Amour monstre : Katherine Dunn

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Titre : Amour monstre

Auteur : Katherine Dunn
Édition : Gallmeister (2016)

Résumé :
Les membres de la famille Binewski sont bien étranges… Pour sauver son cirque. Al, le père, décide avec sa femme Lil de créer une famille « sur mesure ».

A force de médicaments et autres radiations, Lil met au monde cinq enfants : Arturo, l’Homme – Poisson dont les membres sont des nageoires, Electra et Iphigenia, sœurs siamoises et pianistes, Fortunato dont on craint un moment qu’il soit normal, mais qui fait bientôt preuve de particularités des plus monstrueuses et enfin Olympia, la narratrice naine, bossue et albinos.

un-amour-de-monstres-katherine-dunnCritique :
— Entrrrrez Mesdames et Messieurs et bienvenue au Binewski’s Carnival Fabulon ! Ce soir, au programme, les acrobaties aquatiques de l’Aqua Boy, le récital piano des fabuleuses soeurs siamoises, Electra et Iphigenia !

On aurait pu nommer ce roman « Bienvenue chez les Freaks » car ici nous sommes entourés de monstres en tout genre, des monstres « fabriqués » par leurs parents !

Oui, vous avez bien lu : FABRIQUÉS de toutes pièces à l’aide de médicaments ou autres radiations peu catholiques que leur père (Al) fit prendre à leur mère (Crystal Lil), avec l’accord de celle-ci.

Ces enfants sont leurs jolis rêves à eux ! Un gamin avec des nageoires à la place des bras et des jambes, une naine albinos et bossue, des siamoises et un étrange gamin dont tout le monde cru qu’il était normal, mais non, ouf !

Grâce à ses enfants, ses monstres, ses jolis rêves à lui (et à ceux qui moururent à la naissance et conservé dans des jerricans transparents), Al Binewski a fait renaître de ses cendres sont cirque et offert du travail à ses enfants.

Comme elle disait souvent : Quel plus beau cadeau peut-on faire à ses enfants que la capacité intrinsèque à gagner leur vie en étant simplement eux-mêmes ?

C’est Oly (Olympia), leur fille naine, bossue et albinos qui nous narrera tout le récit (472 pages) de leur épopée familiale, passant des années de sa jeunesse au cirque à celle de sa vie dans un immeuble, lorsqu’elle a plus de 30 ans, surveillant sa fille qui ne sait pas qu’elle est sa mère et surveillant sa mère à elle qui ne voit pas qu’elle est sa fille à cause de sa déficience oculaire.

Alors que l’on pourrait penser que la vie fut merdique pour des enfants aussi « monstrueux », on se rend compte que pour eux, les monstres, c’est nous parce que nous sommes des « normos », comme ils nous appellent.

N.S. : Si vous pouviez le faire d’un coup de baguette magique, ne voudriez-vous pas que toute votre famille soit physiquement et mentalement normale ?
Oly : C’est idiot ! Chacun d’entre nous est unique. Nous sommes des chefs-d’œuvre. Pourquoi voudriez-vous que je souhaite que nous devenions des produits fabriqués à la chaîne ? Vous, la seule manière dont on peut vous distinguer les uns des autres, c’est grâce à vos vêtements.

Eux, ils sont fiers de leurs différences, ils en jouent, et notre Oly se considère même comme la moins intéressante de la fratrie puisqu’elle n’a pas de numéro à elle. Non, elle, elle au service de son frère Arty, l’Aqua Boy, celui qui ne veut pas qu’on lui fasse de l’ombre, celui qui est égoïste et qui veut que tout le monde marche au son de sa musique.

Si certains personnages sont plus attachants que d’autres – Oly, les siamoises et Chick, celui qu’on pensait « normo » – l’Aqua Boy est le plus détestable de tous à cause de son caractère égocentrique et de sa jalousie exacerbée, sans parler de ses penchants pour la dictature.

Un véritable personnage détestable qui tient Oly sous sa coupe et ensuite presque tous les autres membres de sa famille, arrivant même à détrôner son père de sa place de directeur du cirque, n’hésitant pas à manipuler les autres pour arriver à ses fins, quitte à tuer s’il le faut ou à jouer avec les sentiments qu’Oly éprouve pour lui car notre naine bossue albinos est raide dingue de son frère et lui obéit en tout point.

Arty s’était toujours épanoui comme une fleur dès qu’on lui offrait un peu d’attention individuelle.

J’avais constaté dans la douleur qu’il n’avait pas besoin de moi. Qu’il pouvait se passer de moi de manière permanente sans qu’à aucun moment je ne vienne à lui manquer. Il avait toutes ces autres personnes prêtes à danser pour lui. Moi, je n’avais que lui.

