Anthracite : Valerio Evangelisti

Titre : Anthracite                                                  big_3-5

Auteur : Valerio Evangelisti
Édition : Payot et Rivages (2008)

Résumé :
1875. Dix ans ont passé depuis la fin de la guerre de Sécession. Les jeunes États-Unis sont désormais un territoire à conquérir pour les puissants conglomérats de l’industrie du rail, du charbon et de l’acier.

Entré au service des Molly Maguires, une organisation secrète qui opère au sein des mineurs irlandais de Pennsylvanie, le mercenaire Pantera se retrouve au cœur d’un puzzle complexe.

Ici, les conflits sociaux ne sont que façade, masquant des forces souterraines qui se livrent une lutte sans pitié dont l’enjeu est la domination de l’Amérique pour les siècles à venir.

Petit plus : Roman inclassable aux multiples clés, western à l’italienne digne de Sergio Leone, lecture sociale et politique des origines de l’Amérique moderne, Anthracite est tout cela et plus encore.

Critique : 
1875… Dix ans que la guerre de Sécession a cessé, c’est sûr. Mais les États-Unis sont un territoire à conquérir et tout est encore à faire au niveau du réseau ferroviaire. Pour le moment, c’est le bordel et tout le monde tente de tirer la couverture à lui, surtout les conglomérats du charbon, de l’acier et du chemin de fer.

Sans compter les Irlandais qui font tout péter, assassinent des gens, et ont réalisé une grève de 5 mois. C’est dans ce sac de nœud que va tomber Pantera, mercenaire Mexicain et prêtre vaudou, engagé par Molly, ancienne prostituée Irlandaise.

Sa mission ? (qu’il a accepté) : trouver et exécuter un espion que l’agence Pinkerton a infiltré chez les Irlandais de l’Ancient Order of Hibernians.

Pourquoi ? Parce que c’est sur base du seul témoignage de cet espion que 19 grévistes Irlandais, membres des Hibernians, viennent d’être condamnées à mort.

Motif ? Accusés d’avoir perpétré des actes de violence lors de la grève. Les patrons des mines de charbon en Pennsylvanie ne rigolent pas et la méthode qu’ils utilisent pour saper les associations ouvrières, c’est de les faire infiltrer par des agents de la Pinkerton… Agents qui pourchassent les Molly Maguire, tout en cassant du syndicaliste et du gréviste au passage.

Bref, dans ce roman, ça ne rigole pas ! Mais ça bouge.

Pantera est un personnage assez violent, il ne rigole pas souvent et tue sans états d’âmes. Niveau compétences « infiltration », c’est James Bond avec un six-coups. C’est l’espion qui va au charbon, au sens propre comme au figuré. Il est impitoyable et je l’ai apprécié énormément !

« Il ne pouvait même pas attribuer son trouble à la peur. Lors de ses récents voyages, il avait fait une découverte cruciale : tout le monde paraissait avoir besoin de lui. Comme tueur à gages, en premier lieu, mais également comme intermédiaire avec les forces occultes. Alors peu lui importait d’être courtisé par les compagnies de chemin de fer, les terroristes irlandais, les agences briseuses de grèves et les révolutionnaires aux motifs obscurs. Finalement, cela ne faisait qu’accroître la valeur marchande de son pistolet. Pourquoi s’en inquiéter ? »

Si je me suis laissée dire que dans les deux tomes précédents, Pantera, le palero (sorcier vaudou) jouait à l’exorciste, ici, les sorts et autres gris-gris sont remisés au placard, même s’il nous parle un peu de son Nganga.

Ici, pas de duel dans la rue, mais une toute autre lutte, qui est sociale et politique. Une lutte des classes : patronat contre ouvriers, Irlandais contre autres nations – surtout contre les Anglais et les Gallois – entre mineurs et manoeuvres, entre freineurs des trains et conducteurs,….

La guerre de Sécession est terminée, une autre guerre est toujours en cours : elle est sournoise, violente et sans merci. Ici, on n’applique pas l’adage « L’union fait la force » : tout les hommes se déchirent entre eux, faisant le bonheur de ceux qui les exploitent. « Diviser pour régner », c’est bien connu.

Le livre m’a surpris, parce que au départ, je ne pensais avoir affaire qu’à l’infiltration de Pantera chez les Pinkerton afin de découvrir le traître chez les Irlandais. Un roman d’espionnage, en somme… Un James Bond sans gadgets, version western, un Colt Frontier enfoncé dans la ceinture.

Sur le cul ! Si l’auteur se sert bien de ce prétexte au départ, ensuite, le tout dépasse tout ce qu’on aurait pu penser : le puzzle est complexe, on patauge dans la corruption, les manipulations, les conflits sociaux et on se rend compte que les marionnettistes sont souvent haut placés…

Le quatrième de couverture ne mentait pas, nous sommes bien en présence d’un roman noir inclassable, mélangeant le western spaghetti – musique de Morricone – avec du social, de la politique et de l’Histoire des États-Unis.

Le roman, sur ses 451 pages, nous entrainera dans l’histoire des débuts de l’industrialisation des États-Unis, on assistera aux premiers pas, balbutiants et chancelants, du syndicalisme et du socialisme, on découvrira la lutte inégale entre le tout puissant chemin de fer et les « petits » propriétaires terriens.

Quant aux légendes de l’Ouest (les frères James ou Billy The Kid), elles sont manipulées, elles aussi, par plus fort qu’elles.

Les relations entre les immigrants sont tendues : la rivalité règne en maître car ils ont emporté avec eux, dans leurs maigres bagages, les haines européennes (on retrouve les Irlandais à la botte des Anglais).

