Auteur : Zygmunt Miloszewski
Édition : Mirobole (2013)
Résumé :
Un dimanche matin, au milieu d’une session de thérapie collective organisée dans un ancien monastère de Varsovie, l’un des participants est retrouvé mort, une broche à rôtir plantée dans l’œil.
L’affaire est prise en main par le procureur Teodore Szacki. Las de la routine bureaucratique et de son mariage sans relief, Sazcki ne sait même plus si son quotidien l’épuise ou l’ennuie. Il veut du changement, et cette affaire dépassera ses espérances.
Cette méthode de la constellation familiale, par exemple, une psychothérapie peu conventionnelle basée sur les mises en scène… Son pouvoir semble effrayant. L’un des participants à cette session se serait-il laissé absorber par son rôle au point de commettre un meurtre ? Ou faut-il chercher plus loin, avant même la chute du communisme ?
Zygmunt Miloszewski signe un polar impressionnant, où s’affrontent la Varsovie d’aujourd’hui et les crimes du passé.
Critique :
Se faire tuer d’une broche à rôtir dans l’oeil… Voilà qui est peu banal, déjà. Ajoutons à cela que le crime s’est passé dans dans un ancien monastère de Varsovie et que le cadavre, avant de trépasser, participait à une thérapie collective dite de la « constellation familiale »… Vous m’avouerez qu’il a l’air malin, le colonel Moutarde, dans la bibliothèque avec son chandelier !
Une autre chose qui change des polars « classiques » : pas d’inspecteur, de détective ou de flic alcoolo pour cette dénouer cette affaire. Non, c’est le procureur Teodore Szacki est chargé de l’enquête. Il n’est pas dépressif, ne boit pas comme un régiment polonais, ne se drogue pas… Il est juste un peu désabusé et las de sa vie de couple qui a viré au banal mâtiné de routine.
Ah, j’oubliais de vous dire qu’il a 35 ans, des cheveux tout blancs et qu’il est plutôt bôgosse ! Monsieur ne serait pas contre le fait d’aller tremper son biscuit dans la tasse de café de la séduisante journaliste Monika (non, pas Lewinski !). Un type comme on en connait beaucoup…
Conseil : ne lisez pas ce roman pour son côté trépidant, il n’en a pas vraiment. Malgré tout, pour moi, ce fut un page-turner car j’avais faim d’en savoir plus sur la Pologne, qui, malgré la chute du Mur, n’en a pas fini avec son système corrompu. Quand à la Justice, elle tourne sur trois pattes… Le côté politique du livre, je l’ai dévoré.
Teodore Szacki (Teo) est notre narrateur privilégié et il ne se prive pas pour nous expliquer toutes les petites subtilités d’un système où les procureurs vont sur le terrain avec les policiers, pour enquêter, qu’ils sont débordés par le boulot, noyé sous la paperasse administrative, que leur taux de résolution des crimes est plus que nul (on est loin des séries télés), que certains de leurs dossiers prennent la poussière faute d’avoir résolu l’affaire et que tous concernent quasi des affaires de meurtres par abus d’alcool ou des violences conjugales.
Et non, en Pologne, le fait d’être procureur ne donne pas droit aux pleins pouvoirs… Que nenni !! Notre charmant Teo n’a rien d’un SuperProc avec une cape et avec des pouvoirs illimités ou un détecteur de mensonges greffé dans son nez. Donc, il peut se faire mener en bateau et tourner en rond durant son enquête qui piétine.
Il faut dire qu’on ne lui facilite pas la tâche non plus… Ni sa hiérarchie, ni les suspects dont il est en train de se demander si la thérapie aurait pu faire déraper l’un d’eux au point d’embrocher Henryk Telak comme un vulgaire rôti…
Quand à ses hormones en plein travail, elles le feront aller deux fois aux toilettes afin de soulager une tension mal placée. Bref, un enquêteur qui n’en est pas vraiment un, avec ses failles, ses doutes, ses pulsions. Un personnage des plus agréable à suivre.
