Né sous les coups : Martyn Waites

Titre : Né sous les coups                                            big_5

Auteur : Martyn Waites
Édition : Payot et Rivages (2013)

Résumé :
1984 : Margaret Thatcher est au pouvoir, les mineurs sont en grève. « Deux tribus partent en guerre », pour reprendre un tube célèbre.

À Coldwell, cité minière du Nord, les mineurs ont lutté quasiment jusqu’à la mort, mais ça n’a pas suffi : manipulant l’opinion, recourant à la violence policière, les Tories avaient, à l’époque, méthodiquement cassé les reins du mouvement ouvrier.

Pour les vaincus, le prix de la défaite sera exorbitant : vingt ans plus tard, Coldwell est une ville sinistrée, gangrenée par tous les fléaux sociaux.

Histoire d’un affrontement impitoyable aux conséquences dévastatrices, histoire de criminels qui prospèrent sur la misère, histoires d’amour contrariées, tragiques, mais aussi poignantes, Né sous les coups est la fresque de tout un monde mis à terre qui lutte pour survivre sur deux générations, baignant dans la musique anglaise des années 70 et 80.

Critique : 
Tout comme le chantait Renaud, moi aussi je me changerais bien en chien, et comme réverbère quotidien, je m’offrirais Madame Thatcher. Et je ne serai pas la seule à aller me soulager sur sa tombe, je le sais.

Pourquoi est-ce que je parle de Miss Maggie dans ma chronique ? Parce qu’il est question de son gouvernement dans ce roman noir social.

Ce fut une lecture  dure, âpre, une lecture qui me marquera profondément, un roman dont j’ai dévoré les 200 dernières pages sans pause, restant épuisée à la fin de ma lecture à cause de ma course effrénée dans les rues de la ville, les flics à mes trousses, leurs matraques me chatouillant les côtes et fracassant le sommet de mon crâne, j’ai sauté par-dessus les haies, les chiens policiers à mes trousses, les policiers montés m’ont coursé dans les rues, je me suis faite plaquer contre le mur par les destriers rendu fous par leurs cavaliers, les chevaux redevenant des machines de guerre pour la cause.

Le rapport de force se trouva inversé. Les mineurs étaient quelques centaines, les policiers cinq mille.
Ils attendirent le départ des caméras de télévision, puis ils chargèrent.
La police montée. Les chiens policiers. Ils attaquèrent tout le monde, sans distinction. Quiconque avait un lien avec la grève, homme ou femme, jeune ou vieux, était une cible légitime. Les matraques antiémeutes furent réutilisées pour la première fois depuis dix ans. La dernière fois qu’elles l’avaient été, elles avaient causé la mort d’un manifestant antinazi.
Les gens se firent bastonner, piétiner, mordre.

Il ne faisait pas bon être mineur gréviste en 1984…

« 1984 » n’est pas qu’un roman célèbre d’Orwell… C’est en 1984 que l’Angleterre est entrée dans les temps modernes tels que nous les connaissons. C’est en mai 1984 que la bombe à retardement à été enclenchée et que le compte à rebours fut lancé dans un sinistre « tic-tac ».

Une seul nom : Margaret Thatcher, dite « la dame de fer ». Elle a été réélue pour un second mandat, les gens n’ayant aucune autre alternative crédible. La dame de fer s’est attaqué aux mineurs et les mines ont fermés, entrainant des combats, des tabassages en règle de mineurs et la mort des villes qui vivaient du charbon, pourtant rentable. Les grévistes n’ont pas eu le soutien de la population…

Le succès de ces opérations modifia les mentalités des membres du gouvernement. Il autorisa à penser l’impensable. S’ils pouvaient faire ça impunément, alors ils pouvaient se permettre tout et n’importe quoi.
Les gens ne diraient rien si les mineurs se faisaient démolir. Ils auraient trop peur de perdre leur propre boulot.
On pouvait faire tout et n’importe quoi sans avoir rien à craindre.

Ce roman jongle avec deux périodes, celle de 1984, nommée « avant » et 2001, nommée « maintenant », nous faisant changer d’époque mais avec les mêmes personnages, sans savoir ce qui s’est passé pour eux pendant ces 17 ans (on le saura à la fin).

