu au départ. Oui, je savais qu’il y avait deux tomes avec Amaka, mais pas qu’il faudrait lire le deuxième pour savoir ce qu’il en sera de son combat contre un certain Malik…

Un roman noir où la vérité est bien cachée, ou tout le monde porte un masque, où les allégeances changent plus vite que le vent, où les balles sifflent et où les flics sont aussi terribles que les truands (si pas plus terribles).

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°XXX] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°1X).

Le bateau-usine : Takiji Kobayashi et Gô Fujio

Titre : Le bateau-usine

Scénaristes : Takiji Kobayashi et Gô Fujio
Dessinateur : Gô Fujio

Édition : Akata (2016)
Édition Originale : Kanikôsen (2006)
Traduction :

Résumé :
Dans les années 20, au Japon… L’industrialisation du pays fait rage, tandis qu’en Russie, la Révolution vient de s’achever.

Au port de Hakodate, c’est l’effervescence : le bateau-usine s’apprête à partir en mer, pour pêcher des crabes qui seront revendus à prix d’or. Mais les ouvriers-pécheurs ne se doutent pas encore du destin qui les attend…

Exploités, battus et spoliés par Asakawa, l’intendant du navire qui ne pense qu’aux bénéfices de l’entreprise qu’il représente, ils vivront un véritable enfer quotidien.

Pourtant, quand le bateau échappe au naufrage, grâce à l’aide d’un chalutier russe, les esprits commencent à s’échauffer.

Un jeune étudiant, influencé par les romans de Dostoïevski, décide de prendre la tête d’un mouvement de rébellion… La grève est ouverte !

Critique :
La littérature engagée, j’aime ça. Quelque soit son support. Ici, c’est roman issu de la littérature japonaise, publié en 1929 (et interdit ensuite), qui est adapté en manga.

L’auteur du roman original est décédé en 1933, d’une crise cardiaque, soi-disant, mais les marques sur son cadavre font tout de suite penser à ses proches qu’il est mort de la torture… Ambiance.

Ce manga parle du capitalisme dans ce qu’il a de plus extrême : pour que les actionnaires gagnent plein de pognon, il faut que des pauvres types crèvent en travaillant dans des conditions épouvantables.

Le rendement, quoiqu’il en coûte ! Voilà le maître mot d’Asakawa, l’intendant du bateau-usine qui pêche des crabes sur la mer du Kamtchtka, rivalisant avec les Russes. Pour l’intendant, c’est une guerre économique contre les Russes.

[…] c’est un duel entre le peuple de l’empire du Japon et les Russkofs… si jamais on perdait, alors les jeunes Japonais que vous êtes, avec vos couilles ballantes, vous n’auriez plus qu’a vous ouvrir le ventre et vous jeter dans la mer du Kamtchatka.

Coups, menaces, privations, travail dans des conditions terribles, pire qu’au goulag (ou « aussi pire »), malades obligés de bosser, bouffe infâme, pendant que le capitaine, l’intendant et les autres, se goinfrent de mets succulents, pour aller les vomir ensuite, vu que la mer, parfois, est démontée…

Même les ouvriers, dans leur trou à merde, au fond de la cale, on bien du mal à garder leur bol de riz dans l’estomac.

Dans ce manga, aucun personnage n’est plus mis en avant qu’un autre. Pas un héros, mais des ouvriers pauvres, qui n’ont pas le choix que de bosser sur ce navire, des hommes qui vont se révolter, tenter de se serrer les coudes pour mettre fin à cette tyrannie.

L’union fait la force, c’est bien connu, mais avant d’y arriver, à cette union, il faudra bien des brimades, bien des coups, bien des morts… avant que les 400 marins ne se rendent compte qu’ils sont bien plus nombreux que l’intendant.

Unir les gens est la chose la plus difficile qui soit, tandis que les désunir est si facile, comme le fera l’intendant, en mettant les pêcheurs et les ouvriers chargés de mettre les crabes en boîte en compétition. Et ça marche toujours !

