Gueules d’ombre : Lionel Destremau

Titre : Gueules d’ombre

Auteur : Lionel Destremau
Édition : La manufacture de livres (07/04/2022)

Résumé :
À Caréna, l’enquêteur Siriem Plant est chargé par le Ministère des Anciens combattants de découvrir l’identité d’un mystérieux soldat plongé dans le coma.

On ne sait d’où vient cet homme, quelle fut son histoire, ni même si le nom qu’il utilise, Carlus Turnay, est bien le sien.

Et pourtant, des familles se bousculent pour reconnaître en lui un proche disparu. Plant n’a d’autre choix que de chercher des témoins parmi les anciens frères d’armes de l’inconnu.

Mais les survivants ne sont pas légion et il devra arpenter les routes pour rencontrer celles qui attendaient le retour de ces gueules d’ombre aujourd’hui disparues – épouses, amantes, mères, sœurs… De femme en femme, il lui faudra reconstituer le puzzle de l’énigmatique Carlus Turnay.

Au fil de cette enquête insolite menée dans les décombres d’un pays fictif, Lionel Destremau impose, dès ce premier roman, son univers littéraire unique.

Critique :
Caréna est une ville imaginaire (rien avoir avec Ma Caréna, la danse connue), tout comme la guerre dont on parle dans ce roman policier.

Pourtant, cette guerre, avec ses tranchées, ses boyaux de terre, ses obus qui enterrent les vivants dedans, avec ces hommes partis au combat presque la fleur au bout du fusil, parlant de guerre éclair, on aurait pu croire que l’on parlait de la Première. Mais non…

Les références à de la modernité (électricité, hélicoptères,…) vous font vite comprendre que toutes références à 1914 est impossible. Bizarrement, durant ma lecture, c’est à elle que j’ai pensé, surtout en lisant les lettres ou les récits des soldats de l’unité de Carlus Turnay, soldat dans le coma dont on charge Siriem Plant de retrouver son identité, sa véritable famille.

Si certains passages de ce roman m’ont enchanté, d’autres ont créés de la lassitude durant ma lecture. Le rythme n’est pas trépidant, l’enquête de Siriem Plant débouche souvent sur du vide, une fausse piste, des hommes décédés, ayant perdu l’esprit, l’usage de la parole et j’avoue que durant la moitié de ma lecture, je me suis ennuyée.

Pourtant, l’écriture de l’auteur était belle, les témoignages des soldats parlaient de désobéissance, d’ordres débiles, de pertes humaines énormes pour gagner quelques mètres, de conditions déplorables dans les tranchées, de la peur, du sang, des boyaux répandus…

Bref, tout ce qui m’a fait penser à la Grande Guerre… Ces passages, bien que durs, étaient très instructifs, surtout qu’ils intervenaient juste avant que Siriem Plant n’aille interroger la famille de cet homme mort au combat.

La plus belle partie, ce sont les témoignages, qui permettent aussi d’en apprendre un peu plus sur la personnalité du soldat Carlus Turnay et de mieux cerner le personnage.

C’est dans la toute dernière partie, lorsque Siriem a accès à une lettre écrite par cet homme dont il recherche désespérément l’identité, que les émotions seront les plus fortes. Cette lettre, que le destinataire n’a jamais lue, éclaire cet homme et nous font comprendre ses motivations profondes.

L’hypocrisie, les bien-pensants qui prêchent ce que vous devez faire, mais qui ne le pratiquent pas, la famille et son poids, une mère trop présente, une vie toute tracée par les autres, comme l’ont toujours fait les ancêtres, décidant pour les autres comme on avait décidé pour eux-mêmes… Vie de merde ? Vie de fardeau, oui.

Ces gueules d’ombre sont des gueules cassées, mais de l’intérieur, pour ceux qui ont survécu à la boucherie que fut cette guerre intemporelle dans ce pays imaginaire.

