Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02 : José Rodrigues dos Santos

Titre : Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02

Auteur : José Rodrigues dos Santos 🇵🇹
Édition : HC (2021) / Pocket (06/10/2022)
Édition Originale : O Manuscrito de Birkenau (2020)
Traduction : Adelino Pereira

Résumé :
Une approche totalement nouvelle de l’Holocauste où J.R. dos Santos donne la parole à ceux qui l’ont perdue.

Le grand magicien Herbert Levin, sa femme et son fils ont été déportés à Auschwitz où ils tentent de survivre. Le soldat Francisco Latino a réussi à se faire engager dans l’armée SS pour tenter de retrouver sa fiancée russe enfermée, elle aussi, dans les camps de la mort.

Ils ne savent pas encore qu’ils vont devoir coopérer pour survivre. Et les choses se compliquent lorsque les prisonniers du Sonderkommando commencent à préparer un soulèvement majeur et que Levin se retrouve au cœur de la révolte.

Critique :
Ce roman est la suite du Magicien d’Auschwitz, que j’avais déjà apprécié, mais ce second tome est bien plus oppressant que le premier puisqu’il se déroule intégralement dans le camp de concentration de Birkenau.

Comment écrire un roman historique, tout en étant dans le fictionnel, sans trahir la mémoire des personnes qui ont été assassinées en masse dans ce camp ?

Comment décrire l’indicible, sans que le récit ne devienne si horrible que l’on répugnerait à le lire ? Faut-il édulcorer la vérité ou pas ? Pour moi, il me semble que non… Sinon, à quoi bon écrire un livre sur le sujet des camps d’extermination…

L’auteur a donc réussi ce subtil équilibre d’un récit qui en dit beaucoup, qui entre dans l’indicible, sans édulcorer, sans toutefois en arriver à trop de détails horrible qui donnerait envie au lecteur d’arrêter sa lecture et de placer ce livre dans le freezer, tel Joey (Freinds) avec les romans éprouvants. J’ai déjà fait de même (au sens figuré, bien entendu).

Pourtant, après que notre magicien, Herbert Levin, fut placé dans l’unité des Sonderkommando, je vous avoue sans honte que j’ai stoppé ma lecture afin de regarder une série policière légère (mais pas trop) avant d’aller dormir.

C’était effroyable, ce passage où Herbert découvre les milliers de cops morts dans la chambre à gaz, ainsi que le moment où il faut y faire entrer les nouveaux arrivants…

Pour assassiner à grande échelle (industriellement) tout un peuple (et d’autres), il faut déjà faire preuve d’une froideur sans nom, mais y impliquer les personnes que l’on génocide aussi, là, il faut être d’un sadisme sans nom… Et si au départ Levin est sonné, horrifié et tout ce que vous voulez, ensuite, au bout de quelques jours, comme les autres, il agit mécaniquement, sans réfléchir.

Dans ce poste barbare, soit la personne bugue et on l’assassine froidement, soit elle survit en fermant les yeux et en travaillant mécaniquement, en fermant son esprit, son cœur et en agissant comme un robot.

Il n’y aura pas que ces passages qui seront éprouvants, mon coeur s’est serré aussi lorsque l’on annonce aux prisonniers du camp des familles qu’ils vont y passer aussi, alors que eux, après 6 mois de présence à Birkenau, avaient très bien compris où partaient tous les nouveaux arrivants… Des femmes, des enfants, soi-disant des ennemis du peuple allemand… Je n’ai pas encore compris.

La force de ce roman, c’est qu’il est basé sur des faits réels, sur des témoignages historiques, que la plupart des personnages, y compris Herbert Levin, ont existé. La seul entorse est que Levin n’a pas été affecté aux Sonderkommando et qu’il n’a pas donné de spectacle de magie devant des dignitaires du camp. Francisco Latino,  croisé dans le premier tome, n’a pas existé, mais est inspiré d’autres personnages.

Son autre force c’est que jamais il ne sombre dans le manichéisme, alors que cela aurait été si facile de faire des nazis des vilains méchants pas beaux, sadiques de la pire espèce.

