Les Raisins de la colère : John Steinbeck

Titre : Les Raisins de la colère

Auteur : John Steinbeck
Édition : Gallimard/Folio

Résumé :
L’histoire débute au moment où Tom Joad sort de prison. Tandis qu’il retourne chez lui, il rencontre un ancien prédicateur, Jim Casy, avec qui il partage des souvenirs d’enfance.

Les deux personnages font la route ensemble. Alors qu’ils arrivent à la ferme familiale, ils s’aperçoivent que celle-ci a été désertée. Déconcertés et un peu perdus, Tom et Jim décident d’aller chez l’Oncle John où ils retrouvent les autres membres de la famille Joad. Ces derniers sont en train de charger un camion Hudson avec ce qui leur reste de biens.

Les cultures ont été anéanties par le Dust Bowl (tempête de sable) et la famille n’a par conséquent pas pu honorer ses dettes. Chassés de chez eux, ils espèrent que la situation s’arrangera en Californie grâce à des feuillets leur proposant du travail et qui sont distribués un peu partout dans leur état : ils pensent que, là-bas, ils auront à manger et gagneront assez d’argent pour vivre.

Séduits par cette publicité, la famille Joad décide d’investir tout ce qui lui reste dans ce voyage. Bien que ce projet enfreigne les termes de sa liberté conditionnelle, Tom décide de partir avec sa famille. L’ancien pasteur J. Casy se joint également à la famille.

Les Joad empruntent la Route 66 pour aller vers l’ouest.

Dans des camps de fortune dressés au bord de la route ils entendent l’histoire d’autres familles, dont certaines reviennent de Californie.

La famille Joad ne veut pas admettre que les promesses auxquelles elle croit ne seront pas tenues. Juste avant la limite d’état, Noah (l’aîné des fils Joad) quitte la famille pour rester vivre au bord du Colorado et la grand-mère de la famille meurt pendant la traversée du désert.

En arrivant en Californie, Connie (le mari de Rose of Sharon, la fille, qui est enceinte) quitte la famille. Le reste de la famille, dirigé par Man, n’a d’autre choix que de poursuivre sa route.

A leur arrivée, ils s’aperçoivent qu’ils ne gagneront jamais beaucoup d’argent car il y a trop de travailleurs et les propriétaires importants de la région ne les respectent pas tandis que les plus petits font faillite. Ils profitent du grand nombre d’émigrants pour baisser les salaires et les familles émigrantes vivent dans des camps de fortune provisoires appelés Hooverville.

Les travailleurs étant exploités, des individus essayent de les faire adhérer à des syndicats ; Jim Casy, qui a fait de la prison pour couvrir Tom car il avait agressé un shérif, est l’un d’entre eux.

Critique : 
Un roman qui, malgré ses quelques longueurs, m’a pris aux tripes… Un roman porteur d’un message sur le capitalisme qui, non content d’exploiter l’homme, fait en sorte que toutes les richesses ne soient détenue que par quelques mains (la racaille en col blanc).

« Lorsque la propriété est accumulée dans un trop petit nombre de mains, elle est enlevée. Lorsqu’une majorité a faim et froid, elle prendra par la force ce dont elle a besoin. la répression n’a pour effet que d’affermir la volonté de lutte de ceux contre qui elle s’exerce et de cimenter leur solidarité ».

 

L’industrialisation a beau être pointée du doigt dans ce roman (les tracteurs), ce n’est pas elle qui est citée à comparaître sur le banc des accusés : la machine n’est pas responsable du mal qu’elle fait.

Non, mais l’auteur dénonce la mauvaise utilisation et le fait que les banquiers – eux, une fois de plus – aient entraînés les plus pauvres à payer leurs erreurs (♫ non, non, rien n’a changé ♪).

« La banque ce n’est pas la même chose que les hommes. Il se trouve que chaque homme dans une banque hait ce que la banque fait, et cependant la banque le fait. La banque est plus que les hommes, je vous le dis. C’est LE MONSTRE. C’est les hommes qui l’ont créé, mais ils sont incapables de le diriger ».

