Un prisonnier modèle : Paul Cleave [Joe Middleton 2]

Prisonnier modèle, un - Paul Cleave

Titre : Un prisonnier modèle

Auteur : Paul Cleave
Édition : Sonatine (2016)

Résumé :
Joe Middleton s’est tiré une balle dans la tête. Par malheur, il s’est raté et a atterri à l’hôpital, escorté par une horde de policiers qui se demandent déjà s’ils n’auraient pas mieux fait de l’achever discrètement. Peut-être en effet auraient-ils dû.

Un an plus tard, Joe est toujours derrière les barreaux d’un quartier de très haute sécurité, accusé d’une série de meurtres plus horribles les uns que les autres. En attendant son procès, qui doit s’ouvrir quelques jours plus tard, il s’apitoie sur les vicissitudes de sa vie de détenu et tente encore de se faire passer pour un simple d’esprit auprès des différents experts en psychiatrie.

Mais pour ceux qui connaissent mieux Joe sous le nom du Boucher de Christchurch, seule une mort rapide est souhaitable.

À commencer par son ex-complice qui compte bien le faire abattre avant son entrée au tribunal ; Raphael, le père d’une de ses victimes, qui veut plus que tout au monde voir Joe payer ses crimes ; ou encore Carl Schroder, l’ancien policier qui a arrêté le tueur en série…

Critique : 
Quel plaisir de retrouver Joe Middleton, notre fameux Joe-Le-Lent, Boucher de Christchurch de son état.

Non, il ne découpait pas des côtelette à la boucherie Sanzot ! Joe, c’est tout simplement premier serial-killer qui m’avait fait rire.

Ici, on rigole moins… Joe est en prison – c’est sa place – et il n’a pas changé d’un iota : il pense toujours qu’il peut berner les gens, que lui seul a des droits et qu’on ne les respecte pas, que tout ceci est une erreur et qu’il va sortir libre de la prison avec sa ligne de défense imparable qui est « Je ne se souviens de rien ».

C’est bien connu, en prison, il n’y a que des innocents et niveau mauvaise foi royale, Joe n’est pas le seul champion du monde, la concurrence est rude avec Kenny-Le-Père-Noël.

— C’est dingue les trucs qui nous font paraître coupables, lui dis-je. Merde, le fait que tu te sois fait prendre dans une bagnole volée en costume de Père Noël avec un gamin enfermé dans le coffre, ça veut rien dire.
— Exactement, convient Kenny.
— Et le fait que c’était en avril n’a pas aidé. Ça t’a fait sortir du lot.
— Exactement. Alors quoi, c’est un crime maintenant de porter un costume de Père Noël à Pâques ?
— Ça devrait pas l’être. Tu crois que c’est un crime d’être déguisé en lapin de Pâques à Noël ?
— Et comment je pouvais savoir que ce gosse était dans le coffre ?
— Tu pouvais pas.
— Et je volais pas la bagnole, je croyais que c’était la mienne. Elle ressemblait à la mienne. Et il faisait noir. L’erreur est humaine.
— Les choses paraissent différentes dans le noir, dis-je.
— C’est ce que je veux dire. Ce gamin, il croit que c’est moi qui l’ai enlevé, mais comment il pourrait le savoir vu que je lui avais bandé les yeux ?
— Très juste. 

Surprise je fus lorsque j’appris qu’on avait écrit une suite de « Un employé modèle ». Que pouvait-on dire de plus ? N’allait-on pas tourner en rond et perdre le bénéfice d’une super lecture lors du premier opus ?

Vu les critiques élogieuses de mes potes blogueurs, j’ai ouvert le roman confiante, mais méfiante tout de même… Joe-Le-Lent aurait pu les payer pour qu’ils vantent la suite des ses aventures. Mdr

La suite est tout simplement jubilatoire, comme la première, mais dans un tout autre registre.

Paul Cleave a toujours une plume remplie d’humour noir et de cynisme.

