Une libération : Nicolas Rabel

Titre : Une libération

Auteur : Nicolas Rabel
Édition : Pocket (21/08/2014) – 658 pages

Résumé :
Un vieil homme vient d’être assassiné dans une maison de retraite. Parmi les pensionnaires interrogés, Odette Dulac. Face au lieutenant de police, elle entame le récit de sa vie.

En 1940, à tout juste dix-neuf ans, l’Histoire la fait basculer dans l’âge adulte : elle entre dans la Résistance, une expérience inoubliable et douloureuse. Son interrogatoire tourne à la confession : Odette peut enfin chasser ses fantômes…

Critique :
Il ne fait pas toujours bon vivre, dans les maisons de repos (EPAHD), non pas à cause des quarts de biscuits qui vous sont donné pour votre goûter, mais pour une paire de ciseau plantée 8 fois dans le bide d’un résident.

Mais ce n’est pas par ce meurtre que le roman va commencer. D’ailleurs, le meurtre est accessoire, je trouve, il servira juste de déclencheur à Odette pour raconter son histoire, histoire qui commence avec son entrée dans la résistance, en tant que codeuse de messages.

Voilà un pavé que j’ai dévoré en deux jours et une matinée. Le genre de roman que l’on a du mal à lâcher, une fois commencé.

La période de la Seconde Guerre Mondiale est propice à bien des romans, vu la richesse de ce qu’il s’est passé : des horreurs, la plupart du temps (hélas), des actes de bravoure, de résistance, de collaboration, de débrouille, d’inventivité, de passivité, de courage, d’égoïsme, de partage…

Odette est un personnage sympathique, auquel on s’attache de suite. Elle n’est pas toute blanche non plus, mademoiselle ayant une aventure avec un Boche, tout en jouant à la Résistante. Les premières pages m’ont happée et je suis ressortie d’une longue apnée lorsque l’auteur est repassé au récit contemporain.

Dans le film « La grande Vadrouille », lorsque Stanislas Lefort et Augustin Bouvet (De Funès & Bourvil), déguisés en allemands, se font arrêter, un pêcheur, interprété par Paul Préboist, se marre et dit à son compère : V’là qu’ils s’arrêtent entre eux maintenant, ça doit pas marcher ben fort !

Et bien, dans ce roman, ce sont les Français qui arrêtent les Français ! À Paris, ville sous occupation Allemande, you risk on the two tableaux : avoir des emmerdes avec les Boches ou en avoir avec vos concitoyens, vos voisins… Et dans ce roman, you risk encore plus avec vos concitoyens qu’avec l’ennemi.

Comme pour une rafle célèbre, notre Odette ne verra jamais que des uniformes français et aucun vert-de-gris à la prison de Fresnes et lorsqu’un type avec l’accent du Nord la torturera pour la faire parler, il se trouvera même des excuses, le bougre de salopard !

Le récit fera la part belle à beaucoup de situations de l’époque, notamment des missions de Résistance, du marché noir (mais trop peu), des pénuries alimentaires, de la Libération de Paris, parlera des résistants de la 13ème heure, de la collaboration horizontale, sans remettre en cause les femmes ou les juger, parlera des actes de vengeance sordides, comme les tontes des femmes et des gens qui ont eu trop peur que pour résister.

Pas de manichéisme, les salauds n’étaient pas que les envahisseurs, parfois, c’était aussi le coiffeur de votre rue, votre voisine, une collègue, un voisin… La guerre change les gens et ce roman le montre bien.

La résolution du meurtre de la maison de retraite est accessoire, on se doute très bien de l’identité du coupable, ce que l’on veut savoir, c’est qu’elle était l’identité du mort et ce qu’il a bien pu faire pour se prendre des coups de ciseau dans le buffet. Entre nous, je râlais à chaque fois que l’on quittait le récit d’Odette pour revenir au présent. Ce n’est même pas une enquête, c’est juste une confession.

La plume est agréable, les actions sont décrites avec luxe de détails, ce qui aurait pu ralentir la lecture. Et bien non, les phrases se lisent toutes seules, l’action se déroulant devant mes yeux, comme au cinéma et c’est le cœur un peu gros que j’ai refermé ce roman, terminé. Cela faisait des années qu’il prenait les poussières dans mes étagères (2017)…

Un livre rempli d’émotions en tout genre, qui m’a emporté tel un tourbillon, me déposant à Paris, durant l’Occupation et la Libération, durant ces jours où les lois n’existaient plus, où tout le monde réglait ses comptes, à tort ou à raison, de vengeait des années de privation, se donnait bonne conscience, se dédouanait d’avoir eu peur et d’être resté immobile, jugeant alors les autres et se défoulant sur les femmes.

Un excellent roman, très bien documenté.

Une question restera pour toujours dans ma tête : mais qu’est-ce que j’aurais fait, moi ? Je ne pense pas avoir le courage d’Odette. Pourtant, au départ, cette jeune fille n’en avait guère, elle avait peur, n’osait pas et ensuite, c’est le premier pas qui coûte…

PS : C’était Blackat qui m’avait donné envie de le lire. Comme elle n’est plus de ce monde, je ne pourrai même pas la remercier pour cette belle lecture. Ni lui dire que je l’ai enfin lu !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°15] et Le pavé de l’été 2022 (Sur mes Brizées).

Le cycliste de Tchernobyl : Javier Sebastian

Titre : Le cycliste de Tchernobyl

Auteur : Javier Sebastian 🇪🇸
Édition : Métailié (2013)
Édition Originale : El ciclista de Chernóbil (2013)
Traduction : François Gaudry

Résumé :
Un vieil homme hagard, entouré de sacs remplis de vêtements, est abandonné dans un self-service sur les Champs-Élysées. « Ne les laissez pas me tuer », c’est tout ce qu’il sait dire.

