Golden West : Christian Rossi

Titre : Golden West

Scénariste : Christian Rossi
Dessinateur : Christian Rossi

Édition : Casterman (04/10/2023)

Résumé :
Banni de son peuple pour conjurer une malédiction, le novice apache Woan doit apprendre à survivre.

Après avoir affronté, seul, à la frontière nord-ouest du Mexique, les épreuves des éléments naturels et des passions humaines, le jeune homme croise la route d’un guerrier dont les faits d’armes et la spiritualité ont marqué l’Histoire des Etats-Unis et la légende dorée de l’Ouest : Geronimo !

Critique :
Cette bédé western, c’est 170 pages de pur bonheur, de plaisir pour les yeux, notamment grâce aux dessins et aux couleurs, sans oublier du plaisir tout court grâce au scénario qui ne manque pas de profondeur.

La construction n’est pas linéaire, l’auteur faisant des bons sur la ligne du temps et en passant d’un personnage bien connu qui est Go Khla Yeh, connu ensuite sous le nom de Geronimo.

Après avoir expliqué pourquoi cet apache Bedonkohe a changé de nom, l’auteur passera à l’autre personnage de cette bédé, Woan.

Woan est un gamin Apache qui aime chasser avec son ami Chatto, jusqu’au jour où ils chasseront ce qu’ils ne pouvaient chasser et que Woan sera puni par le bannissement, puisqu’il portera la poisse à partir de ce jour, puisque les esprits le suivront.

Ce western n’est pas que le récit d’une vie d’errance d’un jeune gamin qui deviendra adulte. C’est bien plus que cela. C’est un récit de résistance, celle des Amérindiens face aux visages pâles à la langue fourchue, c’est une histoire de guerre, de spoliation des terres, sur l’amitié qui pouvait naître entre un Natif et un visage pâle quand le respect était là.

C’est aussi le récit d’une assimilation forcée, puisque les Amérindiens n’ont pas su résister à la vague de Blancs qui est arrivée sur le continent. Les Blancs arrivaient comme des volées de sauterelles, comment auraient-ils pu résister ? Pas le choix, certains se sont inclinés, d’autres ont continué de résister, jusqu’à ce qu’ils baissent les armes aussi et se laissent enfermer dans des réserves qui avaient tout de camps…

Une superbe bédé, à découvrir, si vous aimez les récits qui parlent de résistance, de lutte, d’injustices, d’Amérindiens, de courage, d’héroïsme, mais aussi de tueries… Une bédé avec de la profondeur et des dessins superbes.

C’était mon dernier coup de cœur bédés de l’année 2023. Ou comment terminer avec des émotions tout plein et des yeux qui brillent…

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°095], Le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°17.

La hache de guerre : Jacques Seyr

Titre : La hache de guerre

Auteur : Jacques Seyr
Édition : Marabout Junior (1955)

Résumé :
Au milieu du XIXe siècle, les vastes espaces de l’ouest américain furent ouverts aux émigrants, et cela, en dépit de tous les traités qui garantissaient aux Indiens l’intégrité de leurs territoires de chasse.

Alors, les tribus peaux-rouges se levèrent et déterrèrent la hache de guerre.

Sioux, Cheyennes, Apaches s’élancèrent au combat et, parmi eux, des guerriers à jamais célèbre comme Red Cloud, Sitting Bull, Cochise et Geronimo.

Critique :
Dans les brocantes (vide-greniers) ou dans les bouquineries, j’adore fouiller pour les vieux romans édités chez Marabout Junior et surtout dans ceux qui concernent l’Ouest sauvage. Leurs pages sentent souvent l’odeur du vieux papier et ça me plait aussi.

Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, l’auteur, Jacques Seyr, est un pseudo d’Henry Vernes (le papa de Bob Morane). Je l’ai appris en créant la fiche du livre sur Livraddict (les recherches ont payées).

Datant de 1955, je m’attendais à un récit orienté et manichéen : les gentilles Tuniques Bleues, les merveilleux colons Blancs et les méchants horribles Indiens emplumés. Eh ben non, pas de manichéisme chez Marabout et on s’en rend compte dans l’introduction du roman. Ma mâchoire s’est décrochée tant je n’imaginais pas lire ça dans un roman datant de 1955 !

Dans cette intro, il est souligné que les Blancs n’ont jamais respecté leurs traités, leurs paroles données, qu’ils ont été violents, qu’ils ont massacrés et exterminés les Indiens. Mais on ne transforme pas non plus les Natifs en gentils Bisounours ! Il est dit que eux aussi ont assassinés et massacrés.