Les seules choses qui aient un prix, sur ce bateau-usine, ce sont les boîtes de crabes, destinées à l’élite, certaines à l’empereur. Dans ces boites de crabes, il y a surtout le sang, la sueur et les morts des ouvriers, des pêcheurs.

L’autre chose qui a de la valeur, c’est le rafiot sur lequel ils naviguent : ce dernier est assuré pour une somme plus élevée que sa valeur. Autrement dit, il rapportera plus d’argent en faisant naufrage qu’en naviguant. Le ton est donné.

Récit d’une descente aux enfers où les pauvres gars embarqués sur cette galère se demanderont, à un moment, s’il n’aurait pas mieux valu mourir au départ. Les conditions de travail vont devenir de plus en plus dures, laissant les ouvriers épuisés, à tel point que les accidents de travail augmentent.

Un manga dont la lecture ne laissera personne indifférent, sauf peut-être les gros actionnaires (hommes ou femmes), qui ne s’enrichissent que sur le dos des autres, tels des tiques sur le dos d’un chien.

Il est à souligner que dans ces bateaux-usines, les intendants étaient des Japonais, qui se comportaient en esclavagiste envers d’autres Japonais, le tout pour le bien du pays. Ce n’était pas le fait d’étrangers donc !

Juste pour rappeler que bien souvent, le Mal vient de ses propres dirigeants, de ses propres intendants, patrons…. et qu’ils sont de la même nationalité que ceux qu’ils exploitent. Le véritable ennemi, ici, c’est le capitalisme et les étrangers ne sont pas responsables.

Diviser pour mieux régner, c’est un classique qui marche toujours. Exploiter les plus pauvres, ceux qui n’ont pas le choix, et les dresser l’un contre l’autre, c’est le combo gagnant pour cet intendant et pour tous les exploiteurs.

Un excellent manga, qui prouve, une fois de plus, que les mangas, ce ne sont pas que pour les ados et que ce ne sont pas des « trucs avec des mecs bourrins dedans ». Non, ici, c’est juste la mise en image d’un roman qui était lui même la mise en phrase des horreurs qui avaient lieu dans les bateaux-usines.

Le pire est que ces pratiques ont toujours lieu, quelque part dans le monde, dans d’autres pays, pour que des sociétés fassent de superprofits sur des vêtements, de l’alimentation, le tout, au détriment de gens qu’elles exploitent et de la Nature qu’elles foutent en l’air.

Pas de soucis, tout va très bien, madame la marquise !

Un Noël à New York – Petits crimes de noël 12 : Anne Perry

Titre : Un Noël à New York – Petits crimes de noël 12

Auteur : Anne Perry
Édition : 10/18 Grands détectives (2016)
Édition Originale : A New York Christmas (2014)
Traduction : Pascale Haas

Résumé :
Jemina Pitt, la fille du célèbre directeur de la Special Branch, a 23 ans durant l’hiver 1904. Elle décide d’accompagner sa jeune amie Delphinia Cardew à New York, sur le point de se marier avec l’aristocrate Brent Albright.

Dans la haute société new-yorkaise, ce mariage est une grande affaire qui liera deux familles prodigieusement riches. Mais Jemina détecte une ombre mystérieuse planant sur la célébration.

Maria, la mère de Delphinia, est absente de la fête et les Albright refusent de mentionner son nom. Et quand le frère du marié demande à Jemina de l’aider à retrouver Maria afin de prévenir un scandale, elle n’hésite pas à se lancer dans une enquête aussi inattendue que périlleuse.

De Hell’s Kitchen à Central Park, Jemina devra trouver son chemin à travers les rues enneigées de New York, sans se douter qu’un danger mortel la menace.

Critique :
Ne me demandez pas ce qui m’arrive, cette année, mais voilà que ce mois de décembre, j’ai eu l’envie soudaine de lire des récits se déroulant durant la période de Noël, moi qui préfère les lire en juillet/août.

Pour faire bonne figure, j’ai tout de même choisi un polar historique afin d’avoir un meurtre sous le sapin. Il n’est pas sous le sapin, mais dans un lit (rien de graveleux, hélas).

