Tranchecaille ‭:‬ Patrick Pécherot [LC avec Bianca]

Titre : Tranchecaille

Auteur : Patrick Pécherot
Édition : Gallimard Série noire (2008) / Folio Policier (2010/2015)

Résumé :
Chemin des Dames, 1917, l’offensive du général Nivelle tourne à l’hécatombe. Dans l’enfer des combats, un conseil de guerre s’apprête à juger le soldat Jonas, accusé d’avoir assassiné son lieutenant.

Devant l’officier chargé de le défendre défilent, comme des fantômes, les témoins harassés d’un drame qui les dépasse. Coupable ? Innocent ? Jonas est-il un simulateur ou un esprit simple ?

Le capitaine Duparc n’a que quelques jours pour établir la vérité. Et découvrir qui est réellement celui que ses camarades ont surnommé Tranchecaille.

Critique :
Ce polar historique, qui aura pour cadre les tranchées de la Première Guerre Mondiale, commence un peu à la Columbo…

Dès les premières lignes, nous assistons à l’exécution d’un soldat accusé d’avoir planté, non pas le bâton, mais la baïonnette dans le dos de son lieutenant.

Tout ça pour un uniforme trop grand… Tout ça pour une prise de bec qui a eu lieu entre lui et le nouveau lieutenant ? Purée, ça fait cher le tissu en trop et le froc qui descend lorsque l’on charge les tranchées des casques à pointes.

Ce polar historique ne commence pas comme un autre, n’a pas un terrain d’enquête habituel et sa manière de nous narrer l’enquête du capitaine Duparc n’est pas commune du tout.

En effet, la narration de l’enquête, les faits et gestes du capitaine Duparc, du soldat Jonas (l’accusé), ainsi que des autres protagonistes de l’histoire (témoins, gradés, soldats de l’unité et j’en passe) est racontée au travers de chapitres assez courts qui sont en fait des témoignages en direct ou rapportés, des interrogatoires menés par le capitaine (ou son greffier), des discussions qui ont lieu sur place ou ailleurs, a moyen de lettres, de scènes rapportées….

Déstabilisant au départ, ce récit, monté comme un journal de bord. Pourtant, une fois dans le bain, on se sent très vite à l’aise, même si nous sommes dans un endroit où je n’aurais pas aimé traîner à cette époque.

D’ailleurs, l’auteur ne se contente pas de nous conter l’enquête, dans les chapitres, il y a aussi des scènes de la vie quotidienne dans les tranchées, notamment les milliers de morts, pour quelques mètres de pris et dont les quotidiens titreront que c’était une percée importante.

Si je ne me suis attachée à aucun personnage, cela n’a pas entamé mon plaisir de lecture, puisque les 300 pages ont été avalées en une seule journée (sorry ma Bianca).

Cela était sans doute dû au fait que l’on ne sait jamais vraiment qui est le soldat Jonas, l’accusé : un vrai benêt ou un type intelligent qui jouait au con ? Un vrai traumatisé par ce qu’il a vécu durant les 3 années, ou un comédien ? Un soldat qui est vraiment crétin ou un qui se moque des gradés ? Un débile, un âne ? Ou un simulateur de génie ? Cet homme est une énigme à lui tout seul.

En tout cas, c’est addictif, cette enquête et elle n’a rien de banal.

Un polar historique sur fond de Première Guerre Mondiale, sous le régime de la censure, celui de la langue de bois, celui où la justice était arbitraire et inique puisque, pour un galonné assassiné, on veut exécuter un soldat, mais qu’on n’exécutera pas de galonné pour tous les soldats qu’ils ont envoyé à la boucherie.

Une LC avec Bianca réussie et que je ne regrette pas d’avoir faite, ce roman traînait depuis trop longtemps dans mes étagères et il ne méritait pas ça !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°213].

Santa muerte : Gabino Iglesias

Titre : Santa muerte

Auteur : Gabino Iglesias
Édition : Sonatine (20/02/2020)
Édition Originale : Zero Saints (2015)
Traducteur : Pierre Szczeciner

Résumé :
Santa Muerte, protegeme…

Austin, Texas. Tu t’appelles Fernando, et tu es mexicain. Immigré clandestin. Profession ? Dealer. Un beau jour… Non, oublie « beau ».

Un jour, donc, tu es enlevé par les membres d’un gang méchamment tatoué qui ont aussi capturé ton pote Nestor. Pas ton meilleur souvenir, ça : tu dois les regarder le torturer, lui trancher les doigts et les donner à manger à… une chose, avant de lui couper la tête. Le message est clair. Ici, c’est chez eux.

Fernando croit en Dieu, et en plein d’autres trucs. Fernando jure en espagnol, et il a soif de vengeance.

Avec l’aide d’une prêtresse Santeria, d’un chanteur portoricain cinglé et d’un tueur à gage russe, il est prêt à déchaîner l’enfer.

C’est le début d’une odyssée survoltée, mystique et punk, infusée de magie yoruba, foutrement intense et délicieusement flippante.

Critique :
Au premier abord, on pourrait classer ce roman noir dans la catégorie des romans « barrés » ou « frappadingue » tant il est déjanté, a des relents de fantastique et des saints inconnus de ton calendrier catholique, orthodoxe et tout ce que tu veux.

Et en effet, ce ne serait pas une erreur de classement car si on le regarde en gros, c’est de l’action pure, de la violence, des drogues, des armes à feu et une histoire de vengeance vieille comme le monde.

Pas de la vengeance raffinée à la Monte-Cristo, mais de celle au Beretta, au Desert Eagle et à l’Uzi (à ne pas confondre avec de l’ouzo).

Pourtant, dans le fond, il n’y a pas que ça…

Ce n’est pas que l’histoire d’une vengeance, car au travers de l’histoire de Fernando, immigré clandestin mexicain, dealer de toutes sorte de drogues et videur de boite, c’est aussi celle de tous les clandestins qui tentent de passer la frontière pour vivre le rêve Américain, ou tout simplement, essayer de sortir de la misère ou échapper à des tueurs ou quitter un pays exsangue.

