Titre : La malédiction du Norfolk
Auteur : Karen Maitland
Édition : Sonatine (sept 2014) / Presse Pocket (2015)
Résumé :
1208. Le pape Innocent III, en conflit avec le roi Jean, prononce un interdit sur tout le royaume d’Angleterre.
Les églises et les cimetières sont fermés, le haut clergé quitte le pays, les prêtres ont défense de célébrer les offices ou de conférer les sacrements, ni confession, ni mariage, ni extrême-onction.
S’ensuit un véritable chaos spirituel dans le royaume, en particulier chez les plus démunis, ceux pour qui la foi est le seul recours.
C’est dans ce contexte particulièrement difficile qu’une jeune paysanne, Elena, est appelée au service du seigneur de Gastmere, dans le comté de Norfolk.
Là, on l’oblige à s’adonner à un étrange rituel, celui des « mangeurs de péchés », consistant, en l’absence d’extrême-onction, à prendre sur sa conscience tous les péchés non expiés d’un mourant.
Cette cérémonie va être le début d’une véritable descente aux enfers pour la jeune fille qui se retrouve bientôt accusée de meurtre.
Son cauchemar ne fait que commencer.
Critique :
Angleterre 1208. Suite à une grosse querelle entre le roi Jean d’Aquitaine-Angleterre (ex Jean Sans Terre) et le pape Innocent III, toute l’Angleterre est sans prêtres, sans curés, ses cimetières et églises sont fermées, plus d’offices célébrées… Plus rien, quoi ! RIEN !
Toute l’Angleterre ? Oui ! Ici, il n’y aura pas de « Un petit village résiste encore et toujours à l’envahisseur ».
Nous, en 2016, dans le cas où ça arriverait, ce ne serait pas aussi grave qu’à cette époque puisque les mariages passent d’abord par l’officier d’état civil et je me demande qui pense encore à se confesser de nos jours.
Oui, mais en 1208, ce n’est pas le cas ! Les croyances sont fortes, les gens sont « simples », l’Église est toute puissante et si tu meurs sans confession, je ne te raconte pas les tourments de l’Enfer que l’on te promet ! Idem pour un enfant mort sans être baptisé : les limbes ! Eux, ils en ont encore la trouille de tout ça, ces gens pieux et simples.
Faut dire qu’on les a gavé pire que des oies, avec toutes ses choses sur les non-confessés et les non-baptisés. Comme si Dieu allait vraiment envoyer des enfants innocents dans des limbes ! Anybref…
C’est dans ce contexte tendu entre Jean et Innocent que nous faisons connaissance des différents personnages qui vont nous entrainer dans cette histoire médiévale. Ils sont nombreux mais impossible de les confondre ou d’en faire une soupe car chacun est bien distinct de l’autre.
Notons Elena, jeune serve, belle, rousse flamboyante, une fille de campagne qui vient de se faire déniaiser par son fiancé mais qui restera toujours un peu niaise, idiote et naïve au fil des pages.
— C’est dangereux, tu es quand même capable de comprendre ça, non, espèce de petite idiote ? La prochaine fois, je ne serai peut-être pas là pour sauver ta misérable tête.
Énervante, Elena le sera souvent. Grosse envie de la baffer, parfois, mais nous sommes en 1208 et l’Éducation Nationale pour tous n’est encore que de la SF à cette époque. Alors, on lui pardonne son imbécilité et ses croyances qu’on lui a bourrée dans le crâne. C’est pas de sa faute…
Penser le mal, lui avait dit un jour le prêtre du village, était aussi condamnable que le commettre.
Nul besoin de prêtres là-bas [en Terre Sainte]. Le pape avait juré que tout homme qui périssait en combattant de la Croix mourrait absous de tous ses péchés.
Un qui mérite le détour, c’est Raffaele qui pourrait être aussi savoureux qu’une friandise de chez Ferrero à la noix de coco sauf que le pauvre n’a plus ses bonbons…
Au milieu de tout ces étalons ou, au pire, de ces « entiers » (puceau), notre Raffaele est un hongre ! On n’oubliera pas de dire merci à sa maman – la salope – qui l’a offert à l’Église (encore Elle !) pour qu’elle en fasse un Petit Chanteur À La Croix De Bois version castrat.
Sans compter que maître Raffaele valait mieux que n’importe quel messager céleste, dans la mesure où, comme le savait tout un chacun, il était castré, si bien que, contrairement à l’archange Gabriel, il ne risquait pas de vous laisser avec un bâtard dans le ventre.
Hélas, Raffaele n’ayant pas le talent d’un Farinelli et il est finalement renvoyé à ses chers parents et sa chance viendra en devenant l’écuyer, l’ami et l’intendant de sire Gerard de Gastmere lorsqu’ils en auront terminé avec les Croisades. Raffaele, stature imposante et voix de fillette, la vie ne fut pas facile pour lui et ne l’est toujours pas.
