Titre : Il reste la poussière
Auteur : Sandrine Collette
Édition : Denoël (2016)
Résumé :
Argentine, plateaux de la Patagonie. Une steppe infinie, balayée par des vents glacés. C’est là que Rafael, dix ans, grandit dans une famille haineuse.
Sa mère s’est endurcie autour d’un secret qu’elle a su garder mais qui l’a dévorée de l’intérieur : une nuit, elle a tué leur ivrogne de père et a coulé son cadavre dans les marais.
Depuis, elle fait croire que son mari les a abandonnés, et mène son maigre élevage de moutons et de bœufs d’une main inflexible, écrasant ses quatre garçons de sa dureté et de son indifférence.
Mais depuis, aussi, les aînés détestent leur plus jeune frère, né après la disparition du père, et en ont fait la cible de leurs jeux brutaux. Alors Rafael, seul au monde, ne vit que pour son cheval et son chien.
Voilà longtemps qu’il a compris combien il était inutile de quémander ailleurs un geste d’affection. Dans ce monde qui meurt, car les petits élevages sont peu à peu remplacés par d’immenses domaines, la révolte est impossible.
Critique :
Direction la Patagonie ! Et à cheval, s’il vous plaît ! Et le premier qui se plaint, qui gémit, qui couine, recevra une torgnole de la mère…
Nous sommes dans la Pampa, en Argentine, là où les gauchos sont les rois, juchés sur leurs petits chevaux secs et nerveux, qui, telle la steppe, ont été façonné eux aussi par les vents froids et le soleil brûlant. Ces petits chevaux aux pieds sûrs qui se rient des sentiers de caillasse et des chemins piégeux.
Ici, Florent Pagny ne vous chantera pas « Bienvenue chez moi ».
Pour celui qui aime la nature hostile, les grands espaces, les chevauchées dures et âpres, le tout inclus dans un roman social, un roman noir, où la misère est aussi celle des cœurs, alors qu’il ouvre ce fabuleux roman de l’auteur.
Une mère et ses quatre fils vivent durement dans l’estancia familiale (une vaste exploitation agricole d’Amérique du Sud). La mère a élevée, quasi seule, ses 4 fils. Et à la dure !
Parfois elle se dit qu’elle aurait dû les noyer à la naissance, comme on le réserve aux chatons dont on ne veut pas ; mais voilà, il faut le faire tout de suite. Après, c’est trop tard. Ce n’est pas qu’on s’attache : il n’est plus temps, c’est tout. Après, ils vous regardent. Ils ont les yeux ouverts. Et vraiment la mère y a pensé, mais elle a manqué le coche.
La terre et le climat sont rudes, et la mère tout autant. Pas un câlin, pas un mot gentil, pas un merci pour ses fils, elle les houspille sans cesse et règne sur la maison et la propriété telle une dictatrice. Une main de fer dans un gant un crin doublé de mauvaise foi !
Car voilà, quand elle fait les comptes, deux sur quatre, la moitié pour rien. S’il n’y a pas là de quoi s’étrangler de rage. Des années à les nourrir et les élever à la sueur de son front ces gamins, les reins arqués pour tenir le coup. C’est que ça en demande, des efforts ; c’est que ça en mange, des soupées. Juste au moment où ils devenaient forts tous les quatre, et qu’ils prenaient leur part de besogne, la soulageant d’un peu de son fardeau.
Des têtes de cochon, voilà ce qu’elle a récolté, et pourtant elle en a joué, de la trique, mais il en fallait davantage semble-t-il, et elle a eu l’âme trop sensible.
Le personnage principal est Rafael… Le plus jeune des fils, celui qui en a bavé le plus, celui qui n’a reçu de l’amour que de son cheval ou de son chien, celui qui est né après la disparition du père, celui qui fut le souffre-douleur de ses trois frères.
Mais le roman ne tournera pas que autour du jeune Rafael, il nous donnera aussi les points de vue des autres frères, de la mère, ce qui nous permettra d’en savoir un peu plus sur les quelques personnages qui gravitent dans ces terres hostiles dont les jumeaux Joaquin et Mauro et le troisième fils, Steban, dit « Le débile ».
L’écriture est sèche comme la steppe qui entoure l’estancia. Les relations entre les personnages sont souvent remplie de haine, de violence retenue, larvée, même si les jumeaux sont ceux qui s’entendent le mieux.
Ici, l’amour ne passe pas, ne capte pas. Ici, c’est le bout du monde, le début du siècle (le 20ème). Ici, pas de civilisation mais des tas de petites exploitations qui périclitent et disparaissent au profit des toutes grosses. Tiens, un air de déjà-vu !
Mais bien sûr cela n’a profité qu’à ceux qui peuvent acheter d’immenses exploitations, s’organiser en firmes, monter des fermes industrielles et des réseaux de transport, oui les petits propriétaires vont disparaître.
Ici, il y a encore des petites gens qui veulent résister à l’envahisseur, qui ne veulent pas se faire bouffer, qui tentent de survivre en bossant dur plus de 15h par jour, le cul vissé sur la selle usée de leurs fiers Criollos, tentant coûte que coûte de garder leurs vaches pour ne pas finir berger en gardant leurs moutons.
Il y a une profondeur dans ces pages, des personnages taillés à la serpe, façonnés par les vents glacials de la steppe, aux cœurs plus arides qu’un désert.
C’est l’histoire d’une vie, de la recherche d’une paix intérieure qui ne viendra qu’au prix de lourd sacrifices. Une vie qui vous abîme vos jeunes années à force d’avoir bossé dur.
Je penserai à Rafael en mettant mon pied dans l’étrier… Une pensée émue et sereine.
Un roman noir « nature writing » qui m’a remué les tripes…
Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016) et le Challenge « Polar Historique » de Sharon.
Ping : Challenge Thriller et polar – session 2015-2016, bilan final | deslivresetsharon
Autant je n’ai pas eu envie de lire le précédent de l’auteure, autant celui ci me branche grave 🙂
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Le précédent ? Les six fourmis ? J’ai bien aimé ! Il ne me reste que son deuxième à lire, mais je me souviens qu’Yvan n’avait pas été emballé par le second, alors je me tâte !
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ben pareil pour moi 🙂
c’est un maître à penser pour nous 🙂
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On brûlera un cierge à Saint-Yvan Le Terrible !!
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j’irai peut être pas jusque là, quand bien même je considère cette banane comme un frangin 🙂
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Banane, ça lui va bien, tiens, à ton frangin ! 😀 On s’attache à cette p’tite bête.
Je volerai un cierge que je ferai brûler sous les tentures de l’édifice…
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Ne serait-ce que pour chanter du Florent Pagny, ce livre me tente beaucoup. Avant de mordre moi-même la poussière… de la pampa.
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Tu chantes qui tu veux, tant que c’est loin des bouteilles de bière afin de ne pas les faire se fissurer… Va faire un tour dans la pampa, y’a pas de bisons, mais des angus, tes lointaines cousines et de l’alcool tord-boyaux.
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J’ai trouvé la mère en Photo Sandrine a approuvé mon choix 😉 mdr
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Je veux voir la photo de La mère parce que c’était un cas !
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Bientôt 😉
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Chouette !
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J’ai beaucoup aimé ce livre !! 🙂
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Il est top !
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Il est fabuleux !
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Oui, tout à fait !
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Ah coup de cœur, et grands espaces!!!!! Je crois que je me laisserai bien tenter!!!!;)
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Chevauchée, tri du bétail, chevaux, chiens… ❤ ❤
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