Elle n’en pense pas un mot – Alan Grant 03 : Josephine Tey

Titre : Elle n’en pense pas un mot – Alan Grant 03

Auteur : Josephine Tey
Édition : 10/18 Grands détectives (2015)
Édition Originale : The Franchise Affair (1948)
Traduction : Natalie Beunat

Résumé :
Surrey, 1948. L’inspecteur Grant est dépêché par Scotland Yard à Milford pour aider la police locale à démêler une sombre histoire de kidnapping. Marion Sharpe et sa mère sont accusées d’avoir enlevé et battu Betty Kane, une orpheline de guerre de 16 ans.

Pour assurer leur défense, les Sharpe font bientôt appel à l’avocat Robert Blair qui, bien qu’étranger d’ordinaire aux affaires criminelles, accepte de leur venir en aide, ce qui ne va pas sans causer quelques frictions avec la police pendant l’enquête et le procès.

Avec son regard franc, son maintien si réservé, la fraîcheur de ses seize ans, Betty est l’image même de l’adolescente sympathique, sans défense. Pas un jury au monde ne songera à mettre en doute ses effroyables accusations, pas un journal n’hésitera à publier sa photo en première page.

Et pourtant Robert Blair sait qu’il se trouve en face d’une sale petite menteuse.

Mais comment le prouver ? Il a tout retourné sans trouver le moindre indice. Il doit pourtant y avoir une faille dans cette cuirasse de mensonges. Le tout est de la découvrir avant que ne s’ouvre le procès.

Critique :
Les accusations graves, lorsqu’elles sont proférées par une jeune fille qui a tout d’une Bernadette Soubirous, sont les plus difficiles à réfuter, surtout lorsque, face à cette innocente jeune fille, se trouvent deux dames vivant seules et que tout le monde appellent « sorcières ».

Nous sommes en 1948, Internet n’existe pas, les réseaux sociaux tels que nous les connaissons non plus, et pourtant, il existe des armes aussi puissantes : les journaux à ragots, les cafés du commerce, la médisance, radio langues de vipères et effet de meute. Oui, certaines existent toujours.

Comme se défendre face à des accusations graves de kidnapping et de mauvais traitements ? Que faire face à une jeune fille qui a tout d’une innocente, orpheline de guerre, à qui on donnerait le bon Dieu sans confession ?

Comment arriver à vivre normalement lorsque la presse de caniveau vous fait un procès à charge ? Comment prouver votre bonne foi, votre innocence, lorsque tout semble se liguer contre vous ?

Si vous êtes à la recherche d’un polar qui pulse, il faudra lire autre chose. Ce polar va à son rythme, il est assez lent, puisque l’enquêteur sera Robert Blair, l’avoué de miss Marion Sharpe, un avocat qui ne s’est jamais occupé de droit criminel et qui va, patiemment, tenter de trouver où se trouve la couille dans le potage.

Pour lui, Betty Kane, l’accusatrice, ment comme un arracheur de dents, mais comment le prouver ?

L’écriture de l’autrice est vieillotte (roman paru en V.O en 1948), contrairement à celle d’Agatha Christie (ceci n’est que mon avis perso), malgré tout, bien que j’ai été tentée de sauter des pages à un moment donné (on n’avançait encore moins vite), je ne l’ai pas fait, afin de ne rien rater de la campagne de misères et calomnies que la petite ville de Milford (où vivaient les dames Sharpe), a fait.

L’effet de meute, les ragots, les gens qui jugent et condamnent sans savoir… Tout cela est vieux comme le Monde et toujours contemporain. On se dit que même si ces dames sont acquittées par le tribunal, leur vie sera irrémédiablement fichue.

Le côté psychologique est bien traité, on se demande tout de même qui ment dans cette affaire, même si, sans trop se forcer, notre sympathie va de suite à la fille Sharpe et à sa mère, les deux accusées. L’autrice ne laisse planer aucun doute, tout son récit est tourné vers le fait qu’il faut innocenter les Sharpe.

Le procès n’est pas long et bien mené (je le signale pour les allergiques à la chose), une fois un détail capital porté à la connaissance d’une des parties.

L’inspecteur Allan Grant n’est pas l’enquêteur principal, comme dans les autres romans de cette série, mais j’ai apprécié le personnage de Robert Blair, bien qu’il soit un peu caricatural dans le rôle du chevalier au grand cœur, volant au secours de deux dames dont le seul tort est de vivre recluses. Il n’est pas le seul à être stéréotypés, malgré tout, dans l’ensemble, cela passe tout seul.