Mais l’intro va plus loin, puisqu’elle assimile les colons Blancs aux nazis, disant que la seule différence entre eux, était la froideur des nazis et leur côté scientifique pour assassiner les gens (chambres à gaz et fours crématoires). Par contre, les colons Blancs ont, bien avant 39-45, mis au point des camps de concentration pour y mettre les Indiens.

Pourtant, le bandeau de couverture annonçait la couleur : « L’histoire authentique et fascinante de la lutte des tribus peaux-rouges pour leur indépendance ». Pour une fois, le bandeau-titre était juste !

Ce court roman de 150 pages parle des révoltes des Indiens, commençant pas Little Crow qui, un jour, en a eu plein les mocassins de se faire traiter comme un moins que rien par les Blancs. Puis, après sa mort, les autres prendront la relève, notamment Red Cloud, Sitting Bull, Geronimo,…

Moi qui m’attendais à lire un roman d’aventure fictionnel, mettant en scène les Amérindiens dans leurs guerres et je me suis retrouvé avec un récit historique des plus classiques. Il y a peu de dialogues et chaque chapitre est consacré à une histoire qui se rapporte à la révolte des Indiens et à la guerre qu’ils ont menés contre les Blancs.

Nous aurons, par exemple, un chapitre consacré au massacre de Sand Creek (qui a encore plus mis le feu aux poudres), un autre à l’exploit d’un homme qui, en plein hiver, blizzard de neige, est allé chercher du secours au Fort Laramie, on nous parlera des assassinats des grands chefs Indiens (quelle traîtrise chez les Blancs), de la lutte de Geronimo, un petit peu de Little Big Horn,…

Les chapitres ne suivent pas une ligne du temps linéaire, mais se croisent, se recoupent, se rejoignent, sautent des années et le tout donnera une vue d’ensemble des multiples conflits qui ont émaillés la Conquête de l’Ouest, les traîtrises, les vacheries, les paroles non respectées, les refus de faire la paix du côté des Blancs.

En 150 pages, il est difficile d’entrer dans les détails, mais au moins, en lisant ce petit ouvrage, on a déjà tout compris et pas de manière binaire ou manichéenne. Ce n’était pas le but des éditions (belges) Marabout Junior que de publier des récits fictionnels, mais « […] une sélection de récits complets de palpitantes aventures à travers la vie, l’histoire, l’univers […] ».

Si vous ne savez rien ou pas grand-chose des guerres indiennes et des luttes qu’ils menèrent contre les colons, ce petit roman historique vous apprendra le nécessaire et si vous savez beaucoup, il aurait le mérite de vous remettre la mémoire à jour (surtout si, comme moi, elle est comme une passoire).

Un petit roman historique bien intéressant et que je ne regrette pas d’avoir acheté pour une bouchée de pain (quoique, au prix du pain maintenant, ça fait cher la bouchée).

PS : Les Marabout Junior ont surtout publié des récits de guerre, des biographies et des récits didactiques (sur les grandes polices du monde, sur le tour de France, l’histoire de la médecine, etc.), mais aussi des romans, comme les aventures Bob Morane, pour citer les plus connues.

Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023 et le Challenge Amérique du Nord anglophone chez ENNA LIT, ENNA VIT!

Fils d’homme : Augusto Roa Bastos

Titre : Fils d’homme

Auteur : Augusto Roa Bastos 🇵🇾
Édition : Points – Signatures (2018)
Édition Originale : Hijo de Hombre (1960)
Traduction : François Maspero

Résumé :
Les habitants d’Itapé et de Sapukai sont des êtres exsangues. Les premiers vénèrent un Christ de bois et de souffrance. Les seconds sont des révoltés.

À Itapé, la famille Jara tente l’impossible pour échapper à l’esclavage. À Sapukai, un mystérieux docteur guérit tous les maux.

Dans ces deux villages du Paraguay brûlés par le destin, les hommes vont résister durant un siècle à la folie et à la guerre.

Cette parabole, qui embrasse un siècle d’histoire du Paraguay autour de trois personnages messianiques – Gaspar Mora, Casiano Jara, Cristóbal Jara – et d’un narrateur ambigu et traître, Miguel Vera, a pour centre et pour raison d’être l’homme paraguayen, crucifié chaque jour par l’inclémence humaine et chaque jour ressuscité à l’espérance.

Bouleversant toute chronologie, les neuf parties, qui s’articulent selon un ordre non linéaire, sont autant de variations sur la résistance de l’homme à l’élimination physique et à la dégradation morale.