Dans ce polar de Noël, Jemina Pitt, la fille de Thomas et Charlotte Pitt, accompagne son amie Delphinia Cardew à New-York, où celle-ci va épouser le fils de l’associé de son père, un mec pété de thunes (toute comme elle). Delphinia est totalement in love de son Brent Albright.

Le mystère est que la mère de Delphinia a abandonné sa fille lorsque cette dernière était tout bébé et que le frangin du futur marié a peur que la mère, qui a eu un comportement scandaleux, ne vienne foutre le bronx le jour du mariage. Le Bronx, à New-York, c’est normal (jeu de mot foireux après Noël).

J’avoue que Anne Perry m’a habitué à mieux, beaucoup mieux, dans sa saga avec Thomas Pitt, notamment en nous parlant, mieux que personne, du Londres victorien et nous décrivant avec précision l’Angleterre de cette époque, avec les différentes classes sociales, les petits doigts en l’air pour boire les cup of tea, tandis que dans les taudis, la misère grouille comme les rats (Hidalgo est innocente)…

Il est difficile d’entrer dans des détails historique avec un roman de 156 pages et c’est tout le problème de ce petit polar historique : il se lit trop vite et ne va pas au fond des choses, donnant l’impression qu’un nombre précis de pages ne devait pas être dépassé et que, quoiqu’il en coûte, il fallait le clore en vitesse.

Allez hop, il faut donc sauter des étapes importantes, notamment l’arrestation de la personne coupable ! Ah oui, mais non, c’est super important, ça, l’arrestation ! Déjà que Jemina et le policier n’ont que peu d’éléments à charge, ni aucune preuve tangible. La personne coupable aurait pu ricaner et dire « Prouvez-le » et là, c’est Tintin (et Milou avec) ! On a de fortes présomptions, la logique parle (même moi j’avais trouvé qui c’était dès la découverte du cadavre), oui, mais pas de preuve directe.

Mais puisque l’on arrête la personne coupable, je suppose que cette dernière a avoué, ce qui est difficilement compatible avec son caractère froid et calculateur. Mais je m’égare…

De plus, si dans la version londonienne, l’autrice prend toujours le temps de donner à la ville une place importante, ici, New-York faisait de la figuration et n’a pas obtenu la place qu’elle méritait. La visite de quelques quartiers emblématiques est rapide et on lui signale qu’on n’ira pas à Hell’s Kitchen, car trop dangereux.

Malgré ces gros bémols et ce final qui m’a semblé se dérouler en accéléré à l’aide de quelques phrases explicatives, le reste du roman n’est pas si mal que ça : il est plaisant à lire un jour de réveillon de Noël, reposant et on le dévore assez vite afin d’apprendre le secret caché et honteux de la maman indigne de Delphinia. Effectivement, pour l’époque, c’était scandaleux au possible.

Ce ne sera pas le polar de l’année, ni même celui du mois de décembre et ma préférence restera pour la saga de Thomas Pitt.

Avec une centaine de pages de plus, l’autrice aurait pu développer mieux son intrigue, la recherche d’indices et l’arrestation de la personne coupable, dont j’aurais aimé que l’on nous décrive son visage, ses dénégations, la réaction des autres personnages… Ce qui fait le sel d’un polar !

Si j’ai été contente de passer du temps avec Jemina Pitt, que j’ai connue dans le ventre de sa maman et que j’ai vu grandir, j’ai trouvé le reste du roman assez mièvre, notamment avec un gros cliché final. Le fait de ne pas suivre l’arrestation de la personne coupable est une aberration dans un polar et le résumer en quelques lignes insipides est une hérésie.

Une lecture pour se détendre l’esprit avant un réveillon de Noël, pour se détendre après les fêtes de Noël, pour lire sur la plage, sans se prendre la tête.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°106].