Vous l’aurez compris, rien de transcendantal dans ce policier, rien de trépident et pourtant, cela reste un moment de lecture agréable, sans prise de tête, à lire entre deux romans plus puissants.

#MoisAnglais2022

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9 réflexions au sujet de « Elle n’en pense pas un mot – Alan Grant 03 : Josephine Tey »

  1. Ping : Bilan Mensuel Livresque : Juin 2022 + [MOIS ANGLAIS] | The Cannibal Lecteur

    • Mais je suis d’accord aussi, du pépère, ça fait du bien (heu, les enquêtes pépères, hein ! Honni soit qui mal y pense). Ici, le but est de prouver que l’accusatrice dit faux, on ne parle que peu d’elle, on en apprend sur elle, mais par les autres, j’aurais aimé qu’on lui donne la parole.

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  2. Oui… Mais non… Comme j’ai tendance à m’endormir facilement en lisant en ce moment… ça ne le fera pas! 😀

    Cela étant, ce roman soulève une putain de grande question : jusqu’à quel point doit on croire les personnes qui se présentent comme victimes de crimes tellement odieux qu’elle font haïr l’accusé de manière réflexe, avant même que leur culpabilité soit établie ? Dans une société ou la présomption d’innocence est franchement menacée pour certains types de crimes, au nom de causes qui sont par ailleurs légitimes (sauf sur cet aspect particulier), je trouve que les fausses accusations devraient être très sévèrement et systématiquement punies (sur la base de la preuve du mensonge évidemment… la présomption d’innocence c’est valable pour tous !) car elles ridiculisent les plaintes des vraies victimes qui ne sont plus prises au sérieux ensuite.

    Et puis la condamnation d’un.e innocent.e est à mes yeux aussi dramatique que le cas d’une victime à qui on ne rend pas justice… Mais on ne fait pas justice non plus en condamnant des innocents…

    Ici les accusées sont des femmes… Les policiers auraient-ils mis en doute la parole de la supposée victime si les accusés avaient été des hommes ? J’avoue que le climat qui règne aujourd’hui en France à ce sujet ne porterait pas à répondre par l’affirmative…

    Quand tu vois que Karl Zéro veut l’inversion de la charge de la preuve en cas de maltraitance à enfant… En gros c’est à l’accusé de démontrer qu’il est innocent tandis que sa victimes supposées n’a qu’à l’accuser. De fait la police n’a plus à enquêter vraiment pour apporter la preuve, puisque l’accusation de la victime supposée suffit et c’est à l’accusé de payer A SES FRAIS des détectives (les avocats n’ont pas le droit d’enquêter) pour essayer de trouver une preuve matérielle le disculpant ! Une justice à deux vitesses donc, pas franchement favorable aux pauvres… Et pour les accusations de maltraitances ou d’abus sexuels sur mineurs, comme les faits sont souvent anciens pas de preuve ADN et pas de date précise des faits donc impossible de déterminer un alibi viable… Retour à la bonne vieille époque de la Terreur où on te guillotinait sur dénonciation que la police n’avait pas à vérifier… Youpeeee!

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    • On ne peut pas inverser la charge de la preuve, malheureusement, ce serait la porte ouverte à des abus dommageable.

      Les fausses accusations devraient être punies, en effet. Une fille a accusé un ami à moi de lui avoir touché les fesses, il a quitté son poste, même si le directeur se doutait que la gamine mentait, mais on ne plaisante pas. Dégueulasse, parce que je sais qu’il n’a rien fait. Tu imagines, tu perds ton job et tu dois te défendre en justice, mais tu le fais avec quel fric ?? Pas facile, je sais. D’un côté, tu as envie de virer le mec, d’un autre, si tu le fais, il se retrouve sans rien.

      Une autre personne avait été accusée de pédophilie, il y a eu procès, il a tout perdu et à la fin, le gosse a avoué avoir menti. En attendant, l’homme avait perdu tous ses amis (sauf quelques fidèles), son job et sa vie était fichue.

      Le roman se déroulant après la seconde guerre mondiale, cela aurait sans doute changé les choses si la gamine avait accusé deux mecs. Mais le principe du livre est « que faire, qui croire, comment prouver ? ». Tu te doutes que la fille ment, mais comment prouver ?

      On marche sur un fil. Il faut écouter les victimes, déceler les menteuses (ou menteurs) qui font de fausses accusations, ou qui se vengent ensuite et appliquer une justice équitable, ce qui est impossible, on ne répare jamais tout à fait les torts subis, de quelque côté que ce soit.

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