La colère : S. A. Cosby

Titre : La colère

Auteur : S. A. Cosby
Édition : Sonatine Thriller/Policier (06/04/2023)
Édition Originale : Razorblade Tears (2021)
Traduction : Pierre Szczeciner

Résumé :
Un état des lieux sans concession de l’Amérique des marges.

Ike Randolph est noir. Buddy Lee Jenkins est blanc. En Virginie-Occidentale, cela revient à dire que tout les oppose.

Ils ont pourtant été tous les deux pareillement lamentables en dénigrant avec la même violence l’homosexualité de leurs fils, maintenant mariés l’un à l’autre.

Alors, quand Isiah et Derek sont assassinés, la douleur a un goût de culpabilité. Qui a tôt fait de se transformer en colère, un colère viscérale, qui réclame un exutoire.

Critique :
L’auteur a mis une certaine partie de la société américaine dans un sac, l’a suspendu au plafond et à cogné dessus.

Après, il l’a faite monter sur le ring et les coups se sont enchaînés. S.A Cosby cogne fort, il cogne bien et l’Amérique des marges en prends plein la gueule.

Isiah et Derek étaient deux jeunes hommes qui s’aimaient, qui se sont mis en ménage, se sont mariés et ont eu une petite fille. Isiah était Noir, Derek était Blanc. Puis, quelqu’un les a assassiné, exécuté de sang-froid.

Dans le Sud des États-Unis, qui est raciste, homophobe, ultra conservatrice, ultra religieuse et où le suprémacisme a de beaux jours devant lui, on se dit que ça devait déranger les biens pensants que deux hommes, de couleur différente, mais de même sexe, se soient mis ensemble. Même leurs pères leur faisaient la gueule, ne voulant plus voir leurs fils dégénérés (je précise que se sont eux qui le disent).

— Tout ce que j’essaie de dire, c’est qu’on est dans le Sud. Si on n’est pas blanc et hétéro, il vaut mieux surveiller ses arrières.

— Notre fils avait choisi un mode de vie dépravé et malsain que ni mon mari ni moi ne pouvions tolérer sous notre toit. Alors oui, je l’ai mis dehors, mais je ne l’ai jamais frappé, moi.

Deux pères homophobes… Ike Randolph est Noir. Buddy Lee Jenkins est Blanc et raciste aussi. Tous deux sont d’anciens taulards qui aiment la violence et l’alcool. Le couple parfait pour mener une enquête sur l’assassinat de leurs fils respectifs.

Alors oui, ce n’était pas gagné pour nous faire aimer le couple improbable que vont constituer Ike et Buddy Lee : ils sont bourrés de préjugés et bien que Ike ait bouffé de l’injustice toute sa vie, à cause de sa couleur de peau, cela ne l’a pas rendu plus tolérant envers son fils unique, homosexuel.

Dans sa ville, dans son État, il n’est pas le seul à penser du mal de la communauté LGBTQ+. L’hyper virilité de ces hommes est mise en danger (dans leur tête) et ils n’acceptent pas ceux ou celles qui sont différents. Et ce qu’ils pensent des filles homo n’est pas mieux.

Ce roman, hyper violent, est sans concession pour les États-Unis. Il va nous mettre en relation avec des salopards du Sang Pur, des politiciens véreux, des anciens taulards, des motards droit sorti de Mad Max et j’ai eu souvent les oreilles qui chauffaient en lisant les commentaires de nos deux semi-retraités (Ike et Buddy Lee) qui sont restés avec les règles de la prison.

Pourtant, l’auteur n’a pas fait l’erreur de ne pas faire évoluer ses deux personnages principaux et le chemin sera long avant qu’ils n’acceptent que leurs fils étaient ainsi et qu’ils n’auraient rien pu faire pour les changer (ni cogner plus fort, ni les endurcir encore plus). Ils ont beau être perclus de défauts, ces deux pères arrivent à être touchant.

C’est ce qui fait que ce roman noir, hyper violent, qui a tout d’un western avec deux échappés de la Horde Sauvage qui flinguent et démontent des gueules à tout va, est d’un niveau supérieur à un simple roman noir sur une vendetta.

Ce sont Ike et Buddy Lee qui portent tout sur leurs épaules et c’est leur profondeur, leurs blessures mises à nu, qui fera d’eux des personnages pour lesquels on aura de l’empathie et de la tendresse. Oui, ils ont été cons, oui, ils méritent des claques,… Mais ils ont payé le prix fort de leurs erreurs : jamais ils ne pourront demander pardon à leurs fils.