Pripiat, ville fantôme, à trois kilomètres de la centrale de Tchernobyl : dans les rues désertes, entre la grande roue neuve et les autos tamponneuses abandonnées, pas âme qui vive. Sauf les samosiol, ceux qui sont revenus dans la zone interdite.

Laurenti Bakhtiarov chante Demis Roussos devant la salle vide du ciné-théâtre Prometheus, deux Américains givrés testent les effets de la radioactivité sur leur corps…

Au cœur d’une apocalypse permanente, Vassia, l’homme à vélo, croit encore à la possibilité d’une communauté humaine. Ce roman magistral est librement inspiré de la vie de Vassili Nesterenko, physicien spécialiste du nucléaire, devenu l’homme à abattre pour le KGB pour avoir tenté de contrer la désinformation systématique autour de Tchernobyl.

Des paysages hallucinés aux aberrations du système soviétique, Sebastián signe un texte d’une force rare, à la fois glaçant et étrangement beau, hymne à la résistance dans un monde dévasté.

Critique :
J’ai failli arrêter cette lecture, car entre elle et moi, le courant ne passait pas.

Le récit prenait du temps, je ne voyais pas où il allait arriver, pas de tirets cadratins pour les dialogues (pas de guillemets non plus). Bref, ça commençait mal.

Pourtant, le début avait tout de même éveillé ma curiosité : un vieil homme est abandonné dans un self-service, aux Champs Élysées. Le narrateur est accusé d’avoir abandonné son père. Ceci n’est pas son père. un quiproquo qui va faire naître une histoire peu banale…

Lorsque nous sommes entré à Pripiat, après la catastrophe d’avril 1986, la fusion a commencée, entre le roman et moi. Au diable les tirets cadratins manquants devant les dialogues, j’étais dans le récit et cela ne m’a plus gêné.

Une ville abandonnée, les villages aux alentours aussi. Tout qui se retrouve figé, notamment les auto-tamponneuses. Vertigineux, horrible. Tout le monde a dû partir, abandonnant tout sur place, n’emportant qu’une petite valise, obligé même de laisser leurs animaux de compagnie sur place…

Toute cette partie-là, ainsi que les quelques passages consacrés à ce qu’il se passa juste après l’accident, est terriblement instructive, intéressante et fait froid dans le dos.

Le vieil homme va tout doucement raconter son histoire et ce que l’on va découvrir sera bouleversant, en quelque sorte. Une vie après la mort d’une région. Cela valait la peine que je persévère dans ce roman. Mon début fut un peu laborieux, mais j’ai été récompensée ensuite.

On se demande ensuite ce qui fut le plus horrible : construire une centrale nucléaire sur une faille sismique, l’accident survenu suite à un test de sécurité mal assuré, le sacrifice des vies humaines pour enlever le graphite, la désinformation, la minimalisation de l’accident ou l’incapacité de l’URSS à réagir comme il fallait face à cet accident nucléaire ?

Sans doute le mélange de tout. Dans un scénario catastrophe, on trouverait cela exagéré et pourtant, la réalité a dépassé la plus mauvaise fiction.

Ce roman est une biographie romancée de Vassili Nesterenko, physicien spécialiste du nucléaire, qui s’est dressé, le poing levé, face au régime soviétique et face à tous ceux qui voulaient minimiser l’ampleur des dégâts, notamment sur la santé. Il a eu le KGB aux fesses, les flics, on a tenté de le tuer pour le faire taire.

Certaines scènes sont dramatiques, comme ces enfants qui ont mangé et bu ce qu’il ne fallait pas, parce que leurs parents n’étaient pas informés (ou mal informés), parce que seuls les habitants de Moscou étaient épargnés par les viandes, légumes, tubercules et autres produits des champs en provenance de la zone contaminée.

Le roman donne lieu aussi à de belles scènes, notamment celle de cette petite communauté vivant à Pripiat, soudée, qui danse, qui chante et où tout le monde prend soin de tout le monde.

Un beau roman, une belle histoire.

Le Mois Espagnol (et Sud-Américain) chez Sharon – Mai 2022 (Fiche N°15).

Retour de flammes – Tome 2 – Dernière séance : Laurent Galandon et Alicia Grande

Titre : Retour de flammes – Tome 2 – Dernière séance

Scénariste : Laurent Galandon
Dessinateur : Alicia Grande

Édition : Glénat (24/02/2021)

Résumé :
Paris, 1941. Le pyromane détruisant les pellicules de films allemands et l’assassin de Victoire courent toujours.

À travers son exploration des milieux interlopes du spectacle sous l’Occupation, le commissaire Engelbert Lange voit resurgir de vieux démons.

Hanté par le fantôme de sa mère qui l’avait abandonné pour tenter une carrière de comédienne et espionné de près par la Gestapo, pas facile de garder la tête froide pour résoudre cette double-enquête digne d’un film de Clouzot…

À travers ce polar historique bien ficelé et dessiné par la prometteuse Alicia Grande, Laurent Galandon nous fait arpenter les rues d’un Paris occupé où le cinéma peut aussi bien servir à contester le pouvoir qu’à le maintenir.

Critique :
C’était la dernièr’ séquence ♪ C’était la dernièr’ séance ♫ Et le rideau sur l’écran est tombé ♫ (*)

Et oui, avec ce second album, les réponses seront données, mais ce sera aussi la dernière séance, celle où la projection s’arrête.