Oklahoma, fin des années 20… 1929 pour être plus précise. Les cultures ont été anéanties par le Dust Bowl (tempête de sable) et les agriculteurs qui avaient emprunté de l’argent aux banques après une récolte merdique, se retrouvent à ne plus savoir honorer leurs dettes puisque aucune de leurs récoltes ne fut vraiment bonne.

Et que font les banquiers lorsque vous ne savez pas payer vos dettes ? Ils vous saisissent vos biens, vos terres et vous saisissent à la gorge. Ils ont expulsé les fermiers sans aucun état d’âme (et nous savons que cela continue de nos jours)…

Le passage où les tracteurs charruent les terres des pauvres gens, massacrant au passage leurs maisons de bois est émouvant. C’est toute leur vie qu’on met à bas, leurs terres que l’on massacre, leurs terres que l’on va épuiser en plantant du coton.

À non, c’est vrai, ce ne sont plus leurs terres, ce sont celles de la banque, de la société, de on-ne-sait-pas-trop-qui, mais le responsable n’est pas « humain » en tout cas. Il est bien plus facile de dire que c’est la Société Machin.

Chassés de chez eux, ils penseront comme tous les immigrants que leur situation s’arrangera ailleurs – en Californie, ici – puisque des feuillets leur promettent monts et merveilles, notamment du travail à foison. Ces pauvres gens pensent que, là-bas, ils auront à manger et gagneront assez d’argent pour vivre. Pauvres fous… (pas en tant qu’insulte, mais en tant que visionnaire de leur futures emmerdes).

La famille Joad, c’est elle que nous allons suivre sur leur chemin d’exil  depuis l’Oklahoma jusqu’en Californie, sur la mythique route 66 qui ne sera pas une partie de plaisir, mais s’apparentera plus à une descente aux Enfers.

Les voitures des émigrants surgissaient en rampant des chemins de traverse, regagnaient l’autostrade et reprenaient la grande voie des migrations, la route de l’Ouest. A l’aube, elles détalaient, pareilles à des punaises ; dès la tombée du jour, surprises par l’obscurité, elles se rassemblaient et venaient grouiller autour d’un abri ou d’un point d’eau.

De fait, nous n’avons jamais vu d’immigrants voyager en Rolls. Ici, ce sera un vieux « camion ». De nos jours, ce sont des containers, des embarcations de fortune…

Mais comme Moïse, la terre promise, certains ne la verront jamais, et les autres, ils ne feront que l’avoir rêvée parce qu’on leur a vendu de belles images. Non content de les spolier de leurs terres, on les spolie de leurs rêves d’avoir une vie meilleure.

Ne laisse pas s’envoler trop tes espérances, pour n’avoir pas à ramper comme un ver de terre.

Ce livre comporte des passages assez long et j’ai parfois eu dur de continuer le voyage, mais comme les Joad, je me suis accrochée afin de lire ce chef-d’œuvre de Steinbeck, ce pamphlet qui n’épargne pas les banques et qui nous raconte ce que fut la grande dépression de 1929 au travers du voyage d’une famille.

Il vous prend aux tripes parce que vous vous retrouvez à abandonner ce que fut votre vie, vos affaires, vos amis, vous voyagez sur une route qui a tout du fleuve Styx (celui des Enfers), parce que vous vous retrouvez dans des camps de fortune dressés sur les bords des routes, parce que les promesses de travail vantées par les put**** de prospectus ne sont pas tenues, entrainant les familles déjà démunies à crever de faim parce que sans emploi et sans nourriture.

Et tout retour en arrière est impossible, c’est marche en avant ou crève en faisant marche arrière.

Si vous qui possédez les choses dont les autres manquent, si vous pouviez comprendre cela, vous pourriez peut-être échapper à votre destin. Si vous pouviez séparer les causes des effets, si vous pouviez savoir que Paine, Marx, Jefferson, Lénine furent des effets, non des causes, vous pourriez survivre. Mais cela vous ne pouvez pas le savoir. Car le fait de posséder vous congèle pour toujours en « Je » et vous sépare toujours du « Nous ».

