Toutes les vagues de l’océan : Víctor Del Árbol

Titre : Toutes les vagues de l’océan                                         big_5

Auteur : Víctor del Árbol
Édition : Actes Sud (2015)

Résumé :
Gonzalo Gil reçoit un message qui bouleverse son existence : sa soeur, de qui il est sans nouvelles depuis de nombreuses années, a mis fin à ses jours dans des circonstances tragiques. Et la police la soupçonne d’avoir auparavant assassiné un mafieux russe pour venger la mort de son jeune fils.

Ce qui ne semble alors qu’ un sombre règlement de comptes ouvre une voie tortueuse sur les secrets de l’histoire familiale et de la figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences.

Cet homme idéaliste, parti servir la révolution dans la Russie stalinienne, a connu dans l’enfer de Nazino l’incarnation du mal absolu, avec l’implacable Igor, et de l’amour fou avec l’incandescente Irina.

La violence des sentiments qui se font jour dans cette maudite “île aux cannibales” marque à jamais le destin des trois protagonistes et celui de leurs descendants.

Révolution communiste, guerre civile espagnole, Seconde Guerre mondiale, c’est toujours du côté de la résistance, de la probité, de l’abnégation que ce parangon de vertu, mort à la fleur de l’âge, a traversé le siècle dernier. Sur fond de pression immobilière et de mafia russe, l’enquête qui s’ouvre aujourd’hui à Barcelone rebat les cartes du passé.

La chance tant attendue, pour Gonzalo, d’ébranler la statue du commandeur, de connaître l’homme pour pouvoir enfin aimer le père.

Toutes les vagues de l’océan déferlent dans cette admirable fresque d’un xxe siècle dantesque porteur de toutes les utopies et de toutes les abjections humaines.

Critique : 
♫ Je vais et je viens entre… ♪

Non pas « entre tes reins » bande de coquins, mais « entre différentes époques » !

C’est cette phrase qui vient de tourner dans ma tête au moment de prendre le clavier pour pondre une critique pas évidente sur un roman qui m’a boulversifiée (néologisme offert).

Putain de roman ! Putain de fresque historique qui, comme une toile d’araignée, est vaste, ramifiée, mais où tout ramène en un seul point : Elías Gil, figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences.

Par contre, il vous faudra attendre la fin pour découvrir la toile dans son entièreté et savoir ce qui s’est passé en juin 1967, jour de la disparition d’Elías Gil, ancienne figure importante du communisme.

Le roman n’est pas résumable, trop dense, sachez juste que vous allez voyager dans les époques troubles, voguant entre les années 30 et 2002.

Vous suivrez Elías Gil, jeune espagnol, et ses trois compagnons dans la Russie des années 30, vous serez torturé et déporté avec d’autres prisonniers, qui, comme vous, ne seront coupables que d’avoir été au mauvais endroit ou d’avoir critiqué le pouvoir.

Violez, tuez, tant que vous le faites avec patriotisme. Mais ne dites pas du mal du pouvoir ou de la mère à Staline…

Pourquoi étaient-ils tous ici ? À cause des mines d’uranium, des exploitations minières, de la folie de quelques bureaucrates qui avaient besoin d’une grosse quantité d’esclaves pour coloniser la Sibérie. Le prétexte qui l’avait enchaîné à cette terre était sans importance.

Le pouvoir communiste a besoin de main-d’œuvre pour creuser un grand canal ou pour coloniser la Sibérie. Allez hop, déporté, affamé, humilié, vous serez. Le passage sur l’île de Nazino, surnommée ensuite « Cannibal Island » est un des plus terribles.

Ce qu’un humain est capable de faire pour survivre… Jusqu’à devenir comme celui que vous haïssez…

Parfois, il ne pouvait s’empêcher d’établir une comparaison avec Igor Stern et sa meute, et il pressentait qu’il était devenu tout ce qu’il haïssait.

Vous assisterez à l’arrivée de Franco au pouvoir en Espagne et vous ferez la guerre du côté des Russes, avant de revenir dans votre Espagne natale.

On voyage dans les époques, mais aussi dans les pays : Espagne, Russie, Sibérie et France.

