Un autre tambour : William Melvin Kelley

Titre : Un autre tambour

Auteur : William Melvin Kelley
Édition : Delcourt (2019) / 10/18 (2020)
Édition Originale : A Different Drummer (1965)
Traduction : Lisa Rosenbaum

Résumé :
Du jour au lendemain, les résidents noirs d’une petite ville imaginaire d’un État du Sud désertent, à la suite de l’acte de protestation d’un jeune fermier, descendant d’esclave.

Juin 1957. Sutton, petite ville tranquille d’un état imaginaire entre le Mississippi et l’Alabama. Un après-midi, Tucker Caliban, un jeune fermier noir, recouvre de sel son champ, abat sa vache et son cheval, met le feu à sa maison, et quitte la ville.

Le jour suivant, toute la population noire de Sutton déserte la ville à son tour.

Quel sens donner à cet exode spontané ? Quelles conséquences pour la ville, soudain vidée d’un tiers de ses habitants ?

L’histoire est racontée par ceux qui restent : les Blancs. Des enfants, hommes et femmes, libéraux ou conservateurs, bigots ou sympathisants.

En multipliant et décalant les points de vue, Kelley pose de façon inédite (et incroyablement gonflée pour l’époque) la « question raciale ».

Un roman choc, tant par sa qualité littéraire que sa vision politique.

Critique :
Certains suivent la musique, quelque soit le rythme, le tempo, que l’air leur plaise ou pas et d’autres entendent un autre tambour et suivent cette musique qui résonne au plus profond d’eux-mêmes.

Quand un homme ne marche pas du même pas que ses compagnons, c’est peut-être parce qu’il entend battre un autre tambour.
Qu’il accorde donc ses pas à la musique qu’il entend, quelle qu’en soit la mesure ou l’éloignement. 

Ne cherchez pas la petite ville de Sutton, sachez juste qu’elle est nichée dans le Sud Profond, que nous sommes en 1957 et que la ségrégation raciale n’est pas considérée comme un gros mot chez ces Blancs.

D’ailleurs, les Blancs racontent encore la légende de cet esclave Noir qui refusa de se soumettre et qui en fit voir de toutes les couleurs à l’homme qui l’acheta.

Au fait, ils ne travaillent pas tous ces hommes Blancs qui se rassemblent pour discuter sous le porche d’une véranda ?

Tucker Caliban, descendant de cet esclave qui ne se soumit qu’après une longue cavale semble avoir entendu le son d’une autre musique car il décide de saler son champ, de tuer ses deux bêtes, de foutre le feu à sa maison et de foutre le camp.

Consternation et stupeur chez nos WASP qui discutent ferment sur le perron de la véranda. Le lendemain, c’est toute la population Noire qui fiche le camp de Sutton…

Ce roman choral nous offrira différents points de vue des Blancs et nous en apprendra un peu plus sur les moeurs de la petite ville de Sutton. Rassurez-vous, pas de violences physiques faites à la population Noire, juste de la ségrégation ordinaire, tellement ordinaire que les Blancs ne s’en rendent pas compte. Mais le mal est là et les blessures toujours à vif.

Ceci n’est pas un énième livre sur le racisme et la ségrégation, il est plus que ça… Il prend le problème par un autre côté en nous contant la fable de l’exode massif d’une partie de la population d’une petite ville, du jour au lendemain, et de ces Blancs qui ne comprennent pas le pourquoi.

Paru en 1962 aux États-Unis, ce roman n’a pas vieilli puisque certaines personnes voudraient en voir détaler d’autres et vous savez comme qu’au moindre problème de société, les « qu’ils rentrent dans leur pays » fusent un peu partout (mais comment rentrer dans son pays quand on y est déjà ??).

Une prof que je détestais avait dit une chose intelligente que je n’ai jamais oubliée au sujet des étrangers : ce sont avant tout des consommateurs !! En plus de faire les sales boulots qu’on ne veut plus faire, ils consomment et font tourner les magasins, donc l’économie.