Fernando a beau être un revendeur et le type qui rapporte le fric à Guillermo, le dealer en chef, il mène une vie rangée, tranquille, sans faire de vague et en priant beaucoup  la Santa muerte…

Notre personnage principal n’ a rien d’un dur, d’un salaud. Il pourrait même chanter ♫ Je ne suis pas un héros ♪.

En un mot, il est réaliste, un presque monsieur-tout-le-monde, qui sait se servir des armes, car s’il n’a rien d’un ange, il n’a pas non plus les cojones pour s’attaquer à plus fort que lui.

Pourtant, il va devoir aller se greffer de suite une solide paire de cojones car ceux qui ont tué son boss et Consuelo, sa mère de substitution, prêtresse de la Santería, ce sont des MS13…  Mara Salvatrucha, pour ceux qui ne pigent pas et qui n’ont pas encore fait des traces de freinage dans leurs slips ou culottes !

Un roman noir qui est intense, court, ne te laisse pas le temps de reprendre ton souffle et te fera croiser la route de personnages (Le Russe et El Principe) dont tu ne sais pas trop s’il vaut mieux ne jamais les croiser ou alors, si les avoir pour potes, pourrait t’aider si un jour tu veux dézinguer des membres du terrible gang des MS-13…

Un barrio noir qui mélange habillement la violence, l’humour, l’amitié, la vengeance, les drogues et autres cachetons favoris du Docteur House. Sans oublier les cierges, les bougies, les neuvaines et les prières à des tas de saints.

Après ma prière, j’ai allumé une bougie supplémentaire pour San Lázaro et une autre pour Changó en me disant qu’il valait mieux assurer mes arrières. Je n’avais pas de pommes, mais il me restait au frigo un peu de lait, du fromage et une part de pizza. J’ai aussi ouvert le placard sous l’évier pour y prendre ma meilleure bouteille de rhum, celle que je réservais à la Santa Muerte, et j’en ai rempli un verre. J’ai tout déposé devant mes deux statues et j’ai promis à Changó que je lui rapporterais deux sacs de pommes s’il me venait en aide.

Donc, si tu veux lire ce petit roman qui pulse, ami lecteur, amie lectrice, n’oublie pas ton chapelet, un gros cierge, tes offrandes à la Santa Muerte ou autre saint(e) qui a tes faveurs, tes balles à têtes creuses, de l’eau bénite (parce qu’on ne sait jamais), une grosse paire de cojones et des flingues !

Prière à la Santa Muerte – Jour 3
Ô, Mort toute-puissante, reine des Ténèbres et de l’Au-Delà, Dieu t’a accordé l’immortalité et je t’implore avec toute la ferveur que renferme mon cœur de diriger contre mes ennemis le pouvoir que tu détiens sur l’ensemble des mortels. Qu’ils ne puissent avaler le moindre repas, qu’ils ne puissent s’asseoir à aucune table, qu’ils ne puissent trouver le sommeil ni connaître la tranquillité. Qu’aucun de leurs desseins néfastes ne se réalise. Santa Muerte, Dame blanche adorée, je te demande de forcer mes ennemis à s’incliner devant toi, vaincus, et de les contraindre à l’humilité. Je te supplie de m’accorder la force de les écraser. Qu’ils rampent à mes pieds et me voient comme le bras armé de ta justice divine et éternelle. Je te supplie, ô Santa Muerte, reine de mon cœur, de m’accorder les faveurs que je te demande par cette novena. Je te supplie de m’accorder ton aide afin d’annihiler Indio et ses hommes, ces vermines qui ont fait couler le sang des innocents. Que ta volonté soit faite.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°192.

Absolution : Anthony Shaffer

Titre : Absolution

Auteur : Anthony Shaffer
Édition : Rivages Noir (2017)
Édition Originale : Absolution (1979)
Traducteur : Jean Esch

Résumé :
Le père Goddard a placé de grands espoirs dans son élève préféré, garçon charmeur et brillant, véritable prodigue du pensionnat. Jusqu’au jour où celui-ci, afin de défier son autorité, détruisit les fondations sur lesquelles le prêtre avait bâti sa confiance, .

Commence alors une lente et tortueuse descente aux enfers pour le père Goddard, lié par le secret de la confession. Le terrifiant combat du Bien contre le Mal ne peut s’achever que par la destruction d’un des adversaires.

Car de tous les poisons qui infestent l’âme humaine, un seul ne peut recevoir l’absolution.

Critique :
Il est un fait que certains lisent du polar comme d’autres vont aux putes : un coup vite fait et aussi vite oublié.

Avec un peu de chance, ils ramèneront des morbacs ou pire, la chtouille.

C’est un peu comme ceux qui lisent des romans et qui l’oublient aussitôt terminé, l’abandonnant pour le suivant, ou juste parce que ça ne les intéressent pas de le garder.

C’était la littérature de gare. De celle qu’on oublie, comme la passe vite fait dans une ruelle.

Et puis, il y a les grands romans policiers, ceux que l’on garde précieusement, que l’on relit, dont on se souvient. C’est le but louable de la maison d’édition Rivages Noir : nous dénicher des pépites méconnues, les traduire et nous les servir. C’est eux qui le disent dans la préface.

Nous n’avons pas d’autre ambition, mais elle est grande, que de vous présenter, dans le domaine du roman policier, ce que nous considérons comme des joyaux que vous ne connaissez pas encore.

Il existe de par le monde des tas de super romans dont nous n’aurons jamais connaissance, ou alors, ils arriveront dans 100 ans, bénéficiant, tels les oeuvres des peintres et de certains compositeurs, d’un grand succès une fois leurs créateurs ayant rejoint le leur (de créateur).