1984, dans la ville minière de Coldwell, près de Newcastle… Nous sommes  en compagnie de  Tony, un jeune footballeur professionnel qui a du potentiel; de Louise qui cherche l’amour; de Tommy, une jeune brute, bras droit et gauche d’un caïd de la pègre locale; Mick un mineur syndicaliste qui aime la dive bouteille et Stephen Larkin, un journaliste idéaliste.

Tout ce petit monde évolue alors que les mineurs se lancent dans leur ultime combat, certains étant plus impliqués que d’autre.

2001… de la ville de Coldwell en état de siège en 1984 à celle décrépite et moribonde, tout a changé et ♪ « non, non, rien n’a changé » ♫.

Si la révolte semble être morte sous les coups de matraque donné en 1984, la résignation qui a engourdi les mineurs continue de faire son œuvre en 2001. La ville est morte et seule la pègre fait son beurre en vendant de l’herbe.

Ce roman nous montre la manipulation des masses par les médias qui, avec un reportage, peut faire passer le clan A pour des brutes et le clan B pour des victimes. Ici, ce furent les mineurs qui se firent passer pour des brutes sanguinaires et les poulets pour des pôvres petits. Démagogie, quand tu nous tiens.

Le gouvernement Thatcher voulait détruire la classe ouvrière et seuls les mineurs se sont révoltés… Le reste du monde ne comprenait rien et s’en fichait. Ce n’était pas son combat et de toute façon, les médias étaient instrumentalisées, les gens manipulés et les mineurs esseulés.

Les personnages de ce roman sont multiples, certains plus attachants que d’autres. Multiples, mais travaillés ! Ils ont leurs contradictions, ils ont des idéaux, des espoirs de vie meilleure, des envies, du courage mélangé à une part de lâcheté. Et les pire ne sont pas toujours les caïds… N’est-ce pas, Keith ?

Martyn Waites nous balance sans ménagements au milieu de cette population fracassée, moribonde, en état de mort clinique quasi. Il nous jette parmi cette population dépossédée de son travail, privée de son droit à faire bouillir la marmite, amputé de leur fierté et de la solidarité entre camarades mineurs.

Ils n’ont plus rien et ne peuvent léguer à leurs enfants que le malheur, le renoncement à tout et la haine de soi.

Pour eux et pour la génération suivante commence une longue et pénible descente aux Enfers, une descente bien plus dégradante que celle qui les transformait en rats qui grattaient la terre pour en extraire les pépites noires.

L’échec ne naît pas de la révolte mais de la résignation…

Un roman aussi noir que l’anthracite mais au bout du tunnel, il y a souvent de la lumière…

Photo d’illustration : Ce face-à-face à la mine d’Orgreave, près de Sheffield, a été l’un des tournants de la grève des mineurs de 1984-1985. La police a empêché les manifestants de fermer l’usine et ce fut le début d’une longue et douloureuse débâcle, jusqu’à la défaite finale.

Il y a eu d’autres batailles sanglantes après celle-ci, mais le fait que les mineurs n’aient pu obtenir le soutien d’autres ouvriers lors de la bataille d’Orgreave les a dégoûté et isolé. Bien que les grévistes aient recueilli des dons d’argent importants, la tactique du gouvernement Thatcher — anticiper en stockant du charbon et envoyer des troupes de briseurs de grève remplacer les manifestants — s’est révélée efficace et a marqué la fin de l’époque des puissants syndicats.

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2014-2015), le Challenge « I Love London II » de Maggie et Titine, le « Challenge Ma PAL fond au soleil – 2ème édition » chez Métaphore et « Ma Pedigree PAL – La PAL d’excellence » chez The Cannibal Lecteur.

19 réflexions au sujet de « Né sous les coups : Martyn Waites »

  1. Ping : Bilan Livresque : Août 2014 | The Cannibal Lecteur

  2. Pour avoir vu les reactions au moment de la mort de la dame de Fer, je me dis qu’elle a vraiment fait beaucoup de mal. Conseil lecture… Ce n’est pas lie aux mineurs, mais a la relation haineuse qui s’est creee avec la police suite aux repressions des greves et manifs des mineurs : Filth d’irvine Welsh traduit en francais par Une ordure… Ca a le merite d’etre clair ! le roman est dans ma pal depuis quelques mois, mais j’ai vu le film avec James McAvoy ! ca vaut le detour… Tout ce que tu aimes, je pense (signe : le demon tentateur decidement de retour sur la toile 🙂 ).

