Yeruldelgger : Ian Manook [Yeruldelgger 1]

Titre : Yeruldelgger                                                     big_4-5

Auteur : Ian Manook
Édition : Albin Michel (2013)

Résumé :
Le corps enfoui d’une enfant, découvert dans la steppe par des nomades mongols, réveille chez le commissaire Yeruldelgger le cauchemar de l’assassinat jamais élucidé de sa propre fille.

Peu à peu, ce qui pourrait lier ces deux crimes avec d’autres plus atroces encore, va le forcer à affronter la terrible vérité.

Il n’y a pas que les tombes qui soient sauvages en Mongolie. Pour certains hommes, le trafic des précieuses « terres rares » vaut largement le prix de plusieurs vies. Innocentes ou pas.

Petit plus : Dans ce thriller d’une maîtrise époustouflante, Ian Manook nous entraine sur un rythme effréné des déserts balayés par les vents de l’Asie Centrale jusqu’à l’enfer des bas-fonds d’Oulan-Bator.

Il y avait la Suède de Mankell, l’Islande d’Indridason, l’Écosse de Rankin, il y a désormais la Mongolie de Ian Manook !

Critique : 
De prime abord, ce roman paie tellement peut de mine qu’on hésiterait à le retourner afin de lire son résumé… Voyez vous-même sa couverture : un auteur inconnu, un personnage « hachuré » de noir, un titre imprononçable dont on ne sait trop à quel genre littéraire il pourrait appartenir…

Bref, à se demander si les gars du marketing avait une dent contre le roman ou s’ils n’étaient pas tout simplement pas partis en vacances ce jour là !

Grave erreur que cela aurait été de passer à côté !! Si à première vue sa couverture ne casse pas 5 pattes à une marmotte, une fois ouvert, ce polar noir est un véritable plaisir à lire.

Une copine de blog, Dominique, l’avait comparé à une yourte mongole : pas terrible de l’extérieur, mais magnifique à l’intérieur. L’image était bien trouvée !

Un polar noir et une action qui se déroule en Mongolie : j’étais bien servie, moi qui suis fascinée depuis toujours par ce pays.

Tout commence par un corps d’enfant enseveli sur son petit vélo, dans la steppe, juste après la découverte des trois cadavres de chinois, dans un entrepôt. Particularité ? On leur a coupé les testicules et leur membre viril aussi. Ensuite, nous aurons deux putes pendues…

Oyun cherchait les testicules du Chinois. Les testicules et le reste. Tout son bazar en fait. Pour les besoin de l’enquête, bien sûr, parce que la seule certitude à ce stade des investigations, c’était que le Chinois n’aurait plus jamais besoin de son bazar.

Point commun ? Aucun. Du moins, en apparence. Ce sera au commissaire Yeruldelgger de faire toute la lumière sur ses sinistres crimes, ce qui risque de ne pas être facile vu tous les bâtons qu’on lui glissera dans les pattes !

S’il ne m’avait pas été chaudement recommandé, je serais donc passée à côté de ce roman… J’aurais commis une grosse erreur parce que je viens de prendre mon pied durant ces quelques 540 pages. Comme quoi, on peut avoir une couverture peu attirante et être bien foutu ! (le contraire marche aussi : belle cover et contenu médiocre).

Lecture jouissive à plus d’un titre car l’auteur ne se contente pas de nous faire suivre l’enquête, non, il nous fait entrer dans les yourtes, nous abreuve de thé au beurre salé, nous plonge dans l’Histoire et les coutumes de ce pays qui a le cul entre deux chaises, écartelé que les habitants sont entre le modernisme et le respect des traditions qui se perd.

Elle tenait à hauteur des yeux une petite coupelle qu’il savait rempli de lait de la dernière traite et, d’un geste croyant et respectueux, du bout des doigts, elle en aspergeait les quatre points cardinaux. […] Yeruldelgger ressentit une sorte de bonheur à appartenir à ce pays où on bénissait les voyageurs aux quatre vents et où on nommait les cercueils du même mot que les berceaux. Une sorte de bonheur…

La Mongolie a une Histoire riche, des voisins pas toujours « fréquentables » (Chine, Japon, Corée, Russie) qui lorgnent sur ses richesses enfouies et l’auteur nous la fait découvrir plus en profondeur. On ne survole pas, on rentre dedans !

Le commissaire Yeruldelgger est un homme torturé depuis la mort de sa petite fille, enlevée et assassinée ensuite. Sa femme s’est murée dans son monde, sa fille aînée a tourné casaque (ou « cosaque », vu le pays) et nous sommes face à un homme qui n’a plus rien perdre, ayant déjà tout perdu.

Yeruldelgger fait partie des richesses de ce roman, mais il n’est pas le seul, il est entouré d’une multitude de personnages secondaires assez fort, eux aussi. Il a beau être le pivot central du roman, sans les autres, Yeruldelgger n’est rien.

C’est aussi un homme fort, un homme qui est imprégné de la tradition, qui veut la protéger, un policier qui se bat pour son pays, malgré ses propres blessures, ses fêlures, ses démons. Un homme qui ne renonce jamais.