Oui, ce roman noir est une pépite mais elle est glauque, malsaine, elle est dérangeante, on se demande jusqu’où est capable d’aller le jeune Benjamin, petit protégé du père Goddard (dit « Dieu »), dans sa descente aux enfers, dans sa folie, dans cette envie qu’aurait un fils aimé de voir jusqu’où il peut aller avant que son Père le bannisse, testant tout jusqu’à le faire craquer, tout en le tenant d’un autre côté grâce au secret de la confession.

Sur ce, Goddard quitta la chapelle, désorienté et épuisé.
Benjamin resta assis, un sourire froid et méprisant sur le visage. Les consonnes sifflantes et murmurées coulaient du coin de sa bouche.
— Maudit soit-il ! Maudit soit-il ! J’espère que sa chair puante et immonde brûlera en enfer pour l’éternité.

Il faisait lourd et chaud, ce mercredi 26 juin 2019 (37°) mais ce n’était pas à cause de la chaleur que mes mains étaient moites, que mon front coulait de sueur. J’aurais eu la même réaction durant l’hiver tant le récit m’a mis mal à l’aise, tant les personnages étaient criants de réalisme.

— La culpabilité est un moyen de paiement, comme l’argent. Comme l’or. Avec la culpabilité, tu peux acheter ou vendre des gens. L’homme est né libre, et partout il est enchaîné.

Dans ce collège où enseignent des pères jésuites, la place de la religion catholique est importante, elle rythme la vie des collégiens, mais la paix n’est pas dans leurs cœurs et la pitié non plus.

Entre la mise à l’écart d’un élève portant une prothèse, entre le rejet d’un jeune gitan, entre l’acharnement du père Goddard sur cet élève handicapé et son amour pour Benjamin (platonique), on a beau dire des bénédicités et des rosaires, se foutre à genoux pour prier, c’est à se demander s’ils pensent vraiment qu’il y a quelqu’un en haut qui les écoute car avec eux, c’est faire ce que je dis, pas ce que je fais.

— Vous venez de me dire que le catholicisme est universel, et rien de ce qui est humain ne saurait lui être étranger. À moins, bien évidemment, que vous refusiez de considérer ce gitan comme un être humain.
— Pour les besoins de la discipline, je suis tout à fait disposé à le considérer comme une créature inhumaine, mais je trouve que le mot gitan est un terme bien romantique pour désigner un vulgaire chapardeur.

La tension monte de plus en plus, Benjamin, comme possédé par le Mal, va aller de plus en plus loin dans ses farces, dans son mépris du père Goddard, dans sa manière qu’il a de jouer avec Arthur, l’élève à la prothèse, qui est chiant mais qui ne demande que de l’amitié, que l’atmosphère du roman devient oppressante, lourde et qu’on se demande bien jusqu’où ça va aller, tout en sachant que ça va mal se terminer.

Horrible… J’en suis restée muette, le cri qui montait dans ma gorge s’est arrêté.

Ça c’est du roman ! Glauque,dérangeant, horrible, sadique, cruel. Un véritable esprit dérangé, un véritable maître en matière de manipulations.

Goddard n’était pas d’humeur à écouter des divagations au sujet de la liturgie entre deux gorgées de lapsang souchong. (citation rien que pour Dame Ida)

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2018-2019) et Le mois anglais (Juin 2018 – Saison 8) chez Lou & Titine.

Jake : Bryan Reardon

Titre : Jake

Auteur : Bryan Reardon
Édition : Gallimard (08/02/2018)
Édition Originale : Finding Jake (2015)
Traducteur : Flavia Robin

Résumé :
Simon Connolly est l’heureux père de deux enfants, Jake et Laney. Certes, la situation de cet homme au foyer est pour le moins originale et Simon n’est pas toujours très à l’aise dans ce rôle. Mais, cahin caha, la famille coule des jours paisibles ?

Jusqu’au jour où Doug Martin-Klein, un gamin associable dont Jake est le seul copain, tire sur plusieurs adolescents avant de se donner la mort. Les survivants et les blessés sont peu à peu évacués mais Jake est introuvable.

Et très vite soupçonné d’être le complice de Doug. Commence alors pour Simon une véritable descente aux enfers. Comment une chose pareille a-t-elle pu arriver ?

Comment a-t-il pu ne rien entrevoir du drame qui se profilait ? Jake est-il coupable ? Où est-il passé ?

Critique :
Une fusillade dans un lycée américain fait 13 morts et bien plus de parents ou de familles déchirées, en colère. anéanties, traumatisées…

Les médias se déchaînent, les gens aussi, on écoute un président peroxydé dire n’importe quoi, tapant sur les jeux vidéos, sur les parents du tueur, sans que jamais personne ne se demande ce que ressentent les parents de l’ado qui vient de commettre ces assassinats.

Et tout le monde balance sur le dos de ces gens-là, les jugeant sans savoir, déversant des tonnes de commentaires haineux sur les réseaux sociaux, sans jamais penser à ce que peuvent ressentir ces hommes et femmes qui ne sont pas toujours des mauvais parents, comme on voudrait nous le faire croire.

Ici, nous allons entrer dans le quotidien de Simon Connoly, de son épouse Rachel et de ses deux enfants, Jake et Laney.

Alternant les chapitres « avant » et « après », l’auteur nous fait vivre avec brio les moments de vie de Jake : sa naissance, son enfance, son côté un peu réservé, son père qui joue les mères au foyer pendant que maman bosse, sa vie avec sa petite soeur et les moments angoissants que vont vivre cette famille lorsqu’on accusera leur enfant d’être un des co-auteurs de la tuerie.

Ce roman est un concentré d’émotions brutes, pures, magiques, magnifiques. Sans voyeurisme aucun, sans parti pris, l’auteur nous fait vivre de plein fouet ce que des parents vont ressentir lors de l’emballement, du déferlement médiatique qui va leur tomber dessus, sans que personne ne se soit posé les bonnes questions de l’innocence ou de la culpabilité de leur fils.