Le dernier paradis : Antonio Garrido

Titre : Le dernier paradis

Auteur : Antonio Garrido
Édition : Grasset (2016) / LP Policier (2017) – 672 pages
Édition Originale : El Último Paraíso (2015)
Traduction : Nelly et Alex Lhermillier

Résumé :
Jack, comme tant d’autres travailleurs, est une victime de la crise des années 30. Renvoyé parce qu’il est juif de l’usine Ford où il travaillait à Détroit, il retourne habiter chez son père, à New York.

L’homme, vieux, colérique, sombre, à l’instar du pays, dans la dépression. Jack, sans travail, sans argent, a bien du mal à s’occuper de ce père devenu alcoolique, et à payer le loyer que le propriétaire, Kowalski, leur réclame chaque semaine de façon toujours plus insistante.

Un soir que Kowalski débarque avec deux hommes de main, un coup de feu part.

Persuadé qu’il va être accusé de meurtre, Jack n’a d’autre choix que de fuir le pays. Il s’embarque alors avec son ami Andrew, un idéaliste et militant communiste de la première heure, pour l’Union soviétique car cette nation nouvelle, paradis des travailleurs, cherche des ouvriers qualifiés pour développer son industrie automobile.

Pourtant, une fois en URSS, les promesses s’évanouissent et les illusions laissent la place au désenchantement. Jack découvre un monde où tout est respect de l’ordre, répression et corruption.

Devenu agent double bien malgré lui, il se laisse entraîner par les événements, mais il va bientôt devoir chercher à comprendre qui tire réellement les ficelles de son destin et choisir son camp, en politique comme en amour.

Critique :
États-Unis, années 30, la crise a frappé de plein fouet tout un tas d’entreprises, des chômeurs font la file pour tenter de trouver un emploi, de la nourriture. Jack, qui bossait chez Ford, a été mis à la porte parce qu’il était Juif. Sympa, monsieur Ford (ironie).

En URSS, on offre des tas d’emplois dans les usines, des logements gratuits, des bons salaires, des congés payés… Chez eux, on prêche l’égalité, le plein-emploi, limite si demain, on ne va pas raser gratis. Le communisme semble si tentant, de loin, avec ses belles paroles.

♫ Caramels, bonbons et chocolats ♪ comme le chantait si bien Dalida à Alain Delon.

Puisque Jack crève la dalle, puisqu’il vient de tirer sur son usurier de propriétaire, puisque plus rien ne le retient dans le pays qui n’est pas encore celui de Donals Trump, il cède aux sirènes prêchées par son ami d’enfance, Andrew Scott, syndicaliste et communiste fervent. L’U.R.S.S est le dernier paradis, là où ils pourront refaire leur vie, avoir du travail, vivre mieux.

Mon cul… Si j’avais pu leur parler, voilà ce que j’aurais dit à Jack. Je lui aurais conseillé de ne pas partir, que l’herbe n’était pas plus verte ailleurs, que là-bas, elle serait même jaune, amère, pire que celle d’Amérique.

Mais pour lui, là-bas, tout est neuf et tout est sauvage. Libre continent sans grillage… Faut du cœur et faut du courage, mais tout est possible à son âge. C’est pour ça que j’irais là-bas, a dit Jack. Merci à JJG pour ses paroles qui allaient bien à ce passage.

Le communisme et son illogisme, il se le prendra en plein dans la gueule. Égalité ? Mon cul (oui, encore lui). Toi, petit ouvrier, tu ne peux avoir accès à la propriété, mais les dignitaires du parti, eux, ne se privent pas d’avoir des propriétés, du fric, de magouiller, de faire trimer les paysans pour s’enrichir encore plus, plus vite.

L’auteur a fait des recherches, cela se sent dans son récit, qui colle au plus près à ces années noires du communisme, à son hypocrisie. C’est très intéressant à lire, à découvrir. On est immergé dans le récit, dans son époque trouble. J’ai toujours eu un faible pour la Russie (le pays, pas ses dirigeants, ni le communisme), j’étais donc dans mon élément, aux pays des Soviets.