Le roman aurait dû m’emporter par sa puissance, mais je suis restée coincée de nombreuse fois dans les atermoiements de l’un, les errances de Siriem durant son enquête. Malgré tout, c’est un bon détective, mais hélas, il m’a été difficile de m’y attacher.

Un roman étrange, loin des canons habituels des romans policiers, une belle écriture, comme si le roman datait d’un autre siècle, une enquête épineuse et malgré tout cela, je me suis ennuyée durant une partie de ma lecture. Dommage…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°XXX].

16 réflexions au sujet de « Gueules d’ombre : Lionel Destremau »

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  3. Je vous copie-colle l’avis que j’avais posté sur ce roman sur Babelio, peut-être pour contrebalancer un peu votre déception relative, sachant que pour ma part j’ai au contraire beaucoup apprécié ce livre (même s’il est un peu lent, sa construction est assez surprenante).
    « Alors là, c’est une vraie découverte… Chez le même éditeur, j’ai lu des romans de Médéline et Leroy, mais ce sont des auteurs déjà confirmés. Là, c’est un premier roman, mais on n’a pas vraiment l’impression d’être avec un écrivain débutant qui tâtonnerait encore un peu. C’est plutôt l’inverse avec une construction complexe, surprenante au départ, mais qui s’impose assez vite dans un rythme un peu lent de trois narrations différentes. Il y a l’enquêteur, qui sert de fil rouge qu’on suit, il y a la « victime » si on veut, celui dont on doit retrouver l’identité, et puis il y a des personnages secondaires qu’au départ on peut prendre pour peu importants, mais qui prennent tout leur sens progressivement, comme si ça venait créer une sorte de chant général. Tout ça met en place une atmosphère, un sentiment bizarre d’après-guerre qui balance entre ceux qui pansent leurs plaies et veulent oublier les drames, et ceux qui sont dépositoires de la mémoire de cette guerre mais dont plus personne ne semble vouloir. Dans ce roman, on s’attache à tous les personnages, même les plus provisoires, et c’est sans doute ça qui est le plus frappant. Les hommes et les femmes passent à travers des portraits plus ou moins détaillés, certains prennent la parole, d’autres restent silencieux. Il n’y a pas de héros, pas de salauds non plus, ils et elles ont tous leurs qualités et leurs défauts ; et malgré cette forme de neutralité, leur humanité triste ou heureuse ressort parfaitement. L’histoire de ce soldat dans le coma, de son parcours et de ses choix ou non-choix qui l’ont amené là où il est (contrairement à l’avis de Gilab, elle m’a passionné, cette vie), comme celle du policier militaire, finissent par nous entraîner, même si on ne sait pas où on est, dans quel temps et dans quel espace, comme si on s’y reconnaissait malgré nous. C’est un peu la France de 14 et d’après, mais c’est aussi un peu n’importe quel pays européen post guerre, et dans cet indéfini, on touche à l’universel au final. Un roman très étonnant, maîtrisé de bout en bout, au sens où on peut évidemment penser à plein d’auteurs français (Japrisot, Lemaitre, etc.), mais aussi parfois à un côté classique avec une écriture soignée, et à des auteurs étrangers par cette géographie fictive et ces noms de personnages inventés. Je vais attendre son prochain livre avec curiosité. »

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  4. C’est marrant… On ne sait pas QUAND ça a lieux… Ni OU ça a lieux… La sonorité des noms des personnages et leur diversité ne permet même pas de deviner le pays où l’action se situe quand on te lit. Sinon tu me connais… Je ne suis pas passionnée par les livres de guerre… Les guerres c’est nul et absurde. Il n’y a jamais de bonne guerre ou de juste guerre puisque si d’un côté il ya des personnes qui légitimement défendent leur pays… de l’autre côté il y a toujours un agresseur aux motifs souvent dégueulasses… Et de tous coté des hommes sacrifiés de manière absurde. L’histoire nous l’a enseigné alors, je ne kiffe jamais la race de ma mémère à l’idée de retrouver ça en fiction. 😦 Alors… Nan… Pas pour ma PAL non plus ! 😦

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