Total Khéops : Jean-Claude Izzo

Total Kheops - Trilogie Fabio Montale - Izzo

Titre : Total Khéops

Auteur : Jean-Claude Izzo
Édition : Gallimard (1995)

Résumé :
Les morts s’accumulent à Marseille : d’abord Manu, ensuite Ugo, deux amis d’enfance de Fabio Montale, ex-petit malfrat devenu flic par grandeur d’âme.

Mais contre qui doit-il se battre? La pègre, soupçonnée de ces meurtres? La police qui reste passive ?

Montale sera-t-il suffisamment résistant pour entrevoir la vérité alors que les fantômes de son passé refont surface ?

Critique : 
Laissez tomber le Marseille de Marius, faites de même avec celui de la série  Poubelle La vie et entrez – si vous l’osez – dans une ville qui a tout d’un enfer annoncé.

La plume d’Izzo a un léger accent du Sud, vé, additionnée de quelques mots d’argot et elle t’entraine, avec son Fabio Montale de flic, à travers un Marseille qui a tout du 93 d’Olivier Norek !

Ici, on vote communiste, le FN fait son business et tout le monde en à après l’Arabe (Algérien), le Noir, le Jaune.

Aujourd’hui, ici, on votait presque à égalité pour les communistes et le Front national.

Bref, ils voudraient bien n’avoir que du Dash : le Blanc de Blanc. Ici, l’immigré, c’est de travers qu’il est regardé et bien entendu, parqué dans des Cités, terreau du banditisme.

Je m’accroupis devant le cadavre de Pierre Ugolini. Je venais d’arriver sur les lieux.Trop tard. Mes collègues avaient joué les cow-boys. Quand ils tiraient, ils tuaient. C’était aussi simple. Des adeptes du général Custer. Un bon Indien, c’est un Indien mort. Et à Marseille, des Indiens, il n ‘y avait que ça, ou presque.

Sans sombrer dans le pathos, l’auteur, au travers de son flic désabusé, nous montre une ville gangrénée par son racisme ambiant, violent, par son Histoire, aussi, pas très nette durant la Seconde Guerre Mondiale.

Izzo, il n’y va pas par quatre chemins et appelle un chat, un chat et le texte est ponctué de gros mots tels que bougnoule, crouille (terme raciste et injurieux utilisé pour désigner une personne d’origine maghrébine) ou niaquoué.

Je déteste ces mots, mais quand un raciste parle, il ne met pas des gants et cela aide à vous plonger encore mieux dans l’ambiance sombre et sordide de ces quartiers mal notés.

Marseille n’est pas une ville pour touristes. Il n’y a rien à voir. Sa beauté ne se photographie pas. Elle se partage. Ici, faut prendre partie. Se passionner. Être pour, être contre. Être violemment. Alors seulement ce qui est à voir se donne à voir. Et là trop tard, on est en plein drame. Un drame antique où le héros c’est la mort. À Marseille, même pour perdre il faut savoir se battre.

Fabio Montale non plus ne fait pas dans la dentelle, bien que lui, le racisme, il n’aime pas ça. Flic un peu trouble, au passé peu glorieux, voyou avant d’être flic, il est désabusé, a peur de s’engager, peur d’aimer. Un flic brisé mais on l’aime de suite, le Fabio.

Je n’ai jamais su parler des femmes que j’ai aimées. Je voulais préserver ces amours qui étaient en moi. Les raconter, c’était ramener les engueulades, les larmes, les portes qui claquent. Et les nuits qui suivent dans les draps froissés comme le cœur. Et je ne voulais pas. Je voulais que mes amours continuent de vivre. Avec la beauté du premier regard. La passion de la première nuit. La tendresse du premier réveil.

Cette enquête qu’il réalisera moitié en sous-marin, moitié en officiel, est aussi un bon prétexte pour nous faire découvrir la vile de Marseille au travers de ses banlieues, ses truands, ses petites frappes, sa zone, ses exclus, ses flics violents, ces parents qui ont démissionné, ces jeunes qui ne savent pas quoi faire et qui ne connaissent pas leur identité.