La famille Joad, qui ne sera pas au bout de ses peines, va devoir se disloquer, elle crèvera de faim aussi, subira comme d’autres l’injustice et l’exploitation, elle devra faire face à des conditions de survie inhumaines, elle connaîtra le rejet, la discrimination, la mort, la prison,…

« Les grandes compagnies ne savaient pas que le fil est mince qui sépare la faim de la colère. Au lieu d’augmenter les salaires, elles employaient l’argent à faire l’acquisition de grenades à gaz, de revolvers, à embaucher des surveillants et des marchands, à faire établir des listes noires, à entraîner leurs troupes improvisées. Sur les grand-routes, les gens erraient comme des fourmis à le recherche de travail, de pain. Et la colère fermentait.

Comme le dit la devise de mon pays, « L’Union Fait La Force » et c’est uni que tout ces opprimés arriveront à s’en sortir. La solidarité étant souvent très forte entre eux (dans le livre).

– On en apprend tous les jours, dit t-elle, mais il y a une chose que je sais bien, à force . Quand on est dans le besoin, ou qu’on a des ennuis – ou de la misère – c’est aux pauvres gens qu’il faut s’adresser. C’ est eux qui viendrons en aide – EUX SEULS.

Autre paradoxe soulevé par le récit et qui me fait penser à ce que nous vivons toujours : les habitants de Californie ne veulent pas les immigrés mais ils en ont besoin pour le travail… « Travaille et puis casse-toi, pauv’con ».

– On est bien dans un pays libre, tout de même.

– Eh bien tâchez d’en trouver, de la liberté. Comme dit l’autre, ta liberté dépend du fric que t’as pour la payer.

Bref, un livre à lire, les personnages sont attachants, ce qui est écrit est une partie de l’histoire, malgré quelques longueurs, ça vaut la peine de l’ouvrir, de plus, le style d’écriture est implacable. Dire que depuis, rien n’a changé.

Craignez le temps où l’Humanité refusera de souffrir, de mourir pour une idée, car cette seule qualité est le fondement de l’homme même, et cette qualité seule est l’homme, distinct dans tout l’univers.

L’auteur a reçu pour cette œuvre le prix Pulitzer en 1940.

Lu dans le cadre des Challenges « Romans Cultes » de Métaphore, de « La littérature fait son cinéma – 3ème année » de Kabaret Kulturel, du « Pavé de l’été » chez Sur Mes Brizées, pour Le « Challenge US » chez Noctembule et pour Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle.

53 réflexions au sujet de « Les Raisins de la colère : John Steinbeck »

  1. John Steinbeck, j’ai découvert son côté humoristique dans certains de ses livres 🙂
    Cette année j’ai lu « Tortilla Flat », une lecture excellente qui se déroule dans l’ouest américain, avec des personnages qui sortent de l’ordinaire, j’aime trop!

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  10. J’avais lu du même auteur Des souris et des hommes, qui m’avait beaucoup marqué, comme toi et gruznamur ! Du coup, les Raisins de la colère (dont j’ai aussi vu la très belle adaptation avec Henry Fonda) sont sur ma PAL depuis longtemps, j’attends un moment où je serais en forme pour m’y mettre enfin ! 😉

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    • C’est un gros pavé ! Des souris, il m’a ému. Les raisins s’attachent à la crise de 29 et à toute l’inhumanité qu’il en a découlé.

      Livre fort aussi, mais différent des souris, qui est plus court, avec deux personnages forts.

      faut être dans un bon état d’esprit pour lire les raisins…

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    • Oh, j’avais bien aimé « la perle », moi. Par contre, je te conseille « des souris et des hommes », si tu ne verses pas une larme, si tu n’es pas z’émue, alors, je n’y comprendrai rien… 😉

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  12. Ping : Challenge Romans Cultes – Liste des participants | Métaphore

  13. Mais pourquoi tout le monde l’a lu au lycée ! Ce que les lectures obligées de cette période m’ont barbées… Je n’avais pas la chance de tomber sur de tels bouquins… Cela dit, je ne l’ai pas encore lu… Faudrait que je retourne peut-être au lycée…

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    • Tu te ferais chi** au lycée, avec des gamins/ines qui ne parlent que de Nabila et autre horreur du PAF.