— Maître Raffe, vraiment ? Tu parles d’une veine ! Alors, comment il est, le Bouvillon ? On dit qu’il fait des trucs que même une pute à matelots connaît pas.
Son passé en Terre Sainte recèlera quelques récits sanglants qu’il nous contera au fur et à mesure du récit, tout en nous gardant du suspense, le vieux bougre ! Le final de son récit m’a serré les tripes.
Ce roman de 528 pages se lit tout seul, les entrées de chapitre nous dévoilant une partie de l’herbier de la mandragore (instructif et amusant), les personnages sont travaillés, les deux méchants – Osborn et Hugh de Roxham – sont de vrais salauds bien torchés, comme on les aime. Cruels, sadiques, jamais avares de répliques cinglantes et d’insultes bien senties. Et dans ces contrées, la Justice était expéditive et la torture normale.
— Mordiable, pourquoi faut-y que ça soit un des hommes de la suite de lord Osborn ! Avec un autre, on aurait pu s’contenter de pendre le premier gredin venu, dire que justice était faite, et on n’en parlait plus.
En plus de posséder du mystère, une enquête, des meurtres et des complots, le récit nous parle de la misère des gens de cette époque et met bien en avant la différence énorme entre les serfs, les gens nés « libres » et ceux dit « de noble extraction ».
Entre nous, on est tous extrait du même endroit, sauf peut-être les frères Roxham qui durent être extrait hors d’un cul de basse-fosse… Je pense qu’ils ne sont pas les seuls…
L’enfer étant pavé des meilleurs intentions possibles, notre pauvre Elena va en voir de toutes les couleurs et n’est pas encore sortie de l’auberge.
Quant à Raffaele, il a beau être un hongre qui a mal vieilli (ça fait souvent ça quand on les coupe), il est un personnage fort, puissant, tenace, têtu et il m’a conquis. Tout comme les personnages ô combien étrange de Ma la mère maquerelle et de Talbot.
— Qu’un mendiant pète dans cette ville et je le sais avant qu’il en sente lui-même l’odeur !
— Je ne condamnerais pour rien au monde une femme qui se servirait d’un couteau contre un homme qui le mérite. Mieux, j’admirerais son cran.
Un excellent roman historique, une belle plume, une narratrice hors du commun pour certains passages, une grosse louche de croyances, de bigoterie, des complots, du sang, de l’intrigue, du suspense, des retournements de situation, la vie dans un lupanar et le tout sans vous rendre l’Histoire – celle avec un grand H – indigeste.
Quelques passages m’ont serré le cœur car je me suis dit que les exactions commises par certains n’ont rien à envier avec celles commises par d’autres… Autre temps, même mœurs et imbécilités commises par des Hommes et ça me révulse. Et ce n’est pas à Lui que j’en veux, mais à eux !
— C’est impossible. L’Église nous avait certifié que si nous partions en croisade, tous les péchés commis avant et pendant les guerres saintes nous seraient immédiatement pardonnés, effacés, comme s’ils n’avaient jamais existé. On nous l’avait juré. C’était un infidèle. Un mécréant. Le tuer était un acte sanctifié, un acte juste. L’Église nous avait promis le pardon.
— Cette nuit-là, les prêtres qui accompagnaient l’armée de Richard vinrent bénir les hommes et tenter de les réconforter, leur assurant qu’ils étaient lavés de tous leurs péchés et qu’ils avaient œuvré pour la plus grande gloire de Dieu, car ces hordes païennes étaient de toute façon damnées, condamnées à brûler en enfer. Ils se juchaient sur un tertre ici ou là et déclamaient les paroles de saint Bernard de Clairvaux dans la touffeur de la nuit : “Le chrétien tire gloire de la mort d’un païen, parce que par là le Christ lui-même est glorifié.”
La vie est comme une roue, elle tourne et revient toujours à son point de départ, mais ils sont nombreux ceux qui ne l’ont pas encore compris…
Les loups pissent pour marquer leur territoire ; mais qu’ils sentent l’odeur d’une autre bande, et ils se retirent en silence. Pourquoi risquer un combat qui peut vous mutiler ou vous tuer ? Mais les humains, eux, vont se déchaîner et massacrer leurs semblables par milliers dans le seul but d’aller planter leur petit bout d’étoffe au sommet d’une colline ou d’un rempart.
— Semez ce que vous aimeriez récolter. Faites à autrui ce que vous aimeriez qu’il vous fasse.
Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016), le Challenge « Polar Historique » de Sharon et « A year in England » chez Titine.