Ils étaient de Marseille, marseillais avant d’être arabes. Avec la même conviction que nos parents;. Comme nous l’étions Ugo, Manu et moi à quinze ans. Un jour, Ugo avait demandé : « Chez moi, chez Fabio, on parle napolitain. Chez toi, on parle espagnol. En classe, on parle français. Mais on est quoi, au fond ? » Des Arabes, avait répondu Manu.

Bien que nous soyons dans les années 1995, rien n’a changé depuis, hormis le Minitel qui est mort et les smartphones qui ont fait leur apparitions.

C’est un roman brut, un récit sans une once de lait (mais avec une pointe de sexe) rempli de misère sociale, économique, de racisme, de cadavres, c’est une enquête parmi les truands, le tout avec une touche de cuisine, de philosophie de la vie et de farniente. Oui, Fabio aime la cuisine, les calanques, la pêche et pas qu’au voyou.

Boxer ce n’est pas seulement cogner. C’est, d’abord, apprendre à recevoir des coups. À encaisser. Et que ces coups fassent le moins mal possible. La vie n’était rien d’autre qu’une succession de rounds. Encaisser, encaisser. Tenir, ne pas plier. Et taper au bon endroit, au bon moment.

Un putain de bon roman noir qui m’a enchanté, transporté, fait grimacé, serré les tripes devant certains faits. Dans ce roman, Fabio n’est pas le personnage principal, la ville de Marseille l’est aussi, ainsi que tout ce qui gravite dans ses ruelles.

— Fabio, j’aime les mojitos, mais je sens bien que je ne tarderai pas trop à aller me boire quelques pastis avec toi ! Vé !

Étoile 4

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016), Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle (Prix du festival de Saint-Nazaire en 1996) et Ma PAL « Canigou »… C’est du massif !.

19 réflexions au sujet de « Total Khéops : Jean-Claude Izzo »

  1. Ping : Challenge Thriller et polar – session 2015-2016, bilan final | deslivresetsharon

  2. lu la trilogie il y a bien longtemps … et relu un volume récemment , la différence entre le 1ere et 2eme lecture ? c’est que j’habite Marseille maintenant ! J’ai aimé la relecture car je « voyais » où ça se passait ! Après Marseille …. il y a de tout du bon du nettement moins bon mais les calanques sont superbes , la ville aussi , les usages m’emballent moins…

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  3. Il a l’air pas mal du tout !! 😀 Merci de la découverte ^^
    P.S. : j’ai pensé à toi car je viens de publier une chronique « je n’ai pas aimé » sur mon blog, comme ça tu peux venir sans avoir peur 😀 (après je ne garantis pas qu’il n’y ait pas un avis positif dans la journée qui débarque aussi haha)

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    • Et en plus, il y en a trois, de romans avec Fabio Montale… il y a donc des risques que je refasse des émules !

      Chouette, une chronique sans danger ! Parce que ces derniers temps, mamma mia, une hécatombe du côté de ma wish-list rien qu’avec toi ! mdr

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  4. Je confirme Haut et fort!!!!!!;), ça me rappelle des souvenirs agréables cette lecture, et pour le vivre au quotidien je trouve le passage que tu as choisi, est juste parfait!!!! »Marseille n’est pas une ville pour touristes. Il n’y a rien à voir. Sa beauté ne se photographie pas. Elle se partage. Ici, faut prendre partie. Se passionner. Être pour, être contre. Être violemment. Alors seulement ce qui est à voir se donne à voir. Et là trop tard, on est en plein drame. Un drame antique où le héros c’est la mort. À Marseille, même pour perdre il faut savoir se battre.  »
    Marseille c’est passionné, pas toujours reluisant, mais vivant!!!!;)
    Je te demande alors, tu poursuis la trilogie?

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