Un roman au scénario travaillé, servi par un écriture très agréable à lire, ni trop complexe, ni trop simpliste. On vit l’enquête et on ressent les coups durs avec les personnages, certaines scènes étant plus violentes que d’autres (âmes sensibles…). Le tout parsemé de quelques petites touches d’humour.

Chuluum se pencha sur le cadavre, à hauteur de son entrejambe, et s’approcha autant que l’horreur et la puanteur le lui permirent pour essayer de deviner ce qu’avait observé le commissaire avec tant d’attention.
– Pas la peine de lui tailler une pipe, Chuluum ! cria Yeruldelgger sans se retourner. Ça ne peut plus le ranimer et ça ne te rapportera rien !

J’ai eu un gros coup de cœur pour Gantulga, un petit garçon fort débrouillard (normal pour un gamin des rues). À lui tout seul, il vaut bien les Irregulars de Baker Street !

Mon seul bémol sera pour les « méchants » : j’ai vite compris qui était le traitre et qui tirait les ficelles. Ce qui n’a pas entamé mon ardeur à le lire, toute contente que j’étais d’avoir une longueur d’avance.

Un roman noir qui nous dépayse, qui en profite aussi pour glisser quelques réflexions sur la Mongolie, sur ses rapports avec l’Occident, sur les massacres des mongols et sur le fait que la Seconde Guerre Mondiale ne veut rien dire pour eux. La Shoah et d’Hitler non plus, car ils avaient à souffrir des massacres perpétrés par Staline ou Mao.

– Regarde. Après la guerre en France, près de vingt mille femmes ont été tondues pour avoir pactisé avec les Allemands.
– Pactisé ?
– Oui, fréquenté, couché, aimé, si tu préfères !
– Vingt mille ! Je n’avais jamais entendu parler de ça.
– Que veux-tu, philosopha-t-il, dans notre monde c’est souvent « à chacun sa misère ». D’après toi, combien de Français savent que dans les années vingt, notre Baron Fou a fait ébouillanter ou jeter dans les chaudières des locomotives des milliers d’hommes et de femmes ? Les guerres sont sales, et les victoires aussi.

Le tout sur fond d’argent sale, de magouilles, de trafics en tout genre, de crimes et de violence.

Un roman qui m’a ému aussi et entrainé dans l’immensité de la steppe.

Pour un « premier » roman, la réussite est au rendez-vous et elle totale. Mon seul regret est de l’avoir terminé…

Yeruldelgger… Un type que j’aime bien et avec lequel je suis prête à enfourcher un cheval pour repartir dans les steppes mongoles.

Yeruldelgger Khaltar Quichyguinnkhen… Quand vous parviendrez à prononcer correctement son nom, vous aurez un chocolat en récompense !

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014).

39 réflexions au sujet de « Yeruldelgger : Ian Manook [Yeruldelgger 1] »

  1. Ping : Yeruldelgger – Ian Manook | 22h05 rue des Dames

  2. Comme tu l’avais classé parmi tes meilleurs coups de coeur et que j’ai rencontré l’auteur. Je l’ai acheté et quel coup de coeur de lecture. Un excellent roman. Quelle plume de Ian. 🙂
    Merci du conseil 🙂

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  3. Ping : Bilan Livresque : Janvier 2014 | The Cannibal Lecteur

  4. Mais que voici une chronique alléchante qui va signer mon retour dans la lecture de polards ! Depuis deux ans, je délaissais le genre mais la tentation me titille les papilles pour le dévorer : allier suspens et évasion-découverte dans les steppes de Mongolie sans vivre du « gore » m’ouvre l’appétit. Merci de cette suggestion.

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    • Moi aussi, à un moment donné, je pensais avoir fait le tour des polars ou des thrillers, mais je sais qu’on n’en fera jamais le tour car des tas de nouveaux ou d’anciens auteurs nous réinventent le genre tout le temps.

      Les polars classiques ne te tentent plus ?? Passe aux polars noirs, garantit que c’est différent et plus mieux 😉

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  5. Ton enthousiasme est contagieux , merci de cette suggestion pour me redonner l’appétit de lecture de polards ! Hâte de sillonner les steppes de Mongolie ( cet aspect joue dans ma tentation : j’aime les récits qui t’embarquent par leur intrigue mais aussi en voyage).

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    • Ben voilà une bonne action que je viens de faire, moi ! Redonner goût aux polars ! 😀

      Le dépaysement et l’empreinte sociale sont des choses que j’aime dans les romans policiers, ça change.

      Contente que ma chronique t’aie plu 😉

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    • Je sais, j’avais vu et je n’ai rien dit pour ne pas polluer ta future lecture 😉

      Oui, beaucoup aimé, mais nous n’avons pas toujours les mêmes goûts 😀 J’espère que tu l’aimeras autant que moi. Je lirai ta chronique dès que ce sera fait (roman lu).