Pour le reste, on passera en revue les conditions de vie atroces des ouvriers américains en cette fin de XIXème siècle, enfants compris, le tout gangréné par le racisme et la xénophobie (face à leur racisme, on est des petits joueurs, dans les années 2000 !).

Le roman aborde aussi l’histoire d’un certain nombre de société secrètes… Le tout sur un ton assez cynique, avec une écriture trempée dans le vitriol, sans concession.

« Les vigilantes déclaraient se battre pour rétablir l’ordre et la loi. Ils maquillaient donc leurs comportements derrière une hypocrisie intolérable. En cela, pensa Pantera, les Américains qui détenaient le pouvoir étaient des maîtres.
Ils étaient diaboliquement doués pour affubler leurs abus de pouvoir de nobles motivations, même lorsque leur véritable but ne recelait qu’une infime parcelle de morale. Les Mexicains en savaient quelque chose, tout comme les Peaux-Rouges ou les pauvres légalistes anglais condamnés, longtemps auparavant, à une terrible agonie après avoir été recouverts de goudron et de plumes afin que leur pores ne puissent plus respirer ».

Bref, on a pour son argent dans ce roman noir qui explore beaucoup de choses très noires de l’âme humaine.

Un bémol tout de même : la profusion de personnages.

Il vaut mieux être bien concentré lors de sa lecture et avoir le temps de lire des pans entier, comme je l’ai fait, sinon, vous risquez de ne plus vous y retrouver. Parce que entre les O’Donnel, les O’Connel, les O’Molavplublan, les McEusdresse, les McCarron, les McDo et autre McEugène, j’y ai perdu mon latin ! Ah, ces Irlandais… Ils sont tous haut en couleurs !

Un roman aussi noir que l’anthracite que l’on a extrait, à la sueur du front et à coup de morts, des mines sordides de Pennsylvanie… Une pépite noire qui ne vous salira pas les mains mais qui ne se prive pas de brosser un portrait fort noir et au vitriol de l’Histoire sanglante des États-Unis…

Allez, Enio, balance la musique…

POLAR - MolliesHistMarker

Livre participant au Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez Arieste, au Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014), au « Challenge US » chez Noctembule et au Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park.

 

14 réflexions au sujet de « Anthracite : Valerio Evangelisti »

  1. Ping : Bilan de la première année | 22h05 rue des Dames

  2. Ping : Challenge "Il était une fois dans l’Ouest" : reprise par le Cannibal Lecteur | The Cannibal Lecteur

  3. Ping : Le mois de mars 2014 | 22h05 rue des Dames

  4. Ping : Bilan Livresque : Février | The Cannibal Lecteur

  5. Ce livre me paraît très intéressant. Je le note et un jour je le lirai. Il me rappelle le film « The Molly Maguires » de 1970 avec Sean connery et Richard Harris. Ta chronique est très bien faîte. Bravo!

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    • J’ai vu les images de ce film en cherchant des images pour ma grosse nique ! Le beau Sean est reconnaissable entre mille… rhââ^lovely.

      Pardon ! 😀 Je te remercie, ma poulette, pour ce petit mot gentil qui me réchauffe le coeur… 😳

      Attention, au moment de le lire, faut que tu ne sois qu’à ça et que tu aies du temps devant toi pour en lire la maximum sur peu de temps. Ce que j’ai fait 😉

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  6. Alors…là..je suis parfaitement en osmose avec le commentaire au-dessus du mien!!! Le western est un genre qui me donne la nausée….impossible à regarder et encore moins à lire!!!

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    • QUOI ?? Tu vomis devant mon petit Clint Eastwood ?? Non, mais, c’est une honte que d’oser écrire ça sur mon blog 😦

      Je vais pleurer, tiens… Comment ça « pleures, tu pisseras moins » ??? 😀

      On est loin du western, c’est plus conflit social, très peu de chevauchées, pas de duels dans les rues et pas d’indiens. 😉

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      • Quand je l’ai écrit j’étais en- dessous puis après j’étais au -dessus de lui…ton blog me fait tourner l’estomac ahahahaha!!!!!!! Je parle bien de monsieur Divan oui!!!! Je ne vomis pas…j’ai juste la nausée hein!!!!! N’essaie pas de me tenter…non c’est non…je ne lirai pas ce livre même sous la torture…si tu insistes je sors mes tampons et je te tamponne ahahahahahah!!!!!!!

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        • Donc, tu étais sous monsieur Divan et puis ensuite, tu étais sur lui ?? Bon, votre vie privée ne me regarde pas 😳 bande de petits cochons !!! 😀

          Tu as des nausées ?? Faut consulter de suite… hahahaha !

          Jamais je n’essaierai de te tenter, tu es grande assez pour te tenter toute seule… et je te prie de laisser tes tampons dans ta poche, ce n’est pas encore ma mauvaise période !!! 👿

          Bon, je vais me sortir moi-même de mon propre blog !!! 😆

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  7. James Bond sans gadgets, version western, voilà qui est original !
    Bon ce serait mentir si je disais que je suis impatient de le lire, la profusion de personnages ce n’est pas trop mon truc et c’est une période du pays qui ne m’attire pas (trop regardé de Westerns dans ma jeunesse, je sature)

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    • Attention, hein, on est loin de Lucky Luke ou de Clint Eastwood !! 😉 C’est l’Amérique profonde (normal, on descend dans la mine, on va au charbon), les conflits sociaux et chez eux, le goudron et les plumes, c’est moins drôle que dans la bédé !! Tu en meurs, du goudron et des plumes…

      Roman noir… je ne sais pas si tu apprécierais, parce que oui, niveau personnages, il y en plus que les quelques uns que j’ai cité… 😀

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