Le Diable, tout le temps : Donald Ray Pollock

Diable tout le temps - PollockTitre : Le Diable, tout le temps                             big_5

Auteur : Donald Ray Pollock
Édition : Albin Michel (2012)

Résumé :
Dans la lignée des oeuvres de Truman Capote, Flannery O’Connor ou Jim Thompson, un roman sombre, violent et inoubliable sur la condition humaine.

De la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 60, les destins de plusieurs personnages se mêlent et s’entrechoquent. Willard Russell, qui a combattu dans le Pacifique, est toujours tourmenté par ce qu’il a vécu là-bas. Il est prêt à tout pour sauver sa femme Charlotte, gravement malade, même s’il doit pour cela ne rien épargner à son fils Arvin…

Carl et Sandy Henderson forment un couple étrange qui écume les routes et prend de jeunes auto-stoppeurs qui connaîtront un sort funeste….

Roy, un prédicateur convaincu qu’il a le pouvoir de réveiller les morts, et son acolyte Theodore, un musicien en fauteuil roulant, vont de ville en ville, fuyant la loi et leur passé.

Petit Plus : Donald Ray Pollock s’interroge sur la part d’ombre qui est en chaque individu, sur la nature du Mal. Son écriture est d’une beauté inouïe mais sans concessions. Avec maestria, il entraîne le lecteur dans une odyssée sauvage qui marque durablement les esprits.

POLAR - DevilCritique : 
Ça c’est de la lecture ! Ça, c’est du serrage de tripes ! Ça, c’est du roman Noir de chez Noir ! J’avais fait le voeu d’un coup de cœur, et bien, c’est exaucé !

Certes, vu les échos, je m’attendais à du très trash, mais par rapport à ce que j’imaginais, c’est encore soft (mon imagination est sans limite). Désolé, à force de boire des cafés tellement noirs qu’on ne verrait pas le clocher de l’église au fond de sa tasse, l’esprit s’habitue au Noir… Heureusement, ça ne dure pas longtemps et l’horreur m’a sauté au visage, me prenant les tripes au passage !

Ici, les personnages, des pauvres bouseux, sont bien travaillés et ils risquent de me hanter à vie. Ils sont profonds, on sent bien toute leur misère, leur « innocence » (ils ne sont pas toujours instruit), leurs croyances, leur méchanceté, leurs blessures secrètes…

« Malgré le sacrifice de l’avocat, les os de Charlotte commencèrent à se briser quelques semaines plus tard, de petites explosions écoeurantes qui la faisaient hurler et lui déchiraient les bras. Chaque fois que Willard essayait de la déplacer, elle s’évanouissait de douleur. Une escarre suppurante apparut dans son dos, et s’étendit jusqu’à atteindre la taille d’une assiette. Sa chambre avait une odeur aussi rance et fétide que le tronc à prières. Il n’avait pas plu depuis un mois, et la chaleur se maintenait. Willard acheta d’autres agneaux au parc à bestiaux, et versa des seaux de sang autour du tronc jusqu’à ce que cette pâtée boueuse leur monte par-dessus les chaussures ».

Le panel est varié : des salopards; des pauvres types irrécupérables qui ont le mal chevillé au corps, le sadisme charrié par leur sang; des fous qui entendent Dieu dans le fond de leur placard; des photographes qui n’auront jamais leur reportages publiés dans National Géographic; un prédicateur qui aime manier le goupillon et répandre sa semence maudite dans des cavités où il n’avait pas le droit d’aller…

« Un jour, pensa-t-il, s’il la gardait, il devrait lui apprendre à lire. Il avait récemment découvert qu’il pouvait durer deux fois plus longtemps si l’une de ses jeunes conquêtes lisait le Saint Livre pendant qu’il la prenait par-derrière. Preston adorait la façon dont elles haletaient sur les textes sacrés, la façon dont elles commençaient à bafouiller, à arquer le dos et à lutter pour ne pas se tromper de ligne – car il pouvait se fâcher vraiment quand elles lisaient mal – juste avant que son « bâton » n’explose ».

La plume de l’auteur est acérée, sans complaisances et on s’enfonce de plus en plus dans un noir d’encre d’où on sortira ébranlé à la fin de ces 370 pages de noirceur, remplie de manque de morale de certains représentants de la loi ou de l’église. Oui, l’Homme, dans ce qu’il a de pire, menait la danse.

« Bodecker fit un pas derrière lui et lui tira une balle dans la nuque. Maintenant, Tater lui devait cinq mille dollars, mille de plus que ce que le shérif lui avait demandé la première fois. Ce sadique de Coonrod avait tabassé une des meilleures putes du club de strip-tease de Tater, il avait essayé de lui arracher l’utérus avec une ventouse pour déboucher les toilettes. Ça avait coûté trois cent dollars de plus, pour qu’on lui refourre le tout à l’intérieur. Bodecker était le seul capable de mettre un terme à cette affaire ».

