Où reposent nos ombres : Sébastien Vidal

Titre : Où reposent nos ombres

Auteur : Sébastien Vidal
Édition : Le mot et le reste (20/10/2022)

Résumé :
Été 1987. Johanna, Franck, Vincent et Christophe se connaissent depuis toujours et forment une bande que rien ne peut séparer.

Un dimanche d’août, quittant les rues de leur petit village de Province pour rejoindre la forêt, ils découvrent un endroit coupé du monde où vit un homme étrange que tout le monde surnomme « l’Indien ».

Au même moment, en région parisienne, deux jeunes amis entament une cavale sanglante après un braquage et mettent le cap plein sud pour se faire oublier. Rapprochées par le destin, ces trajectoires dissemblables vont se télescoper et exhumer de grandes souffrances enracinées dans le passé.

Durant cette période de transition délicate qu’est l’adolescence, la petite bande va apprendre à grands frais que l’innocence à une fin, contrairement à la violence.

Critique :
Haute Corrèze, vacances d’été, 1987. Une bande de 4 jeunes de 15 et 16 ans, amis depuis l’enfance, passent leurs vacances à s’amuser, à rouler à vélo, à jouer aux cartes, bref la belle vie, le genre de vacances et de potes dont on a toujours rêvé.

Le soleil est au rendez-vous (chanceux !) et cette petite bande bien sympathique tombe sur un lac tranquille, dans la forêt, bref, LE spot dont tous les gamins auraient rêvés d’avoir pour passer leurs vacances d’été.

Ce roman avait tout pour me plaire. Même si j’avais un peu peur de comment l’auteur allait mettre en scène cette bande de gamins. Le King est un champion dans le genre (ÇA) et je n’ai pas été déçue du travail de Sébastien Vidal !

Sa bande était réaliste, sympathique et j’ai pris un plaisir fou à me replonger dans les années 87, que je connais bien, puisque j’étais jeune aussi, à cette époque (plus jeune que les gamins du roman). Nos quatre ados vont faire une rencontre qui va être importante, dans leur vie… Ce sera un beau deal, de beaux échanges.

L’écriture est belle, poétique, brillante, sans pour autant que l’auteur en fasse des caisses ou surjoue avec les émotions, les émois et les emmerdes qui peuvent arriver, dans la vie d’ados, dont certains parents sont… des enfoirés de première !

Dans ce roman rural, il y aura une alternance de chapitres : la bande de jeunes et les deux braqueurs en cavale. On se doute qu’à un moment donné, les deux récits vont se télescoper et passé la moitié du récit, je croisais les doigts pour les deux histoires restent en parallèle et que jamais elles ne se croisent…

Entre nous, on se serait bien passé du récit des deux braqueurs en cavale, qui sèment des morts sur leur passage et dont l’un des deux pète un câble, prenant plaisir à tuer. Si au début, leur cavale en manquait pas de rythme, à la fin, elle a fini par me lasser et je n’attendais qu’une seule chose : que quelqu’un leur fasse la peau, flic, voyou ou simple quidam.

Pour moi, dans ce roman magnifique, l’histoire avec les ados se suffisait à elle-même, fallait pas aller chercher autre chose, car ces récits de cavale, ça a tiré le roman vers le bas et sans cela, c’était le coup de cœur.

Toute leur violence a fini par me lasser, par me débequeter et le final, bien qu’inattendu, m’a tué, à cause d’un geste irréparable qui a été commis par l’auteur (au travers d’un des personnages), donnant lieu à une perte (non, pas celle d’un chien ou d’un chat)… Argh, là, il n’aurait pas dû… Nous ne saurons jamais ce qu’en a pensé l’instigatrice de ce bon plan, devant le chaos qui en a résulté.