Fils d’homme, intense chef-d’œuvre de la littérature latino-américaine, valut à Roa Bastos 42 ans d’exil.

Critique :
En fouinant dans les bouquineries, je trouve souvent ce que je cherche et parfois aussi ce que je ne cherche pas vraiment, et ce fut le cas avec ce roman d’un auteur paraguyen.

Puisque le 4ème de couverture parlait d’un intense chef-d’œuvre et que je pouvais l’acquérir à petit prix, je n’ai pas hésité longtemps et hop, dans le panier d’achat.

Il tombait bien pour le Mois Espagnol et Sud-Américain et me permettrait de noircir un nouveau pays sur mon planisphère (le Paraguay).

Mais que dire sur cette lecture ? Ben, heu, en en fait, heu… Le plus important sera pour dire que je ne suis pas d’accord avec ce qui est dit sur le 4ème : intense chef-d’œuvre de la littérature latino-américaine. Bon, après, les goûts et les couleurs…

Ce roman est en fait constitué de plusieurs récits, comme des nouvelles (mais qui suivent un fil rouge), et qui nous racontent les us et coutumes des paysans paraguayens début du XXème siècle, vivant dans des villages retirés, ainsi que des souvenirs de l’époque, sous la dictature de Francia, bien avant.

J’ai apprécié le premier chapitre, avec un vieil homme qui raconte la mort tragique de son père, assassiné froidement par le dictateur Francia dont il était pourtant le serviteur fidèle. J’étais à fond dans l’histoire avec ce gringo, venu de nulle part et devenu un espèce de médecin. Les récits parlant de guerre, de combats, je les ai appréciés aussi.

Et puis, entre les deux, j’ai souvent décroché de ma lecture, passant des paragraphes, sautant des pages avant de perdre tout à faire le fil du récit, de mélanger les personnages et de finir par refermer ce bouquin sans avoir goûté au chef-d’œuvre annoncé.

Je retiendrai que ce roman offre 20 ans d’histoire du Paraguay, depuis la révolte paysanne (1912) jusqu’à la fin de la guerre du Chaco contre les Boliviens (de 1932 à 1935).

Ce roman montre aussi les souffrances et la misère que vécu la population paraguayenne au début des années 1900. Pour ne pas dire « un enfer »…

Hélas, entre lui et moi, le coup de foudre n’a pas eu lieu, dommage pour moi, parce que les critiques sur Babelio étaient plus qu’élogieuses.

Je voyais descendre du train ces hommes qui revenaient du bout du monde : il leur manquait un bras, une jambe, ils avaient le visage brûlé, couturé de cicatrices, certains étaient sans yeux, sans doigts, sans mains. Des déchets humains, c’est de ça qu’ils avaient l’air ! On devait se donner beaucoup de mal pour reconnaître ce qu’ils avaient été dans ce qui restait d’eux ? Des étrangers sous tous les rapports. Ces hommes qui avaient été autrefois jeunes et forts. Ils n’avaient pas pu mourir pour la gloire de la patrie, ils ne pouvaient plus mourir pour la gloire de Dieu… Miséricorde Seigneur, Dieu des Armées, Dieu Fort et Maître de la Mort !

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°38].

Les Aventures de Philip et Francis – Tome 1 – Menaces sur l’empire : Pierre Veys et Nicolas Barral

Titre : Les Aventures de Philip et Francis – Tome 1 – Menaces sur l’empire

Scénariste : Pierre Veys
Dessinateur : Nicolas Barral

Édition : Dargaud (01/04/2005)

Résumé :
Depuis quelques semaines, d’étranges phénomènes secouent le cœur de l’empire britannique. Londres vit des heures tragiques : les femmes se rebellent et entreprennent des actions spectaculaires et délirantes pour se libérer du joug de la domination masculine…

On s’aperçoit ainsi que la stabilité de la société anglaise dépend entièrement de la discipline stricte qu’elles respectaient jusqu’alors. Ce changement de comportement annonce-t-il une catastrophe sans précédent ? D’où vient cette terrible menace ?

Qui a intérêt à saper les fondements de cette brillante civilisation ? La mission de nos sémillants héros, Philip et Francis, sera d’apporter toutes les réponses à ces terrifiantes questions.

Critique :
Parodier, c’est facile, ce qui est plus compliqué, c’est de ne pas sombrer dans l’humour gras et lourd.

