Pottsville, 1280 habitants : Jim Thompson

Pottsville 1280 habitants - Jim Thompson

Titre : Pottsville, 1280 habitants

Auteur : Jim Thompson
Édition : Payot et Rivages (2016)
Édition originale : Pop. 1280 (1964) – Série noire N°1000 (1966) – Folio policier N°26 (1998)

Résumé :
Shérif de Pottsville, 1280 habitants, Texas, au début du vingtième siècle, Nick Corey mène une vie routinière pas trop fatigante dans la mesure où il évite de se mêler des affaires de ses administrés. Débonnaire, apparemment pas très malin, il se laisse même contester et humilier en public.

Comme si ça ne suffisait pas, il est cocu et aux prochaines élections, il pourrait perdre sa place. Il décide donc de commencer à faire le ménage…

goldmedal_pop1280Critique :
Enfin la traduction intégrale de ce monument du roman noir ! Bon sang, je dis pas que ça me manquait, mais je dis pas que ça me manquait pas non plus, comme le dirait si bien notre shérif Nick Corey.

— Tu vois, Ken, je dirais pas que t’as tort, mais j’affirmerais sûrement pas que t’as raison non plus.

Évidemment, je n’ai plus eu le plaisir de la surprise avec Nick Corey puisque j’avais lu sa version tronquée de chez Folio « 1275 âmes », malgré tout, cela reste jubilatoire de relire ce livre où l’humour noir se balade allégrement dans les pages.

Aucun soucis avec le récit au présent hormis au départ, lorsque le shérif Nick Corey nous parle qu’il avait suivi le conseil du shérif Ken Lacey au sujet des toilettes publiques…

Là je me suis dit « Mais il allait chez Ken Lacey pour tout autre chose que les soucis avec les toilettes publiques » et puis ça fit Tilt ! Il nous racontait sa dernière visite !

Maintenant que j’ai lu le récit en entier, je trouve que le travail de traduction est magnifique, plus de passage caviardé, on a l’intégrale du voyage en train, que je n’avais eu connaissance qu’en lisant le roman de Jean-Bernard Pouy.

– Ouais, il y a quelqu’un dans les toilettes.
– Elle y est entrée il y a un instant à peine. Une femme nue montée sur un poney à robe tachetée.
– Ah… Mais comment ça se fait qu’une femme soit entrée dans les toilettes pour hommes ?
– C’est à cause du poney, il me répond. Lui aussi, il avait envie de pisser.

Oh my god, le récit se déroule en 1917 ! On le déduit aisément en lisant « Alors, comment ça se passe, est-ce que les bolcheviques vont renverser le tsar ? ». Purée, quand on caviardait à l’époque, on caviardait !

Grosse erreur d’avoir laissé le texte amputé de certains morceaux dans la réédition de Folio parce que Jim Thompson a une plume souvent citée, mais non encore égalée et dans ce roman, il nous le prouve par A+B.

Son écriture fait mouche parce que l’on rit, on sourit, on se demande où notre gros balourd de Nick Corey va nous emmener avant de se prendre un coup de poing dans la gueule en découvrant que…

Chaque page est un florilège de scepticisme, de pessimisme, d’ironie, de sarcasmes, de cynisme, de subtilités, de sadisme, le tout roulé dans la roublardise et trempée dans de l’hypocrisie.

On trouve toujours des gens prêts à salir un honnête homme, même s’ils n’ont pas le moindre début de preuve de quoi que ce soit.

— Vas-tu te mettre, oui ou non, à faire respecter la loi ?
— Bien sûr que oui ! Je ne ferai plus que ça, c’est certain !
— Parfait, je suis soulagé de l’apprendre.
— Oui, parfaitement ! Je vais vraiment commencer à sévir. À partir de maintenant, tout contrevenant à la loi aura affaire à moi. À la condition, bien sûr, qu’il s’agisse d’un Noir ou d’un petit Blanc fauché qui n’a pas les moyens de payer l’impôt électoral.
— Voilà une déclaration plutôt cynique, dis-moi !
— Moi, cynique ? Allons, voyons, Robert Lee. Qu’est-ce qui pourrait bien me rendre cynique.

Un roman que je conseillerais à ceux ou celles qui voudraient découvrir les romans noirs en commençant par un qui est noir comme un café serré mais jubilatoire de par ses dialogues et ses situations cocasses.

Quant aux personnages, on n’en retrouvera jamais des pareils ! Nick Corey est un admirable demeuré, sa femme une garce, son beau-frère Lennie un débile, ses maîtresses, des femmes qui ont le feu au cul, le shérif Ken Lacey du comté voisin, un tyran aux bons conseils et ses administrés, des gens qui se foutent de lui.

Je n’ai jamais eu d’autre métier que celui de shérif. C’est tout ce que je sais faire. Autrement dit, je ne sais rien faire.

En moins d’une minute, elle a tellement embrouillé les idées de cet idiot de Lennie qu’il ne serait plus capable de retrouver ses fesses, même si elles faisaient sonner des clochettes.