Si je devais me positionner par rapport au récit des gamins, c’est un coup de cœur véritable, une tornade d’émotions. Pour le récit des braqueurs, à partir d’un moment, cela devient redondant, et j’ai bien eu envie de zapper leurs chapitres (ce que je n’ai pas fait, mais j’étais à ça).

Un très bon roman rural, noir, malgré les vacances, le soleil, les copains, un spot génial pour passer du bon temps… Des vacances qui les marqueront à jamais et qui signifiera la fin de l’insouciance, de l’innocente, de la belle vie.

Bien que nous soyons dans un village, loin de l’agitation des grandes villes, dans ces jolies maisons, il peut aussi se passer des horreurs et l’on n’imagine pas la facilité avec laquelle les crimes peuvent s’y commettre, en toute impunité, les voisins restant des témoins silencieux.

Un très bon roman qui parle du Mal qui rôde partout, parfois plus proche qu’on le pense et que les attaques peuvent venir d’une personne de confiance (et non pas d’un étranger)… Une très belle lecture, remplie d’émotions, belles et douloureuses. Une bande de copains qui va rester longtemps dans ma tête.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°116].

31 réflexions au sujet de « Où reposent nos ombres : Sébastien Vidal »

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  4. Bonjour Belette, quel plaisir de vous lire ! Je vous remercie avec chaleur pour cette chronique étayée; même avec ce bémol, elle est malgré tout très belle. Je comprends que la cavale des tueurs au losange vous ait malmenée, mais c’était écrit avec cette idée, celle de déranger. Ce que j’ai voulu faire, c’est travailler l’opposition d’atmosphère et de narration entre la bande des yeux marron et les braqueurs. Le calme et le bonheur dans un seul et même lieu d’un côté, la fureur et la violence en mouvement de l’autre. Mais peut-être était-ce trop pour vous, question de dosage. Je peux comprendre cela. Je vous remercie pour l’allusion au King et son légendaire Ça, ce roman m’a tellement marqué lorsque que je l’ai lu en 1992. Je pense régulièrement aux losers et à Georgie. Le puy perdu n’est pas Les friches, la bande des yeux marron n’est pas vraiment Les losers (même si j’y ai forcément pensé en écrivant cette histoire), mais le point commun c’est l’enfance, l’adolescence, ce trésor. Désolé pour « le geste irréparable » de la fin, mais nous sommes dans un roman noir, et la littérature noire relate la vie telle qu’elle est, qui peut s’avérer dure, voire impitoyable. Parfois on croit bien faire, bien agir, et puis on comprend qu’on ne maîtrise pas grand-chose finalement, c’est toute la dramaturgie de la condition humaine qui se retrouve là. Je vous souhaite de belles futures lectures, et une belle année (il est encore temps pour les vœux).

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    • Bonjour à vous. Oui, la partie avec la cavale, à un moment donné, m’a remué les tripes, m’a dérangée, surtout avec l’autre enfoiré qui dégomme à tout va. Je connais les romans noirs, je les aime, j’ai déjà lu plus dérangeant, plus violent, pire que ça, même et malgré tout, ces deux cavaleurs m’ont énervé et j’aurais préféré rester avec la bande de gamins. Mais ceci n’est que mon avis, l’auteur est maître de son récit 🙂

      J’aime les gosses loosers, comme on ne voit aussi dans « stranger things », les laissés-pour-compte, ceux qui ne sont pas les meneurs.

      J’ai aimé l’ironie affreuse lorsque nous est expliqué « l’accident » entre le camion et…. (no spolier), qui donnera l’abus d’alcool et la violence familiale. On comprend le père qui boit, qui frappe, sans pour autant l’excuser. Comprendre ne veut pas dire excuser. Là, c’est parfait.

      J’ai eu peur, au moment où la mère s’assied à la table du diable et lui propose ce pacte, que cela se termine mal, je l’ai senti, j’ai frémi et lorsque ça a eu lieu, oui, c’était logique, mais ça m’a brisé le coeur !