Le passé du commissaire Lange est révélé et je comprends mieux pourquoi il avait tant de haine envers le monde du cinéma. À sa place, nous aurions fait de même.

Le scénariste évite aussi le manichéisme des acteurs/actrices tournant pour la Continental, firme allemande, juste pour les cachets juteux qu’ils reçoivent : lorsque le producteur Greven (un allemand) veut quelqu’un ou quelque chose pour ses films, il ne recule devant rien et bien des acteurs/actrices n’ont pas eu le choix de refuser.

Pourtant, il n’est pas tout à fait noir, plutôt en nuances de gris, comme bien des personnages de ce diptyque, ce qui les rend terriblement réalistes.

Les choses s’accélèrent dans ce tome, l’enquête fait de grands pas et j’ai été scotchée par la résolution, tant je n’avais rien vu venir !

Le scénariste est aussi allé un peu plus loin qu’une résolution à la « Colonel Moutarde avec le briquet dans la cabine de projection ». C’est plus profond que ça, plus réfléchi dans l’esprit du Commissaire Lange, qui, contrairement à son nom, laissera passer ce que d’autres auraient retenu.

Cela le rend plus humain aussi. Et sa partie de bras de fer avec Greven était très bien menée aussi, bravo l’ami !

♫ La lumière s’éteint déjà et le film est terminé… ♪

Ces deux bédés, qui se déroulaient dans le milieu du cinéma et à Paris sous l’Occupation de 1941, étaient véritablement bien menées. Comme quoi, ceux qui disent du mal des bédés (que ce sont pour les enfants), se trompent lourdement.

(*) Eddy Mitchell – La dernière séance

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°150], Le Mois du polar chez Sharon – Février 2022 [Lecture N°32] et Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 62 pages).

Retour de flammes – Tome 1 – Premier rendez-vous : Laurent Galandon et Alicia Grande

Titre : Retour de flammes – Tome 1 – Premier rendez-vous

Scénariste : Laurent Galandon
Dessinateur : Alicia Grande

Édition : Glénat (05/02/2020)

Résumé :
Le cinéma est une arme de guerre. Paris, sous l’Occupation, septembre 1941. Un incendie dans le cinéma Le Concordia détruit la pellicule d’un film de propagande nazi.

Chargé de résoudre l’affaire, le commissaire français Engelbert Lange découvre sur les lieux qu’il est surveillé par la Gestapo.

Car c’est la deuxième fois qu’un acte similaire est perpétré dans la capitale, les autorités allemandes prennent donc la chose très au sérieux : la piste terroriste est privilégiée. Son enquête va conduire Lange dans le monde du 7e Art. Il va découvrir l’intensité créatrice et le vent de liberté qui subsistent dans un Paris sous tension.

Mais entre la pression de ses supérieurs et celle de l’occupant, il va surtout devoir rendre des comptes… et voir resurgir de vieux démons.

À travers ce polar historique bien ficelé et dessiné par la prometteuse Alicia Grande, Laurent Galandon nous fait arpenter les rues d’un Paris occupé où le cinéma peut aussi bien servir à contester le pouvoir qu’à le maintenir.

Une enquête en deux volumes.

Critique :
Dans le film « La cité de la peur », un mystérieux assassin tuait les projectionnistes qui projetaient le film « Red is dead », un film d’horreur nanardesque. C’était délicieusement décalé.

Ici, c’est différent : un mystérieux type détruit des films de propagande nazi. Nous ne sommes pas dans une comédie, mais en 1941, sous l’Occupation.

Un agent de la police secrète allemande demande au commissaire Lange d’éponger cette affaire avant qu’il n’y ait des fuites et que les gens évitent les cinémas et ses merveilleux films allemands ! C’est de l’ironie de ma part, bien entendu, ce n’en est pas du fridolin qui cherche surtout un coupable Juif.

Le graphisme est très beau, les dessins sont réalistes, coloriés dans des tons pastels, assez clairs. Bref, c’est un bel objet.

Comme le commissaire Lange, nous sommes des néophytes en matière de cinéma des années 40, heureusement, en même temps qu’une personne le renseignera, nous pourrons en apprendre plus de notre côté et se coucher moins bête.

Le scénariste a fait du bon boulot en amenant des détails de la vie à Paris sous l’occupation et les infos sur le cinéma de l’époque de manière subtile, intégrant le tout dans son scénario, dans les dialogues, sans que cela ressemble à un cours. Alicia Grande, la dessinatrice, a bien restitué le tout en images.

Bien des sujets seront mis en lumière dans ce premier album, les uns s’imbriquant dans les autres à la manière des briques de couleurs célèbres, le tout formant une toile cohérente. De plus, notre commissaire n’enquêtera pas que sur le pyromane des bobines de propagandes. Il y a du crime mystérieux aussi.

Les personnages ne sont pas figés, chacun a ses petits secrets, ses bizarreries. Le commissaire décroche le pompon (mais je ne dirai rien de plus), son adjoint, l’inspecteur Goujon fera fort lui aussi, sa voisine Clothilde n’est pas en reste non plus…

Des mystères, des enquêtes qui doivent se faire avec délicatesse pour ne pas froisser les copains des dignitaires nazis et où le mot « collaboration » peut prendre plusieurs sens, bon comme mauvais.

Le résultat est que le premier tome est instructif tout en étant addictif. Nous sommes face à des enquêtes dont les mystères sont aussi épais qu’une bottine allemande et avec des personnages qui nous cachent bien des petits secrets inavouables…

Bien des personnages connus se retrouveront croqués dans ce premier album, dont Tino Rossi qui ne chantait pas « petit papa Noël » à la table des officiers allemands ou le réalisateur Clouzot qui ne faisait qu’une seule prise puisque les mètres de pellicule étaient comptés, ainsi que Danielle Darrieux et Fernandel chez Maxim’s.

