Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B : Jacques Tardi

Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B - Jacques Tardi

Titre : Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B

Scénariste : Jacques Tardi
Dessinateur : Jacques Tardi

Édition : Casterman (2012)

Résumé :
Avec Moi, René Tardi, prisonnier de guerre – Stalag IIB, Jacques Tardi concrétise un projet mûri de très longue date : transposer en bande dessinée les carnets de son propre père, rédigés des années durant sur des cahiers d’écolier, où celui-ci tient par le menu la chronique de sa jeunesse, en grande partie centrée sur ses années de guerre et de captivité en Allemagne.

Après avoir, comme on le sait, énormément travaillé sur la guerre de 14 – 18, c’est la première fois que Tardi se penche d’aussi près sur la période de la Seconde Guerre mondiale.

Ce faisant, il développe également un projet profondément personnel : en mettant en images l’histoire de son père militaire, Tardi explore rien moins que les racines, les origines et les ressorts de sa propre vie.

Ce « roman familial » prend des accents d’autant plus intimes que Tardi a associé au projet deux de ses propres enfants, Rachel (qui assure la mise en couleur) et Oscar (documentation et recherches iconographiques).

Moi PlancheA_175323Critique :
— Ach, fous zavez berdu la guerre, petits françouzes, alors, on fa fou le faire bayer cher dans nos kamps *rire sadique*

Ainsi devait parler le feldwebel « Kolosal Konnard » ou tout autre « Kartoffel-Führer », faisant son dikkenek devant les pauvres soldats français qui venaient de se prendre la pâtée en un temps record.

Ne vous en faites pas, nous les Belges, on se croyait tranquilles car neutres…

On s’était tous foutus le doigt dans l’œil jusqu’au coude et bardaf, ce fut l’embardée.

Tout comme Art Spiegleman l’a fait dans son « Maus », Jacques Tardi tente aussi de comprendre son père au travers de la réalisation de cet album où il se met en scène à ses côtés, lui posant « en direct » des questions, le suivant durant son périple en char ou en tant que prisonnier dans le Stalag IIB, en Poméranie.

On sent du Louis-Ferdinand Céline dans cette haine de René Tardi ressent contre la société qui n’a pas bougé, contre cette armée française incompétente, dépassée, mais qui se croyait la plus forte, contre ces officiers n’ayant pas évolué depuis 14-18 ou depuis les guerres Napoléoniennes et devant la bêtise incommensurable de la guerre…

Le fils, Jacques Tardi, a lui aussi les dents qui grincent lorsqu’il parle au début, rappelant à son père qu’il n’aimait pas l’armée, que la SNCF a transporté gratuitement les Juifs pour les livrer… Alors le père lui dit de se taire et d’écouter.

Vu le calvaire traversé durant son incarcération au Stalag, on sent aussi du Primo Levi (même si les Stalags n’étaient pas des camps d’extermination à proprement parler, ce n’étaient pas non plus des camps de vacances) et, comme j’en parlais plus haut, il y a du Art Spiegelman dans cette obstination à comprendre ce qu’a vécu son père pour pouvoir enfin se réconcilier avec ce paternel taciturne et colérique.

Si je ne suis pas fan des dessins de Tardi, ils ne m’ont néanmoins pas dérangés, c’est sobre, réaliste, le tout dans des tons gris, avec de temps en temps des ciels rouge sang.

De plus, j’ai apprécié cette mise en scène de l’auteur qui s’est dessiné sous les traits d’un jeune gamin de plus ou moins 14 ans et qui dialogue avec son père, nous montrant ainsi son passé de conducteur de char (on ne dit pas tank) avant de se retrouver au Stalag, puis dans une ferme en tant qu’esclave bon marché puis de retour au Stalag.

C’est toute la vie des prisonniers dans un Stalag qui se déroule sous nos yeux, avec les soldats français qui font chier les compteurs allemands, bougeant sans cesse, le black market, la bouffe infecte, le travail inhumain, le traitement des prisonniers aussi, la débrouille, la joie, la tristesse, les prisonniers russes encore plus mal lotis qu’eux et les américains comme des coq en pâte.

L’histoire est dure, sans pitié pour personne, que l’on soit un fritz salaud, un prisonnier lâche, cafteur, un travailleur forcé mettant un peu trop d’ardeur à ramasser les patates pour le grand Reich, ou un officier imbécile.

Et puis, comme pour tout le reste, il y a aussi un peu de solidarité entre certains prisonniers, des amitiés fidèles, des officier bosch un peu plus sympa que les autres.

C’est corrosif, avec un peu d’humour parfois, c’est cinglant et sans édulcorants.

Le genre de lecture dont on ne ressort jamais indemne.

Étoile 5

RAT A Week Estival, Summer Edition chez Chroniques Littéraires.

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14 réflexions au sujet de « Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B : Jacques Tardi »

  1. Bouh! Mais c’est vachement dur comme lecture! Ça me fait penser au super bouquin que ma offert ma belle-mère qui m’adore : l’histoire d’un aveugle dans un camp de concentration! J’ai été ravie!!! Chuis sûre qu’elle me déteste! Mais bon en même temps… C’est la mère de Toquéfada alors… On peut imaginer qu’elle vit dans un autre monde que les gens normaux… Et qu’elle puisse avoir des goûts étranges… 😖

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    • Elle t’aurait détestée plus si elle t’avait offert « guide du savoir vivre » ou « comment bien s’occuper de votre mari, signé la maman du mari » ou « comment vivre pleinement sa vie sexuelle d’abstinence »…

      Un aveugle dans un camp, ça devait pas être très folichon !!!

      Oui, c’est la maman de ton homme, donc…

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  2. Moi ça ne me fait pas envie du tout même si je sais que nous devrons parler de cette guerre à nos descendants, jusqu’à notre dernier souffle, pour ne jamais oublier jusqu’où peut aller l’abomination… Mais j’évite de me faire du mal et comme les BD et moi, euh…hein…d’accord ? d’accord. 😆 Mais ton billet est touchant, bravo !

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