Là où cela a coincé, c’est avec certains personnages, à la limite du manichéisme. Jack est le gentil, celui qui magouille sans trop arnaquer les autres, juste pou avoir de quoi s’en sortir, qui les aide, aussi. Il ne manque pas de réalisme, son pote Andrew non plus, lui qui ne voit que le bon côté du communisme et qui en a après tous les sales capitalistes.

L’inconvénient, c’est qu’ils manquent de subtilités, ça fait trop « gentil opposé au méchant ». Manque de finesses dans ces deux personnages, d’épaisseurs, de relief, de charisme. Pour peu, on se retrouverait avec un Tintin « Jack », le gentil qui aide tout le monde, même s’il rechigne un peu au début et qui va tout résoudre après.

De plus, Jack vire un peu trop à l’obsession avec son envie de se faire aimer par Elizabeth, une fille superficielle qui n’aime que les mecs riches. Jack, ouvre les yeux, nom de Dieu ! Un peu, ça va, mais à la fin, il devient lourd, le Jack.

Par contre, l’intrigue est très bien faite. Des sabotages ont lieu dans l’usine de la Zavod, à Gorki et notre Jack ne saura plus trop à quel saint se vouer. Qui joue avec ses couilles ? Qui lui ment ? Qui magouille et pourquoi ?

Dans ce système qui parle d’égalités, des ouvriers américains disparaissent, accusés de contre-révolution, la famine commence, on manque de tout, la répression frappe aveuglément et la corruption est la base de tout. Jack devra exécuter un sacré numéro d’équilibriste pour s’en sortir, tout en menant l’enquête sans savoir qui est dans son camp ou contre lui.

Hormis les quelques points d’achoppement avec les portraits trop manichéens de Jack et d’Andrew, j’ai apprécié le récit, cette plongée dans l’URSS des années 30, avec le moustachu Staline qui commençait déjà ses purges, qui menait tout le monde à la baguette, qui réprimait la population, tout en disant l’aider, tout en disant qu’il avait sorti les paysans de leur misère. Tu parles… Un génocidaire, voilà tout ce qu’il fut, tout ce qu’il était, le Joseph.

Un bon thriller que j’ai dévoré en peu de temps, tant je me sentais bien dans ses pages, bien qu’il ne fasse pas trop bon de traîner au pays des Soviets… Au moins, avec la littérature, on risque moins de se retrouver emprisonné.

Avec des personnages plus travaillés, plus profonds et moins superficiels, on aurait eu un très bon thriller. Là, ce qui sauve les meubles, c’est l’intrigue, le côté politique, le côté agent double qui ne sait plus à qui il peut faire confiance et l’immersion dans une époque terrible. Là, au moins, c’était bien travaillé !

#Challenge Halloween 2022

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°70] et et Le Challenge Halloween 2022 chez Lou & Hilde (Du 26 septembre au 31 octobre) – Thriller.

Rêver : Franck Thilliez

Titre : Rêver

Auteur : Franck Thilliez
Édition : Pocket Thriller (11/05/2017) – 630 pages

Résumé :
Psychologue réputée pour son expertise dans les affaires criminelles, Abigaël souffre d’une narcolepsie sévère qui lui fait confondre le rêve avec la réalité.

De nombreux mystères planent autour de la jeune femme, notamment concernant l’accident qui a coûté la vie à son père et à sa fille, et dont elle est miraculeusement sortie indemne.

L’affaire de disparition d’enfants sur laquelle elle travaille brouille ses derniers repères et fait bientôt basculer sa vie dans un cauchemar éveillé… Dans cette enquête, il y a une proie et un prédateur : elle-même.

Critique :
Abigaël… Encore un personnage de Thilliez qui pourrait aller porter plainte, vu comment son père littéraire l’a affligée de problèmes de santé : narcolepsie et cataplexie, sans oublier que lorsqu’elle rêve, elle a l’impression que c’est la réalité. 

Bon, moi aussi, lorsque je rêve, je pense que c’est réel, même si j’arrive à l’école en pyjama et en charentaises, juchée sur un vélo à trois roues. Alors que je ne vais plus à l’école depuis longtemps (ils m’ont donné mon diplôme), que je porte pas de pyjama, ni de charentaises et que je ne fais plus de tricycle. Pour moi, c’est réaliste.

