Titre : Lagos lady – Amaka Thriller 01
Auteur : Leye Adenle
Édition : Métailié Noir (2016) / Points Policiers (2017)
Édition Originale : Easy Motion Tourist (2016)
Traduction : David Fauquemberg
Résumé :
Mauvaise idée de sortir seul quand on est blanc et qu’on ne connaît rien ni personne à Lagos; Guy Collins l’apprend à ses dépens, juste devant le Ronnie’s, où il découvre avec la foule effarée le corps d’une prostituée aux seins coupés.
En bon journaliste, il aime les scoops, mais celui-là risque bien de lui coûter cher : la police l’embarque et le boucle dans une cellule surpeuplée, en attendant de statuer sur son sort. Le sort, c’est Amaka, une splendide Nigériane, ange gardien des filles de la rue, qui, le prenant pour un reporter de la BBC, lui sauve la mise, à condition qu’il enquête sur cette vague d’assassinats.
Entraîné dans une sombre histoire de juju, la sorcellerie du cru, notre journaliste à la manque se demande ce qu’il est venu faire dans cette galère, tandis qu’Amaka mène la danse en tant qu’épatante femme d’action au milieu des notables pervers.
Hôtels chics, bars de seconde zone, jungle, bordels, embouteillages et planques en tout genre, Lagos bouillonne nuit et jour dans la frénésie highlife; les riches font tinter des coupes de champagne sur Victoria Island pendant que les pauvres s’entretuent à l’arme lourde dans les bas quartiers.
Critique :
« Rythme d’enfer avec des personnages impeccablement brossés », disait le bandeau-titre à l’arrière de la version poche.
Le rythme n’était pas d’enfer, d’ailleurs, un rythme trop élevé aurait nuit au récit. Un roman noir, ça se savoure, ça se déguste lentement. Attention, le récit ne manquait pas de rythme, loin de là, mais il était équilibré : ni trop rapide, ni trop lent.
Dans ce genre de roman, il ne faut pas bâcler les préliminaires, les lecteurs doivent avoir le temps de s’imprégner des atmosphères de la ville de Lagos, de ses quartiers miséreux où règnent la violence, sans oublier ses quartiers riches où vivent des gens qui s’en sont mis plein les fouilles grâce à la corruption ou autres trafics pas nets.
Quant aux personnages, en effet, ils étaient bien brossés, même si le journaliste anglais était un peu mou du genou, un peu crétin aussi, tandis que la jolie Amaka avait des couilles pour trois. Je me demande même si elle n’en avait pas pour plus que 3…
Mais au moins, les méchants n’étaient pas de ceux d’opérette, ils n’avaient rien de risibles, c’étaient des truands, ordinaires ou sadiques, devenu tels quels parce qu’ils n’ont pas eu le choix pour survivre ou parce que c’était le plus facile comme job, même si l’on ne fait pas vieux os et que la retraite, c’est souvent une balle que l’on se prend dans le buffet (et avant 64 ans).
M’est avis que le syndicat d’initiative ne sera pas content de la mauvaise pub que ce roman fait au pays : le Nigéria n’était pas dans mon top ten des destinations de rêves et il ne le sera jamais (surtout après cette lecture).
Ici, même si notre journaliste crèche dans un bel hôtel, ce que l’auteur nous montre, c’est ce que vous ne verrez jamais sur une carte postale ou dans un reportage d’échappées belles.
Ce que l’on voit a plus sa place dans une émission de reportage d’investigation où l’on dénonce la corruption, la violence, la politique pourrie (pléonasme, pardon), les flics véreux (on n’a pas envie de se faire arrêter par eux), le fétichisme, les croyances, la sorcellerie, la misère dans laquelle on a poussé des gens, obligeant les femmes à se prostituer pour payer des frais d’hospitalisation, pour pouvoir manger, se payer des études…
Notre journaliste n’avait pas l’intention d’enquêter sur les trafics du pays, ni sur les crimes rituels, ni sur les pratiques des policiers : il s’est juste trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. C’est la belle Amaka, qui, en le sortant de ce mauvais pas, va lui raconter ce qu’elle fait, ce qui se passe dans son pays et lui proposer d’écrire un article sur le sujet.
Ce roman noir, sombre, n’est pas difficile à lire, l’écriture de l’auteur va au plus simple, directement, sans fioritures, sans mettre des gants, avec de temps en temps une touche d’humour, d’ironie. Les phrases se lisent toutes seules et ce roman a été lu en deux petits jours à peine, tellement il prenait aux tripes.
Malheureusement, il a manqué des émotions. Malgré le côté badass d’Amaka (ou à cause de ça ?), je suis restée en retrait par rapport aux personnages et je n’ai pas vraiment su m’attacher à eux.
Ceci ne m’a pas empêché de profiter de ma lecture et de mon incursion en territoire Africain. J’ai apprécié le voyage, en sécurité dans mon canapé. Au moins, l’auteur ne sombre jamais dans le pathos.
Un premier roman qui laisse augurer que le suivant puisse être meilleur… Ah oui, c’est un problème : la suite au prochain épisode ! Là, j’ai moins aimé, car le lecteur n’est pas prévenu au départ. Oui, je savais qu’il y avait deux tomes avec Amaka, mais pas qu’il faudrait lire le deuxième pour savoir ce qu’il en sera de son combat contre un certain Malik…
Un roman noir où la vérité est bien cachée, ou tout le monde porte un masque, où les allégeances changent plus vite que le vent, où les balles sifflent et où les flics sont aussi terribles que les truands (si pas plus terribles).
Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°XXX] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°1X).