Alors oui, le personnage du Malakh HaMavet (Otto Moll) est un salopard, il était ainsi, on n’allait pas le changer, mais les autres sont plus en nuance et l’on voit des soldats nazis avoir du mal à envoyer les enfants du camp des famille dans la chambre à gaz… Attention, ce moment d’humanité n’exonère pas leurs crimes, loin de là, mais au moins, ce n’étaient pas tous des machines à assassiner.

Oui, ce roman m’a mis le coeur en vrac, plusieurs fois, mais une fois la pause faite, je n’ai plus lâché le récit, il me fallait aller jusqu’au bout et découvrir l’horreur, une fois encore. Je suis plus chanceuse que celles et ceux qui s’y trouvaient, je n’allais donc pas faire ma petite nature, même si j’ai trinqué, notamment lors du dernier morceau du roman… Terrible. Le choc…

Les témoignages sur cette période sombre, il en existe beaucoup, mais seuls les survivants ont pu témoigner (et encore, tous et toutes ne l’ont pas fait). Les morts ne parlent pas, ne témoignent pas. Ils sont silencieux pour l’éternité.

Hors, seuls ceux et celles qui ont vécu la shoah jusqu’au bout auraient pu témoigner de l’horreur de la chambre à gaz, de ces milliers corps qui se bousculent, qui s’écrasent, qui cherchent de l’air…

Idem dans les Sonderkommando, qui étaient des témoins qu’il fallait éliminer et hélas, les survivants n’ont pas été nombreux à parler, trop honteux de ce qu’ils avaient dû faire. Le pire du pire n’a pas laissé de témoins, juste quelques testaments enterrés dans le camp.

Cette lecture est d’utilité publique, même si elle ne fera pas changer d’avis les négationnistes ou les nouveaux nazis de notre époque.

Un roman fort, terrible, sans concession, qui mordra dans vos chairs, dans votre âme et qui relate, avec pudeur, avec émotion, la dure réalité des camps de concentration, d’extermination et de ce génocide industriel, accompli par des êtres humains.

Maintenant, j’ai deux envies : la première étant d’en apprendre un peu plus sur les Sonderkommando et la seconde, c’est de lire de la littérature jeunesse légère pour me remettre de mes émotions…

Un puissant sentiment de culpabilité et de honte s’était emparé de Levin, et certainement aussi de ses compagnons. Ils évitaient les regards des autres. Ils avaient collaboré à la mort de ces gens. Leur propre peuple. Ils étaient complices. Et en échange de quoi ? D’une journée supplémentaire de vie, dans le confort du Block 13, d’une douche chaude, d’un estomac bien rempli et de quelques gorgées de pálinka volée.

Culpabilité et honte. Comment lui, Levin, qui se considérait intègre et équilibré, qui respectait tout le monde et qui avait passé une grande partie de sa vie à faire sourire et à émerveiller les gens, avait-il pu emmener des cadavres de bébés jusqu’à un four en échange de ce confort ? Il avait vu dans cette salle des femmes semblables à sa Gerda et des enfants comme son Peter ! Et qu’avait-il fait ? Ce que les Allemands lui avaient ordonné. Culpabilité et honte.

« Je pense que nous ne devrions lire que les livres qui nous mordent et qui nous transpercent, a écrit Franz Kafka. Si le livre que nous lisons ne nous secoue pas, ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? […] Un livre doit être une hache qui brise la mer gelée qui est en nous. » C’est à ça que servent les romans, c’est pour ça que j’en écris, et c’est pour ça que j’ai écrit celui-ci, et que je l’ai fait de cette façon.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°11].

Le photographe de Mauthausen : Salva Rubio, Pedro J. Colombo et Landa Aintzane

Titre : Le photographe de Mauthausen

Scénariste : Salva Rubio
Dessinateur : Pedro J. Colombo

Édition : Le Lombard (29/09/2017)

Résumé :
Et si le vol du siècle avait eu lieu… dans un camp de concentration nazi ?

En 1941, Francisco Boix, matricule 5185 du camp de concentration de Mauthausen, échafaude avec ses camarades un plan pour voler des photographies témoignant des crimes commis dans le camp et incriminant les plus hauts dignitaires nazis.

Ce plan risqué n’est que le début de son périple pour révéler la vérité… Une histoire vraie, basée sur des faits réels.