      La vie est ironique, je le sais bien, hélas…

      Je ne vous en voudrais pas longtemps, j’ai trop aimé ce rural noir que pour me fâcher avec l’auteur.

      Meilleurs voeux à vous aussi et au prochain livre ! 🙂

      J’aime

      • « Lorsque la mère s’assied à la table du diable », j’aime bien cette expression ! Cela dit, elle n’a pas le choix. Ce qu’elle demande, elle ne peut pas le faire elle-même. C’est l’instinct qui parle. Jacques lui, est perdu dans une fuite en avant, mais il ne tue que pour continuer à fuir, et parce qu’il a ce truc en lui, qui le bouffe. Merci pour les vœux, et merci pour l’avis, j’aime quand c’est argumenté. D’ici quelques jours je vais m’atteler au nouveau roman, noir bien sûr. Tout est prêt. Comme disait Jean Giono, « mon roman est fini, il ne me reste plus qu’à l’écrire. » Rendez-vous en 2024…

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        • L’expression entière est « lorsqu’on s’assied à la table du diable, il faut une grande fourchette ».

          Effectivement, elle ne peut le faire elle-même, mais là, c’est vraiment jouer avec le feu… Je n’aurais pas voulu être dans sa tête ensuite, après les conséquences…

          Son homosexualité le ronge, et dans les années 80, ça ne se criait pas sur tous les toits. Son pote aussi a quelque chose qui le ronge, bien pire, et lui, il arrive à ne pas basculer du côté obscur de la Force. Tout le monde n’est pas égal face à ce qui le ronge…

          Merci pour le roman et pour ce moment de lecture qui fut excellent et qui fera que votre roman finira dans les coups de coeur de l’année, malgré mon bémol.

          Bonne écriture de tous les romans suivants ! Giono avait raison 🙂

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  5. La belle vie? En 1987 en Haute Corrèze ??? 🤔
    Heu… tu sais… question distraction… c’est pas ça… à moins d’aimer LE bal du village de l’été… et les films sortis il y a deux ans! Purée combien d’années mes parents nous ont conduits à nous enterrer en été en Corrèze dans les années 80’… j’en baille encore d’ennui! En plus à vélo… comment dire… c’est un calvaire car c’est très vallonné avec des raidillons impossibles à monter à vélo à moins d’avoir des mollets de coureurs cyclistes ou de bodybuildeurs! Dépendante +++ de mon père (ma mère ne conduisait pas) pour toute sortie hors du village… impossible d’aller à la librairie plus d’une fois par semaine…. Ben oui… les commerces c’est à la ville!!! 😨 Et je passe sur les autres gamins du village qui forcément m’appelaient « la parisienne » alors que j’étais Picarde exilée en grande banlieue vu les prix de l’immobilier ! Pfff!

    Anybref… la Corrèze… c’est pas mon meilleur souvenir de jeune fille! De très beaux paysages cela dit… une région sympa pour les randonnées… quand on jouit de l’autonomie de l’âge adulte… mais pour y passer trois semaines d’été… Nan! Et encore moins ma jeunesse (de toute façon pour ma jeunesse c’est trop tard depuis un bail maintenant 🙄)! Yakun natif du cru comme les Cafés Gourmands pour en parler avec nostalgie ( et encore j’imagine que c’est parce que l’office du tourisme leur a promis d’acheter quelques milliers de disques! 😉 ).

    Quelques années plus tard (1999) alors que j’habitais un département voisin pour raison pro, je suis sorti à Brive avec Toqué. Un dimanche… ville morte! Pas un chat! Centre ville désert hormis le bar PMU qui était le seul truc ouvert! Même pas un cinoche… ou alors il était caché ! C’était presque angoissant! Ça faisait presque ville fantôme !!!😱

    Or donc… Nan merci! Je ne veux même pas y retourner via un livre!

    Heu… je fais pas un peu « traumatisée » là ? 🤔

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