Oui, mais moi, une fois réveillée, je sais que j’ai rêvé, Abigaël non ! Elle ne sait plus où est la réalité et où est le rêve ! La merde, tout de même, lorsqu’on est psychologue et que l’on aide les policiers dans des affaires sordides d’enlèvements d’enfants.

Hé oui, pas de petit assassin pèpère avec monsieur Thilliez ! Que des grandes poitures du crimes, du vice, du glauque, de l’horreur, de ceux qui se creusent la tête pour mettre en scène leurs saloperies et donner des cauchemars au parents des disparus et aux lecteurs.

Une fois de plus, l’auteur est arrivé à construire un véritable page-turner, avec des chapitres se finissant sur des cliffhanger et dont l’ordre n’est pas chronologique. Pas de stress, il y a une ligne du temps au-dessus qui vous indiquera à quel moment nous nous trouvons (on joue sur une ligne du temps de 7 mois).

Attention, vu que Abigaël ne sait plus où est la réalité, ni quand elle rêve, vous risquez quelques surprises. Faudrait juste pas en abuser…

Si le scénario est addictif et que les mystères semblent insolubles, les problèmes sont venus d’ailleurs : Abigaël, justement ! Difficile de la trouver sympathique, difficile d’entrer en phase avec elle, car j’avais l’impression qu’elle manquait de réalisme, de profondeur, bref, qu’elle était fausse. Sa maladie l’handicape lorsque l’auteur en a besoin et lui fout une paix royale si cela n’est pas nécessaire. Un peu facile.

Abigaël est intelligente et pourtant, elle n’a pas vu ce qui m’a crevé les yeux (trois choses importantes qui m’ont sauté aux yeux). En même temps, si elle les avait remarqué plus tôt, le cours du récit en eut été changé. De toute façon, une fois que j’avais éliminé l’impossible, ce qui me restait, aussi improbable que ça, était la vérité et bingo !

Un autre écueil, ce fut les explications finales, qui m’ont semblées être un peu limite, trop vite expliquées, trop vite expédiées et ensuite, on n’en parle plus. Et cette arme sortie dans la panique, ce tir, cela m’a semblé être le truc en trop, celui qui fout en l’air tout le scénario.

Puis le final, qui se termine abruptement, comme ça, pouf. Le deus ex machina qui vient au secours de l’héroïne qui se trouve dans une situation inextricable ? C’est moyen. Les ficelles étaient plus grosses dans ce roman et je les ai aperçues un peu trop facilement.

Anybref, je ne dis pas que ce thriller est mauvais, juste que je l’ai moins apprécié que d’autres du même auteur, qu’il ne m’a pas emporté comme les autres et que la séduction habituelle n’a pas eu tout à fait lieu. Il est addictif, je l’ai dévoré sur deux jours, mais la vague ne m’a pas emportée comme je le pensais.

Pas grave, il me reste encore quelques romans de l’auteur à découvrir et pour vibrer, comme j’ai l’habitude avec lui.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°28] et Le pavé de l’été 2022 (Sur mes Brizées).

Le dernier assaut : Jacques Tardi et Dominique Grange

Titre : Le dernier assaut

Scénaristes : Jacques Tardi et Dominique Grange
Dessinateur : Jacques Tardi

Édition : Casterman (05/10/2016)

Résumé :
Augustin Sauvageon, brancardier de son état égaré entre les lignes de front, enchaînent les rencontres toutes plus désagréables les unes que les autres…

Du capitaine raciste de La Coloniale aux soldats « nains » du roi d’Angleterre, en passant par les effroyables trouvailles technologiques des Huns… tout le monde en prend pour son grade ! Ca ne serait pas aussi effroyable, on en rirait presque.

Mais Tardi, passionné depuis plus de 30 ans par ce qui est devenu son sujet de prédilection, dénonce encore et toujours la bêtise et la cruauté des chefs, qui exploitent allègrement des pauvres gars qui n’ont jamais très bien compris ce qu’ils foutaient là.