Une bande dessinée sur une période sombre de l’Histoire et ce ne sont pas les projecteurs du cinéma qui vont lui donner de la lumière, vu que le régime de Vichy a créé le C.O.I.C (Comité d’Organisation de l’Industrie Cinématographique) afin de contrôler la production cinématographique…

Sans compter qu’il fallait correspondre aux exigences de Goebbels qui voulait que les français se contentent de films creux, de sornettes légères, de films inconsistants, comme les producteurs de films faisaient déjà puisque soumis à la censure vichyste.

Une belle découverte, une fois de plus et je m’en vais de ce pas lire le second tome (c’est un diptyque) afin de découvrir ce qu’il se cache derrière tous ces mystères…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°138], Le Mois du polar chez Sharon – Février 2022 [Lecture N°20], Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 64 pages), et Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres chez Bidb » (Espagne).

 

La ferme de l’enfant-loup : Jean-David Morvan, Percio Facundo et Patricio Angel Delpeche

Titre : La ferme de l’enfant-loup

Scénariste : Jean-David Morvan
Dessinateur : Percio Facundo
Couleurs : Patricio Angel Delpeche

Édition : Albin Michel Grands Formats (02/06/2021)

Résumé :
Maquis du Vercors – début juillet 1944. Six résistants prennent leurs quartiers dans une ferme abandonnée pour guetter l’arrivée des Allemands par le pont de la Goule Noire, un des rares accès au massif du Vercors.

Ces deux femmes et quatre hommes vont apprendre à se connaître et, après une série d’incidents angoissants, vont découvrir un enfant devenu sauvage suite au massacre de sa famille par des Nazis.

Le 21 juillet 1944, le petit groupe subit de plein fouet l’invasion par la 157e division de la Wehrmacht, appuyée par la Milice française. Le maquis du Vercors est anéanti… Heureusement, certains en sortiront vivants.

Critique :
8 juin 1944, le débarquement à eu lieu et si nous savons déjà qui va gagner la guerre, les gens de l’époque ne le savent pas encore.

On a chargé des résistants d’emmerder les Allemands et les cinq hommes et deux femmes sont planqués dans un trou perdu, sur le plateau du Vercors.

Le lieu est chargé d’horreur puisqu’en 1942, toute la famille Aguettaz y a été exécutée par les Allemands. Un seul blindé, un seul bataillon… Pourquoi avoir massacré une famille qui vivait en autarcie dans ce trou paumé ? Nous l’apprendrons en fin d’album…

Si dans les premiers moments, je n’ai pas été subjuguée par les dessins et les crayonnés pour les noircir, j’ai été conquise par ce scénario original, se basant sur des faits réels, même si les personnages sont issus de la fiction.

Le groupe de résistants est hétéroclite, des gens issus des différentes couches de la population, des jeunes, des plus anciens, un sénégalais, un polonais, un ancien de la guerre d’Espagne. Les portraits sont bien réalisés, on s’attache très vite à ces gens qui ont choisi de résister, de risquer leur vie.

L’album comporte de nombreux flash-back, expliquant le passé des membres, ainsi que la vie dure dans le Vercors, l’alcool de contrebande que l’on essaye de faire passer au nez et à la barbe des douaniers, ce qui est arrivé au gamin qu’ils ont trouvé, sa survie, les moments forts de chacun des résistants…

Quelques petites touches d’humour, des émotions, de l’amitié, de la chaleur humaine, de la tendresse, des moments d’attente, des moments émouvants, parsèment les pages de cet album qui m’a emporté.

Mélangeant la fiction avec des personnages inventés, des réels, les auteurs nous racontent l’Histoire du Vercors avant et après le débarquement de 44, le tout sans jamais sombrer dans le pathos.

Si au départ je n’avais pas apprécié les dessins et les crayonnés, par la suite, je les ai trouvé parfaitement dans le ton de l’album. Comme quoi, il ne faut jamais s’empêcher de lire une bédé parce que l’on aime pas les graphismes.

Le final m’a pris aux tripes… Il dure longtemps, les Boches sont partout, il est violent, à l’image de ce qu’est une guerre et il m’a mis le coeur en vrac face à cette barbarie sans nom.

Un magnifique album qui rend hommage à celles et ceux qui ont souffert, à ceux et celles qui ont résisté, qui ont essayé, qui ont donné leur vie, se sont sacrifié pour que d’autres en réchappent.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°114], Le Challenge Animaux du monde 2020 chez Sharon [Lecture N°106] et Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres chez Bidb » (Argentine).

GrandMèreDixNeuf et le secret du Soviétique ‭: ‬Ondjaki [LC avec Rachel]

Titre : GrandMèreDixNeuf et le secret du Soviétique

Auteur : Ondjaki
Édition : Métailié Biblio portugaise (21/01/2021)
Édition Originale : AvóDezanove e o segredo do Soviético
Traduction : Danielle Schramm

Résumé :
Dans une banlieue de Luanda près d’une petite plage, GrandMèreDixNeuf (on l’a amputée d’un orteil) s’occupe de toute une bande de gamins, curieux et débrouillards, amateurs de baignades et de fruits chapardés.

Des coopérants soviétiques construisent un Mausolée gigantesque pour la momie de Agostinho Neto, le père de la Révolution. La guerre civile est terminée, ils vont moderniser le quartier si bien situé au bord de la mer.

