Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02 : José Rodrigues dos Santos

Titre : Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02

Auteur : José Rodrigues dos Santos 🇵🇹
Édition : HC (2021) / Pocket (06/10/2022)
Édition Originale : O Manuscrito de Birkenau (2020)
Traduction : Adelino Pereira

Résumé :
Une approche totalement nouvelle de l’Holocauste où J.R. dos Santos donne la parole à ceux qui l’ont perdue.

Le grand magicien Herbert Levin, sa femme et son fils ont été déportés à Auschwitz où ils tentent de survivre. Le soldat Francisco Latino a réussi à se faire engager dans l’armée SS pour tenter de retrouver sa fiancée russe enfermée, elle aussi, dans les camps de la mort.

Ils ne savent pas encore qu’ils vont devoir coopérer pour survivre. Et les choses se compliquent lorsque les prisonniers du Sonderkommando commencent à préparer un soulèvement majeur et que Levin se retrouve au cœur de la révolte.

Critique :
Ce roman est la suite du Magicien d’Auschwitz, que j’avais déjà apprécié, mais ce second tome est bien plus oppressant que le premier puisqu’il se déroule intégralement dans le camp de concentration de Birkenau.

Comment écrire un roman historique, tout en étant dans le fictionnel, sans trahir la mémoire des personnes qui ont été assassinées en masse dans ce camp ?

Comment décrire l’indicible, sans que le récit ne devienne si horrible que l’on répugnerait à le lire ? Faut-il édulcorer la vérité ou pas ? Pour moi, il me semble que non… Sinon, à quoi bon écrire un livre sur le sujet des camps d’extermination…

L’auteur a donc réussi ce subtil équilibre d’un récit qui en dit beaucoup, qui entre dans l’indicible, sans édulcorer, sans toutefois en arriver à trop de détails horrible qui donnerait envie au lecteur d’arrêter sa lecture et de placer ce livre dans le freezer, tel Joey (Freinds) avec les romans éprouvants. J’ai déjà fait de même (au sens figuré, bien entendu).

Pourtant, après que notre magicien, Herbert Levin, fut placé dans l’unité des Sonderkommando, je vous avoue sans honte que j’ai stoppé ma lecture afin de regarder une série policière légère (mais pas trop) avant d’aller dormir.

C’était effroyable, ce passage où Herbert découvre les milliers de cops morts dans la chambre à gaz, ainsi que le moment où il faut y faire entrer les nouveaux arrivants…

Pour assassiner à grande échelle (industriellement) tout un peuple (et d’autres), il faut déjà faire preuve d’une froideur sans nom, mais y impliquer les personnes que l’on génocide aussi, là, il faut être d’un sadisme sans nom… Et si au départ Levin est sonné, horrifié et tout ce que vous voulez, ensuite, au bout de quelques jours, comme les autres, il agit mécaniquement, sans réfléchir.

Dans ce poste barbare, soit la personne bugue et on l’assassine froidement, soit elle survit en fermant les yeux et en travaillant mécaniquement, en fermant son esprit, son cœur et en agissant comme un robot.

Il n’y aura pas que ces passages qui seront éprouvants, mon coeur s’est serré aussi lorsque l’on annonce aux prisonniers du camp des familles qu’ils vont y passer aussi, alors que eux, après 6 mois de présence à Birkenau, avaient très bien compris où partaient tous les nouveaux arrivants… Des femmes, des enfants, soi-disant des ennemis du peuple allemand… Je n’ai pas encore compris.

La force de ce roman, c’est qu’il est basé sur des faits réels, sur des témoignages historiques, que la plupart des personnages, y compris Herbert Levin, ont existé. La seul entorse est que Levin n’a pas été affecté aux Sonderkommando et qu’il n’a pas donné de spectacle de magie devant des dignitaires du camp. Francisco Latino,  croisé dans le premier tome, n’a pas existé, mais est inspiré d’autres personnages.

Son autre force c’est que jamais il ne sombre dans le manichéisme, alors que cela aurait été si facile de faire des nazis des vilains méchants pas beaux, sadiques de la pire espèce.

Alors oui, le personnage du Malakh HaMavet (Otto Moll) est un salopard, il était ainsi, on n’allait pas le changer, mais les autres sont plus en nuance et l’on voit des soldats nazis avoir du mal à envoyer les enfants du camp des famille dans la chambre à gaz… Attention, ce moment d’humanité n’exonère pas leurs crimes, loin de là, mais au moins, ce n’étaient pas tous des machines à assassiner.