Critique :
Voilà un sujet dont on nous parle peu : les espagnols dans les camps de concentration, notamment dans celui de Mauthausen qui était un camp de catégorie III (Aushwitz était de catégorie I), ce qui veut dire qu’on y envoyait les irrécupérables, ceux qu’il fallait tuer par le travail.

Les prisonniers devaient monter 186 marches avec une pierre de 8 kilos sur le dos, extraite de la carrière.

À Mauthausen, on vous disait que vous étiez entré par une porte mais que vous sortiriez par la cheminée et les nazis se ventaient d’avoir 40 manières différentes de vous assassiner (*). Personne ne devait en sortir vivant.

Les Espagnols fuyant la guerre civile ont trouvé refuge en France, qui les parqua dans ces camps de concentration eux aussi (près de 15.000 morts), comme quoi, les idées barbares d’exportent bien, même au pays des droits de l’Homme.

Puis, les Espagnols se retrouveront aux mains des soldats de la Wehrmacht avant de passer dans celles des SS où ils furent déportés à Mauthausen. Francisco Boix, jeune communiste, fait partie des déportés.

Inspirée d’une histoire vraie, cette bédé raconte la vie de Francisco dans le camp, ainsi que son envie de faire sortir les clichés pris par un haut dignitaire nazi, Paul Ricken (un ancien prof). Ce dernier aimait photographier les morts, les mettant en scène pour en faire de l’art. Mais voler les négatifs, les reproduire, les cacher et les faire sortir ensuite du camp ne sera pas facile.

Francisco voulait dénoncer les atrocités qui eurent lieu dans ce camp, apporter des preuves, montrer à la gueule du monde, notamment au procès de Nuremberg, ce que ces salopards de nazis avaient fait subir à d’autres humains. Hélas, ceux qui ne l’ont pas vécu ne peuvent pas le comprendre…

C’est horriblement réaliste, le dessinateur ayant repris, tels quels, les véritables clichés pris par Paul Ricken, et sorti du camp ensuite. Bien que le scénariste ait romancé quelques faits, le reste est Historique et terriblement dramatique, horrible et inhumain.

Et encore, les auteurs auraient pu aller plus loin dans l’horreur, mais ils n’ont pas choisi cette voie-là. Ce qu’ils nous montrent suffit à nous faire comprendre les conditions effroyables d’une déportation à Mauthausen d’où l’on ne devait pas en sortir autrement qu’en cadavre.

À la fin, il y a un cahier historique, fort complet, qui expliquera plus en détail la destinée des espagnols dans les camps, ainsi que leur difficile retour à la vie civile puisqu’on les considérait comme apatride. Ils ne peuvent rentrer en Espagne, leur cher Parti Communiste les considère comme des traites car ils ont survécu (elle est forte, celle-là).

Une bédé à lire, pour en apprendre plus sur des sujets dont on parle peu : les Espagnols qui se sont battus contre le fascisme dans leur pays et dans le reste de l’Europe, leur emprisonnement dans des camps en France, leur déportation dans les camps ensuite et leur difficile retour à la vie ensuite.

Une bédé qui est faite avec beaucoup d’humanisme, malgré l’horrible sujet qu’elle traite et qu’il faut lire.

(*) Wikiki me signale que « Après la guerre, l’un des survivants, Antoni Gościński rapporta 62 méthodes d’exécution des prisonniers ». Encore pire que je ne le pensais.


 

Métro 2033 : Dmitry Glukhovsky [Critique – Défi CannibElphique]

Titre : Métro 2033

Auteur : Dmitry Glukhovsky
Édition : Livre de Poche (11/01/2017)

Résumé :
2014. Une guerre nucléaire a ravagé la Terre. 2033. Quelques dizaines de milliers de Moscovites survivent tant bien que mal dans le métro. Ils sont organisés en microsociétés qui habitent une ou plusieurs stations de métro, se dotent de diverses formes de gouvernement et de croyances.

Les tunnels sont laissés aux parias, aux rats et à tout ce qui rode dans les ténèbres.

Artème est l’un de ces survivants. Une menace plane de l’extérieur, sa portée est connue par quelques-uns, Artème est chargé de transmettre cette information et doit atteindre Polis – une communauté de stations qui préservent les derniers vestiges de la civilisation humaine. Il est le dernier espoir de survie de l’humanité.