L’un des officiers est ami de la GrandMère, sa maison a toujours de l’électricité grâce à la dérivation qu’il lui a installée. Il souffre de cette chaleur, de ce soleil impitoyable, il rêve des hivers russes.

Les enfants ne veulent pas qu’on touche à leur quartier, ils prennent les choses en main pour pouvoir continuer à plonger dans la mer pour pousser des “cris bleu”.

Critique :
Comment qualifier ce roman… Amusant ? Affirmatif. Déroutant ? Affirmatif. Onirique ? Aussi. Drôle ? Oui, un peu. Noir ? Oui, aussi.

En fait, il est difficile de le faire rentrer dans des cases, tant il est étrange, ce roman.

Angola, années 80. Après les colons Portugais, les angolais on eu, en 1975, leur premier président de leur histoire (Agostinho Neto). Ce dernier a instauré une dictature d’inspiration marxiste-léniniste.

Voilà nos angolais communistes qui se donnent du camarade à tout bout de champ, même les gosses.

Leur président est mort en 1979 et les soviétiques présent dans le pays sont en train de lui ériger un mausolée immense, dans lequel pourra reposer le corps empaillé du président… Heu, le corps momifié ? Non, pardon, le corps embaumé (beurk).

Le problème est que le quartier pauvre de PraiaDoBispo, situé en bordure d’une plage de la banlieue de Luanda, va disparaître pour faire place à cette horreur mégalomane.

GrandMèreDixNeuf, qui au départ ne se prénomme pas encore ainsi puisqu’elle a encore ses 10 doigts à la main et aux pieds) est une sorte de grand-mère débonnaire qui s’occupe des enfants du quartier, sans que l’on sache vraiment si les enfants sont bien de sa descendance ou pas.

Ce sont deux garnements qui vont entrer en résistance et tenter de sauver leur quartier de la destruction programmée. Le récit est d’ailleurs raconté par l’un deux, sur un ton enfantin, léger, tout en ne manquant jamais de profondeur.

C’est casse-gueule d’utiliser un enfant comme narrateur, mais ce ne fut pas le cas ici. Sans jamais connaître le prénom (ou surnom) de notre jeune narrateur en herbe, on s’attache à lui de suite (et aux autres aussi).

Les surnoms des gens sont le reflet de ce qu’ils sont et les plus notables, en plus de GrandMèreDixNeuf (GrandMèreAgnette de son vrai nom), sont EcumeDeMer, le fou du quartier, TroisQuatorze, le copain du garnement, surnommé ainsi car son prénom est Pinduta (π = 3,14) VendeurD’Essence (qui n’a pas d’essence à vendre), VieuxPêcheur, GrandMèreCatarina (qui reste un mystère)…

D’un côté, cette lecture est amusante avec les réflexions des enfants, leur vision du monde des adultes, leurs questionnements, leurs moqueries envers les soviétiques, engoncés dans leurs chemises manches longues, sous le soleil, se moquant aussi de l’accent de celui qu’il ont surnommé le camarade Botard (ou CamaradeBotardov qui sent mauvais des aissellofs)…

Et de l’autre, cette lecture est plus sérieuse qu’on ne pourrait le croire car le lecteur, adulte, comprend plus de choses que les enfants. Sous le ton léger de la narration, on sent bien le drame caché des habitants qui subissent le communisme, les files devant la boulangerie, le manque de nourriture, les coupures de courant, la pauvreté des habitants de ce quartier.

Le ton de l’écriture est ironique, sarcastique, tout en étant aussi bourré de tendresse, de drôlerie, de naïveté, de touches d’humour, d’amitié, de joies simples et de vérités qui sortent de la bouche des enfants. C’est un mélange qui aurait pu foirer, s’il avait été mal dosé, mais ici, il est fait intelligemment et c’est un plaisir à lire.

J’ai même pris plaisir à lire l’espagnol cubain du docteur Camarade RafaëlTocToc, comprenant la majorité de ce qu’il disait. Pas de panique, la traduction de ses dires espagnoles sont traduits sous ses dialogues. Le fait de les lire en espagnol dans le texte nous fait comprendre les différences de langues entre lui et les habitants qui parlent le portugais, ainsi que les erreurs de compréhension de certains mots (expliqués en fin d’ouvrage).

Il règne une atmosphère de bonne humeur, d’innocence, de joie de vivre, dans ce quartier pauvre de PraiaDoBispo. On sent venir le drame, mais jamais l’auteur ne sombre dans le pathos, restant dans le registre de légèreté qui camoufle le sérieux de ce récit.

Un roman à la fois drôle et sérieux, amusant tout en étant intelligent, une bonne dose de bonne humeur pour bien commencer l’année, sans pour autant que ça manque de profondeur. Il faudra attendre la fin du récit pour connaître le secret du soviétique.

Il est dit, à la fin du roman, que l’auteur a puisé dans ses souvenirs d’enfance pour écrire ce roman.

Une excellente découverte et pour cela, je remercie ma copinaute Rachel qui me l’a proposé en LC. Une fois de plus, elle m’a fait sortir de ma zone de confort, m’a fait découvrir un auteur inconnu, l’univers décalé de ce roman inclassable et m’a fait cocher une case de plus sur ma carte des nationalités d’auteurs. Nous sommes raccord pour nos impressions de lecture.

Challenge Le tour du monde en 80 livres chez Bidb (Angola).

9 – Tome 2 – Le crépuscule des fauves : Marc Levy

Titre : Le crépuscule des fauves – 9 – Tome 02

Auteur : Marc Levy
Édition : Robert Laffont Versilio (02/03/2021)

Résumé :
Maya a disparu.