      Les lectures obligées étaient parfois chiantes, mais j’ai fait de chouettes découvertes inattendues (à l’ouest, rien de nouveau et cargo vie).

      Allez, mon Bison, tu es encore dans les temps pour le challenge du pavé : lis les raisins ou lieu de les boire quand ils ont fermenté. Quittes les vignes du seigneur et plonge dans Steinbeck.

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  14. Est-ce que tu q lu « moisson rouge » ce n’est pas tout a fait la meme chose, mais le sujet est similaire. Il faudra que je lise ce livre ! merci pour la chronique ! (desolee pour les accents!)

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      • oui, desolee, clavier anglais pour encore 10 jours ! et comme je m’habitue, j’oublie de preciser !
        Moisson Rouge, C’est de Dashiell Hammett, c’est un polar (hard Boiled, je pense)… J’ai travaille dessus, mais seulement sur des extraits, il faut que je le lise en integralite. Je pense que c’est aussi la meme periode, avec les mauvaises conditions de travail, les briseurs de greve…

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  15. un roman magistral lu quand j’étais au lycée, un jour d’été. Commencé le matin à la plage, terminé le soir…pas moyen de le lâcher au grand dam de mes parents!! 🙂 il faudrait que je le relise.

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  16. J’avais adoré ce livre au lycée (donc ça date tu imagines), je le lisais tous les ans (jusqu’à 25 ans environ) et puis il a disparu dans un de mes (très nombreux) déménagements ! Quand je relis certains livres adorés à une époque, je suis souvent un peu déçue, l’exaltation n’est pas la même en fonction de l’âge, de l’époque…
    Et j’ai trouvé ce qui me manquait : l’année du Pulitzer ! je vais l’ajouter de suite avant que je n’oublie !!! 😆 Très beau billet et ce qui est grave, ce sont les similitudes entre 1929 et 2007, l’histoire se répète, les méchants restent impunis parce qu’ils s’appellent « Banques » !

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    • L’histoire n’est qu’un éternel recommencement et ne sert jamais de leçon puisque les hommes pensent que avec eux, ça fonctionnera et blablabla.

      Je sais que j’ai des livres que j’ai adoré à l’époque et que je n’oserais pas relire maintenant car je sais que mon regard sera moins bienveillant 🙂

      Jamais on a dû lire de pareil livre à l’école !

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      • Ca ne m’étonne pas que tu n’aies jamais eu à lire de tels livres à l’école !!! A mon époque la satanée littérature jeunesse n’existait pas, on lisait des contemporains pour alterner avec les classiques ! On ne s’en portait pas plus mal ! J’étais dans une pension très sévère de la seconde à la terminale mais qu’est-ce que j’ai lu ! 😀

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        • Si on aime lire, tant mieux, mais je « lis » trop souvent des blogueuses ou des membres de Babelio qui ont été dégoutés parce que à l’école, on les a forcé à lire des livres qu’ils n’ont pas su apprécier à leur juste valeur… et que parfois ils redécouvrent adulte.

          Pour les livres à lire, nous avons eu des livres imposés, mais souvent, une liste avec plusieurs à choisir.

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  17. Un des mes livres préférés quand j’avais entre 15 et 18 ans 😉
    je ne le relis pas (manque de temps et peur d’être moins sous le charme)
    La fin m’a marquée ….Quel bouquin!!!!

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    • Oui, quel bouquin, mais pour en venir à bout, faut des heures et des heures !! Une fin, heu, spéciale, avec l’allaitement…

      Non, je n’aurais pas voulu m’attaquer à ce livre à 15-18 ans, me fallait bien le double ! Pas le double de 18, hein !!! 😀

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  18. Ping : Les lectures d’octobre | 22h05 rue des Dames

  19. Tu fais dans le livre récent et la nouveauté en ce moment toi 😉
    De Steinbeck, je n’ai lu que « Des souris et des hommes », court, très facile à lire et assez marquant (lu l’an dernier)

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