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  6. très belle chronique! pour ma part je n’avais pas prévu de l’acheter mais j’en entends parler ici ou là et plutôt en des termes positifs. Mais ce qui me décide finalement à l’acquerir prochainement c’est les avis des copains et et celui de mon libraire ! Celui va d’ailleurs le recevoir en principe le 31 janvier pour une conférence et une séance de dédicace. j’espère que je pourrai y aller, c’est à montpellier.

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    • Ben voilà, moi aussi je peux me déguiser en tentatrice de livres !! 😀

      Une dédicace ? Si je tombais sur l’auteur, je me le ferais dédicacer aussi !! Il avait laissé un commentaire sur mon blog, lorsque j’avais dit que j’avais reçu ce livre en cadeau d’anniversaire 😉

      Bonne lecture, mon petit mulot 😉

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  7. Belle critique la Belette, mais bon rien d’étonnant vu ton éloquence naturelle… et les multiples atouts (à défaut d’atours) de ce bouquin.
    C’est vrai que l’identité du Big Boss n’est pas vraiment une surprise. Dès qu’on croise le personnage on sent qu’il a un truc louche.

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    • Quant au(x) traitres, je les avais vu venir de loin aussi. Mon côté Sherlock… Un indice gros comme une maison lors de l’interrogatoire de la fille et bingo, j’avais reniflé la taupe 😀

      Merci, my Lord pour les jolis compliments 😳

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  8. Encore un qui me fait envie…

    Mais j’ai juste une question supplémentaire : est-ce que tu as retrouvé les testicules du chinois ? Ce n’est pas que cela va m’empêcher de dormir, puisque le chinois ne peut plus s’en servir, mais quand même c’est important pour un homme de savoir où sont ses testicules. c’est SACRÉ, les testicules !

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    • On a retrouvé les testicules ET le bazar des trois chinois mais je ne peux pas te dire où… c’est un élément de l’enquête et ça te laissera la surprise !! 😀

      Tu peux dormir sur tes deux test… heu, tes deux oreilles !!

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  9. Moi, je ne partage pas du tout l’enthousiasme général sur ce livre. J’y ai trouvé de grosses invraisemblances, une façon d’en faire trop, des clichés (les moines combattants, le super Gavroche) un exotisme factice, des longueurs et une histoire inachevée. Bref, pour moi c’est tout juste moyen et j’ai du mal à comprendre les chroniques dithyrambiques qui fleurissent partout. Mais je reconnais que comme toi la plupart des gens ont aimé. Je dois avoir des goûts spéciaux.

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    • Oui, je sais que tu n’as pas aimé, ta chronique m’avait fait un peu « peur » parce que j’avais peur de ne pas aimer le livre… mais j’ai vraiment adhéré et les moines n’ont pas trop fait étalage de leur force, juste quelques passages un peu « limite » avec le mur qui empêche le chef de la police de passer, mais bon, sur la volume, ça va.

      Puisque l’hygiène tolère X cafards dans X tonne de marchandises (je l’ai appris mais oublié les chiffres), je peux faire ma magnanime avec les quelques petits points.

      La gamin ? Adoré !! Débrouillard, oui, mais cela me semblait logique avec un enfant des rues qui sont plus habiles de leur cerveau qu’un gamin le cul dans son confort…

      Bref, j’ai passé un bon moment et je n’ai pas ressenti les mêmes choses que toi… comme quoi, la critique n’est jamais que le reflet de ce que nous ressentons durant la lecture et cela peut être à des km de ce qu’un autre a ressenti.

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    • Oui, il faut ne pas tenir compte des couvertures, dans les livres, on devrait le savoir, pourtant… Combien de covers « superbes de la mort qui tue » cachaient en fait un récit insipide et parfois, des couvertures « bof bof » recèlent des trésors cachés !

      Qu’importe la bouteille, pourvu qu’on ait l’ivresse !! 😉

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  10. j’attends devant mon PC depuis la fin d’après-midi dans l’attente de ta chronique annoncée ;-).
    Tudiou ça en valait la peine ! Ton avis est digne de ce roman inoubliable ! Bravo une fois de plus, la Belette !
    « sa fille aînée a tourné casaque (ou « cosaque », vu le pays) » : pour le moment, je vais élire cette tirade, phrase de l’année ! 😉
    (merci pour Dominique)

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    • Oups, je t’ai pas fait trop attendre ?? Verdorie aussi m’attendait avec impatience après avoir mes citations cochonnes sur le livre 😀

      J’avais peur de ne pas en avoir assez dit, de pas avoir tout parlé (je parle français, moi ??).

      Les moines ne m’ont pas dérangé et j’ai pas trouvé le gamin « trop » débrouillard, mais bon, ça, se sont les ressentis de chacun 😉 Valérian avait été plus mitigé que nous, mais il expliquait pourquoi.

      Cosaque m’est venu spontanément, pensant à l’album des Tuniques Bleues « les Bleus tournent Cosaques »… Merci pour la phrase de l’année !

      Domi avait trouvé LA comparaison qu’il fallait, pouvait pas faire mieux, donc, je paierai les royalties ! 😉

      Merci à toi pour la découverte de ce putain de bon roman noir !! Et merci pour les compliments 😉

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