Une course contre la montre s’engage sur le terrain pour les hackeurs du Groupe 9 qui cherchent à déjouer la conspiration des fauves.

Les fauves, une poignée de puissants qui s’attaquent à nos libertés.

Leur plan : créer le chaos, s’approprier toutes les richesses et régner sans limites. Mais qui est 9 ?

Ce nouveau thriller de Marc Levy est la suite passionnante de l’aventure des 9 héros intrépides et attachants rencontrés dans « C’est arrivé la nuit ».

9 Robins des Bois d’aujourd’hui, 9 hors la loi qui œuvrent pour le bien au péril de leur vie. Un roman d’espionnage engagé qui dévoile de manière éblouissante les dérives de notre époque.

Critique :
Ce roman m’a épuisé ! Jamais je n’avais autant voyagé : Londres, Berlin, Kiev, Rome, l’île de Jersey, Istanbul et même la Syrie en guerre.

Le gouvernement a fait de nous des confit-nés et Marc Levy nous transforme en voyageur, nous faisant passer d’une ville à l’autre d’un simple coup de chapitre, se foutant pas mal de notre jet-lag.

Une fois de plus, ce techno-thriller est aussi jouissif que le premier volume ! Les chapitres sont assez courts, il y a de l’action, on bouge, on ne reste jamais longtemps statiques, les personnages du groupe 9 nous faisant sans cesse nous déplacer à leurs côtés, nous faisant passer d’un narrateur à l’autre, ce qui donne la sensation d’avancer à grande vitesse, sans jamais peindre la girafe.

Si, dans le premier, je découvrait les personnages composant le groupe de Grey Hat (hackers Robin des Bois, pas dans la légalité mais ne cherchant pas à foutre en l’air votre PC si vous n’avez rien fait de mal) et que je regrettais de ne pas en savoir plus sur eux, ce deuxième tome m’a permis de mieux faire connaissance avec eux, de découvrir leurs caractères, leurs défauts, qualités…

Ce techno-thriller, en plus d’être prenant, addictif, est aussi hautement glaçant ! Parce que même si c’est un roman, autrement dit, de la fiction, on sait, au fond de nous même que « Ceci n’est peut-être pas une fiction » (intitulé d’un faux documentaire de la chaîne publique Belge, la RTBF, qui avait glacé la Belgique entière, enfin, surtout le Sud).

Les noms des personnages réels ont beau avoir été changé, en cherchant un peu ou en ayant suivi l’actualité, on arrive à traduire leurs noms, le plus facile étant celui du canard peroxydé…

On sait que ce qui nous glace dans ce roman n’est que la simple et horrible réalité de notre Monde, de ce qui se passe en coulisse, chez les puissants et que leurs décisions, magouilles… bouleverseront les écosystèmes, nos vies, celle des autres, la santé,…

Ce deuxième volet de la saga 9 est dans la lignée du premier opus : addictif, hautement documenté, avec des personnages attachants (sauf les salopards amateurs de fric et de pouvoir) dans le cadre de nos hackers et un scénario qui nous laisse peu de temps libre car se battre dans l’ombre exige du temps et un investissement total !

L’écriture de l’auteur n’est pas simpliste, sans pour autant que l’on soit inondé de mots inconnus. Loin d’un récit neuneu, le texte est bourré de faits d’actualités qui vous fera aller au lit moins bête.

Vivement le troisième tome !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°227].

Thrillers polars 04

Buveurs de vent : Franck Bouysse

Titre : Buveurs de vent

Auteur : Franck Bouysse
Édition : Albin Michel (2020)

Résumé :
Ils sont quatre, nés au Gour Noir, cette vallée coupée du monde, perdue au milieu des montagnes. Ils sont quatre, frères et sœur, soudés par un indéfectible lien.

Marc d’abord, qui ne cesse de lire en cachette.

Matthieu, qui entend penser les arbres.

Puis Mabel, à la beauté sauvage.

Et Luc, l’enfant tragique, qui sait parler aux grenouilles, aux cerfs et aux oiseaux, et caresse le rêve d’être un jour l’un des leurs.

Tous travaillent, comme leur père, leur grand-père avant eux et la ville entière, pour le propriétaire de la centrale, des carrières et du barrage, Joyce le tyran, l’animal à sang froid…

Dans une langue somptueuse et magnétique, Franck Bouysse, l’auteur de « Né d’aucune femme », nous emporte au cœur de la légende du Gour Noir, et signe un roman aux allures de parabole sur la puissance de la nature et la promesse de l’insoumission.

Critique :
Ce roman est-il un rural noir ou un western noir ?

Sans doute un mélange des trois : c’est rural, aucun doute, c’est noir sans espoir et ce roman a des airs de western avec ce Joyce qui tient toute la vallée dans le creux de son poing, à tel point qu’on rêverait que Durango arrive pour lui faire la peau.

Ce Joyce, je l’ai détesté d’emblée, sans que jamais son portrait ne soit contrebalancé par des fêlures, même si on se doute qu’elles sont tapies dans le tréfonds de son âme. C’est ténu, c’est au lecteur à les lire entre les lignes.

Si le portrait du potentat local qui tient le barrage, la centrale électrique, la carrière et les habitants sous sa coupe ainsi que ceux de ses sbires (un nain, un géant, deux bas-de-plafond bêtes et très méchants ainsi qu’un chef de police ambitieux mais sans couilles) sont sans nuances, sans circonstances atténuantes, il n’en a pas été de même pour les autres personnages.