Commence alors une quête homérique, une odyssée dans le métro moscovite, où il va croiser tour à tour trafiquants, mystiques, néo-nazis et leur quatrième Reich, la première brigade « interstationnale », des religieux, des sectaires.

Il baignera dans les légendes urbaines du métropolitain.

Critique (Stelphique ICI) :
Toi qui ouvre ce livre, n’oublies pas de prendre avec toi un AK 47, des chargeurs avec des balles à profusion car dans ce monde souterrain, ce sera ta survie, mais aussi ta monnaie d’échange car les billets ne servent plus à rien, ou alors, à se torcher le cul.

Ça, c’est ce qu’il te faut si tu décides de te balader dans les tunnels du métro moscovite… On ne sait jamais qui on peut croiser dans les coursives.

Si tu désires aller prendre l’air dehors, pauvre fou, n’oublies pas d’enfiler une combinaison étanche et de te munir d’un masque à gaz ! Et d’un bazooka !

Tant que j’y suis, je te donne un conseil d’initié : si un mec commence à faire dans son froc en bégayant qu’il y a des Noirs dans le tunnel, tire à vue ! Non, ce n’est pas un acte raciste mais de survie car ces espèces de trucs n’ont rien d’humains.

Tant que vous y êtes, tirez aussi à vue sur les chiens et surtout sur les bibliothécaires ! Ces derniers sont des abominations et rien à voir avec vos livres rentrés en retard. Devant eux, un seul mot d’ordre « Fuyez, pauvres fous, mais en silence »… Ben oui, il est déconseillé d’être bruyant dans les biblios et paraît que le bruit attire ces sales trucs.

Ah, au fait, pas besoin d’abonnement du métro, votre passeport suffira et prévoyez assez bien de munitions, c’est le plus important.

Le post-apocalyptique n’est pas mon genre de prédilection, mais de temps en temps, j’aime sortir de ma zone de confort et m’encanailler ailleurs que dans des polars. Surtout quand l’idée vient de ma binôme de lecture.

Niveau angoisses, j’ai été plus que servie et je ne regarderai plus les stations de métro du même œil, dorénavant.

Après une guerre nucléaire qui a ravagé toute la terre (toute ?), les survivants se terrent dans le métro de Moscou, reproduisant à petite échelle les différentes sociétés telles qu’on les connait à grande échelle : entre les stations gouvernées par des nazis, des communistes, des Rouges, des mystiques, des tarés, des mafiosis, des commerçants, faites votre choix.

Le personnage principal, Artyom, est un jeune homme qui n’est jamais sorti de sa station et qui se voit confier une quête qui va lui faire traverser une partie du métro.

En se mettant en route, notre jeune homme, qui n’a rien d’un héros, ne sait pas qu’il va vivre sa plus fabuleuse aventure de toute sa life. Accroche tes mains à sa taille, pour pas que la chenille déraille… Et n’oublies pas de tirer à vue (et de bien viser) si jamais tu croises un truc pas net !

L’écriture est facile à suivre, agréable, elle vous entraîne dans les méandres du métro Moscovite, qui a tout d’un enfer, et heureusement qu’il y a un plan en première page, sinon, je m’y serais perdue, vu les nom des stations assez compliqué.

Là où j’ai tiqué, c’est que notre Artyom aurait pu mourir 20 fois et qu’à chaque fois, il a été tiré d’affaire pas la Providence qui a mis la bonne personne sur son chemin afin de le sauver… Bon, une fois, ça passe, deux fois, ça fait lourd, mais trois fois, faut arrêter car ça devient répétitif et moins plausible.

Autre chose que j’ai trouvée dommage, c’est que durant sa quête, les compagnons de marche d’Artyom ne fassent que de passer… Je ne dis pas qu’il fallait nous faire une fraternité de la quête de l’anneau, mais bon, j’aurais aimé voyager plus longtemps avec certains, dont Khan, et ne pas me contenter de les voir durant quelques chapitres avant qu’ils ne disparaissent en faisant pchiiitttt.

