Le portrait de Dorian Gray – Version non censurée : Oscar Wilde

Titre : Le portrait de Dorian Gray – Version non censurée

Auteur : Oscar Wilde
Édition : Grasset Les Cahiers Rouges (14/09/2016)
Édition Originale : The Picture of Dorian Gray (1891)
Traduction : Anatole Tomczak

Résumé :
L’art n’a pas à être moral, l’artiste n’a pas à s’occuper des conséquences sociales de son chemin vers le beau.

Oscar Wilde y laissera la vie. Aura de scandale qui le poursuit toujours.

Paru en 1891 dans le Lippincott’s Monthly Magazine, c’est une version épurée par la morale d’époque qui paraît en roman, et qui sera traduite en français dès 1895. Il était temps de rebattre les cartes.

Un roman du désir. Mais avant tout un conte fantastique, et qui fait mal: le portrait que réalise du jeune Dorian Gray le peintre Basil Hallward serait un tel idéal de la beauté que le tableau devient insupportable à celui qui en fut le modèle.

Et s’il était possible que ce soit le tableau qui vieillisse, et que lui, Dorian Gray, garde à jamais ce visage tel qu’il a été transcendé et fixé ? L’incroyable puissance du récit tient à ce nœud, jusqu’au coup de couteau final.

Il était temps, plus que temps, de présenter le livre en français dans sa version originale, celle du Lippincott’s Monthly Magazine, avant les coupes subies par le roman – le monde anglophone a fait aussi cette révision.

L’occasion pour Christine Jeanney de reprendre entièrement un récit universel, et l’aiguiser pour la langue d’aujourd’hui, en exclusivité.

Critique :
Heureusement qu’il est noté que c’est la version non censurée, parce que sinon, je ne l’aurais pas cru si cela avait été ma première lecture de ce roman.

Il existait donc, au fond d’un tiroir, la version originale que Wilde donna à Stoddart, rédacteur de la revue américaine du Lippincott’s pour sa publication en 1890 ??

Encore eut-il fallusse qu’on le susse. Qu’on le sussasse ?

Anybref, on avait ressorti la vraie version, l’intégrale et je ne le savais pas !

Mais où est le shocking ? Je dois être moins cul béni et cul serré que les Anglais de l’époque, qui s’offusquèrent du roman de Wilde lorsqu’il sortit en roman (paru en 1891).

Ils ne savaient pas que cet oeuvre avait déjà subi le caviardage au Lippincott’s et que les choses les plus tendancieuses (les allusions homosexuelles, autrement dit) avaient été passée par pertes et profits (500 mots, au bas mot) ???

Sans doute que non, ou alors, leurs culs étaient serrés à mort car, après un épurage réalisé par ceux du Lippincott’s, les Anglais puritains ont de nouveau demandé à Wilde de censurer son texte, déjà caviardé… Ça caviardait fort.

Wilde reprend son texte, atténue ses aspects les plus sulfureux et y ajoute six chapitres afin de donner au roman une couleur plus mélodramatique. Ce sera celle que nous connaissons et que j’ai déjà lu deux fois (dont en juin 2019).

Pire, en 1895, le marquis de Queensberry s’appuya sur la version épurée parue dans le Lippincott’s afin de prouver la perversité de Wilde. Mon dieu, s’il avait su qu’il existait une version non censurée…

Mais bordel de cul, il est où le sulfureux ?? Je m’attendais à des scènes sensuelles entre mecs, des attouchements du service trois-pièces, des hommes se réveillant au petit matin, nus et puant le stupre et la fornication !

Cherchez pas, ce que les puritains ont vu et enlevé ne nous « en fera même pas bouger une » à notre époque…

Tout est suggéré, à demi-mot, même si on se doute qu’il se déroule des trucs pas net, dans la seconde résidence de Dorian Gray et que des gens jouent à tchik-y-boum, mais ces hypothèses sont le fait de mon cerveau, de mon imagination grivoise, un puritain n’aurait pas pu y lire autre chose… Apparemment, si !

Le marquis de Sade a fait bien pire et lui, au moins, c’était expliqué noir sur blanc, les scènes de cul !

Evidemment, Wilde avait du talent, de l’humour, de la répartie, et ça, ça ne pardonne jamais, les gens sont jaloux et il faut que vous tombiez dans la disgrâce la plus totale.

La loi condamnant l’homosexualité masculine y était pour beaucoup aussi, même si on a moins fait de scandale pour le petit-fils de la rein qu’on avait attrapé dans un bordel pour hommes… Le petit-fils de la reine peut jouer à des jeux entre hommes, ça passe mieux que Wilde, sans doute.

J’ai beau avoir relu la version censurée et caviardée, l’année dernière, j’aurais bien été incapable de dire qu’elles phrases se trouvaient en plus dans cette édition, si la préface n’en avait pas dévoilé quelques unes.