Ping : Challenge Thriller et polar – session 2015-2016, bilan final | deslivresetsharon
Ping : Bilan Livresque Mensuel : Mars 2016 | The Cannibal Lecteur
Ping : A year in England – Récapitulatif | Plaisirs à cultiver
Il a l’air vachement bien ! J’avais beaucoup aimé La compagnie des menteurs et j’ai Les âges sombres dans ma pal, tu m’as donné envie de ne pas l’y laisser croupir !
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne dois pas laisser croupir les âges sombres, moi !! ;-))
J’aimeJ’aime
Super chronique !!! De l’auteur, j’avais lu et beaucoup aimé « La Compagnie des menteurs », alors celui-ci n’avait pas tardé à rejoindre mon abyssale PAL, et tu me confirmes que j’ai vraiment bien fait ! Merci 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Lu aussi la compagnie des menteurs et adoré l’ambiance. Bon, maintenant, faut que tu le lises ! 😉
J’aimeJ’aime
Rhaaaaaaaaaa, ma Chouchou.
J’ai trop eu de la chance de l’avoir en novembre dernier à la bibliothèque. Elle est délicieuse. Elle parle de son livre avec tellement de passion que tu te rends compte que lors de ta lecture, tu es passée à coté de pleins de petite chose.
Karen Maitland, une auteure à défendre.
Vivement son 4e !
J’aimeAimé par 1 personne
Merde, je parie que je suis passée à côté de tas de trucs, alors !! Chite !
Bon, tu lui fait une grosse bise si tu la revois et tu lui dis que j’aime ses livres !
J’aimeAimé par 1 personne
Peut-être en Décembre prochain 😉
J’aimeJ’aime
Ta chronique donne envie. J’apprécie le genre même si je n’en ai pas lu depuis un moment ! Je note 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Note, dès que j’ai accès à ce que je n’ai pas ici, je ferai quelque chose pour toi, mais faut me rappeler parce que j’ai une mémoire de poisson rouge !
J’aimeJ’aime
J’avais été « envoutée » par « La compagnie des menteurs. ».. vu ta chronique celui c! doit rejoindre la liste des « à lire absolument ! ».
J’aimeAimé par 1 personne
Adoré aussi la compagnie des menteurs, la tension qui existait m’avait fichu la trouille !
J’aimeJ’aime
j’ai un peu du mal avec les romans historiques. Du coup, même si tu donnes envie ( pas toi hein! ta chronique ! 😉 ) je passe mon tour 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Rhôô, elle aime pas les romans historiques ! J’adore les romans policiers historiques, j’ai mes crimes à résoudre et ma portion d’Histoire pour ma cul-ture !
J’aimeAimé par 1 personne
nan j’en ai trop bouffé à l’époque où c’était la mode. M’en suis dégouttée toute seule! lol
J’aimeAimé par 1 personne
J’évite les trucs de mode !!
J’aimeAimé par 1 personne
ça t’a évité l’overdose, tu as bien fait 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Faut que le truc me botte, alors, comme les couleurs orange, par exemple, alors, je profite que c’est à la mode, mais je mets mes affaires longtemps, et je les recycle encore pour après, quand je promène les chiens ou que je monte ma bique.
J’aimeAimé par 1 personne
tu montes une bique ???
J’aimeJ’aime
Je le veux!!!!Je l’avais déjà noter dans un coin mais ta chronique donne trop envie de se jeter dessus!!!!!!
Bizzzzzzzzzzzzz******
J’aimeAimé par 1 personne
Elle le veut ! Là, on sent que tu as envie… Ma chronique, on en a une énoooorme envie *sur l’air de Groquick*
J’aimeAimé par 2 personnes
Mdr!!!!Tu me fais toujours trop rire, ne change rien!!!!;)
J’aimeAimé par 1 personne
Ok, je change rien !
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai tres envie de le lire et ta chronique est merveilleuse 🙂
Il est dans ma PAL en plus 😘
J’aimeAimé par 2 personnes
Merci à toi pour tout ces compliments ! Il trainait dans la mienne depuis sa sortie, une honte que je l’ai oublié ! Pire, il était noté sur mon post-it « À lire au plus vite »…
J’aimeAimé par 1 personne
Tu as bien fait de le lire 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne devrais pas en avoir autant d’avance, mais c’est une maladie incurable !
J’aimeAimé par 1 personne
Et contagieuse 😜
J’aimeAimé par 1 personne
Vite, un vaccin !! mdr
J’aimeAimé par 1 personne
Jamais de la vie malheureuse 😊
J’aimeAimé par 1 personne
Un vaccin pour continuer alors !!
J’aimeAimé par 1 personne
Laisse la contagion tranquille loool
J’aimeAimé par 1 personne
On va laisser la contagion agir !
J’aimeAimé par 1 personne
Ouiiiiii lol
J’aimeAimé par 1 personne
Contagie-nous !
J’aimeAimé par 1 personne
Je vais tâcher 😊😊😊
J’aimeAimé par 1 personne
Je te surveille !!
J’aimeJ’aime