Tant que je suis dans l’énumération des petites choses qui dérangent, je me demande aussi où sont passées les femmes ?? Putain, on en croise pas des masses dans les couloirs, à croire qu’il ne reste plus que des mâles. La Nature a inversé les choses, ou alors c’est à cause de l’apocalypse, car après lecture, j’ai l’impression qu’on a 90% de bistouquettes pour 10% de nibards.

Malgré ces petits points noirs, le reste est passé comme une rame de métro sur des rails bien huilés : le voyage était intéressant, rempli de rencontres bizarres ou intéressantes, avec une bonne louche de mysticisme et d’ésotérisme, mâtiné de religions toutes plus folles les unes que les autres.

Avec quelques réflexions profondes et pas dénuées d’intérêts pour qui voudrait y réfléchir plus fort après sa lecture.

Je me suis attachée à Artyom, j’ai aimé son côté un peu adolescent, paumé, couard, pas très sûr de lui, et qui, malgré ses peurs, continue d’avancer en se tapant des kilomètres et des kilomètres de tunnels sombres de métros, avec tout les dangers qui s’y cachent, tapis dans l’ombre.

Si le début est un peu lent, s’il y a quelques passages un peu moins intéressants, je peux vous dire que les 200 dernières pages se lisent à la vitesse du TGV roulant sur des pelures de bananes ! Cours, Artyom, cours !! Mon cœur a palpité.

Alors oui, ce n’est pas de la toute grande littérature, ce n’est pas du post-apocalypse avec un message à la clé (le message est juste un peu plus long que 3 tweet de Donald), on a des moments de réflexions profondes, mais l’action ou la marche à pied sont plus présentes dans le récit que la philosophie. De plus, la succession des régimes politiques dans les stations pourraient devenir indigeste pour certains…

S’il y a du réalisme dans ce roman, il y a aussi une dose de fantastique ou de SF, à vous de voir dans quelle catégorie vous classerez le bestiaire des animaux qui ont mutés suite aux radiations nucléaires.

Un roman post-apocalypse qui n’a rien de la lecture de l’année, pourtant, j’ai apprécié la lecture, j’ai ressenti de l’effroi dans les tunnels sombres et habités par on ne sait pas trop quoi, j’ai eu de l’empathie pour ce brave Artyom, j’ai tremblé pour lui, j’ai armé ma Kalachnikov en même temps que lui et je compte bien redescendre sous terre pour les deux tomes suivants !!

Le Challenge « Pavé de l’été 2017 » chez Sur Mes Brizées (864 pages en version poche).

Pourquoi je l’ai choisi (par Stelphique) :
J’étais très curieuse de partir à la découverte d’un nouveau territoire… J’ai reçu les appels de phares, et je n’ai pu résister à l’attraction du post-apocalyptique de ce métro russe… Je suis très contente d’avoir convaincue ma binômette de se lancer dans ces tunnels, parce que seule, j’avais un peu la frousse….

Synopsis :
2033. Une guerre a décimé la planète. La surface, inha­bitable, est désormais livrée à des monstruosités mutantes. Moscou est une ville abandonnée. Les survivants se sont réfu­giés dans les profondeurs du métro­politain, où ils ont tant bien que mal orga­nisé des micro­sociétés de la pénurie.

Dans ce monde réduit à des stations en déli­quescence reliées par des tunnels où rôdent les dan­gers les plus insolites, le jeune Artyom entre­prend une mission qui pour­rait le conduire à sauver les derniers hommes d une menace obscure… mais aussi à se découvrir lui-même à travers les rencontres improbables qui l’attendent.

Les personnages :
C’est bien la première fois, que je me lie autant à un lieu, et pas forcément, aux personnages. Finalement, la force de ce roman, c’est que c’est le Métro lui même qui devient le personnage principal, et non pas les êtres qui crapahutent en ces tunnels…

On a du mal à s’attacher à ses personnages sans élan héroïque, ils leur manquent un pointe de luminosité, même si je pense que c’est intentionnel, pour faire mieux briller ce lieu de ténèbres… C’est très original !