Les pages se tournent toute seules tant on a envie de savoir ce qui est arrivé à Jake et ce qui va arriver à sa famille, au bord de l’éclatement, au bord de la nausée de s’entendre juger par des gens qui ne les connaissent pas, ou peu, ces sois-disant amis qui, le jour où vous êtes dans la tourmente, viennent tirer à boulets rouges sur vous.

Un roman noir assez court où l’on s’attache aux personnages principaux car ils sont réalistes, humains, avec leurs failles, leurs défauts, leurs personnalité propre, dont celle d’un père et d’un fils un peu réservé, ce qui fait dire qu’ils sont différents.

Un roman noir qui vous prend aux tripes, qui ne vous lâche pas, profond, humain, juste, réaliste, et un concentré d’émotions pures dans les dernières pages, celles qui donnent des crasses dans les yeux parce que soudainement, ils se mettent à pleurer tout seuls.

Un roman noir qui m’a ému, qui m’a fait réfléchir à tout ces imbéciles qui vilipendent d’autres personnes sans savoir, se mêlant de ce qui ne les regarde pas, les faisait parler alors qu’ils ne savent rien, que ce soit pour des tueries ou pour des testaments.

Ce roman noir qui alterne les phases de bonheur et celles plus angoissantes de « Jakoutai » fini d’emblée dans mes coups de coeur marquants de l’année 2018.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2017-2018) et le challenge US (2017-2018) chez Noctembule.

La lune dans le caniveau : David Goodis

Titre : La lune dans le caniveau

Auteur : David Goodis
Édition :
Édition Originale : Le Livre de Poche (31/01/1996)
Traducteur :

Résumé :
« C’était une ruelle sombre, avec la lune qui l’éclairait en éclaboussant de sa lumière des taches de sang séché. »

Obsédé par le souvenir de sa jeune sœur qui s’est suicidée après avoir subi un viol, Kerrigan traîne depuis des années sa haine dans Vernon Street, le coin le plus sordide de Philadelphie.

Jusqu’au jour où il rencontre Loretta, une jeune fille venue des beaux quartiers bien décidée à le sortir de cet enfer.

Mais les vieux démons ont la peau dure et, pour Kerrigan, la limite entre la soif de vengeance et la folie va devenir aussi fine que le fil du rasoir.

Sec, puissant, David Goodis distille suspense et sueurs froides en grand maître du roman noir.

Critique :
♫ On choisit pas ses parents, ♫ on choisit pas sa famille ♪ On choisit pas non plus les trottoirs de Manille ♪ De Paris ou d’Alger ♪ Pour apprendre à marcher ♫

Indubitablement, l’endroit où l’on vit nous marque à jamais.

Parfois, on peut s’en affranchir, parce que cet endroit n’avait pas une grande force, ou qu’il n’était pas l’équivalent d’un Trou Noir aspirant tout sur son passage sans jamais vous laisser l’opportunité de fuir.

Vernon Street, rue sordide de Philadelphie, est un lieu qui pèse sur les épaules de ses habitants, un lieu qui vous aspire et vous retient dans ses filets.

Vous y habitez et jamais vous n’en sortirez, jamais vous ne vous élèverez dans votre condition, toute votre vie vous serez un looser, habitant dans un taudis, avec toute votre famille, buvant de l’alcool ou traficotant des certificats de mariage, ou, au mieux, vous serez docker et manipulerez des tonnes de fret dans votre putain de misérable vie.

Goodis a un certain talent pour nous brosser les portraits de loosers finis… Un talent certain, je dirais même, pour nous décrire aussi la misère crasse et les pauvres ères qui hantent ces rues sordides, ces épaves humaines imbibées d’alcool à tel point qu’on aurait peur d’allumer une cigarette à côté de certains.

Rien à dire, c’est un roman est noir de chez noir qui parle de conditions sociales et de la difficulté de s’en échapper, de se hisser au-dessus de sa condition, de ce quartier qui a façonné ses habitants, et pas le contraire.

Oui, ici, noir c’est noir et il ne reste même plus l’espoir. Entre Kerrigan qui cherche le violeur de sa sœur (sœur qui s’est suicidée ensuite) qui est coincé entre un frère alcoolo d’un niveau médaille d’or aux J.O, un père coureur de jupons (et de ce qu’il y a dessous), mais possédant un grand cœur, la nouvelle copine de son paternel, la fille de celle-ci qui lui court derrière…

Sans parler des femmes qui boivent, qui se font battre, qui frappent elles aussi, qui se prostituent et qui, à 30 ans, en paraissent 60.

Oui, c’est un roman super noir, sec comme un coup de trique, brûlant comme un alcool fort, et pourtant, je n’ai pas ressenti l’ivresse que j’attendais, même si le début m’avait collé une mandale et un début de gueule de bois.

Certes, l’histoire est presque secondaire, même si le final est assez sordide, mais j’ai eu l’impression de survoler la dernière partie alors que les premiers chapitres m’avaient happées violemment.

En fait, je suis « sortie » de ce roman au moment ou Kerrigan commence à répondre aux avances de Loretta et qu’il va la retrouver en endossant son costume du dimanche, qui, pour un habitant des beaux quartiers comme Loretta, équivaut sans doute à des loques pour torcher les pattes du chien après sa balade dans la boue…

Bref, j’avais commencé par me prendre des coups d’entrée de jeu avec les descriptions et les atmosphères bien sordides de Goodis et je me suis perdue sur la fin, dans les 40 dernières pages, avant de me reprendre un coup dans les gencives.

Dommage… Malgré tout, je suis contente d’avoir découvert cet auteur de Roman Noir car il l’art et la manière pour plonger son lecteur dans la sombritude (néologisme offert) humaine.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2017-2018) et le Mois du polar (Février 2018) chez Sharon.

L’étoile du désert – Tome 3 : Marini, Desberg & Hugues Labiano

Titre : L’étoile du désert – Tome 3

Scénaristes : Marini, Desberg
Dessinateur : Hugues Labiano

Édition : Dargaud (23/09/2016)

Résumé :
À la tombée de la nuit, une bande attaque un convoi de pionniers. Plusieurs années après, Maria, seule survivante du massacre, et son père reviennent s’installer non loin du lieu du drame, à la frontière du territoire des indiens.