Le portrait des 4 enfants (Marc, Matthieu, Luc et Mabel) sont réussis, tout en douceur, en finesse, en tendresse. Mon coup de coeur est allé pour Elie, le grand-père, homme anéantit par un accident de travail et qui aime profondément ses petits-enfants.

Alors que Martin, leur père ne sait leur parler qu’en leur donnant des coups de ceintures et leur mère en leur citant les écritures, tellement elle est bigote mais a oublié le message essentiel du Nouveau Testament : le pardon ! Ils sont détestables, en effet, mais au moins, on aura un peu d’évolution.

S’il est impossible de situer l’époque du roman, il est assez facile de situer l’action dans un petit bled des montagnes où les gens sont facilement impressionnables et où garder son travail est plus important que tout, à tel point que personne ne se rebelle de cet espèce de dictateur qui possède toute la vallée.

Le récit est lent, mais j’ai aimé cette lenteur car elle m’a permise de m’imprégner des lieux, de la terre, de la nature, des personnages. Il n’est pas facile de comprendre certains actes, mais en se déplaçant sur la ligne du temps et en se mettant à leur place, il est plus aisé d’enfiler leurs bottes et d’éprouver leurs craintes, leurs haines.

Malgré tout, ce roman m’a moins touché que « Grossir le ciel » qui parlait d’un terroir dans lequel je me retrouvais beaucoup plus.

Par contre, le final, je l’ai senti venir et il m’a glacé les sangs…

PS : la scène où Joyce mange des oeufs à la coque restera gravée dans ma mémoire…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°104].

L’agent Indien : Dan O’Brien

Titre : L’agent Indien

Auteur : Dan O’Brien
Édition : Points (2010)
Édition Originale : The Indian Agent (2004)
Traduction : Aline Weil

Résumé :
Après l’assassinat en 1877 du chef de guerre des derniers Sioux rebelles Crazy Horse, Washington décide de nommer dans le Dakota du Sud le jeune docteur Valentine McGillycuddy comme agent indien de l’agence des Sioux oglalas, bientôt rebaptisée réserve de Pine Ridge.

L’homme, honnête et sans détours, va connaître les pires années de sa carrière au service du gouvernement. Ses nouvelles fonctions vont le confronter au chef oglala Red Cloud, une forte personnalité, retors, autoritaire, à l’esprit insaisissable et dont le pouvoir et l’ascendant sur les siens, que les Blancs pensaient briser après son enfermement dans la réserve, demeurent plus fort, que jamais.

Dans un style envoûtant, convaincant de par l’exactitude des faits, l’authenticité des personnages, O’Brien décrit minutieusement les circonstances de la politique et des tensions des premiers jours de la réserve, au moment où McGillycuddy, le fonctionnaire qui fit l’objet du plus grand nombre d’enquêtes en Amérique, presse les Sioux d’adopter une économie agricole.

Le jeune agent va en effet devoir affronter, outre la corruption et les prébendes, une opposition larvée, parfois rude et menaçante qui va pendant plusieurs années le mettre dans une position difficile vis-à-vis de ses collègues du bureau de Pine Ridge, des rares Indiens qui se sont mis de son côté, et du gouvernement dont l’un des enjeux des prochaines élections présidentielles concerne la politique du ministère de la Guerre quant à l’administration des réserves indiennes et notamment l’aigu problème sioux que pose Red Cloud à Washington.

Le face-à-face entre les deux hommes restera unique dans l’histoire d’un agent de réserve et son dénouement s’achèvera dans un déchirement qui incarnera à jamais le terrible symbole de la tragédie des Grandes Plaines d’Amérique.

Critique :
Ce roman historique parle d’une réalité que l’auteur a romancée.

Valentine McGillycuddy a réellement existé et il se destinait à une carrière de médecin dans l’armée.

Mais le gouvernement lui proposa d’occuper le poste d’agent dans la toute nouvelle réserve de Pine Ridge où étaient stationnés les Sioux et notamment Red Cloud.

Pas le poste le plus facile. Pourtant, Valentine est un homme honnête et droit, pas un magouilleur comme le furent bon nombre d’agent Indien chargé de l’intendance des réserves.

Ce roman nous plonge dans une partie de l’Histoire des États-Unis, pas la plus glorieuse puisqu’elle concerne des êtres humains placés dans des réserves et sommés de ne pas en partir, tant pis si les conditions de vie y sont misérables et à l’opposé de leur mode de vie.

Nous sommes dans un contexte pas facile non plus : Crazy Horse a été assassiné, Sitting Bull résiste encore toujours et Red Cloud est dans la réserve de Pine Ridge et ses rapports avec Valentine sont de l’ordre du bras de fer car si notre homme est incorruptible, il a l’idée folle de transformer les Indiens en brave petits fermiers cultivant leur terres.

Passer de chasseurs-cueilleurs à agriculteurs, ça ne se fait pas en quelques jours et il est difficile de faire plier des gens contre leur gré.

Ce roman, je voulais le découvrir depuis longtemps, hélas, je n’ai pas vraiment vibré avec l’écriture de l’auteur, le récit a été long et laborieux et pour ce qui est des émotions ressenties, ce ne fut pas le feu d’artifice, ni même un pétard, sauf mouillé.

Un comble vu que je me trouvais confrontée à un peuple qui crève de misère, privé de son moyen de subsistance qu’est le bison, vu comme des sauvages par les Blancs ou, au mieux, comme des enfants. Peuple qu’on a placé sur des terres infertiles, sauvages, ou rien ne pousse et où il fut défait de sa dignité. Les vibrations auraient dû être telluriques. Et rien…

Je retiendrai de cette lecture le fonctionnement des réserves, la corruption, les détournements des rations, la famine, l’indignité et le bras de fer entre deux hommes fiers, que tout oppose, notamment la vision des choses puisqu’ils ont chacun un idéal  et leur propre vision du futur indien.