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    • J’ai une ordure je pense, attends, je vérifie ! Oups, pas dans ma PAL mais déjà dans ma Wishlist 😉

      En plus si un film, hop, un titre pour le challenge cinéma !

      Merci de m’en parler, j’aime quand on me tente encore plus avec des romans qui valent la peine d’être lus 😉

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    • Les anglais ont des auteurs super, pas que des qui écrivent des meurtres dans des châteaux avec le maître d’hôtel dans le coup… 😉

      Il reste de grands auteurs rosbeefs à découvrir 😉

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  3. super gai de lire ta chronique de bon matin, je vais aller m’enfermer dans un placard maintenant.
    On ne se rend pas bien compte de ce que cette partie de l’histoire a changé notre présent…
    Magnifique ressenti en tout cas, u bon complément de lecture aux romans de Michael Mention, tiens

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    • Oui, c’est à prendre en complément de Mention ! Une dose de chaque tous les matins et ju vas mine !

      Bon, reste pas trop longtemps dans le placard mais fait gaffe en sortant du placard, certains pourraient croire que tu es des leurs ! 😆 Je sors !

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        • J’ai vu des balais avec plus de cheveux que nous quatre réuni, mais bon, c’était des balais pour chevaucher les nuits de pleine lune.

          En tout cas, en Karaté Kid, tu fous les jetons ! On aurait pu se faire agresser, avec toi, on ne craignait rien !

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            • Moi, me ficher de ta tronche, mais enfin, jamais de la vie !! 😆

              Mais on les connait tes talents cachés ! Tu es gentil, un vrai gentil (ou alors, tu le caches bien, dans ce cas, notre agence recrute), tu as de la culture, tu sais écrire, nous donner envie et toussa toussa !

              Pour le reste des talents cachés, je les laisse à Domi et je ne veux rien savoir de plus ! 😛

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                • Moi, je suis une méchante déguisée en gentille pour les besoins de mon travail dans la mafia 😉

                  Attention, l’ange que je suis peut se transformer en démon très vite lorsque l’on me cherche… 👿

                  Si je tousse c’est à cause du kilo de bicarbonate que tu as paumé ! 😀

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  4. Eh bien, nul doute en lisant ta chronique que tu aies adoré ce roman ! Je me suis toujours intéressé à cette période de l’histoire anglaise qui a façonné durablement la société britannique en laissant des cicatrices profondes pour certaines jamais refermées. Ce livre n’échappera pas à ma lecture et j’éspère en retirer le même plaisir que toi. Et je rejoins Sharon, j’espère que là où ce trouve cette vieille pute , ellebrûle en enfer !! Amitiés

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    • Elle y brûle, sois-en sûr ! Sur un gros tas de charbon, en plus 😀

      Oh, j’aurais cru que tu l’avais lu, mon souriceau ! Pierre, notre petite poule blanche, l’a lu, lui, je crois me souvenir.

      Une personne peut changer le monde, un pays, en bien ou en mal, tout dépend des décisions prises. J’espère que tu prendras ton pied livresque avec lui comme je viens de faire.

      Bon, je vous laisse, j’ai du charbon à aller jeter sur le feu, faudrait pas qu’elle prenne froid, cette vieille gatte !

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  5. Comme j’ai envie de le lire !
    Certains collègues voulaient faire un hommage à la dame de Fer à sa disparition, avec beaucoup de charbon et pas mal de crachat.
    Dans un registre similaire, moi et un ami espérions que Bobby Sands et ses camarades l’aient dignement accueillie à son arrivée.

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    • J’ose espérer un grand coup de pied de la part du Diable lui-même ! 😀

      Ce livre est super, il m’a prise aux tripes et je ne l’ai plus lâché, bouffant les 200 dernières pages alors que j’avais une migraine de la mort qui tue !

      Oui, mais ce qui me console c’est qu’elle soit morte en ayant tout oublié de tout ce qu’elle a été, finissant sa vie comme un légume trop cuit, et toute la déchéance qui va avec. Na !

      Tony Blair n’a pas fait mieux… Irak !

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