Un roman noir où les cadavres se ramasse à la pelle, où le racisme est roi puisque nous sommes dans le Sud, où le shérif est un feignant de premier ordre, passant son temps à manger, à faire des siestes, à ne pas trop en faire sauf quand il honore ses maîtresses. Bref, il est amoral et possède tous les vices.

Ce que je pense, c’est qu’elle doit avoir des fourmis dans le fri-fri ou des cafards dans le falzar, une tracasserie de ce genre-là. En tout cas, il me semble urgent de faire quelque chose avant que sa culotte ne prenne feu et ne provoque un incendie sur le champ de foire, déclenchant une panique telle que des milliers de gens pourraient périr piétinés, sans parler des dégâts matériels. Et je ne vois qu’un seul moyen d’empêcher ça.

On devrait le haïr et on l’apprécie tout de même. J’ai honte de le dire, mais je n’ai jamais pu m’empêcher de rire et de battre des mains en criant « encore » ! J’ai honte…

Un grand roman noir, un grand auteur et c’est malheureux d’avoir dû attendre jusqu’en 2016 pour en avoir sa traduction non caviardée. Je remercie d’ailleurs Jean-François Guérif et Jean-Paul Gratias pour ce joli cadeau.

— La prochaine fois qu’ils te donnent seulement l’impression de vouloir te chambrer, tu leur balances un coup de pied dans les balloches, aussi fort que tu peux.
— Hein ? Mais ça fait rudement mal, non ?
— Tu parles ! Pas si tu portes une bonne paire de bottes qu’ont pas un seul trou nulle part.
— C’est ça, ajoute Buck. Faites bien attention que vous ayez pas d’orteils qui dépassent, et vous sentirez rien.

Décapant ! Hilarant ! Un roman bien noir et cynique, où l’on rit (jaune) très souvent… Un régal en version intégrale.

— Rose, tu devrais arrêter de jurer comme un charretier. Ça risque de t’échapper à un moment gênant.
— Ouais, t’as raison bon sang ! C’est la faute à Tom, ce salopard de fils de pute, mais tu peux être foutrement sûr que je vais faire de mon mieux pour m’améliorer, bordel de Dieu !
— Parfait, Je vois que cela ne posera pas trop de problèmes.

— La prochaine fois qu’ils te donnent seulement l’impression de vouloir te chambrer, tu leur balances un coup de pied dans les balloches, aussi fort que tu peux.
— Hein ? Mais ça fait rudement mal, non ?
— Tu parles ! Pas si tu portes une bonne paire de bottes qu’ont pas un seul trou nulle part.
— C’est ça, ajoute Buck. Faites bien attention que vous ayez pas d’orteils qui dépassent, et vous sentirez rien.

Étoile 5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017), Le « Challenge US » chez Noctembule et le RAT A Week Estival, Summer Edition chez Chroniques Littéraires.

BILAN - Coup de coeur

41 réflexions au sujet de « Pottsville, 1280 habitants : Jim Thompson »

  1. Ping : Bilan pour le challenge polar et thriller 2016-2017 | deslivresetsharon

  2. Ping : Pottsville, 1 280 habitants – Jim Thompson | 22h05 rue des Dames

  3. Ping : Bilan du challenge Polar et Thriller – février 2017 | deslivresetsharon

  4. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Août 2016 | The Cannibal Lecteur

  5. J’avais la version tronquée dans ma pàL depuis un bail mais jamais été vraiment tenté. Quand je l’ai trouvé en version intégrale je me suis rué dessus. Un vrai régal, totalement jubilatoire. Une perle noire (mais pas de Tahiti).

    Aimé par 1 personne

    • Lu la version de Folio que j’avais pensé – à tort – être au moins plus proche de la réalité, mais dans le cul Lulu, ils s’étaient contenté de recopier la SN.

      J’ai donc lu la caviardée et la vraie, j’ai vu ce que j’avais loupé et je suis contente d’avoir fait les deux !

      J’aime

    • En effet, j’avais d’ailleurs la tête de Philippe Noiret lorsque je lisais les péripéties de Nick. Mais dommage que Tavernier l’ait transposé en Afrique… Certes, pour montrer le racisme, rien de tel, mais l’Amérique profonde sudiste donne mieux, je trouve.

      Malgré tout, j’avais adoré !

      J’aime

  6. Ping : Le challenge USA | 22h05 rue des Dames

  7. Je crois que ce livre va faire partie de ton top 10 des meilleurs bouquins lus 🙂
    J’ai trop hâte de le lire 🙂
    J’ai encore trois livres dans la PAL 🙂 Il est passé en quatrième position.
    Merci pour ce super billet belette, comme d’hab quoi 🙂

    J’aime

    • Mais de rien ma chère Noctembule ! Un plaisir, toujours un plaisir de vous faire plaisir et de faire découvrir d’autres choses, dont ce magnifique et excellentissime roman noir. Un des meilleurs, un de mes préférés, un coup de coeur la première fois, et la deuxième fois !

      J’aime

C'est à votre tour d'écrire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.