Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan : Ron Stallworth

Titre : Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan

Auteur : Ron Stallworth
Édition : Autrement (22/08/2018)
Édition Originale : Blackkklansman (2014)
Traducteur : Nathalie Bru

Résumé :
« Tout a commencé un jour d’octobre 1978. Inspecteur à la brigade de renseignement de la police de Colorado Springs, j’avais notamment pour mission de parcourir les deux quotidiens de la ville à la recherche d’indices sur des activités subversives.

Les petites annonces ne manquaient jamais de m’étonner.

Parfois, entre stupéfiants et prostitution, on tombait sur un message qui sortait de l’ordinaire. Ce fut le cas ce jour-là.

Ku Klux Klan
Pour tout information :
BP 4771
Security, Colorado 80230

Moi qui voulais de l’inhabituel, j’étais servi. J’ai décidé de répondre à l’annonce.
Deux semaines plus tard, le téléphone a sonné.

« Bonjour, je suis chargé de monter la section locale du Ku Klux Klan. J’ai reçu votre courrier. »

Merde. et maintenant je fais quoi ? »

Critique :
JUBILATOIRE !

Une grande envie d’éclater de rire si le sujet traité n’était pas aussi grave : la ségrégation raciale, le KKK et le suprémacisme Blanc.

Oui, à certains moments, le récit donne envie de pouffer de rire devant ce Grand Dragon qui explique, bien sérieusement comment il fait pour détecter la différence entre un Noir ou un Blanc (tendance « bon aryen » – à lire d’un seul tenant pour le jeu de mot) au téléphone alors qu’au bout du fil, il a un policier Noir…

Risible parce que ces KKK sont des hypocrites qui, rejetant la religion catho, lui en emprunte tout de même une partie de son décorum et de ses « au nom du père, du fils et du saint-esprit ».

Lors de ses cérémonies les plus sacrées, le Klan empruntait à la liturgie catholique pour laquelle il affichait un profond mépris. Une des preuves les plus flagrantes de leur hypocrisie.

Risible ces klansman parce que, comme leur dirait bien Scar (Le Roi Lion) « vos pouvoirs de réflexion volent plus bas que le derrière d’un cochon ».

Leur niveau intellectuel n’est guère brillant mais leurs orateurs ont une belle rhétorique et les gens ne retiennent jamais que ça : celui qui a eu le dernier mot, celui qui ne s’est pas laissé démonter à un débat. On retient les mauvais chiffres, les fausses infos, jamais celles qui étaient véridiques.

Oui, ce livre ressemble à une grosse farce et pourtant… En 1978, Ron Stallworth, policier à Colorado Springs a pourtant réussi à infiltrer la section locale du KKK, même si, aux réunions, il y envoyait une doublure, un policier Blanc.

Malgré tout, derrière la farce et le bon tour que ce flic Noir jouait aux White Powers, on sent aussi dans le texte qu’il ne fallait pas aller chez les gars du KKK pour trouver du racisme, du ségrégationnisme et de la haine de l’autre.

Notre policier en a bavé, il rappelle d’ailleurs souvent que nous étions dans les années 70 et que ce qui se disait à l’époque ne pourrait plus se dire de nos jours sans un blâme mais que malgré toutes les avancées que l’Amérique a faite, le racisme est toujours présent, qu’il n’a pas baissé depuis les années 70, même si les Noirs ont acquis des droits.

Véritable enquête dans le milieu des racistes en cagoules blanches, notre policier a monté un dossier sur eux, avec l’accord de ses chefs, a levé quelques lièvres qui seront déplacés ailleurs.

Se jouant de ces suprémacistes aryens qui se pensent assis plus haut que les autres, notre policier a fait preuve d’une audace et d’un culot monstre à une époque où il était le seul policier Noir dans le coin et où on lui demandait de ne jamais répondre aux provocations, faisant, une fois de plus, taire les victimes alors que les coupables s’en sortaient blanc comme neige.

Je suis Blanche, de par ma couleur de peau, j’ai plus de droits que certains, de par mon sexe, j’en ai moins que d’autres. En fait, quand j’y pense, je me dis que j’ai énormément de chance, j’aurais pu naître à une autre époque et dans une autre couleur de peau, ce qui aurait changé toute ma vie car comme eux, j’aurais dû me battre ou subir.

Restons vigilants car ces derniers temps, des démagogues sont arrivés au pouvoir, les grosses ficelles des populistes sont de sorties et elles font mouches car leur rhétorique est bonne et elle plait à une partie de l’électorat, malgré leurs casseroles au cul, malgré leurs conneries, ils/elles séduisent. Ce sont de bons vendeurs et je vais gaffe de ne pas tomber dans leur jeu, malheureusement…

Duke était un bon débatteur, il connaissait son sujet et savait parfaitement justifier ses thèses. Il était décontracté et en apparence plein de savoir-vivre – davantage encore, semblait-il, lorsqu’il était attaqué de front par des gens qui maîtrisaient mieux que lui la question. Et quand on démontait ses arguments fallacieux, étayés par des faits mensongers, Duke gardait son calme. Il opposait une rhétorique spécieuse qui laissait souvent ses adversaires K.-O. et donnait le sentiment qu’on avait affaire à un type brillant.

Un excellent roman qui m’a fait sourire tout en me serrant les tripes car ces suprémacistes, ils sont toujours parmi nous. Y’en a même qui veulent construire des murs.