Les personnages sont travaillés minutieusement : entre Gonzalo Gil, avocat et fils d’Elías, qui cherche à enquêter sur le suicide de sa sœur, son père, Elías, disparu quand le fils avait 5 ans, et dont il n’a plus beaucoup de souvenirs, sinon ceux qu’on lui a fait.

L’homme est-il bien comme son fils l’a toujours cru ? Sa soeur n’avait-elle pas raison lorsqu’elle avait dressé de lui un portrait au vitriol, se faisant répudier par sa père en même temps.

Le flic véreux, les truands, le pédophile, le salaud, la mafia russe… Tout ça s’imbrique avec un réalisme qui donne des sueurs froides. De plus, il est des silence tout aussi meurtriers, aussi lâches, aussi violents que certains actes innommables. Surtout lorsqu’on ne veut pas voir la vérité.

On ne s’ennuie pas, on frissonne, on a peur, on tremble devant les pages sombres de l’Histoire (une de celles dont on parle trop peu) et on se rend compte que les plus salauds ne sont pas toujours ceux désignés comme tels.

— Tu en appelais à l’éthique pour torturer et tuer, lui, il appelait cela simplement du pragmatisme. Il était convaincu de l’inévitable nature corrompue de l’être humain et toi tu cachais tout cela sous la répugnante théorie de l’idéalisme.

Au final, on est sonné, estomaqué, lessivé, lavé ! On a beau critiquer nos politiciens, les trouver véreux, se plaindre du système qui est mal foutu, mais ce n’est rien comparé au communisme de Staline. Rien au regard de ce qu’un système politique peut faire à ses compatriotes. Rien à côté de cet illogisme qu’était la pensée de ces hommes qui en ont déshumanisés d’autre.

[…] Il a été condamné pour trahison et envoyé dans un goulag en Sibérie. D’après les autorités russes, il ne s’était pas battu avec assez de conviction. Qu’il soit encore en vie était la preuve irréfutable de sa lâcheté. Il est resté onze ans en Sibérie.

Un tout grand roman noir qu’il vaut mieux aborder en toute connaissance de cause car il ne vous laissera ni de marbre, ni indemne. Gardez tout de même un Tchoupi à côté pour lire ensuite. On n’est jamais trop prudent…

— Ce qui les rend méprisables, ce n’est pas ce qu’ils font, c’est leur façon de faire, leur répugnant échafaudage de mots et de concepts absurdes, qui justifie et nettoie leur conscience. Voilà pourquoi derrière leur bureau et leurs rapports, ils peuvent devenir des tueurs.

Challenge « Thrillers et polars » de Canel (2014-2015) et le mois Espagnol de Sharon.

BILAN - Minion Les bras m'en tombe - un putain de livre 2 OK

42 réflexions au sujet de « Toutes les vagues de l’océan : Víctor Del Árbol »

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  2. Ping : Le mois espagnol, c’est parti ! | deslivresetsharon

  3. tu n’as jamais pensé à faire des chroniques audio en version chantée ? 😉
    Si je comprends bien, cet auteur fait office de machine à laver… à lessiver (je sais plus avec vous les belges)
    Il faut vraiment que je le lise un jour !

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    • Voilà, je me suis tapée un auteur espagnol ! Le suivant sera un américain dou soud ! 😉

      Non, je ne vais pas les faire en chantant vraiment parce que je vais faire pleuvoir et crever des tympans !

      Tu remarqueras que j’ai pensé à vous en introduisant les deux termes : laver et lessiver ! Je suis pour le rapprochement franco-belge ou belgo-français, bref, pour la paix dans les conversations fesses bouquiennes !

      Allez, lis-le !!

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  4. wahou quelle belle critique !!! me donne très envie, Staline…. grrrrr dans le météorologue j’en ai eu un avant goût désagréable… en tout cas merci, je vais essayer de le trouver !

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    • Intense, oui, il te retourne comme les vagues de l’océan…

      C’est une putain de quête du passé paternel, mâtinée du poids qu’ont tous les secrets familiaux qu’on peut pas dire, tu additionnes une vengeance qui se savoure froide, sale avec un soupçon de fatalité car les fautes du passé ont une incidence sur le présent et le fils peut payer pour le père… bref, un truc de ouf.

      Aimé par 1 personne

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