L’épicier Noir de Sutton est parti, les Blancs crient hourra car ainsi, l’autre épicier, le Blanc, aura plus de clients… Mais non crétin puisque un tiers de ta population de consommateurs s’en vont avec lui.

L’un ou l’autre personnage Blanc sera un peu plus éclairé que les autres, mais sa voix se perdra dans la cacophonie des langues de putes des autres. Que l’on soit en 1957 ou en 2020 ne changent rien, les cerveaux n’ont pas reçu la lumière.

Le final de ce roman engagé est tout simplement bouleversant…

Un roman fort, un roman coup de poing écrit par un auteur Noir très jeune, qui fut salué lors de la parution de son roman puis a sombré dans l’oubli. Heureusement qu’on l’a traduit et publié en France car il vaut vraiment la peine qu’on le lise.

PS : en espérant qu’on n’intente pas un procès post-mortem à l’auteur parce qu’il s’est mis dans la peau de Blancs alors qu’il était Noir… Vu comment les mentalités tournent ces derniers temps, je suis souvent étonnée de l’imbécillité de certains, de leur culot, de leur audace et me demande encore pourquoi on les laisse faire…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°96].

29 réflexions au sujet de « Un autre tambour : William Melvin Kelley »

  1. Ping : Bilan du challenge polar et thriller janvier 2021 | deslivresetsharon

  2. Ping : deslivresetsharon

  3. Ping : Bilan Livresque Annuel et Coups de Cœur 2020 (2/2) | The Cannibal Lecteur

  4. Ping : Bilan Livresque Annuel et Coups de Cœurs 2020 (1/2) | The Cannibal Lecteur

  5. Ping : Bilan #2 du challenge polar et thriller – ou thriller et polar, je ne sais même plus. | deslivresetsharon

  6. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Septembre 2020 [Mois Américain] | The Cannibal Lecteur

    • Le mois yankee est fini, je n’avais pas la place pour poster ce roman dans le mois, ça allait faire trop chargé, alors, je décharge sur octobre. Mais je n’en ai jamais vraie-ment terminé avec l’amérique 😉

      J’aime

    • Si on ne doit écrire que sur ce qu’on est et ce qu’on a fait, la littérature va devenir très pauvre car tout le monde n’a pas envie d’écrire ou la capacité… Et si les écrivains mâles ne peuvent parler que du sexe fort et les femmes du sexe faible, on va vite se faire chier ou sombrer dans une dystopie réelle !

      Aimé par 1 personne

  7. Et bin oui je pense la meme chose pour l’immigration…cela reste avant tout economique pour ceux qui recoivent…et bravo pour ton PS…cela devient du grand n’importe quoi !
    Et ce livre, oui, je dois le lire…..on retrouve ce probleme avec les mexicains…en le faisant partir, trump se grille une partie de son economie….Qui va nettoyer la maison maintenant si les blancs restent entre eux ?

    Aimé par 1 personne

    • Personne n’a rien compris à rien ! On a besoin des émigrés pour faire le sale boulot, mais ça, les gens ne veulent pas le comprendre. On a hélas besoin de gens qui bossent pour peau d’zob pour ramasser les fruits, les légumes, les olives, bref, pour bosser pas cher pour que nous ayons des prix pas trop chers (on sait qui s’en met plein les fouilles, c’est le supermarché).

      Quand c’est la fête du mouton, à Bxl, y’a pas un chat dans les rues, c’est vide et TOUS les commerçants font la grimace (sauf les épiciers de quartier). Tu es dans une rue commerçante pour aller chercher un truc à bouffer et tu te demandes si tu n’es pas venue bosser un dimanche… Imagine tout ces « étrangers » qui resteraient à la maison quelques jours : quasi plus de trams, de métros, de bus qui roulent, plus de taxis, plus de ramasseurs de poubelles, plus de clients dans les magasins.

      J’aime

C'est à votre tour d'écrire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.