Il faut connaître sur le bout des doigts le mythe que l’on va parodier, connaître ses codes et jouer avec, sans que cela ne tourne à la caricature grossière.

Les lecteurs doivent rire, sourire, pouffer de rire et s’esclaffer devant les personnages archi connus et présentés sous un autre angle.

Le pari est réussi avec Blake et Mortimer, comme il l’était avec Baker Street et Hercule Potiron.

Blake et Mortimer, personnages d’Edgar P. Jacobs, sont ultra coincés, ne jurent jamais comme un capitaine Haddock, ne s’énervent pas comme un Joe Dalton. De tout temps et en toutes circonstances, le flegme britannique est affiché.

Alors, les découvrir totalement relâchés, décoincés, drôles, pas toujours des plus intelligents, ça fait un bien fou ! Ici, pas de bâton de chaise coincé dans les fessiers flegmatiques. Attention, ils restent raides, nos deux britanniques, mais d’une autre manière que leur alter ego officiels.

Philip Mortimer est obsédé sexuel, possède des magazines avec des femmes nues au milieu (et dans toutes les autres pages), c’est aussi un obsédé de la bouffe qui ne pense qu’a remplir son estomac et un savant raté.

Francis Blake est macho sur les bords, s’envoie en l’air avec une femme, vit chez sa môman et joue au petit train (le coquin !). Quant à Olrik, le découvrir en méchant raté m’a fait hurler de rire.

Dans ce premier album, les mâles anglais du M.I.5 (ou est-ce le 6 ?) se posent des questions : un vent de révolte gronde chez les femmes. Le thé n’est plus servi à l’heure, le service n’est plus impeccable, des femmes ont retirés leur soutien-gorge, d’autres l’ont brûlé…

Les ménagères de plus et moins de 50 ans et les épouses ne feraient plus ce pourquoi elles sont là ?? Je veux dire par là s’occuper de leurs maris, patrons, employeurs… Shocking !

Philip et Francis vont enquêter et ça ne manquera pas de piquant, d’humour, de drôlerie, de cocasseries, de clins d’œil à des choses connues (Kill Bill, Le Corniaud,…) ou tout simplement à la société anglaise.

On est dans la moquerie, dans le détournements des codes de la série originale, dans l’utilisation des clichés (à bon escient) tout en restant dans la finesse de l’humour anglais et pas dans le gras bon marché des films d’humour bas de gamme.

Sous le couvert de l’humour, il y a tout de même la dénonciation d’une société patriarcale qui considère que les femmes doivent rester à leur place, c’est-à-dire à la cuisine, dans le ménage, les tâches subalternes et aux ordres de ces messieurs (c’est ce que les personnages masculins dans cet album pensent, ceci n’est pas ma pensée, ni celles de tous les hommes – précision pour les gens qui prennent tout au premier degré).

C’est une parodie réussie, une fois de plus, un détournement des codes de Blake et Mortimer réalisé avec brio, humour et finesse. Une réussite.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°308], Le Challenge A Year in England pour les 10 ans du Mois anglais [Lecture N°61], Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 56 pages) et Le Mois anglais (Juin 2021 – Season 10) chez Lou, Cryssilda et Titine.

Don Vega : Pierre Alary

Titre : Don Vega

Scénariste : Pierre Alary
Dessinateur : Pierre Alary

Édition : Dargaud (02/10/2020)

Résumé :
Madrid, 1848. Don Vega, héritier d’une riche famille californienne, reçoit une lettre lui annonçant le décès de ses parents. L’auteur du courrier, le père Delgado, l’incite à rentrer « dans les plus brefs délais ».

À son retour, Don Vega découvre que le domaine familial est désormais géré par un ancien général, Gomez.

Celui-ci s’appuie sur Borrow, une brute sadique et sans scrupules, pour mettre la Californie en coupe réglée en rachetant des terrains à bas prix afin de les revendre plus cher.

Des peons ont le courage de se révolter. Le visage couvert d’une cagoule, ils se réclament d’el Zorro, un mythe populaire local. Le peuple les voit comme des héros.

Don Vega décide de suivre leur exemple : il revêt un costume noir et est bien décidé à faire payer les spoliations commises envers sa famille. La légende de Zorro est en marche…

Critique :
♫ Un cavalier qui surgit hors de la nuit et court vers l’aventure au galop… ♪

Tout le monde a encore en tête le générique de cette série datant de 1957 et qui a fait les beaux jours des gosses que nous étions dans les années 80 et dont les multiples rediffusions sur Fr3 continuent (et si vous l’aviez oublié, vous voici avec ça dans la tête toute la sainte journée).