Ils se trouvent donc tout proche de la tribu de Souffle du Matin et d’Étoile du Désert, deux jeunes qui se tournent autour.

Leur confrontation avec des cow-boys chassant les bisons va déclencher une série de rencontres et de péripéties qui mènera éventuellement aux évènements des premiers tomes.

Critique :
J’avais découvert le diptyque de l’étoile du désert assez tard, en 2017, pour être précise, c’est-à-dire 20 ans après sa sortie. Oui, je suis à la page, je trouve aussi.

Mais la bonne nouvelle dans l’histoire, c’est que je n’ai pas du poireauter 20 ans pour avoir le plaisir de lire le tome 3, na !

Par contre, moi qui pensais continuer de suivre les aventures de ce diable de sean Connery, enfin, de son sosie, Matthew Montgomery, je suis tombée de haut.

Cet album est en fait le préquel à l’histoire qui se déroulera après, avec notre beau Matthew et cette fameuse étoile du désert.

Exit donc le bellâtre à collier de barbe sexy, et place aux aventures de deux jeunes indiens : Souffle du matin et notre fameuse Étoile du désert.

Adios les cow-boys et bienvenue dans le territoire des indiens Lakolas, qui attendent impatiemment l’arrivée des bisons, mais si ces grosses bébêtes arrivent, les colons sont de la partie aussi, l’Homme Blanc voulant sans cesse agrandir ses possessions territoriales.

Fallait oser, 20 ans après, écrire sur un personnage important des deux premiers tomes, alors que le lecteur sait bien ce qu’il va advenir d’elle.

Oui, mais ce que nous ne savions pas, c’est comment, pourquoi, qu’est-ce qu’il s’était bien passé pour qu’Étoile du Désert en arrive là. Une partie des réponses nous sont données.

Ce qui m’a ennuyé le plus, c’est le changement de dessinateur, alors que Marini dessine les chevaux comme personne, j’ai moins aimé le style de Labiano, même si j’ai adoré l’utilisation des tons sépias, le dessin, ça ne passe pas.

Les auteurs nous offrent là un western qui ne demande qu’à poursuivre sa route, à s’étoffer un peu plus, même si les personnages, avec peu de détails, nous donnent l’impression d’avoir de la profondeur.

Une page importante de l’Histoire des États-Unis se joue sous nos yeux de lecteurs, c’est le conflit entre les cow-boys sans foi ni loi et qui veulent être libres, les colons guidés par Dieu et les Indiens qui aimeraient qu’on leur foutasse la paix sur leur territoires sacrés.

Mais je sens que ça va mal se terminer pour eux…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2017-2018), le Challenge « Polar Historique » de Sharon, le Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park, le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur et Le « Mois Américain – Septembre 2017 » chez Titine.

 

T’es pas Dieu, petit bonhomme… [Les trois visages de la vengeance – T2] : Philippe Setbon

tes-pas-dieu-petit-bonhomme-philippe-setbon

Titre : T’es pas Dieu, petit bonhomme… [Les trois visages de la vengeance – T2]

Auteur : Philippe Setbon
Édition : du Caïman (15/01/2016)

Résumé :
Qu’est-ce qui peut pousser un individu à immoler son prochain ? Fred, auteur en mal d’inspiration, se pose la question. Le besoin de se faire connaître ? L’obéissance aux injonctions d’un dieu quelconque ? La vengeance ? Fred se lance dans l’écriture de son roman. Mais est-ce bien d’une fiction qu’il s’agit ?

Dans son quartier, les Batignolles à Paris, celui que tout le monde appelle désormais « Le Faucheur » sème la mort sur son passage et redonne de l’inspiration à notre auteur…

flammesCritique :
Et bien me voici face à une lecture en demi-teinte et bien peinée pour faire ma critique, ne sachant pas trop comment la commencer.

Soit je suis passée à côté, soit ce roman n’était pas fait pour moi, car j’ai rarement été déçue par un « Chouchou du mois » chez un pote de la blogo.

Disons le de suite, crevons l’abcès, je n’ai pas vraiment ressentit de l’empathie pour les personnages principaux, que ce soit l’écrivain (Frédéric Jouvé) en panne d’écriture et s’abrutissant d’alcool ou de la policière bourrue (Lynda Fragonard) qui vanne à tour de bras mais dont les dialogues, censés être drôles, me semblaient faux, à côté de leurs pompes.

Causons du voisin ensuite… Le problème n’est pas vraiment le voisin, mais la réaction de notre auteur en panne et asocial ! Nous sommes face à un type asocial, qui ne connaît personne du quartier et qui fraternise directement avec le nouveau venu au point de lui balancer des tas de détails personnels dès le départ et d’ensuite aller boire un coup avec lui ?? Pas si asocial que ça, donc. Mais bon…

Par contre, le coup du voisin qui cherche son fils, moi, ça éveille des tonnes de soupçons ! Toujours se méfier des types qui te demandent si t’as pas vu leur chat ou leur chien… Surtout si tu es une petite fille. Ok, notre auteur n’a rien d’une petite fille à tresses, mais j’ai senti le gaz de suite. On m’a eu une fois dans un film, on ne m’aura pas deux fois.

Évidemment, j’avais raison sur toute la ligne, même pour le nom du coupable. Enfin, pas son identité, mais je savais qui n’était pas coupable.

Pour le reste, on a une bonne vieille histoire de vengeance, mais je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas dégouliné de pleurs devant le récit horrible décrit à la fin… Non pas que je sois sans empathie, j’ai souvent tendance à avoir les yeux qui coulent en lisant, mais là, rien.

Je dois consulter d’urgence, parce que c’est grave d’avoir ressenti un ennui profond devant ce récit qui aurait dû me tirer des yeux larmoyants !