Mais ce n’est pas aux amours masculines que je m’attache dans ce roman, c’est aux personnages, fouillés, travaillés, bien développés, surtout Dorian, qui passe par tous les affres de la culpabilité ou du je m’en-foutisme, qui se perverti sous nos yeux et sur cette société coincée qui pense que si un homme est mauvais, cela se voit sur son visage…

Lord Henry et ses aphorismes, sa manière de jouir de la vie, me fait penser à un avatar de Wilde lui-même. Un avatar sombre puisqu’il pousse Dorian, tel un Méphisto, à passer du côté obscur de la Force.

Troisième relecture et le roman n’a rien perdu en force, j’ai même eu l’impression que je le découvrais pour la première fois (les miracles d’Alzheimer) et à nouveau, j’ai assistée, impuissante, à la chute de Dorian vers tout ce qui est laid, futile et mal.

Au fait, la bonne société de l’époque, celle au cul si serré, pourquoi ne s’est-elle pas offusquée du côté misogyne de leur société ? Ni de la manière dont ils traitaient leurs domestiques ?

Ils auraient mieux fait de donner plus de droits à leurs épouses et à leurs domestiques au lieu de débattre sur les allusions homosexuelles du roman… Sans doute ces dernières étaient plus croustillantes et sans danger pour cette société.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°247 et Le Mois Anglais chez Lou, Titine et Lamousmé (Juin 2020 – Saison 9).

 

20 réflexions au sujet de « Le portrait de Dorian Gray – Version non censurée : Oscar Wilde »

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  5. Oui bon à l’époque le simple soupçon d’homosexualité suffisait à te condamner… la morale victorienne très stricte est bien connue, mais aussi ce qui se passait en coulisse et qui n’était pas forcément joli joli… Par contre si vraiment tu veux du shocking lis Teleny, toujours de Wilde… partouzes, amours homosexuelles bien sûr, et ce n’est pas du simple érotisme suggéré. Il y a quand même un pauvre gars qui va mourir après une expérience malheureuse avec une bouteille en verre et de mémoire une prostituée mourante dans un bordel (tuberculose ou ce genre de chose), c’est un autre style. Je trouve Dorian Gray d’une incroyable modernité pour l’époque, de même que les pièces de théâtre de Wilde, ce relativement jeune Victorien.

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    • C’est frais le coup de la bouteille… Je l’ai ajouté dans ma wish, j’aime Wilde mais je le découvre petit à petit.

      Heureusement que de nos jours on est un peu décoincés sur l’homosexualité (ok, pas tout le monde).

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  8. Je l’ai lu il y a deeeees années! Mais je xrois que c’était la version poche probablement censurée même si… bien qu’adote j’avais trouvé que ces messieurs se tournaient autour l’un de l’autre d’une manière assez équivoque… Même si je doute que les 500 mots manquants raconte des scènes pornos explicites entre eux, je crois qu’il faudrait que je relise cette version intégrale. Avec un earl grey ! Pas de mojito ce coup ci… quoi que… dans le thé à la menthe… 🤔

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    • Il a fallu les éditions Grasset pour publier la version entière, donc sans aucun doute, tu avais lu, comme moi, la version caviardée.

      Non, pas de scène de cul explicites, dommage… 😆 Des sous-entendus tellement sous-entendu que tu ne sais pas si ça parle du sexe, sauf si tu as déjà pratiqué assidûment la chose.

      Quéquette pour le mojito, en effet !

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  9. Je ne savais pas que le texte avait était censuré ^^ Il faut que je le lise absolument ! J’avais vu le film (en noir et blanc je crois avec Angela Lansbury jeune ^^) pendant un cours d’anglais au lycée et j’avais adoré !

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    • 👌 J’ai en effet découvert avec ce film que l’Angela d’Arabesque avait été jeune et… MAGNIFIQUE! Elle chantait en plus très bien. D’ailleurs dans un Arabesque petit clin d’oeil: elle reprend la même chanson… 🎵Hello Yellow little bird!🎶
      Elle est toujours en vie et a fait une petite apparition récente dans Mary Poppins 2…

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    • On aurait dû s’en douter que dans l’Angleterre puritaine, ce genre de roman aurait été censuré dans les grandes largeurs. Pourtant, rien de sulfureux, c’est sous-entendu…

      Pas vu en film mais le roman, 3 lectures, c’est un signe 😉

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  10. Et bin oui d’autres moeurs…d’autres pince sans rire….mais l’homosexualite a fait couler beaucoup d’encres….c’est terrible…bref….cela doit etre tout un livre a livre censure ou pas…;)

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    • Ça en fait toujours couler, certains sont contre, c’est leur droit, mais ça vire souvent à la violence verbale ou brutale et là, je ne suis pas d’accord. Chacun vit sa vie sexuelle comme il le veut, tant que ce n’est pas avec des gosses ou que ce n’est pas consentit (mais là, avec adulte, hein).

      C’est un très beau livre très sombre.

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