Dans ce one shot, qui aurait mérité de faire plusieurs albums afin d’étoffer la légende, l’Histoire et d’épaissir les différents personnages, cette légende de Zorro n’a rien à voir avec la série de Disney tout public.

Le récit est sombre parce que l’Histoire n’est pas tirée d’un épisode des Bisounours mais de la réalité de 1849 où un flou juridique règne sur la Californie qui n’appartient plus au Mexique et qui ne fait pas encore partie des États-Unis, nation encore jeune.

Pas besoin de vous faire un dessin, les flous juridiques, les absences de législation, c’est du pain béni pour les profiteurs de tous poils qui cherchent à se remplir les poches en grugeant les propriétaires des terres et les futurs acheteurs.

Il y a de quoi se faire des couilles en or et le triste sire Gomez, aidé de ses sbires, a pris possession des propriétés de Don Vega et fait trimer des péons dans ses mines tout en réprimant dans le sang (ou par la corde) la moindre contestation, la moindre rébellion.

Nous sommes très loin des conneries du sergent Garcia ou des mimiques de Bernardo, qui ne se trouvent pas dans cet album, comme Tornado, pour cause de copyright de la marque.

Contrairement à la série Disney qui est tout public, cette bédé n’est pas faite pour les plus jeunes car il y a du sang, des morts, des assassinats, de l’exploitation de l’Homme par l’Homme. Ici, lorsqu’un homme veut se lever et sortir de sa condition d’esclave en se déguisant en Zorro, ça se termine toujours mal pour lui et pour sa famille.

Le graphisme est agréable, dynamique, les visages expressifs, les décors détaillés et aux couleurs adaptées, oscillant dans des tons gris, bleus ou ocres selon les moments de la journée ou les décors entourant les personnages.

Mon seul bémol sera pour le fait que le plupart des personnages ne soient pas assez développés. Malgré les 87 planches, cela reste trop court pour en apprendre un peu plus sur le Méchant et encore moins sur Don Vega, par contre, on a une idée assez précise sur les saloperies qui se déroulaient en Californie en 1848, lorsqu’elle fut perdue par le Mexique.

Une belle relecture d’un classique qui ne surfe pas sur le burlesque ou le grandguignolesque mais qui dénonce la main mise du capitalisme sur le prolétariat et qui donne envie, à la fin, d’entonner l’internationale et de crier aux armes citoyens péons !

J’ai adoré le clin d’oeil final…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°248], le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B) – 87 pages, Le Challenge Animaux du monde 2020 chez Sharon [Lecture N°53] et le Mois Espagnol chez Sharon – Mai 2021.

L’homme aux lèvres de saphir : Hervé Le Corre [LC avec Bianca]

Titre : L’homme aux lèvres de saphir

Auteur : Hervé Le Corre
Édition : Rivages Noir (2004)

Résumé :
Paris, 1870. Une série de meurtres sauvages semble obéir à une logique implacable et mystérieuse qui stupéfie la police, fort dépourvue face à ces crimes d’un genre nouveau.

Le meurtrier, lui, se veut « artiste » : il fait de la poésie concrète, il rend hommage à celui qu’il considère comme le plus grand écrivain du XIXème siècle, Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont, dont il prétend promouvoir le génie inconnu.

Dans le labyrinthe d’une ville grouillante de vie et de misère, entre l’espoir de lendemains meilleurs et la violence d’un régime à bout de souffle, un ouvrier révolutionnaire, un inspecteur de la sûreté, et deux femmes que l’a vie n’a pas épargnées vont croiser la trajectoire démente de l’assassin.

Nul ne sortira indemne de cette rencontre.

Ce livre a reçu le grand prix du roman noir français au festival de Cognac 2005 et le prix mystère de la critique 2005.

Critique :
— Gamin ! Gamin ! Reviens gamin, c’est pour rire ! (C’est arrivé près de chez vous – extrait)

Moi j’aurais tendance à dire « Cours, gamin, cours » (Forrest Gump) car l’homme qui arrive derrière toi va te tuer parce que tu es blond…

Un assassin qui tue les blonds ? Gad Elmaleh, sans aucun doute.

Paris, en 1870, une époque trouble, des grèves, des ouvriers qui grognent, des socialistes – des vrais ! – qui émergent et un tueur en série qui joue du couteau sur les blondins, les éventrant et mettant en scène leur mort.

