La trilogie de la ville blanche – 01 – Le silence de la ville blanche : Eva García Sáenz de Urturi

Titre : La trilogie de la ville blanche – 01 – Le silence de la ville blanche

Auteur : Eva García Sáenz de Urturi 🇪🇸

Éditions : Fleuve Noir (2020)/ Pocket Thriller (2022)
Édition Originale : El Silencio de la ciudad blanca (2016)
Traduction : Judith Vernant

Résumé :
Quand le passé vient à nouveau hanter une ville…

Dans la cathédrale de Sainte-Marie à Vitoria, un homme et une femme d’une vingtaine d’années sont retrouvés assassinés, dans une scénographie macabre : ils sont nus et se tiennent la joue dans un geste amoureux alors que les deux victimes ne se connaissaient pas.

Détail encore plus terrifiant : l’autopsie montrera que leur mort a été provoquée par des abeilles mises dans leur bouche. L’ensemble laisse croire qu’il existe un lien avec une série de crimes qui terrorisaient la ville vingt ans auparavant.

Sauf que l’auteur de ces actes, jadis membre apprécié de la communauté de Vitoria, est toujours derrière les barreaux. Sa libération conditionnelle étant imminente, qui est le responsable de ces nouveaux meurtres et quel est vraiment son but ?

Une certitude, l’inspecteur Unai López de Ayala, surnommé Kraken, va découvrir au cours de cette enquête un tout autre visage de la ville.

Critique :
Comme je le faisais remarquer l’autre jour, les assassins ne savent pas se contenter d’un bon vieux cadavre dans la bibliothèque, mais ils mettent tous en scène leurs meurtres, de la manière la plus spectaculaire qui soit. Faut qu’on les voit, qu’on les remarque.

Entre nous, n’est-il pas préférable d’éviter les mises en scène afin de ne pas se faire repérer ? En tout cas, le ou les coupables n’ont pas fait dans la dentelle et les auteurs de thriller ont eux aussi du mal à se contenter de scènes de crimes banales.

En tout cas, je n’ai pas boudé mon plaisir et ces petites réflexions sont plus à prendre dans le registre d’interrogations humoristiques. Les scénographies macabres des différents crimes ont éveillé en moi l’envie de découvrir l’enquête de l’inspecteur Unai López de Ayala et de l’inspectrice Estíbaliz Ruiz de Gauna.

Ah oui, nous sommes au Pays Basque et les noms sont à rallonge et pas facile à prononcer. Chapeau à l’autrice qui est arrivée à ancrer son intrigue dans la ville de Vitoria-Gasteiz (capitale de l’Alava). Une ville riche d’histoire et légendes et un récit qui se vit comme si vous étiez à Vitoria, que vous allez visiter de manière littéraire.

Vu le nombre de couples que l’on va retrouver assassinés, le récit ne manquera pas de rythme (hormis quelques moments plus lents) et les passages se déroulant dans le passé ajouterons du mystère à l’énigme de ces nouveaux meurtres (ben oui, le coupable est en taule !).

Si je me serai bien passée d’une histoire d’amour entre l’inspecteur et un autre personnage, j’ai aimé le duo qu’il forme avec Estíbaliz, leurs coups de gueules, leurs engueulades et le fait qu’ils soient humains avant tout. Unai a vécu des moments horribles dans sa vie, mais on a évité le cliché du flic alcoolo et trop sombre. Les personnages sont réalistes, je les ai bien aimé.

Ce thriller se dévore assez vite (prévoyez trois jours pour les 600 pages du format poche) et fait oublier le temps, tant on a envie de savoir qui est coupable, si c’est le même avec 20 ans d’écart ou un copy cat. Les fausses pistes seront nombreuses, nos deux inspecteurs vont courir partout, cherchant des indices et comme bien souvent, c’est en écoutant les vieux qu’ils en apprendront le plus.

Un thriller policier qui fait le job de nous propulser au Pays Basque, dans sa culture, son histoire, ses monuments et qui, au travers de mises en scène de crimes sordides, va nous emporter dans un maelstrom de mystères, nous faire perdre la tête en essayant de savoir qui est coupable, nous faire courir dans toute la ville et nous laisser épuisée dans les dernières pages. Merde, je n’avais pas vu venir le dernier truc.