Personne n’est tout à fait bon, personne n’est tout à fait méchant, mais chacun prêche pour sa chapelle et son peuple. Sans jamais prendre parti pour l’un ou pour l’autre, l’auteur nous livre un récit où les manigances politiques, culturelles et les coups-bas sont monnaie courante entre des adversaires.

Ce qui aurait dû être pour moi, une magnifique immersion dans les coulisses des réserves, du pouvoir politique des Blancs et des Indiens, s’est soldé par une déception littéraire. Et pour la nation Indienne, elle s’est soldée par le massacre du 29 décembre 1890, à Wounded Knee (Dakota du Sud).

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°45] et le Mois Américain – Septembre 2020 chez Titine et sur Fesse Bouc.

La conspiration des médiocres – « Perro » Lascano 04 : Ernesto Mallo

Titre : La conspiration des médiocres- « Perro » Lascano 04

Auteur : Ernesto Mallo
Édition :
Édition Originale : La conspiración de los mediocres (2015)
Traduction : Olivier Hamilton

Résumé :
En Argentine, au début du règne du dictateur Videla, Perro Lascano, jeune policier intègre, enquête sur le suicide d’un Allemand.

Se rendant compte qu’il s’agit en réalité d’un meurtre, il contrarie ses supérieurs corrompus en creusant cette piste et trouve dans le bureau du mort un carnet rédigé par un homme qui a été gardien à Auschwitz.

Critique :
Ce quatrième et dernier tome des enquêtes de « Perro » Lascano est en fait sa première enquête car nous le retrouvons dans l’Argentine des années 70, tout jeune policier, mais déjà tel que nous le verrons ensuite : intègre, incorruptible, ne lâchant jamais rien, tel un chien tenant un os.

Par contre, notre chien est un solitaire et il ne rejoindra jamais la meute des assassins du Triple A (Alianza Anticomunista Argentina).

Lascano dérange, il gêne, et donc, quoi de plus simple que de le mettre sur l’enquête d’un suicide. Elle est bien bonne… Si on voulait se foutre de sa gueule, c’est loupé car le suicide n’en est pas un, c’est une exécution déguisée.

Le faux suicidé est un Allemand et l’enquête va en déranger plus d’un et certains voudront faire cesser la chasse du chien Lascano à tout prix, lui mettre un collier et une laisse autour du cou afin qu’il arrête de chercher des puces sur les dos qu’il ne faut pas.

À mon avis, je viens de lire le Perro Lascano le plus sordide, le plus glaçant, bref, le plus mieux. Lascano est jeune et nous découvrons avec lui l’Argentine de Isabel Perón (1974/1976), qui sera déposée par la junte militaire que dirige le général putschiste Jorge Rafael Videla.

Une fois de plus, la résolution du crime est accessoire, de toute façon, l’assassiné était un salopard de la pire espèce, comme tous les autres qui émigrèrent après la Seconde Guerre Mondiale en Argentine, sans que celle-ci ne s’offusque de leur passé (les autres pays non plus, notamment les États-Unis avec les scientifiques nazis).

Et si tout vous semble aller dans un seul sens, méfiez-vous, parce que Mallo n’a pas  pour habitude de suivre un chemin tracé mais de bifurquer à un moment donné et de vous emmener sur d’autres chemins, plus escarpés, plus sombres, moins connu…

La résolution de l’enquête devient donc accessoire pour le lecteur car moins importante que l’Histoire dans l’histoire que l’auteur dévoile, se servant de ce crime pour nous la conter.

Dans ce récit, ce qui est le plus glaçant, c’est la traduction du carnet de cet Allemand ainsi que les exactions des hommes de Videla, la corruption, les meurtres, les exécutions, la police infiltrée par les types du Triple A, les tortures, les disparitions des gens qui dérangent ou qui pourraient en dire trop sur un indice d’une scène de crime,…

Du début à la fin, j’ai eu du mal à lâcher le roman tant il était prenant, tant il était poisseux de violence et de sang, tant la chape de plomb pesait sur mes épaules à cause de l’atmosphère que l’auteur a su rendre réaliste puisqu’il nous parlait de ce qu’il avait connu dans son pays.

Comme à son habitude, Ernesto Mallo ne s’embarrasse pas de tirets cadratins ou de guillemets pour ses dialogues qui se retrouvent noté en italique, tout simplement, avec les paroles des protagonistes qui se retrouvent toutes l’une sous l’autre, ce qui est plus facile à déchiffrer que lorsque les dialogues se retrouvent insérés dans la narration normale, comme je l’ai déjà vu.

Pour sa première enquête littéraire, Lascano paraît plus humain que dans les suivants car il est amoureux et donc, différent. La vie lui a déjà réservé bien des tourments, bien des peines, mais elle ne l’a pas encore cassé comme il semblait l’être dans les autres romans. Celui nous expliquera pourquoi.

Un roman noir écrit au vitriol, taillé au scalpel, un roman court mais ultra percutant, sombre, violent. L’auteur ne s’encombre pas de fioritures et va directement à l’essentiel. Du brut de décoffrage qui écorche la gorge et pique aux yeux.

Un Perro Lascano qui ne lâche rien mais qui va payer le prix de son honnêteté. Une enquête retorse où les atmosphères angoissantes du pays sont plus importantes que tout le reste. Il m’a glacé, ce roman noir.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°225 et le Mois Espagnol et Sud-Américain chez Sharon – Mai 2020 [Lecture – 13].

 

 

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