Ne cherchez plus l’identité du coupable, c’est Hervé Pujols. Poirot et Holmes peuvent aller se rhabiller car nous sommes dans un scénario à la Columbo : nous connaissons l’identité du coupable dès le départ, le but sera de mettre la main dessus (ou pas ?).

Copiant l’oeuvre non publiée de son ami Isidore Ducasse, les “Chants de Maldoror” que ce dernier à écrite sous le nom du Comte de Lautréamont, l’assassin sème des cadavres à tous vents et si la police est sur les dents, en fait, elle n’est nulle part car pour un inspecteur qui se casse le cul, les autres s’en foutent royalement car la police est corrompue jusqu’à la moelle (ou la bite, pour certains).

Connaître l’identité du tueur ne fut pas une entrave au suspense ou au mystère car c’est avant tout le portrait de la ville de Paris en 1870 qui est tiré et il n’est pas joli à voir. Oublions les cartes postales, on patauge dans le prolétariat, ici.

Ce roman policier historique est aussi un roman noir puisque le côté social est présent. La société ouvrière est mise en avant, bien décrite dans ses misères, ses rêves, ses combats, on a la montée du socialisme, le ras-le-bol de Napoléon III et l’envie folle d’une République.

Oublions les beaux quartiers, nous allons nous encanailler dans les caboulots (caberdouches si nous étions à Bruxelles), éclusant des bock de mauvaise bière, nous arpenterons les ruelles sombres, celles des bas-fonds, nous mettrons aussi les pieds dans un bordel avec tout son cortège de pauvres filles tenues de rembourser des dettes à leur proxénète ou à la mère maquerelle.

L’exploitation de l’Homme par l’Homme, une fois de plus. Profitant de la misère et du besoin impérieux d’argent de tous ces crèves-la-faim qui sont venus à Paris et qui ont une famille à nourrir, les patrons ne se privent pas d’exploiter ces esclaves taillables et corvéables à merci.

Dans ce roman qui se dévore, le lecteur aura le plaisir de suivre plusieurs personnages dont certains seront des plus sympathiques.

Autant où j’ai bien aimé l’inspecteur basque (celui qui est intègre et qui bosse), autant où j’ai eu le coup de cœur pour Étienne et Fernand, ces deux ouvriers que la vie n’a pas épargnée. Leurs portraits sont des plus réalistes et il est difficile de ne pas s’attacher à eux.

Un roman policier noir et historique très bien construit, qui a du Zola dans ses pages ainsi que du Victor Hugo tant la misère des prolétaires est présente et que Paris a des airs d’une ville moyenâgeuse.

Un polar avec un serial-killer datant d’avant Jack The Ripper et qui est tout aussi violent que lui. Un polar noir, sombre, sanglant mais la plume gouailleuse de l’auteur, qui mêle l’argot de Paris dans les dialogues pour leur donner plus de vie, emporte le lecteur dans une autre époque et le voyage, s’il n’est pas de tout repos, est instructif et addictif.

Anybref, que les amateurs de Bisounours passent leur chemin…

Merci à ma copinaute Bianca qui m’a proposé cette LC. Le roman traînait dans ma biblio depuis novembre 2013, ticket de caisse coincé dedans comme preuve. Comme moi, elle a aimé sa lecture.

Extraits des Chants de Maldoror pour comprendre le titre et le coup du crabe tourteau :

Pour ne pas être reconnu, l’archange avait pris la forme d’un crabe tourteau, grand comme une vigogne. Il se tenait sur la pointe d’un écueil, au milieu de la mer, et attendait le favorable moment de la marée, pour opérer sa descente sur le rivage.

Mais, l’homme aux lèvres de saphir a calculé longtemps à l’avance un perfide coup. Son bâton est lancé avec force ; après maints ricochets sur les vagues, il va frapper à la tête l’archange bienfaiteur. Le crabe, mortellement atteint, tombe dans l’eau. La marée porte sur le rivage l’épave flottante. Il attendait la marée pour opérer plus facilement sa descente. Eh bien, la marée est venue ; elle l’a bercé de ses chants, et l’a mollement déposé sur la plage : le crabe n’est-il pas content ? Que lui faut-il de plus. Et Maldoror, penché sur le sable des grèves, reçoit dans ses bras deux amis, inséparablement réunis par les hasards de la lame : le cadavre du crabe tourteau et le bâton homicide !