Critique :
Augustin est brancardier et il sera notre guide dans cette énorme boucherie que fut la Première Guerre Mondiale, arpentant les tranchées, croisant bien des soldats et nous expliquant les choses les plus importantes qu’il y a savoir sur ce conflit mondial.

Ne cherchez pas un fil conducteur, il n’y en a pas vraiment, les tribulations d’Augustin n’étant là que pour dénoncer les injustices, le racisme, les tueries de masse, les incompétences des officiers, les magouilles des politiciens, le fric qu’on dû gagner les fournisseurs de matériel militaire et autres saloperies.

Le procès de la France est bien entendu à charge, l’auteur chargeant la mule de tous les reproches qu’on peut lui adresser, sans oublier de charger aussi l’Angleterre, qui fit venir tous les peuples des Dominions, pour les faire combattre dans la boue et les tranchées.

Ces deux pays, colonialistes au possible, n’ont jamais respecté les peuples de leurs colonies, devenu de la chair à canon dans un conflit dont en principe, ils n’avaient rien à voir.

Les procès à charge ne sont pas ma tasse de thé, l’équilibre n’étant pas assuré par un avocat, même du diable, mais dans ce cas-ci, je ne lui en voudrai pas, l’auteur ne faisant que dire des vérités et de mettre à jour des injustices flagrantes.

Augustin déambule, parle dans son argot des tranchées (compréhensible), les dessins des décors sont précis, il ne manque rien : ni les morts, ni les rats festoyant, ni les animaux crevés dans des fossés, ni les maisons détruites…

Tout est fait pour qu’en 88 pages, le lecteur en prenne plein la gueule et en sache le plus possible sur les différents gouvernements et leurs petites saloperies en coulisses. De toute façon, les politiciens n’ont jamais été patauger dans la boue, les tripes, le sang et les cadavres des tranchées, eux !

Ce récit parle de souffrance humaine, d’injustices, des horreurs du conflit mondial, qui a entraîné des morts en pagaille (avant que la grippe n’en fasse encore plus, la preuve que la vie ne manque jamais d’ironie) tout en engraissant d’autres (et pas que les rats).

Le discours est antimilitariste et je ne le reprocherai pas à l’auteur. Malgré tout, il manque un peu d’émotions, dans ces pages et j’en avais reçu bien plus en lisant la trilogie du Stalag IIB.

Voilà encore une bédé de Tardi que j’ai appréciée, malgré l’absence de fil rouge, malgré le manque d’émotions, malgré le discours d’Augustin qui pourrait faire penser que l’auteur règle des comptes avec les militaires et tous les connards qui aiment les conflits. Là, il n’a pas tout à fait tort…

Dommage pour les émotions manquantes, j’aurais aimé qu’il y en ai dans cet album, vu le sujet traité.

Condor : Caryl Ferey

Titre : Condor

Auteur : Caryl Ferey
Édition : Gallimard Série noire (2016) / Folio Policier (2018)

Résumé :
Condor, c’est l’histoire d’une enquête qui commence dans les bas-fonds de Santiago, submergés par la pauvreté et la drogue, pour s’achever dans le désert minéral d’Atacama…

Condor, c’est une plongé dans l’histoire du Chili, de la dictature répressive des années 1970 au retour d’une démocratie plombée par l’héritage politique et économique de Pinochet…

Condor, c’est surtout une histoire d’amour entre Gabriela, jeune vidéaste mapuche qui porte l’héritage mystique de son peuple, et Esteban, avocat spécialisé dans les causes perdues, portant comme une croix d’être issu d’une grande famille à la fortune controversée…

Critique :
Avec l’agence de voyage « Caryl Férey », je suis allée en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, en Argentine, en Colombie, en Sibérie et maintenant, je suis allée au Chili.

Tous ces voyages ont été éprouvants pour le cœur, épuisants pour les tripes, violents…

Je suis toujours sortie lessivée de ces lectures et malgré l’âme en berne, j’y reviens à chaque fois (en laissant passer un délai afin de me remettre de mes émotions).