Comme je vous le disais, le rythme est assez lent, mais il nous permet d’entrer plus en profondeur dans la société polonaise, d’explorer ses méandres tortueux, d’apprendre des choses sur sa justice, corrompue de partout; d’explorer un peu la mentalité de la population et les rouages des institutions. Sans oublier les politiciens qui se regardent le nombril à longueur de journée.
Les politiciens vivaient dans un monde en vase clos, persuadés qu’à longueur de journée ils accomplissaient des tâches à ce point capitales qu’ils devaient absolument en rendre compte lors de conférences de presse. Leur prétendue valeur se voyait confirmée par des légions de chroniqueurs enthousiastes, eux aussi convaincus de la gravité des faits qu’ils relataient et poussés probablement par le besoin de rationaliser les heures d’un travail vidé de sa substance. Et finalement, en dépit des efforts conjugués de ces deux groupes professionnels, couplés à l’assaut médiatique d’informations superflues mais présentées comme essentielles, le peuple tout entier n’en avait rien à foutre.
En fait, on peut dire que l’enquête sert à juger sévèrement le système qui en est encore comme « au bon vieux temps » du communisme (ironie, bien entendu).
– N’exagère pas, répliqua Szacki, nous ne sommes pas en Sicile. On parle probablement de deux ou trois gars qui louent anonymement un bureau à Varsovie-Centre pour y jouer les grands méchants agents des services secrets, trop fiers d’avoir sorti dans le temps quelques dossiers en douce.
Wenzel grimaça.
– J’exagère ? Corrige-moi si je me trompe, mais est-ce qu’en 1989 tu as vu exploser une espèce de bombe « K » qui aurait vaporisé d’un seul coup tous les putains d’apparatchiks rouges, toutes les crapules à la solde des soviétiques; tous les agents, les indics, les collaborateurs, toute cette racaille totalitaire ? Je vais te dire une bonne chose : ils vont t’acheter ou t’effrayer.
Autre chose de bien agréable aussi : à chaque début de chapitre, on avait droit à un morceau de l’actualité correspondant à la période de l’enquête (juin 2005). Une bonne idée qui permet, non seulement de replacer les souvenirs mais aussi d’en apprendre un peu plus sur la Pologne.
J’ai adoré « Les impliqués » pour son côté politique, plus important que l’enquête, presque… Pour ne pas dire que l’enquête et la politique (au sens large) étaient « attachés l’un à l’autre ». Le meurtre et la politique sont de vieux compères qui vont bras-dessus, bras-dessous…
Bref, un vrai roman noir au contexte politique poussé ! Un délice de fin gastronome pour moi.
Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014) et Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle (Prix du Gros Calibre en Pologne en 2007 pour le meilleur polar de l’année).
Normalement le côté politique et la lenteur ne sont pas pour moi, mais là tu m’as tentée par son deuxième et pour mieux cerner le personnage faut passer par le premier, donc je le note !
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Dans le premier, il est à Varsovie et marié, dans le second, il est divorcé et dans le trou du cul de la Pologne.
Moi j’aime la politique dans les romans. Surtout quand elle est bien écrite 😉
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Le contexte doit être passionnant et puis j’ai du mal à résister à un mort qui a une broche à rôtir enfonçée dans l’oeil ! Tu m’as convaincue !
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Le coup de la broche m’avait accroché lorsque j’avais lu la fiche critique que « Collectif Polar » avait faite. Elle me l’avait conseillé, en plus, et j’ai pris le risque de sortir mon portefeuille pour un livre, qui, a première vue, ne m’aurait pas fait de l’oeil en librairie. Claude le Nocher aussi m’avait convaincue, alors, au diable l’avarice !!