« L’important c’est de reste le même au fond de son cœur, ne pas renoncer, ne pas s’avilir… »

Ce que j’ai ressenti :… Une terrifiante traversée souterraine…

« Est-ce qu’un être humain qui n’a jamais vu d’étoiles peut imaginer l’infini ? »

Bienvenue dans l’antichambre de l’Enfer, heu, dans le Métro russe, version post-apocalyptique !!! Comment vous dire ?! Il ne fait pas bon vivre dans ses tunnels obscurs, avec l’ombre de la menace des Noirs, continuellement enfermés dans les ténèbres

Peu de place pour la rêverie, les bons sentiments et l’hospitalité… Il règne en ces lieux, une ambiance oppressante qui ne vous lâche plus! Saisissante, asphyxiante, viciée, chaque inspiration est une souffrance autant pour ses personnages que pour nous, lecteurs.

Cette ballade dans ce Moscou revisité, est empreinte d’une menace sourde, presque surnaturelle, affreusement anxiogène…

Tous nos sens sont aux aguets: le danger réel et irréel se glisse dans ses lignes, chaque détour est un abysse profond, chaque intersection, une angoisse supplémentaire…

« Maintenant qu’il mesurait l’ampleur de la déchéance humaine, sa foi dans les lendemains radieux s’était évanouie . »

De tous les romans dans ce genre, je crois que celui ci, se distingue vraiment par cette atmosphère plombée par cette peur ancestrale du noir, mais pas seulement le Noir, presque le Néant… Absence de lumière, de beauté, et a fortiori d’espoir…

Le Metro devient le héros ténébreux, et  il nous dévoile ses pires recoins entre ses ombres monstrueuses, ses pièges nébuleux, ses inquiétantes voies, ses pires détracteurs…

Ce qui m’a vraiment plu, c’est cette manière d’aborder le post-apocalyptique,  il ne reste Rien : rien à sauver, rien à valoriser, (presque plus) rien à Croire. On sent vraiment que c’est la Fin de tout, du monde mais aussi des moindres valeurs…

Ici l’auteur se penche sur l’aspect spirituel de l’humain face à l’inéluctable, il nous donne matière à réfléchir sur les questions existentielles, et en même temps dresse un portrait peu reluisant de la nature humaine, la balance entre le Bien et le Mal penche affreusement d’un côté, et du coup offre un incroyable thriller d’une noirceur poisseuse…

Avec cette intrigue, la claustrophobie te saisit au détour d’un rail, et elle ne te lâche plus jusqu’à la fin du voyage…

« Celui qui trouvera en lui-même assez de patience et de courage pour scruter toute sa vie les ténèbres sera le premier à y apercevoir un éclat de lumière. »

En suivant Artyom, jeune homme qui se lance dans une mission quasi suicidaire, on fait le tour des stations et des pires travers humains. Chaque voie empruntée par ce personnage, nous offre un panorama des violences  dans lequel l’Homme peut s’illustrer en tant de crise, autant psychologique que physique…

En plus de l’absence de luminosité du lieu, cette excursion emprunte tous les cercles du vice et de la cruauté, se nourrit du sang et de l’incrédulité des plus faibles, et il parait, (selon une légende), qu’en creusant un peu, les Enfers seraient au centre de la Terre: on s’en approche dangereusement dans ses pages…

« Mais le diable a de ces blagues parfois! »

Un premier tome qui pose bien ses bases: On voyage dans les bas-fonds de la Russie, la philosophie prend le pas sur nos peurs les plus primales,  l’horreur rencontre un lieu parfait de perdition, on se délecte de cette tension de tous les instants…

Alors bien sûr, on se jette sur la suite de ses aventures souterraines, histoire de se faire encore plus peur que nécessaire…Vite Metro 2034 !

« Ce n’est pas la mort qui effraie. C’est son attente. »

Le petit plus : Le plan du Metro moscovite en couleurs! Déjà, il rend super à l’œil, mais surtout, il est absolument nécessaire, pour cette lecture étant donné, la complexité des noms russes des stations. A chaque chapitre, on sait où l’on est, et c’est vraiment appréciable pour la visualisation de la progression…

Ma note Plaisir de Lecture  9/10

Lien vers la chronique de ma partenaire de folie : Stelphique

Maus – Intégrale : Art Spiegelman

Maus - Intégrale

Titre : Maus – Intégrale

Scénariste : Art Spiegelman
Dessinateur : Art Spiegelman

Édition :Flammarion (1998)

Résumé :
Art Spiegelman retrace le destin de ses parents, juifs polonais déportés par les nazis, entre 1939 et 1945.