Une vraie lecture marathon, les mains tremblantes, me gavant de toutes ces pages, mais sans en redemander une de plus. À la fin, j’étais KO. Uppercuttée.

Au départ, une fois la première partie terminée, je pensais avoir affaire à toutes des histoires différentes, sans relations aucune, puisque l’on commençait avec d’autres personnages.

Mais, s’il semble n’y avoir aucune corrélation entre un gamin qui a vu sa mère mourir à petit feu et un couple qui tue les autostoppeurs, et bien, croyez-moi, il y en a ! Les trois récits ont beau être parallèles, ils ne se priveront pas de se rejoindre. Et ça là que le diable vous dira ♫ Pleased to meet you hope you guess my name ♪

Trois récits noirs. Trois univers rempli de violence, de sexe, de sang et de violence… Parfois aussi de tripes.

Arvin… Je me suis attachée à ce personnage au point que j’ai eu du mal à refermer le livre, bien que je fusse soulagée, tant il m’avait oppressée.

Une lecture qui restera gravée dans ma chair, marquée au fer rouge ! Seul problème, c’est que c’est addictif… on en redemande, des livres tels que celui-là !

« Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014),  Le « Challenge US » chez Noctembule et le challenge Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle (Meilleur livre de l’année 2012 par le magazine Lire).

CHALLENGE - À tous prixCHALLENGE - Thrillers polars 2013-2014 (2)CHALLENGE - US

Coup de coeur

22 réflexions au sujet de « Le Diable, tout le temps : Donald Ray Pollock »

  1. Ping : Le Diable, tout le temps, Donald Ray Pollock – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Knockemstiff : Donald Ray Pollock | The Cannibal Lecteur

  3. Ping : Le challenge USA revient | 22h05 rue des Dames

  4. Un livre prenant, je suis tout à fait d’accord.
    Pour Arvin, j’avais l’impression d’ailleurs qu’il était plus présent dans le roman que les autres personnages. 🙂
    Un livre dans le même genre que je te conseille, coup de coeur de mon libraire : Joe de Larry Brown.

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  5. Ping : Le diable tout le temps – Donald Ray Pollock | 22h05 rue des Dames

  6. Ping : Bilan de la première année | 22h05 rue des Dames

  7. C’est de la bonne littérature sombre ! Bravo pour ce billet où tu mets tout ton coeur !^^ Pas un coup de coeur pour moi mais j’étais fascinée (dégoûtée aussi) mais je m’attachais à Arvin, je ne pouvais pas le lâcher, puis après, je ne dis rien pour ceux qui veulent le lire ! Je dirai que pour une fois un roman noir a une âme, même si c’est une âme damnée, elle est là ! Je suis contente que tu aies aimé…à ce point ! 🙂

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    • J’y mets mon coeur et mes tripes dans ce livre, parce que l’auteur y a mis les siennes pour nous donner ce petit bijou de la littérature.

      Dégoûtée par le cynisme de certains et leur manque de morale flagrante.

      Arvin… un sacré p’tit gars.

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  8. Ping : Bilan Livresque : Mars | The Cannibal Lecteur

  9. Ping : Le mois de mars 2014 | 22h05 rue des Dames

    • Sorry de te tenter… mais si tu aimes les polars noirs, celui-ci est pour toi !

      Même si tu n’es pas fan de ce genre, il est super et tout de même « lisable » puisque des blogueuses non fan du genre l’ont lu et aimé ! 😉

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  10. Je constate que tu es beaucoup plus lyrique que moi dans ta chronique, mais nous sommes d’accord c’est un superbe roman qui secoue. Il n’est pas conseillé à tout le monde, il faut aimer le noir. Belle chronique !

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    • Je ne me souviens plus de ton lyrisme littéraire dans ta grosse nique; mais bon, l’essentiel, c’est qu’on ait aimé 😉

      Pour me secouer, il m’a secoué, le roman !!

      Merci ma poulette 😀

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  11. Ping : Le Diable, tout le temps | Le Bibliocosme

    • Oui, coup de coeur du mois et dans ceux de l’année, noté dans les livres qui m’ont marqué !

      Le début est soft, mais ensuite, on plonge tout doucement, on s’immerge dans la noirceur et à la fin, on est uppercutté, content d’avoir fini, mais on aimerait savoir ce que Arvin va devenir…

      J’ai eu les larmes aux yeux pour la gamine, sa demi.

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    • YES !!! J’ai réussi à te faire culpabiliser, à te faire dépenser rapidement, même, puisque tu vas te ruer dans une bonne librairie et l’acheter ! 😉

      Je t’avoue qu’on m’en avait parlé il y a longtemps, et depuis, je le cherchais en seconde main, en vain, presque, jusqu’à peu de temps où je l’ai trouvé, en seconde main, pour pas cher et en état impeccable !! Soit jamais été lu, soit la personne avait soin de ses livres, comme moi. On pourrait le remettre en rayon, il est comme neuf, hormis quelques citations soulignées !

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