 

Comme il est changé ! Les mains liées derrière le dos, il marche devant lui, comme s’il allait à l’échafaud, et, cependant, il n’est coupable d’aucun forfait. Ils sont arrivés dans l’enceinte circulaire de la place Vendôme. Sur l’entablement de la colonne massive, appuyé contre la balustrade carrée, à plus de cinquante mètres de hauteur du sol, un homme a lancé et déroulé un câble, qui tombe jusqu’à terre, à quelques pas d’Aghone.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lectures N°09].

 

Les Tuniques Bleues – Tome 20 – Black Face : Raoul Cauvin & Willy Lambil

Titre : Les Tuniques Bleues – Tome 20 – Black Face

Scénariste : Raoul Cauvin
Dessinateur : Willy Lambil

Édition : Dupuis (1983)

Résumé :
Derrière les lignes ennemies, il y a des Noirs, beaucoup de Noirs qui travaillent dans des plantations. Si l’on parvenait à les mener à la révolte, ils deviendraient de puissants alliés au camp des Nordistes.

Pour les convaincre de prendre les armes contre les Sudistes, il faut leur envoyer un des leurs. Escorté par le sergent Chesterfield et le caporal Blutch, un homme surnommé Black Face accepte d’aller parler aux esclaves de l’autre camp.

Mais attention, cette stratégie risque de se révéler une arme à double tranchant.

Critique :
Cet album des Tuniques Bleues m’avait terriblement intrigué lorsque je l’avais eu en main, en 1983… J’avais 8 ans, je connaissais déjà le sergent Chesterfield et le caporal Blutch, mais là, je ne comprenais pas.

Un Noir se tenait devant le duo, une arme à la main, peu amical et nos deux amis portaient l’uniforme de l’armée sudiste !

De plus, cet album avait ébranlé mes convictions : la guerre de Sécession avait eu lieu parce que le Nord voulait délivrer les Noirs maintenu en esclavage par le Sud et là, j’apprenais que ce but louable n’était pas une vérité, mais juste un bon prétexte et que les Noirs n’étaient pas libres dans le Nord…

— Cette guerre est surtout la leur voyons ! Nous luttons tous pour l’abolition de l’esclavage !
— Allons, allons mon cher ! Vous savez très bien que là n’est pas le véritable but ! Bon d’accord…il y a un peu de ça…il faut bien trouver un prétexte glorieux pour guerroyer ! Et puis ça tranquillise la conscience du peuple !
— Non…le vrai motif, c’est que certains de nos politiciens rêvent de s’approprier les richesses du sud ! Alors, les noirs, là-dedans, vous savez !

La claque ! Mes convictions naïves qui étaient les miennes à 8 ans volaient en éclat. L’être Humain était-il si vénal ? Des politiciens déclencheraient-ils une guerre parce qu’ils lorgnaient sur les riches propriétés du Sud ? Non, impossible ! Et mon esprit était revenu à la belle raison : délivrer les esclaves !

Je suis adulte depuis longtemps, j’ai grandi, appris des choses, rempli mon cerveau (du moins, je l’espère) d’autres choses que des bêtises. Exit la naïveté de mes 8 ans.

Ce que fait que depuis longtemps, à chaque fois que je relis cet album, je le vois toujours d’un autre oeil et je sais que sous le couvert de l’humour des répliques de Blutch et des situations cocasses du duo, il y a de la profondeur et une horrible leçon dans cette aventure, plus tragique qu’on ne pourrait le croire et qui n’aurait sans doute pas dû finir dans les menottes d’une gamine de 8 ans.

Non, les Noirs n’étaient pas si libres que ça dans le Nord ! Juste libre de faire ce que les Blancs leur disaient… Et le pire étaient ceux qui s’étaient engagé dans l’armée des Nordistes : juste bons à creuser des latrines et des tombes.

— Et si je me rends, que crois-tu qu’il va se passer ?
— [Blutch] Vous serrez emprisonné, puis jugé…
— Et puis ?
— Il y en a qui ont eu la vie sauve !
— Des blancs, peut-être ! Jamais des noirs, et tu le sais très bien ! A présent, fichez le camp ! Hop ! Du balai !
— Black Face, tu es fou à lier ! Vous n’avez pas la moindre chance !
— De la chance, on n’en a jamais eu ! Sauf aujourd’hui…celle de mourir libres !

— Que ce soit chez les blancs, les noirs, les rouges, les jaunes ou les verts s’il en existait…l’or et l’argent ont toujours été à la base de l’agonie de bien des consciences !…

Le scénario imaginé par le Nord pour foutre le bordel au Sud est diabolique, mais lorsqu’on envoie pareille bombe chez les autres, on ne sait jamais si au final, elle ne va pas nous exploser dans la gueule ! Et ici, ce sera le cas !