Maus, auquel l’auteur a consacré treize ans de sa vie, est aussi le récit de retrouvailles entre un père et un fils après des années d’incompréhension.

Bande dessinée exceptionnelle par son sujet, Maus l’est aussi par son audience.

Petit Plus : Récompensée par le prestigieux Prix Pulitzer en 1992, l’œuvre de Spiegelman a séduit le public au-delà des amateurs de BD en apportant la preuve de la capacité du genre à s’emparer des thèmes les plus ardus.

Ce volume comprend « Mon père saigne l’histoire » et « C’est là que mes ennuis ont commencé ».

Maus04Critique :
Voilà un album que je voulais découvrir depuis longtemps mais je n’osais pas, ayant trop lu sur les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale…

Peur aussi de ne retrouver qu’une resucée de ce que je connaissais déjà (tout en sachant que l’on ne saura jamais tout).

Peur de replonger dans les cauchemars qui naquirent lors d’anciennes lectures qui furent traumatisantes, peur de me redemander « Qu’est-ce que moi j’aurais fait ? » et peur en imaginant que tout pourrait recommencer un jour…

Mes craintes étaient justifiées ET injustifiées…

Injustifiées car l’auteur réussi un tour de force en nous parlant avec justesse d’un épisode terrible de notre époque tout en lui donnant une autre vision, si je puis m’exprimer de la sorte.

Par autre vision, j’entends bien entendu le fait qu’il ait dessiné les nazis sous les traits de chats et les juifs sous les traits de souris, ce qui donne au récit une autre dimension, sans en enlever l’horreur, mais avec une autre approche puisqu’il raconte l’histoire d’un fils (l’auteur), arrachant le récit de la bouche de son père, rescapé d’un camp.

Un récit dans le récit qui permet de reprendre un peu d’oxygène dans cette enquête qui est terriblement émouvante mais qui jamais ne sombre dans le pathos.

Vladek, le père d’Artie est un personnage à part, un homme qui a gardé ses manies de tout récupérer qu’il avait acquises au camp, ainsi que celle de faire des économies de tout. Il est exaspérant, son fils en à marre et ne sait plus comment faire avec lui.

Le récit du père comprendra sa rencontre avec la future mère d’Artie, la montée du nazisme, les privations, la spoliation, les séparations, les soi-disant « mise au vert » des plus âgés…

Quand aux craintes, elles furent justifiées dans le sens où on a beau connaître l’Histoire, on la redécouvre toujours sous un autre jour, avec tout son cortège d’horreurs, dont celui de devenir bien souvent égoïste, de ne penser qu’à sauver sa peau et de laisser tomber ses anciens amis, ses voisins, ses membres de sa famille…

Malgré tout, certains font preuve de courage et d’abnégation pour aider les autres ou bien peuvent évoluer dans le bon ou le mauvais sens durant les années de privation (d’où mon éternelle question sur ce que moi j’aurais fait moi, sur mon comportement en de pareilles circonstances)…

Tout cela est bien décrit dans cet album et le fait d’utiliser l’anthropomorphisme donne une certaine atmosphère au récit et le rend encore plus fort, je trouve.

L’auteur nous raconte l’histoire de son père, sans fustiger les uns, sans excuser les autres. Son père explique, il excuse même certains, leur pardonnant leurs abandon. C’est grand…

Et au travers de l’histoire que Vladek raconte à son fils, c’est aussi une histoire vraie qui se déroule sous nos yeux, celle des horreurs qui ont eu lieu, cette déshumanisation d’un peuple et de million d’êtres humains qui ne s’en sont pas sorti.

Une histoire forte, émouvante, un autre regard, et une mise en image de l’indicible. Un album que je relirai dans quelques temps afin de bien n’imprégner du récit et de vérifier que je n’ai rien raté.

« Zahkor » ! (souviens-toi, en hébreu) parce que ce genre d’horreur s’est encore déroulée après (Staline, Mao, dans un autre registre) et continuera encore et encore.

Étoile 5

Le « Challenge US » chez Noctembule, Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle (Prix Pulitzer – 1992) et RAT A Week Estival, Summer Edition chez Chroniques Littéraires.

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CHALLENGE AMÉRICAIN 2016 - Eagle+flag