J’ai adoréééééé ! 😉
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En tout cas j’ai adoré ton billet, comme d’hab ! (ça me manquait les billets de ma Belette préférée) (je dois en avoir un paquet en retard 😦 ) mais bon … (soupir)… Un polonais sobre, alors là je suis scotchée !!! Je le note pour je ne sais pas quand mais la lenteur ne me dérange et en savoir plus sur le système géo-politique j’aime aussi alors il a tout pour me plaire ce Téo ! :)…
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Oui, il a tout pour plaire, le Téo !! Il ne boit pas, mais il s’isole dans les WC pour s’occuper de son biscuit en manque d’aventures palpitantes 😆
En apprendre plus sur la politique de la Pologne était agréable, j’aime bien, moi, apprendre !
Tes comm me manquaient aussi !! Bienvenue parmi nous, Aspho ! 😉
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Joker…je passe mon tour!! J’aime pas ce qui est lent bien que parfois la lenteur me soit bénéfique (ceci est un message subliminal)…par contre la politique, qu’elle soit lente ou rapide, ça me pompe le dard (et ce n’est pas subliminal ça)!!!ahahahha
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Mon dieu, que des phrases pernicieuses et concupiscentes !!! Pour moi, c’est un délice de lire pareille choses qui peuvent être lues sur deux étages…
La lenteur, pour les préliminaires, c’est tout bon, et la politique aussi, parce que avec eux, on est bien baisées !! Et c’est garantit sur facture ! 😀
C’est pas de la politique pure et dure, mais on explore le fameux système et ses dérives. J’ai super bien aimé, mais je te pardonne si tu ne veux pas le lire… 😉
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Je sais que tu adores les deux étages..j’adore ça aussi!!
Merci de me pardonner..tu es trop bonne toi!! hihihih
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C’est ma grande mansuétude qui fait que je te pardonne si facilement ! 😉
Les mots à double sens, ça me fait baver !!!
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Ton billet me fait penser que je n’ai pas publié le mien 😉 Contrairement à toi, je n’ai pas vraiment apprécié ce roman, trop lent, trop politique pour moi !
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Ben voilà, ce qui m’a plu t’as déplu… 😉
Allez, au travail !
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bravo, tu peux être fière de toi, tu viens de me faire regretter de ne pas être allé voir l’auteur à Quais du Polar
Tu l’as fait exprès, c’est ça ? 😉
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Merde, j’aurais bien aimé le voir aussi, lui !!! Mais sans avoir lu le livre, ça fait toujours un peu con… 😦
Bon, tu sais ce qu’il te reste à faire l’année prochaine 😉 Lire le livre et aller à la rencontre de l’auteur !!!
Non, même pas fait exprès, tiens… 🙄
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non ce que je dois faire avant toute chose, c’est m’entraîner à prononcer son nom 6 fois de suite 😉
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Et ensuite, tu ajoutes « Sigurdadottir » et « Yerruldelger » et là, t’es bon pour les JO des mots imprononçables !
Au fait, j’ai acheté 3000 chevaux… mais des vapeurs !! 😉 Mais non, je n’ai pas ma ménopause et mes vapeurs… Non, je n’ai pas acheté un haras gigantesque… juste le livre de monsieur Varenne (qui, entre nous, porte le nom d’un gagnant du GP d’Amérique… Varenne, un superbe cheval de course; rhâââ^^a).
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Yeeeees oh ça me fait plaisir ça , énormément ! Le livre, pas le cheval hein 😉
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Ben quoi, un cheval, c’est bien aussi, non ?? Sans cheval, comment il aurait fait le personnage du livre, hein ??? Et la Conquête de l’Ouest, comment ils l’auraient faites, sans canassons, hein ?????
Me reste plus qu’à le lire….. 🙄
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Tu verras dans le livre, les chevaux ont une très belle place
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Chouette ! Pas dans la lasagne, j’espère 😦
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non non, un rôle bien actif ! Et puis les lasagnes à cette époque et dans ces contrées…
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Oui, c’est vrai, pas facile de cuire des lasagnes… mais ils auraient pu faire rôtir des chevaux, ils en ont bien bouffé durant la guerre ! 😦
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