Voilà, au final je suis passée totalement à côté de ce court roman (177 pages), de son histoire, de ses personnages, de leur enquête, de ce désir de vengeance qui m’a semblé un peu trop exagéré pour cette personne.

Y’a des jours comme ça où un roman qui promettait fait pchiitttt. Dommage.

Étoile 2,5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017) et Le Mois du polar 2017 chez Sharon.

Enregistrer

L’étoile du désert – Tomes 1 et 2 : Desberg & Marini

Titre : L’étoile du désert – L’intégrale – Tomes 1 et 2

Scénariste : Stephen Desberg
Dessinateur : Enrico Marini

Édition : Dargaud (1996-2001) / Dargaud (2012)

Résumé :
Mathew Montgomery est un homme vieillissant. Il occupe un poste de haut fonctionnaire au ministère de la Défense. C’est un homme respectable qui vit de règles et de lois.

Il ne doute pas : c’est avec des hommes droits comme lui que les États-Unis se sont construits.

Il a une femme, une fille, une maîtresse…

Alors qu’il a l’impression d’être passé à côté de sa vie, sa femme et sa fille sont sauvagement assassinées. Mathew abandonne alors tout ce qui faisait son monde, pour se lancer sur les traces de leurs assassins..

letoile-du-desert-t-1-planche-21Critique :
1870, Washington. Sean Connery est un homme plus que respectable, adepte des règles et du fait que tout a une place, un ordre… Un gentleman qui occupe un poste important au ministère de la Défense.

J’ai dit « Sean Connery » ? Sorry, je voulais bien entendu dire : Matthew Montgomery !

Erreur due au fait que le personnage principal de ces albums a un air de ressemblance avec l’acteur Sean Connery… On dirait aussi un air de famille avec le Scorpion, vieillissant (normal, ce sont les mêmes auteurs).

Notre homme, habitué des salons, au confort, notre homme qui se dit que l’Amérique s’est bâtie grâce à des hommes tels que lui, respectueux des règles et de l’ordre, notre homme qui ne cause plus à sa fille, qui en a marre de sa femme, qui baise sa maîtresse en dehors des heures de travail, va voir son destin basculer, comme dans toute les bonnes histoires.

Il a la rage, il veut comprendre pourquoi on a tué sa femme et sa fille et pourquoi on leur a gravé une étoile à 8 branches sur les seins. Des désirs de vengeance sont tapis en lui, comme dans toutes les bonnes histoires.

Notre Sean Connery qui n’a rien d’un agent secret dans ce cas-ci va devoir se transformer en Sherlock Holmes avant l’heure et mener une enquête des plus poussées pour trouver les assassins de sa femme et de sa fille.

La vie est ironique : lui qui en avait marre de sa bonne femme et qui ne voulait plus voir sa fille, et bien, il a été servi !

Lui qui aimait et vivait dans le confort absolu, et bien, il va devoir voyager comme dans une diligence puante où tout le monde est serré comme des sardines dans sa boîte. Lui qui ne savait pas se battre, et bien, il va devoir apprendre !

Les dessins de Marini sont toujours aussi superbes, on reconnaît ceux de la série « Scorpion », les chevaux sont magnifiques, les couleurs aussi, dans des tons ocres ou gris, des images qu’on ne se lasse pas de regarder.

Si l’histoire est basique : la vie qui bascule et la vengeance, le reste l’est moins puisque notre Matthew Montgomery va connaître l’Ouest, le Vrai et se trouver non loin de la Frontière, là où l’ordre et la discipline ne règnent pas en maître.

Notre héros n’en est pas un, il ne connait rien de la vraie vie, celle qui est une chienne, celle qui fait de vous des tueurs, des bandits, des prostituées, des marginaux,…

Il n’a jamais mis les pieds dans des saloons enfumés et rempli de la lie de la société, il aimait les salons feutrés, il sera servi niveau saloons à éviter car sous la coupe du Méchant local qui n’a rien d’un pied-tendre. Un méchant réussi, avec juste les bonnes doses de sadisme qu’il fallait et des flash-back mystérieux sur sa jeunesse.

L’Amérique était en pleine évolution, il lui restait encore des coins dans loi et remplie de hors-la-loi, le changement était en marche et pour notre ami, le changement, il était pour maintenant !

Et il a brillamment réussi son changement car notre Matthew Montgomery a évolué, a changé sa manière de voir les choses, a été confronté à des choses peu reluisantes sur l’Homme et lui-même n’était guère reluisant.

Un excellent diptyque que je compte bien poursuivre avec le 3ème tome pour savoir ce qui va arriver à notre Matthew Montgomery-Sean Connery.

Étoile 4

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017), le Challenge « Polar Historique » de Sharon, le Challenge « Victorien » chez Camille, Le « Challenge US 2016-2017 » chez Noctembule, le Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park et Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur.

letoile-du-desert-t-2

[Sherlock Holmes] Le Chien des Baskerville : Raymond Gérôme [Au théâtre ce soir – 1974]

lechiendebaskerville

Le Chien des Baskerville, adaptation de Jean Marcillac, mis en scène par Raymond Gérôme pour l’émission Au théâtre ce soir en 1974.

Raymond Gérôme … Sherlock Holmes
André Haber André Haber … Watson
Christian Alers … Le docteur Mortimer
Jean-Pierre Gernez … Sir William Baskerville
Bernard Musson … Barrymore, le maître d’hôtel
Christiane Moinet … Eliza, la femme de Barrymore
Jean-Jacques Steen … Jones, le cocher de Londres
Robert Bazil … Billy, le second cocher
Pierre Hatet … Stapleton
Colette Teissèdre … Beryl
Liliane Patrick … Laura Lyons
Bernard Durand … Le valet de chambre

chien02

Les décors sont bien entendu de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell.

Holmes-HoundBaskerville03-MODCe que j’en ai pensé :
Une fois les trois coups donné, les tentures s’ouvrent et on s’installe dans le salon de Baker Street.

