Fausse piste : James Crumley

Titre : Fausse piste                                                    big_4

Auteur : James Crumley
Édition : Gallimard (2006)

Résumé :
Quand on est pauvre avec un héritage bloqué par testament jusqu’à l’âge de cinquante-trois ans et que l’on vient de perdre l’essentiel de son gagne-pain quotidien, on ne crache plus dans la soupe.

Milo Milodragovitch, rejeton maudit de ce qui fut une famille importante de Meriwether (Montana), ne peut qu’accepter l’offre d’Helen Duffy. Retrouver un frère innocent, gentil garçon raisonnablement de gauche et passionné d’armes à feu, disparu dans un incendie, n’est pas si compliqué. Surtout si la demande émane d’une femme à ce point démunie qu’elle en devient troublante.

Le vice, la haine et la violence ne sont pourtant pas loin. La laideur cache son jeu et les morts s’amoncellent. Qui ment et pour quelles raisons ?

À coucher avec ses clients, Milo ne verra que trop tard ce qu’il avait sous le nez…

Critique : 
Ne lisez pas un livre de Crumley dans l’espoir de suivre un détective privé futé, qui remonte les pistes, tel un chien de chasse lancé sur un gibier ! Oubliez aussi les déduction parfaites, l’étincelle dans l’œil à la perspective d’avoir une nouvelle énigme à résoudre…

Milo Milodragovitch a été flic, il est devenu privé, mais il tenait plus du détective cherchant la photo compromettante qui prouvera l’adultère, donnant ainsi la possibilité de divorcer à son cocu de client (ou à sa cocue de cliente).

Catastrophe, la loi a changé et maintenant, pour divorcer, plus besoin de prouver le cocufiage, on peut divorcer pour n’importe quel motif ! Bardaf, c’est l’embardée pour la petite entreprise de Milo…

Notre privé biberonnait déjà à la bouteille, se demandant comment effectuer son recyclage professionnel, son héritage testamentaire étant bloqué jusqu’au jour béni de ses 53 ans, lorsque Helen Duffy, une potentielle cliente rousse à la croupe incendiaire, lui proposa une enquête sur la disparition de son petit frère.

Ça commence bien, Milo veut déjà la sauter… La cliente a tout d’une gentille naïve et le petit frère n’est pas aussi clean qu’elle le dit.

Une enquête assez difficile pour notre privé qui passe plus de temps à boire qu’à enquêter. Ou qui boit beaucoup trop en enquêtant.

« Que ce soit par de longs et ennuyeux discours ou par des regards qui en disent des kilomètres, les ivrognes ont toujours de bons arguments pour justifier leur ivrognerie. Ils boivent pour oublier ou pour retrouver la mémoire, pour y voir plus clair ou pour ne plus y voir du tout ; ils boivent parce qu’ils ont peur, parce que leur réussite les étouffe ou que leurs échecs les consternent ; ils boivent parce qu’ils n’ont pas de foyer et que leur cœur est solitaire, ou au contraire pour fuir l’horreur de leur ménage qui bat de l’aile ».

Avec Crumley, pas de précipitation dans le récit, pas de courses poursuites, mais des ambiances de bars plus vraies que nature.

D’ailleurs, au bout de quelques pages, j’étais bourrée en lisant toutes les gorgées de whisky que Milo avait ingurgité en compagnie de tout un tas de laissés-pour-contre.

À la fin de l’enquête, je frôlais le coma éthylique… hips, et j’étais remplie de tous les coups reçu au fil des pages. Suivre Milo dans ses pérégrinations n’est pas toujours de tout repos, mais je me suis attachée à lui, ainsi qu’au clodo Simon.

Ceci est un roman noir ! Le lecteur explore les bars crades où se retrouvent les paumés; les clodos, les alcoolos et les flics corrompus, qui, pour quelques dollars de plus, ferment les yeux sur les flippers et autres infractions.

L’auteur n’est pas tendre avec son éponge imbibée d’alcool qu’est Milo. Pas tendre non plus envers les habitants de la ville de Meriwether qui regardent un jeune voleur à la tire se faire rouler dessus par des voitures, dans une parfaite indifférence, des flics corrompus ou des dealer occasionnels. Bref, tout le monde en prendra pour son grade.

Les personnages sont tous plus ravagés les uns que les autres et le ton du roman est assez impertinent, surtout avec Milo !

« Je me sentais à peu près aussi en forme qu’une capote usagée ».

« Mais debout devant cette femme endormie, je compris qu’il me serait impossible d’ingurgiter assez d’alcool pour évacuer tout ça de mon esprit. Le gros problème bien sûr, c’est que j’allais devoir affronter ma propre incapacité. Car, détective, je ne l’étais que sur ma licence. Putain de merde ! Moi qui ne lisais même pas de polars parce que je trouvais les intrigues toujours trop compliquées ».

Ne lisez pas ce roman noir dans l’espoir de croiser un foudre d’enquêteur parce que Milo tourne souvent en rond, se bourre la gueule, fume des joints, doit débourrer de ses multiples gueules de bois et soigner ses coups. C’est simple, j’avais le nom du coupable avant lui…

« Je considérais un instant le joint, puis décidai de tirer une petite taffe, juste pour me décontracter. Je pourrais toujours m’arrêter au Willomot Hill Bar pour y prendre une bière, avaler deux amphés, fumer un pétard ou deux pour trouver dans la défonce un ersatz au courage qui me manquait. Selon la bonne vieille tradition américaine ».

Non, on lit cet auteur pour sa plume, son ironie, ses descriptions de la misère humaine échouée dans les bars. On le lit pour sa galerie de personnages… et on s’enfonce dans les eaux sombres car l’auteur nous maintient la tête sous l’eau.

On le lit pour ses 473 pages que je n’ai pas vue passer… pour le coup de pied au cul final.

En fait, on peut même dire que l’enquête est secondaire, accessoire. Juste une manière de faire plonger le lecteur en eaux troubles.

– Barman ! La prochaine tournée est pour moi !

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014) et le « Challenge US » chez Noctembule.