Un roman noir bourré de testostérone, de guns, d’armes, d’homophobie, de racisme, de suprémacisme, de gans, de motards, de violences, de morts, de vengeance, de coups de poings…

Un roman noir qui parle de rédemption, de tolérance, d’acceptation des autres, quelques soient leur couleur de peau ou leur orientation sexuelle (hormis les pédophiles). Le chemin n’est pas facile, il est semé d’embûches, nos deux hommes vont devoir faire un travail sur eux-mêmes, se rendre compte qu’ils ont été cons, très cons, mais c’est déjà un signe d’intelligence et de bonne voie.

Un super roman noir, serré, comme je les aime.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°001].

33 réflexions au sujet de « La colère : S. A. Cosby »

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  4. Ping : S.A. Cosby – La colère | Sin City

  5. Ping : Premier bilan du huitième challenge polar et thriller | deslivresetsharon

  6. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Juillet 2023 | The Cannibal Lecteur

    • Non, sauf peut-être avec les suprémacistes qui se croient de sang pur… on est dans une Amérique sudiste, raciste, homophobe et la violence reste réaliste. Quand on voit des flics qui tirent dans le dos d’un homme Noir, on se dit que la fiction ne dépassera jamais la réalité :/

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  7. Merci pour ta première participation de cette huitième session !
    L’hyperviolence ne me dérange pas quand elle fait sens, quand elle sert, comme tu le dis, à dresser le portrait d’une certaine Amérique. J’ai du mal avec la violence « décorative » (je fais allusion à un livre que j’ai chroniqué récemment, dans lequel le meurtrier tue et torture « pour le fun »).

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  8. Ping : La colère : S. A. Cosby – Amicalement noir

  9. J’aime bien le titre original mais je comprends que ce soit difficile de faire un titre de la traduction littérale : larmes lames de rasoir… on aurait ou traduire par « larmes tranchantes »? Ou mieux : «  larmes de rasoir » pour y rajouter un jeu de mot en ne trahissant pas le titre original. 🤓

    Oui… je comprends que tu aies aimé car c’est tout à fait le style de livres dont tu fais de binnes critiques : des héros auxquels on a pas envie de s’attacher mais qui cherchent une forme de rédemption en enquêtant sur la mort de leur fils dont visiblement la police n’a pas grand chose à faire (un gay et un black gay de surcroît ! Dans ces états américains réputés racistes et homophobes il y en aurait même pour donner des médailles aux auteurs de tels crimes de haine! Quel scandale! Il suffit de jeter un oeil sur le site US advocate.com pour voir comment la moitié des US s’enfonce dans l’homophobie la plus effroyable jour après jour !🤮).

    Cela étant les regrets de ces deux hommes interviennent bien trop tard à mes yeux! J’aurais préféré qu’ils manifestent un peu plus d’amour à leurs fils de leur vivant. Là leur colère aurait été bien plus crédible à mes yeux! De fait… je n’ai pas envie d’essayer de les trouver sympathiques pour leurs regrets tardifs. Alors… ma PAL se préservera de son inflation pour aujourd’hui ! 😀

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    • Oui, c’est tardif, le pire, c’est qu’ils aimaient leurs fils, dans le fond, mais ils étaient incapables de le dire, de leur montrer. Et puis, après le crime, un des pères ne veut pas bouger son cul, il faut un autre événement pour faire monter la colère et passer à l’enquête et ensuite la vengeance. Ce sont deux pères hyper masculinisés, violents, qui pensent qu’être homo est une tare, un erreur, un truc qui fait de leurs fils des « femmes ».

      Dans le roman, tout est crédible, mais bon, je ne vais pas te le vendre, je connais ta PAL, elle n’a pas besoin d’un truc en plus 🙂

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      • Mmmmm… ils aimaient leurs fils mais moins que leur image de bonhomme qui en prenait un coup dans la tronche puisqu’ils étaient gays! Mais nan… je peux pas… On ne fout pas son fils à la porte parce qu’il est gay si on l’aime épicétou ! ☹️

        Je ne sais pas jusqu’où l’éducation, le qu’en dira-t-on ou le chemin de vie qu’on a eu peuvent justifier le rejet des gens qu’on dit aimer… J’ai vraiment du mal avec ça alors ces types me donneraient trop envie de leur donner des baffes ma tension en prendrait un coup puisque l’auteur m’a l’air de bien développer la chose avec talent (il ne faut pas juste écrire des trucs sombres pour que ça te plaise! Il faut aussi que ce soit bien écrit !😉).

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        • Le pire fut surtout, pour eux, d’entendre les autres parler de l’homosexualité en la dénigrant, en se moquant. Au départ, oui, ils ne disaient rien, pour ne pas que ça se sache, mais ensuite, oui, ils ont défendu leurs fils, trop tard, je sais, mais au moins, ils l’ont fait 😉

          J’ai connu une mère, qui n’avait rien contre l’homosexualité, sauf quand elle a concernée son fils, qu’elle avait foutu à la porte, à l’époque :/

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