Un thriller qui, une fois terminé, nous donne envie de plonger dans le suivant, mais surtout, de rembobiner tous les événements importants (que je pourrais vous lister, mais ça divulgâcherait tout) et de se dire que l’on pourrait commencer par « c’était l’histoire d’un mec qui… » et que si un tel personnage ou un autre avait été moins… ou plus… et bien, rien de tout cela ne serait arrivé ! À quoi ça tient, parfois.

Un thriller efficace !

PS : Un truc m’a laissé sans voix : les gens n’ont aucun scrupules à suivre le potentiel compte Twitter (ce n’était pas encore X) d’un tueur en série qui a assassiné des enfants (qui a été jugé et condamné)… Mais ils se désabonneront en masse en apprenant un truc sur cet homme, crime bien moins grave que l’assassinat des gosses (selon moi). L’humain me désespère.

Solo – Tome 4 – Legatus : Óscar Martín

Titre : Solo – Tome 4 – Legatus

Scénariste : Óscar Martín 🇪🇸
Dessinateur : Óscar Martín 🇪🇸

Édition : Delcourt Contrebande (2019)

Résumé :
Au décès de son mentor, Legatus le chien décide d’explorer de nouvelles voies de survie, construisant ainsi sa propre légende. Autour de lui se réunissent des « adeptes » de toutes les espèces cherchant à coexister dans le monde cannibale.

Mais cette nouvelle faction fait peur aux humains : si Legatus est un leader, ses fidèles sont une armée représentant un danger qu’il faut rapidement écraser…

Critique :
J’avais découvert la série Solo avec ce quatrième album, au moment de sa prépublication dans le Lanfeust Mag (Delcourt avait repris les éditions Soleil).

À ce moment-là, le post-apo et moi, nous ne nous fréquentions guère, mais j’avais apprécié très vite ce récit, même si je n’avais pas eu connaissance des précédents.

Après avoir lu les trois premiers albums, j’avais mis la série en pause, par manque de temps, de trop à lire…

Puisque en mai, c’est le Mois Espagnol & Sud Américain, j’avais une super bonne excuse pour reprendre cette série là où je l’avais arrêtée et l’occasion aussi de relire cet excellent récit, en une seule fois. Et il est toujours aussi fort !

Dans cet album, nous faisons connaissance avec Legatus, le chien que Solo le rat avait pris sous son aile. Son mentor n’est plus et Legatus va poursuivre sa route dans ce monde dévasté, où les humains élèvent des animaux pensant, afin de les manger. Eh oui, dans ce monde, il y a des animaux qui parlent et qui pensent. Et certains finiront dans les assiettes…

Le scénario est assez christique, car il est impossible de ne pas voir, en Legatus, un messie, un prophète (même s’il ne le veut pas), car il aide les pauvres, soigne les miséreux, les parias et dans son groupe, plusieurs races d’animaux cohabitent, s’entraident.

Oui, dans ce récit, Legatus fait figure de prophète entouré de ses apôtres, même si notre ami ne veut pas tomber dans ce piège.

Le monde post apo décrit dans cette série est un monde fait de désert, de rochers, un monde de privations, un monde de violences, où certains vivent protégés derrière des murs, dans des forteresses, tandis que d’autres, nommés parias, vivent dehors, à la merci de tout ce qui pourrait les manger, puisque nous sommes dans un monde cannibale.

Ce tome 4 relance la série, qui aurait risqué de tourner en rond, après trois albums ultra violents, fait de morts, de sang et de viscères. Legatus est un personnage fort, marquant, dont on n’oubliera pas le nom de sitôt, ni son humanité et le fait d’avoir lu le préquel « Alpha’ m’a fait mieux comprendre son personnage, puisque j’ai pu faire le parallèle avec son père.

Alors oui, le schéma est assez classique, avec un personnage qui aide les pauvres, avec des gens qui voudraient s’affranchir du pouvoir en place, vivre en paix, avec un Ponce Pilate qui se lave les mains, un salopard qui veut retrouver le pouvoir et un Judas qui trahira, avant de se rependre (oups). Mais vu le contexte social et environnemental de la bédé, cela change tout.

Un excellent tome, des dessins réalistes, tout en rondeur, comme si Legatus était le Roucky de Disney, des scènes qui ne sont pas statiques et des personnages forts, qui marquent, notamment Legatus et un final qui, bien que nous laissant à nouveau orphelin, est lui aussi un parallèle avec la fin d’un messie bien connu.

Un récit qui mélange admirablement du Mad Max pour l’univers et les codes du christianisme. Un putain d’excellent album qui nous pousse à la réflexion sur nos sociétés d’hyper consommation et sur la maltraitance animale.