Le roman, lui, est composé d’une recette imparable qui comprend : du suspense, du mystère, des bons mots, des situations cocasses, des rebondissements, des changements de narrateurs, une pincée de roman noir, du social, des embrouilles,…

Quant aux personnages, ils sont travaillés, on les connait, on a suivi leur parcours, ils ont leur force, leurs faiblesses. Pas de dichotomie entre les bons et les méchants, personne n’étant tout blanc ou tout noir. Quant à la mère de Joe, elle mérite l’Oscar du personnage le plus à l’Ouest !

Sans oublier que dans tous les romans de Paul Cleave interagissent entre eux, les personnages de l’un se retrouvant cité dans un autre, ou passant faire un petit coucou dans un autre… C’est une véritable toile d’araignée où tout se tient à merveille.

Il n’est pas nécessaire de les avoir tous lus pour comprendre, mais cela ajoute du piment pour le lecteur qui l’a fait, bien que ma mémoire passoire m’ait fait oublier des tas de petits détails.

Un employé Modèle possédait SA scène culte (dans le parc), les hommes doivent s’en souvenir, de cette perte horrible. Et bien, la suite en possède une autre qui m’a donné envie de vomir tout mon quatre heures et mon midi aussi. Beurk !

Les gardiens de prison sont forts devant un Joe emprisonné, mais ils feraient moins les mariolles et les durs devant un Joe en liberté ! Mais bon, ça risque pas.

« Bon appétit », me lance Adam, ce qui, je suppose, signifie Va te faire foutre en latin.
Je déballe le sandwich et ouvre le pain. Il y a des poils pubiens entre une tranche de fromage et une tranche de viande, suffisamment pour tricoter un pull à une souris – ce qui est ironique, car la dernière fois qu’Adam m’a apporté un sandwich, il y avait une souris crevée dedans. Je le remballe et veux le rendre à Adam, qui ne le prend pas.
« C’est soit ça, Middleton, soit tu crèves la dalle.
— Alors je crèverai la dalle. »
De la même manière que j’ai crevé la dalle après le sandwich au Mickey.

Une chose m’a fait réfléchir avec le comportement des gardiens de prisons et de certains flics…

A-t-on le droit de rabaisser un prisonnier accusé de multiples meurtres en lui faisant des saloperies ? Ne se met-on pas à son niveau en faisant cela ? Les flics auraient-ils bien fait s’ils avaient descendu Joe par « accident » lors d’une fausse tentative d’évasion ? S’ils l’avaient fait, cela aurait évité bien des drames.

Mais si on cautionne ce genre de comportements, n’est-ce pas la porte ouverte à tout et n’importe quoi, dont la déshumanisation de ceux qui se doivent d’être droit ? Vaste débat.

Une suite aussi jubilatoire que le premier tome, mais dans un registre différent, des retournements de situation, des chocs pour le lecteur, du suspense, du rire, de la peur, des petites subtilités, des questions que l’on se posera, pas de jugements, une intrigue complexe, de haut-vol, un puzzle dont les pièces se mettront en place lentement mais sûrement et des personnages qu’on prend plaisir à retrouver.

Un conseil : ne faites jamais confiance à Joe-Le-Lent… Ni à Mélissa X ! Mais plongez sans crainte dans cette suite délectable que le beau Paul Cleave nous a rédigé de sa petite plume acérée et jouissive.

J’ai un jour donné un coup de pied dans les couilles à un sans-abri et menacé de lui foutre le feu dans cette rue – même si, évidemment, je plaisantais. Je ne suis pas sûr qu’il ait saisi la plaisanterie – c’est le problème avec les gens, ils ne comprennent pas l’ironie.

Étoile 4,5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016), Le Mois du Polar chez Sharon (Février 2016) et Le « RAT a Week, Winter Édition » chez Chroniques Littéraires (565 pages – xxx pages lues sur le Challenge).

Mois du Polar - Février - Sharon