Titre : Une libération
Auteur : Nicolas Rabel
Édition : Pocket (21/08/2014) – 658 pages
Résumé :
Un vieil homme vient d’être assassiné dans une maison de retraite. Parmi les pensionnaires interrogés, Odette Dulac. Face au lieutenant de police, elle entame le récit de sa vie.
En 1940, à tout juste dix-neuf ans, l’Histoire la fait basculer dans l’âge adulte : elle entre dans la Résistance, une expérience inoubliable et douloureuse. Son interrogatoire tourne à la confession : Odette peut enfin chasser ses fantômes…
Critique :
Il ne fait pas toujours bon vivre, dans les maisons de repos (EPAHD), non pas à cause des quarts de biscuits qui vous sont donné pour votre goûter, mais pour une paire de ciseau plantée 8 fois dans le bide d’un résident.
Mais ce n’est pas par ce meurtre que le roman va commencer. D’ailleurs, le meurtre est accessoire, je trouve, il servira juste de déclencheur à Odette pour raconter son histoire, histoire qui commence avec son entrée dans la résistance, en tant que codeuse de messages.
Voilà un pavé que j’ai dévoré en deux jours et une matinée. Le genre de roman que l’on a du mal à lâcher, une fois commencé.
La période de la Seconde Guerre Mondiale est propice à bien des romans, vu la richesse de ce qu’il s’est passé : des horreurs, la plupart du temps (hélas), des actes de bravoure, de résistance, de collaboration, de débrouille, d’inventivité, de passivité, de courage, d’égoïsme, de partage…
Odette est un personnage sympathique, auquel on s’attache de suite. Elle n’est pas toute blanche non plus, mademoiselle ayant une aventure avec un Boche, tout en jouant à la Résistante. Les premières pages m’ont happée et je suis ressortie d’une longue apnée lorsque l’auteur est repassé au récit contemporain.
Dans le film « La grande Vadrouille », lorsque Stanislas Lefort et Augustin Bouvet (De Funès & Bourvil), déguisés en allemands, se font arrêter, un pêcheur, interprété par Paul Préboist, se marre et dit à son compère : V’là qu’ils s’arrêtent entre eux maintenant, ça doit pas marcher ben fort !
Et bien, dans ce roman, ce sont les Français qui arrêtent les Français ! À Paris, ville sous occupation Allemande, you risk on the two tableaux : avoir des emmerdes avec les Boches ou en avoir avec vos concitoyens, vos voisins… Et dans ce roman, you risk encore plus avec vos concitoyens qu’avec l’ennemi.
Comme pour une rafle célèbre, notre Odette ne verra jamais que des uniformes français et aucun vert-de-gris à la prison de Fresnes et lorsqu’un type avec l’accent du Nord la torturera pour la faire parler, il se trouvera même des excuses, le bougre de salopard !
Le récit fera la part belle à beaucoup de situations de l’époque, notamment des missions de Résistance, du marché noir (mais trop peu), des pénuries alimentaires, de la Libération de Paris, parlera des résistants de la 13ème heure, de la collaboration horizontale, sans remettre en cause les femmes ou les juger, parlera des actes de vengeance sordides, comme les tontes des femmes et des gens qui ont eu trop peur que pour résister.
Pas de manichéisme, les salauds n’étaient pas que les envahisseurs, parfois, c’était aussi le coiffeur de votre rue, votre voisine, une collègue, un voisin… La guerre change les gens et ce roman le montre bien.
La résolution du meurtre de la maison de retraite est accessoire, on se doute très bien de l’identité du coupable, ce que l’on veut savoir, c’est qu’elle était l’identité du mort et ce qu’il a bien pu faire pour se prendre des coups de ciseau dans le buffet. Entre nous, je râlais à chaque fois que l’on quittait le récit d’Odette pour revenir au présent. Ce n’est même pas une enquête, c’est juste une confession.
La plume est agréable, les actions sont décrites avec luxe de détails, ce qui aurait pu ralentir la lecture. Et bien non, les phrases se lisent toutes seules, l’action se déroulant devant mes yeux, comme au cinéma et c’est le cœur un peu gros que j’ai refermé ce roman, terminé. Cela faisait des années qu’il prenait les poussières dans mes étagères (2017)…
Un livre rempli d’émotions en tout genre, qui m’a emporté tel un tourbillon, me déposant à Paris, durant l’Occupation et la Libération, durant ces jours où les lois n’existaient plus, où tout le monde réglait ses comptes, à tort ou à raison, de vengeait des années de privation, se donnait bonne conscience, se dédouanait d’avoir eu peur et d’être resté immobile, jugeant alors les autres et se défoulant sur les femmes.
Un excellent roman, très bien documenté.
Une question restera pour toujours dans ma tête : mais qu’est-ce que j’aurais fait, moi ? Je ne pense pas avoir le courage d’Odette. Pourtant, au départ, cette jeune fille n’en avait guère, elle avait peur, n’osait pas et ensuite, c’est le premier pas qui coûte…
PS : C’était Blackat qui m’avait donné envie de le lire. Comme elle n’est plus de ce monde, je ne pourrai même pas la remercier pour cette belle lecture. Ni lui dire que je l’ai enfin lu !
Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°15] et Le pavé de l’été 2022 (Sur mes Brizées).