On y retrouve un Holmes qui possède un petit bidou (ou coussin d’amour) et un Watson assez mince, ce qui est étonnant puisqu’on représente souvent (à tort) ce brave docteur ventripotent et croulant.

Chien-autheatrecesoir-1974-2

Dr Watson

Passons, si vous le voulez bien, au décor du salon du 221b : un néophyte le trouvera correct, bien réalisé et reconnaîtra que c’est bien du Roger Harth (mdr) mais l’holmésien, lui, ne retrouvera pas les petits détails qui auraient fait de cet appart THE appart of Sherlock Holmes.

La preuve que le diable se cache dans les détails, Sherlock Holmes nous dit que nous sommes en 1890, hors, à cette époque, il était porté disparu (présumé mort) dans les chutes de Reichenbach…

Anybref, passons aux choses sérieuses  : la pièce de théâtre est assez semblable au roman, hormis les prénoms changés des Baskerville et quelques petits détails qui ne seront pas respectés mais c’est logique puisque nous sommes au théâtre et donc, certaines scènes extérieures devront rester à l’intérieur.

Mais j’y reviendrai.

Il y a un peu d’humour dans les répliques de Holmes envers Watson et le docteur Mortimer, de par son étourderie, nous fera sourire très souvent.

chienCPF86604391

Docteur Mortimer

Par contre, j’ai trouvé que Raymond Gérôme, l’acteur qui joue Sherlock Holmes, faisait un peu trop de mimiques qui ne vont pas au personnage.

chien84936291_3708488_1

Déjà qu’il est ventripotent et que son pantalon a dû être coupé par un tailleur qui avait une aiguille dans l’œil, car il était fort ajusté au niveau des bijoux de famille que l’on a vu se dessiner de temps en temps.

Et puis, my god, les poses qu’il a prises parfois, dans le salon des Baskerville ! Encore un peu, il aurait pu dire d’une voix graveleuse « Alors cocotte, on a envie de me chevaucher » tant il était affalé sur une chaise avec l’allure d’un macho dans un harem de femmes en rut.

Si cette assise n’est pas digne d’un gentleman, il y a aussi, bien entendu, l’usage de la macfarlane et du deerstalker en plein Londres et de la pipe calebasse qui est anachronique à cette époque.

Mais bon, à l’intérieur, il porte un costume, donc, ça peut aller, je ne ferai pas de gros yeux sur cette cape et cette casquette de chasseur qui ne doivent être portées qu’à la campagne. Une fois dans la lande déserte et ténébreuse, il peut porter ses oripeaux !

Chien-autheatrecesoir-1974-12

Si j’ai bien aimé le côté potache lors des répliques de Holmes envers Watson, si j’ai aimé le Watson proposé car ce n’est pas une débile profond, j’ai détesté les mimiques que nous sert à tout bout de champ l’acteur jouant Holmes. Elles sont de trop. Et trop is te veel.

Chien-autheatrecesoir-1974-1

Quant à Barrymore, le majordome, il serait parfait pour jouer le rôle de Dracula en lieu et place de Béla Lugosi tant il a le physique pour ça.

La musique jouée lors de son entrée en scène avait tout pour aller avec les contes de la crypte. Brrrrr.

Niveau détails qui changent par rapport au roman canonique, on a un Sir David Baskerville qui est décédé (au lieu de Sir Charles) et un Sir William comme neveu (au lieu de Sir Henry) et bien entendu, on zappe tout l’aspect du détective qui fait semblant de rester à Londres pour affaire alors qu’il est sur la lande et observe tout.

Ici, nous avons deux décors distincts, le 221b et le salon de Baskerville, donc, pas moyen de faire autrement et je dois dire que ce n’est pas dérangeant puisque pas le moyen de faire autrement. Qui a dit que je me répétais ??

chien au théâtre

Sir William Baskerville et Sherlock Holmes au 221b

Certes, les hurlement du chien ne font pas très réalistes, on dirait un technicien hurlant après s’être coincé le doigt dans une porte, certes le fait de nous commenter au travers d’une longue vue ce qu’il se passe sur la lande fait perdre de l’intensité dramatique à la chose, mais dans une pièce de théâtre, cela passe facilement et cela évite aussi de nous proposer un chien mal fichu comme dans les téléfilms avec Matt Frewer (les critiques qui cassent sont à venir).

La pièce dure 2h12, mais malgré quelques passages plus lents, je n’ai pas trouvé le temps long.

Si l’acteur principal avait perdu un peu de bide et fait moins de grimaces, c’eut été parfait, un peu comme la nouvelle version que j’avais vue à Bruxelles avec Olivier Minne jouant un Holmes sexy en diable mais dans des décors plus épurés.

Étoile 3

Challenge « Victorien » chez Camille, le Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park, « A year in England » chez Titine (Juillet 2016 – Mai 2017), le Challenge British Mysteries chez My Lou Book et Le Challenge Halloween (2016) chez Lou & Hilde.

chien05

British Mysteries 2016-2017

CHALLENGE - Sherlock___Running_Wallpaper_by_draft624 Corrigé

Toutes les vagues de l’océan : Víctor Del Árbol

Titre : Toutes les vagues de l’océan                                         big_5

Auteur : Víctor del Árbol
Édition : Actes Sud (2015)

Résumé :
Gonzalo Gil reçoit un message qui bouleverse son existence : sa soeur, de qui il est sans nouvelles depuis de nombreuses années, a mis fin à ses jours dans des circonstances tragiques. Et la police la soupçonne d’avoir auparavant assassiné un mafieux russe pour venger la mort de son jeune fils.

Ce qui ne semble alors qu’ un sombre règlement de comptes ouvre une voie tortueuse sur les secrets de l’histoire familiale et de la figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences.

Cet homme idéaliste, parti servir la révolution dans la Russie stalinienne, a connu dans l’enfer de Nazino l’incarnation du mal absolu, avec l’implacable Igor, et de l’amour fou avec l’incandescente Irina.