Durant tout le récit, nos sentiments s’alternent, on passe de la répulsion, de la gêne, à un sentiment malsain lorsqu’on découvre le récit du père pour fabriquer ses petits monstres…

Puis on est ému par le récit que nous fait Oly, la perte de sa fille qu’elle a dû abandonner, on est révolté par le comportement de l’Aqua Boy, estomaqué par l’espèce de secte qu’il a créé et par ces imbéciles qui sont prêts à se faire amputer de partout pour lui ressembler…

Sans compter qu’il y a une bonne dose de mystère dans le récit : pourquoi Oly vit-elle dans une grande ville, dans un immeuble et plus avec sa famille dans leur camping-car ? Que s’est-il passé que la famille à éclaté ? Ou sont les autres ? Que sont-ils devenus ?

Le final nous enfonce un poing dans le ventre, la raison de l’éclatement aussi, on reste bouche bée et le malaise s’accentue.

Lorsqu’on referme ce livre, on se dit que ce genre de roman n’est pas banal, pas courant… et on ne sait plus trop sur quel pied on doit danser. Une chose est sûre, on n’en ressort pas tout à fait indemne et il faut du temps pour que le sentiment de malaise s’estompe.

Un roman de la rentrée littéraire de septembre 2016 qui n’est pas une vraie nouveauté puisque sorti en 1989 et lorsque j’ai vu son ancienne couverture sur le Net, je me suis souvenue de l’avoir eu un jour en main, dans les années 90, mais de ne pas l’avoir acheté.

J’avais eu raison, c’est un roman qu’il vaut mieux savourer avec de la bouteille pour en retirer toute sa quintessence car c’est un roman qui ne plaira pas à tout le monde.

Étoile 3,5

PS : Je devrais lui mettre un 4/5 mais vu qu’il ne plaira pas à tout le monde, j’oscille entre un « Très bon cru à lire » (3,5) et un « Grand cru » (4). 3,75 dirons-nous ! MDR

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017), Une année avec Gallmeister : les 10 ans chez LeaTouchBook et Le « Challenge US 2016-2017 » chez Noctembule.

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33 réflexions au sujet de « Amour monstre : Katherine Dunn »

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  5. Je pense que le texte ne doit pas être totalement le même entre les deux éditions. Gallmeister a du refaire la traduction. Non???
    En lisant ton billet, j’avais éléphant man en tête et je ne crois pas que je me laisserais tenter. 🙂

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      • j’ai voulu regarder le films Freaks et le fait que l’on abuse des gens un peu différent m’a révolté. J’ai vu des extraits sur Arte qui passait le film au même moment, je n’ai pas pu le regarder en entier.
        Je me souviens encore d’avoir vu Elephant Man au cinéma. J’en suis encore traumatisé. Alors un livre et même bien traduit… pas possible….

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        • Oui, avant on en abusait, et ma foi, on le referait sans doute maintenant… L’Homme est ainsi fait, hélas.

          Ici, les parents aiment leurs enfants, même s’ils ont fait exprès de les faire biscornus… et les gosses étaient fiers de leurs différences, en plus !

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            • Les animaux aussi sont parfois pas tendres avec les « différents »… Mais bon, ce sont des animaux et ils ne font pas de distinction entre le Bien et le Mal comme nous. Eux, je les excuse, les Hommes pas… mais lorsque nous sommes enfants, nous n’étions pas des tendres non plus ! Le tout est de comprendre ensuite.

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              • Souvent la bêtise des parents sort par la bouche des enfants.
                Les enfants peuvent comprendre et évoluer. C’est de futurs adultes.
                Pour la plupart des adultes c’est trop tard. Pour certains, je leur donnerais bien des dragués fuca pour leur dérider l’anus 🙂

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  7. Pfiou, rondidiou, a mon avis il ne faut aps lire ça quand on a un coup de mou! Pour les vacances alors?
    en tout cas cette lecture me tente bien. Beaucoup de thèmes semblent y être abordés.

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  8. Humm… je n’ai déjà pas lu le bouquin que ma belle mère m’a offert sur l’histoire d’un aveugle dans un camp de la mort… alors cette histoire de parents malsains qui font exprès de concevoir des monstres j’avoue que c’est un peu trop grinçant pour moi… même si évidemment il y a visiblement derrière ça une réflexion sur ce qu’est le normal et l’a-normal… et sur la relativité des normes.

    J’ai pas lu le livre et j’ai déjà envie de coller les parents au bagne et de faire cuire le hareng dictateur au court bouillon!

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    • Ta belle-mère t’aime, on sent bien ça… un aveugle dans un camp, comme s’il n’avait pas déjà assez de misères, on les double ! Punaise…

      Oui, la relativité des normes… dans un endroit peuplé d’anormaux, ce serait toi, la normale, qui serait l’anormale.

      Pourtant, les enfants étaient heureux, sans doute plus heureux que certains « normo »… ils étaient aimés ! Oui, le frangin est un petit Franco…

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