Poussant le diabolique à son paroxysme, le général va avoir une idée de génie et entre nous, dans l’Histoire, il ne devait pas être le premier et il ne sera pas le dernier, un moustachu l’a utilisée aussi. L’habit fait le moine, pour eux.

Sans manichéisme, tout le monde étant un peu gris dans cette histoire, les auteurs nous livrent un tome plus sérieux, plus noir, plus sombre, sur la guerre de Sécession, sans pour autant renier leur habitude de le traiter avec humour, tout en restant sobre puisque l’humour sera dans les dialogues entre le sergent et le caporal.

Un album fort sombre qui m’avait fait un peu peur lorsque j’étais jeune à cause de quelques scènes de pillages sur fonds de maisons incendiées.

Un album où les Nordistes ne ressortaient pas grandis… Un album qui m’expliquaient que personne n’était tout blanc ni tout noir, que personne ne lavait plus blanc qu’un autre et qu’au final, l’Homme était un salaud.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2018-2019) et le Mois Américain chez Titine (Septembre 2018).

Durango – Tome 11 – Colorado : Yves Swolfs

Titre : Durango – Tome 11 – Colorado

Scénariste : Yves Swolfs
Dessinateur : Yves Swolfs

Édition : Alpen Publishers (1992) / Les Humanoïdes Associés (2006) / Soleil (2007)

Résumé :
Un mystérieux personnage a fixé rendez-vous à Durango dans une ville minière du Colorado, Nortonville, pour une mission non moins mystérieuse. Fraîchement descendu du train, le tueur professionnel s’aperçoit que la ville en question est gérée par un shérif aux méthodes peu orthodoxes et par des adjoints à la gâchette facile.

Qui peut bien avoir besoin des services de Durango dans ces lieux où la population semble terrorisée ?

Critique :
Diantre, que diable, que vois-je ? Durango voyageant dans un train et non pas juché sur une monture tel un cow-boy solitaire loin de chez lui ?

Serait-ce une copie de notre Durango ? Non, pas possible… Le regard noir jeté à un importun un peu trop curieux fini de me rassurer : ceci est bien notre Durango !

De plus, si on veut se rassurer un peu plus, notre ami ne débarque pas dans une ville pour rejoindre le monde civilisé puisque celle ville est gérée par la poigne de fer de Norton, directeur de la mine qui tient ses travailleurs dans une misère noire digne de Germinal, épaulé par Maxwell, un shérif véreux, lui-même entouré d’hommes de mains qui n’ont rien d’enfants de cœur.

Nortonville, Colorado… T’as pas envie d’y passer tes vacances et encore moins de bosser pour Norton. Toute la ville lui appartient, il fixe le prix des loyers, des denrées alimentaires et ce que les mineurs gagnent ne suffit même pas à les nourrir correctement, eux et leurs familles.

Si Jack London était passé par-là, il les aurait nommé aussi « le peuple des abysses » tant leur misère est elle aussi organisée par la pouvoir en place. Un omnipotent qui gère la ville, ça ne donne jamais rien de bon, et un omnipotent qui confie la gestion à un shérif magouilleur et tueur aidé d’une milice privée, ça donne un truc encore plus pire !

Une fois de plus l’Amérique décrite dans cet album n’a rien de réjouissante, en même temps, quand on ouvre un Durango, il faut savoir qu’on va se trouver à cent mille lieues des Bisounours, mais en pleine ligne de mire des révolvers qui vont parler, et tout le monde sait que le luger de notre gaucher sexy fait plus de bruit que les autres.

Un album qui se déroule sur fond de misère sociale, de révolte des mineurs matée dans le sang et la poudre, avec une fille qui veut lutter contre son père tout puissant, et des hommes qui aimeraient que leurs gosses mangent à leur fin.

Quant à notre blondin de Durango, il aura fort à faire pour s’en sortir vivant, même si la dernière case pourrait nous donner l’impression qu’il va terminer sa carrière de tueur au tome 11.

L’aventure s’étalant sur deux albums, lors de ma première lecture, j’avais dû attendre un certain temps avant d’avoir droit à la suite, maintenant, les doigts de pieds en éventail et un café chaud en main, je peux enquiller les deux sans stress, avec plaisir et délectation, comme toujours avec mon cher Durango !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2017-2018), le Challenge « Polar Historique » de Sharon, le Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park, le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur et Le « Mois Américain – Septembre 2017 » chez Titine.