La violence des sentiments qui se font jour dans cette maudite “île aux cannibales” marque à jamais le destin des trois protagonistes et celui de leurs descendants.

Révolution communiste, guerre civile espagnole, Seconde Guerre mondiale, c’est toujours du côté de la résistance, de la probité, de l’abnégation que ce parangon de vertu, mort à la fleur de l’âge, a traversé le siècle dernier. Sur fond de pression immobilière et de mafia russe, l’enquête qui s’ouvre aujourd’hui à Barcelone rebat les cartes du passé.

La chance tant attendue, pour Gonzalo, d’ébranler la statue du commandeur, de connaître l’homme pour pouvoir enfin aimer le père.

Toutes les vagues de l’océan déferlent dans cette admirable fresque d’un xxe siècle dantesque porteur de toutes les utopies et de toutes les abjections humaines.

Critique : 
♫ Je vais et je viens entre… ♪

Non pas « entre tes reins » bande de coquins, mais « entre différentes époques » !

C’est cette phrase qui vient de tourner dans ma tête au moment de prendre le clavier pour pondre une critique pas évidente sur un roman qui m’a boulversifiée (néologisme offert).

Putain de roman ! Putain de fresque historique qui, comme une toile d’araignée, est vaste, ramifiée, mais où tout ramène en un seul point : Elías Gil, figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences.

Par contre, il vous faudra attendre la fin pour découvrir la toile dans son entièreté et savoir ce qui s’est passé en juin 1967, jour de la disparition d’Elías Gil, ancienne figure importante du communisme.

Le roman n’est pas résumable, trop dense, sachez juste que vous allez voyager dans les époques troubles, voguant entre les années 30 et 2002.

Vous suivrez Elías Gil, jeune espagnol, et ses trois compagnons dans la Russie des années 30, vous serez torturé et déporté avec d’autres prisonniers, qui, comme vous, ne seront coupables que d’avoir été au mauvais endroit ou d’avoir critiqué le pouvoir.

Violez, tuez, tant que vous le faites avec patriotisme. Mais ne dites pas du mal du pouvoir ou de la mère à Staline…

Pourquoi étaient-ils tous ici ? À cause des mines d’uranium, des exploitations minières, de la folie de quelques bureaucrates qui avaient besoin d’une grosse quantité d’esclaves pour coloniser la Sibérie. Le prétexte qui l’avait enchaîné à cette terre était sans importance.

Le pouvoir communiste a besoin de main-d’œuvre pour creuser un grand canal ou pour coloniser la Sibérie. Allez hop, déporté, affamé, humilié, vous serez. Le passage sur l’île de Nazino, surnommée ensuite « Cannibal Island » est un des plus terribles.

Ce qu’un humain est capable de faire pour survivre… Jusqu’à devenir comme celui que vous haïssez…

Parfois, il ne pouvait s’empêcher d’établir une comparaison avec Igor Stern et sa meute, et il pressentait qu’il était devenu tout ce qu’il haïssait.

Vous assisterez à l’arrivée de Franco au pouvoir en Espagne et vous ferez la guerre du côté des Russes, avant de revenir dans votre Espagne natale.

On voyage dans les époques, mais aussi dans les pays : Espagne, Russie, Sibérie et France.

Les personnages sont travaillés minutieusement : entre Gonzalo Gil, avocat et fils d’Elías, qui cherche à enquêter sur le suicide de sa sœur, son père, Elías, disparu quand le fils avait 5 ans, et dont il n’a plus beaucoup de souvenirs, sinon ceux qu’on lui a fait.

L’homme est-il bien comme son fils l’a toujours cru ? Sa soeur n’avait-elle pas raison lorsqu’elle avait dressé de lui un portrait au vitriol, se faisant répudier par sa père en même temps.

Le flic véreux, les truands, le pédophile, le salaud, la mafia russe… Tout ça s’imbrique avec un réalisme qui donne des sueurs froides. De plus, il est des silence tout aussi meurtriers, aussi lâches, aussi violents que certains actes innommables. Surtout lorsqu’on ne veut pas voir la vérité.

On ne s’ennuie pas, on frissonne, on a peur, on tremble devant les pages sombres de l’Histoire (une de celles dont on parle trop peu) et on se rend compte que les plus salauds ne sont pas toujours ceux désignés comme tels.

— Tu en appelais à l’éthique pour torturer et tuer, lui, il appelait cela simplement du pragmatisme. Il était convaincu de l’inévitable nature corrompue de l’être humain et toi tu cachais tout cela sous la répugnante théorie de l’idéalisme.

Au final, on est sonné, estomaqué, lessivé, lavé ! On a beau critiquer nos politiciens, les trouver véreux, se plaindre du système qui est mal foutu, mais ce n’est rien comparé au communisme de Staline. Rien au regard de ce qu’un système politique peut faire à ses compatriotes. Rien à côté de cet illogisme qu’était la pensée de ces hommes qui en ont déshumanisés d’autre.

[…] Il a été condamné pour trahison et envoyé dans un goulag en Sibérie. D’après les autorités russes, il ne s’était pas battu avec assez de conviction. Qu’il soit encore en vie était la preuve irréfutable de sa lâcheté. Il est resté onze ans en Sibérie.

Un tout grand roman noir qu’il vaut mieux aborder en toute connaissance de cause car il ne vous laissera ni de marbre, ni indemne. Gardez tout de même un Tchoupi à côté pour lire ensuite. On n’est jamais trop prudent…

— Ce qui les rend méprisables, ce n’est pas ce qu’ils font, c’est leur façon de faire, leur répugnant échafaudage de mots et de concepts absurdes, qui justifie et nettoie leur conscience. Voilà pourquoi derrière leur bureau et leurs rapports, ils peuvent devenir des tueurs.

Challenge « Thrillers et polars » de Canel (2014-2015) et le mois Espagnol de Sharon.

BILAN - Minion Les bras m'en tombe - un putain de livre 2 OK