Le Chili ne fera pas partie de ma destination de vacances (pardon, ma Rachel), car ce que j’en ai vu, heu, lu, m’a vacciné pour le restant de mes jours.

Le condor n’est pas un titre décerné au type le plus con du mois, mais à un prédateur des Andes, une sorte de charognard qui n’hésite pas à s’attaquer au plus faible, n’attendant pas qu’il soit trépassé, comme tout bon charognard. En toute impunité, bien entendu.

Le condor reste un animal, incapable de faire la différence entre le Bien et le Mal. La Nature est cruelle, ou pas puisqu’elle est incapable d’avoir connaissance de sa cruauté.

L’Homme oui ! Lorsque des puissants mangent sur le dos des plus faibles, le prenant le peu qu’ils ont, faisant tout pour qu’ils restent dans leur misère, traficotant de la drogue et autres saloperies afin de devenir encore plus riches, assassinant les gêneurs, les opposants, ceux qui ne se laissent pas faire, léchant le cul du dictateur afin d’avoir encore plus de puissance, de fric…

Eux ce sont pires que des charognards, ce sont des assassins et nommer leur plan « Condor » était une belle référence à l’animal, même si lui est innocent dans l’affaire. Les sales bestioles que sont la NSA, la CIA et la DEA ne sont pas innocentes, elles, que du contraire.

L’auteur frappe fort, sous la ceinture, là où ça fait mal et il pourrait encore taper plus fort, le crier plus fort, parce que personne n’écoute, personne ne veut entendre, tant que c’est loin de son jardin.

Attention, les sales idées, les plans merdiques, les dictatures, ce sont des concepts et des idées qui s’exportent bien. Et certains sont prêts à tout afin de rester là où ils sont, c’est-à-dire au sommet de la pyramide, là où le fric coule à flot, où la corruption n’est pas un gros mot et où les emmerdeurs finissent au terminus de Saint-Pierre (ou au terminus tout court).

Le récit est porté par des personnages que j’ai apprécié, qui étaient travaillés, pas des anges, ni des redresseurs de torts à la super-héros, mais des gens qui se bougent le cul, qui essaient.

Stefano, le projectionniste (ancien du MIR), Gabriella, la Mapuche, vidéaste passionnée et Estebàn (sans Tao, ni Zia), le fils de famille riche, avocat des causes perdues ont ajouté leur part à ce récit déjà flamboyant. C’est terrible, on n’en sort pas indemne, comme toujours avec ce diable de Caryl.

C’est documenté (l’auteur passe toujours du temps sur place et y revient ensuite, une fois la trame rédigée (merci Le 1 Spécial Polars Étrangers).

On commence doucement, lentement, sans avoir l’air d’y toucher et puis, successivement, l’auteur ajoute ses ingrédients (pimentés, ne manquant jamais de sel, de goût), ouvre les placards de l’Histoire et en sort une partie de ses squelettes.

La dictature, les Chicago Boys, les privatisations à tout va, le libéralisme effréné, l’assassinat d’Allende (coup d’état du 11 septembre 1973), la surexploitation des sous-sols, même dans les zones protégées, les trafics de drogues, Nixon…

Bref, le plat est copieux, bien servi, mais nous n’auriez pas eu envie de faire partie des gens qui ont vécus ces années horribles. Ni d’y vivre maintenant, dans des bidonvilles ou autre endroits où règne la misère, pendant que d’autres nagent dans le fric.

Les romans de Caryl Férey sont souvent brutaux, ils envoient du lourd, du très lourd et ils sont toujours bien fait (jusqu’à présent), car la violence n’est pas gratuite, juste pour faire bien, elle est juste celle qui existe (ou à existé), qui est la triste réalité de certains pays où l’on peut se faire assassiner en toute impunité et où personne n’a envie d’aller déposer plainte chez les poulets du coin.

Encore un roman coup de poing… Mais c’est un coup de poing comme je les aime.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°214] et Le Mois Espagnol (et Sud-Américain) chez Sharon – Mai 2022 (Fiche N°38).