Trop souvent, par l’ardeur qu’ils déploient pour trouver un « scoop », les médias génèrent eux-mêmes les événements dont ils parlent ensuite. Ce qui ne sert que l’individu et le sujet couvert, en offrant une tribune ou un pouvoir que ni l’un ni l’autre ne mérite.

Une journée hautement comique, à y repenser : les hommes du Klan avaient trois flics infiltrés parmi eux et on leur avait assigné comme garde du corps celui qui pilotait l’enquête.

Le succès se mesure parfois non pas à ce qui se passe, mais à ce qu’on a évité.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°128.

33 réflexions au sujet de « Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan : Ron Stallworth »

  1. Ping : Bilan n°6 du Challenge polar et thriller 2019-2020 | deslivresetsharon

  2. Ping : Le noir qui infiltra le Ku Klux Klan – Ron Stallworth | 22h05 rue des Dames

  3. Ping : Bilan n°5 du Challenge polar et thriller 2019-2020 et premier bilan de l’année ! | deslivresetsharon

  4. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Décembre 2019 | The Cannibal Lecteur

      • Comme mon tel beug j’ai cru que le message n’étais pas enregistré. En tout cas, j’ai commencé à le lire avant d’avoir celui en cours. Il va falloir que je finisse le roman épistolaire sur Dreyfus pour finir celui là. Le lien se fait bien dans la lignée de l’injustice et du mépris de certains biens pensants.

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            • Les vieux trucs marchent toujours et quand tout va mal, on accuse les autres. Vieux comme le Monde mais maintenant, on n’a plus l’excuse d’être ignorant comme nos ancêtres. Tu verras, on ressortira un jour le coup du sang des enfants catho pour faire le pain azyme !

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              • Il y a une citation que j’aime « le plus grand fléau n’est pas l’ignorance mais le refus de savoir ». Avant on disait que l’on ne pouvait pas savoir et maintenant on dit on ne veut pas savoir. Au final, y a t’il une différence?

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                • Celle là, je la note !!!!!!

                  Nous sommes dans un refus de savoir. Je peux comprendre que l’on sature, quand on sait trop, qu’on a parfois envie de ne pas savoir, surtout pour la bouffe, ça te mine, mais le savoir est lourd.

                  Les gens ne veulent plus réfléchir. Je pardonne encore à ceux qui n’avaient pas l’instruction, pas toutes les données en main, bref, je pardonne aux ignorants.

                  Plus à ceux de maintenant qui tiennent encore des discours qui datent de la reine Victoria !

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                    • Tout ce qui ne nous ressemble pas, on le rejette, on le croit « bête ». C’est pas le mot que je voulais dire mais y’a rien qui vient. Mon père trouvait bizarre que les musulmans se prosternent devant dieu et j’ai répliqué que les cathos se foutaient à genoux sur des bancs en bois. On a une culture et celle qui est différente de nous est « débile » pour la plupart des gens. Si nous étions musulmans, se prosterner devant dieu serait normal.

                      On a peur que les autres prennent notre place, peur d’eux, peur de ce qu’ils représentent, on les fustige parce que l’on voit dans leurs travers les nôtres. Enfin, c’est plus compliqué que ça, mais c’est déjà un début de réponse.

                      Et puis, l’Homme aime asservir les autres.

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    • Hélas oui, les inégalités liées à l’origine, la nationalité, le sexe, sont toujours présentes dans nos sociétés et pour moi, elles existeront toujours car c’est un trait de l’Homme que de juger l’autre, de le mettre sur le côté, de le considérer comme moins que lui… :/

      Vu que ces derniers temps on élit des racistes, des phallocrates, des misogynes, des menteurs, ça ne va pas aller mieux !

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  5. L’idée est cocasse en effet!

    Pour les emprunts au catholicisme… il ne faut pas oublier que les églises qui se réclament du protestantisme en sont issues et qu’elles y ont toutes puisé quelque chose.

    Ce qui est fou c’est de se rappeler que Luther voulait épurer l’Eglise de sa tendance à sombrer dans la pensée magique héritée des païens… et de voir qu’aujourd’hui le rigorisme des fondamentalistes qui prennent la Bible au pied de la lettre (ce qui est contraire à l’esprit initial de la Réforme) est plus délirant que le conservatisme catho… et je passe sur les exorcismes des évangéliques relevant de la dérive sectaire (prétendre chasser les démons supposés à l’origine d’un problème médical sans s’assurer que les gens ont vu leur médecin d’abord) alors que chez les cathos tu as un exorciste par diocèse rattaché à l’évêque et qui travaille en lien avec un psychiatre vers qui il renvoie 99% des gens se pensant possédés !

    Luther a eu raison de dénoncer les dérives de l’Eglise… mais les dérives du protestantisme américain ont donné des monstres!

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    • Je n’aime pas les gens qui prennent les écritures au pied de la lettre ! Ni ceux qui se pensent possédés par les démons alors qu’ils sont malades.

      J’avais déjà entendu parler des exorcistes mais que plus personne n’en faisait, qu’on envoyait les gens en psychiatrie, là où se trouve leur place 😆

      Je me demande si l’évolution a bien eu lieu partout, parce que certains n’ont pas de cerveau. Et on dérive de plus en plus…

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  6. J’ai adore le film….vraiment…….bien que, euh, en etant femme on doit continuer a se battre (c’est fatigant)….d’ailleurs j’ai toujours pense que la pire des situations reste la femme noire…..oui effrayant car cela revient…tout revient comme un boomerang….horrible….. mais quelle histoire !

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