Oui, ce roman m’a mis le coeur en vrac, plusieurs fois, mais une fois la pause faite, je n’ai plus lâché le récit, il me fallait aller jusqu’au bout et découvrir l’horreur, une fois encore. Je suis plus chanceuse que celles et ceux qui s’y trouvaient, je n’allais donc pas faire ma petite nature, même si j’ai trinqué, notamment lors du dernier morceau du roman… Terrible. Le choc…

Les témoignages sur cette période sombre, il en existe beaucoup, mais seuls les survivants ont pu témoigner (et encore, tous et toutes ne l’ont pas fait). Les morts ne parlent pas, ne témoignent pas. Ils sont silencieux pour l’éternité.

Hors, seuls ceux et celles qui ont vécu la shoah jusqu’au bout auraient pu témoigner de l’horreur de la chambre à gaz, de ces milliers corps qui se bousculent, qui s’écrasent, qui cherchent de l’air…

Idem dans les Sonderkommando, qui étaient des témoins qu’il fallait éliminer et hélas, les survivants n’ont pas été nombreux à parler, trop honteux de ce qu’ils avaient dû faire. Le pire du pire n’a pas laissé de témoins, juste quelques testaments enterrés dans le camp.

Cette lecture est d’utilité publique, même si elle ne fera pas changer d’avis les négationnistes ou les nouveaux nazis de notre époque.

Un roman fort, terrible, sans concession, qui mordra dans vos chairs, dans votre âme et qui relate, avec pudeur, avec émotion, la dure réalité des camps de concentration, d’extermination et de ce génocide industriel, accompli par des êtres humains.

Maintenant, j’ai deux envies : la première étant d’en apprendre un peu plus sur les Sonderkommando et la seconde, c’est de lire de la littérature jeunesse légère pour me remettre de mes émotions…

Un puissant sentiment de culpabilité et de honte s’était emparé de Levin, et certainement aussi de ses compagnons. Ils évitaient les regards des autres. Ils avaient collaboré à la mort de ces gens. Leur propre peuple. Ils étaient complices. Et en échange de quoi ? D’une journée supplémentaire de vie, dans le confort du Block 13, d’une douche chaude, d’un estomac bien rempli et de quelques gorgées de pálinka volée.

Culpabilité et honte. Comment lui, Levin, qui se considérait intègre et équilibré, qui respectait tout le monde et qui avait passé une grande partie de sa vie à faire sourire et à émerveiller les gens, avait-il pu emmener des cadavres de bébés jusqu’à un four en échange de ce confort ? Il avait vu dans cette salle des femmes semblables à sa Gerda et des enfants comme son Peter ! Et qu’avait-il fait ? Ce que les Allemands lui avaient ordonné. Culpabilité et honte.

« Je pense que nous ne devrions lire que les livres qui nous mordent et qui nous transpercent, a écrit Franz Kafka. Si le livre que nous lisons ne nous secoue pas, ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? […] Un livre doit être une hache qui brise la mer gelée qui est en nous. » C’est à ça que servent les romans, c’est pour ça que j’en écris, et c’est pour ça que j’ai écrit celui-ci, et que je l’ai fait de cette façon.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°11].

35 réflexions au sujet de « Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02 : José Rodrigues dos Santos »

  1. Ping : Bilan Livresque Annuel 2023 et Coups de Cœur ! [Épisode 1/3] | The Cannibal Lecteur

  2. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Mai 2023 + Mois Espagnol & Sud-Américain | The Cannibal Lecteur

  3. Ping : Neuvième mois espagnol : c’est ici ! | deslivresetsharon

  4. j’ai vu récemment à la bibli un titre de l’auteur cette fois sur un magnat du pétrole dans l’empire ottoman. Ca avait l’air passionnant, et après quelques recherches il semble que cet auteur vaille vraiment le détour. Je note aussi ces titres.

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  5. Ping : Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02 : José Rodrigues dos Santos – Amicalement noir

    • Le premier tome est « le magicien d’Auschwitz » et il ne se déroule dans ce camp que dans le dernier quart, avant, l’auteur parle de la montée du nazisme et des restrictions des droits… le second est entièrement à Birkenau…

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  6. J’ai pas lu ton billet : tu m’avais prévenue que tu allais parler d’un livre qui pique les yeux pire qu’un oignon… et j’aime pas les livres qui piquent les yeux 😭 (ouaip! Parce que je suis une grande sensible mais si tu le répètes gare à tes plumes! 😡)… Anybref le genre de bouquin que tu kiffes grave (oui je trouve ça grave en fait!😂) donc je ne suis pas étonnée de la cotation ! Y a juste que le titre m’a fait tiquer : les titres qui commencent pas « le manuscrit de… » me font généralement pousser un soupir et dire « pffff! Encore une copie du Da Vinci Code »😤… Bon là j’ai eu juste le temps de soupirer et quand j’ai vu la suite je me suis dit : « passe à aut’chose ma vieille! » 😱 « Ça c’est vraiment pas pour toi! » 😭

    Bon vivement le prochain billet! 😉

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