Nains – Tome 14 – Brum des Errants : Nicolas Jarry & Jean-Paul Bordier

Titre : Nains – Tome 14 – Brum des Errants

Scénariste : Nicolas Jarry
Dessinateur : Jean-Paul Bordier

Édition : Soleil (20/03/2019)

Résumé :
Le seigneur Brum retourne là où tout a commencé, au puits , ce lieu où il combattait pour oublier la misère et la rage qui étaient siennes.

Le vieux guerrier sait qu’il doit se confronter à son passé, ces temps insouciants où lui et ses amis vivaient dans les bas-fonds de de Gol-Garsëm, rêvant de jours meilleurs. Brum a toujours su qu’il n’était pas comme les autres… et de cette différence sont nées sa plus grande force ainsi que sa plus profonde souffrance.

Critique :
Les tomes consacrés à la caste des Errants sont souvent les plus forts émotionnellement et celui-ci, c’est la claque dans la gueule et en littérature, j’aime en recevoir.

Les auteurs nous proposent un magnifique album, tant au niveau des dessins qui subliment le scénario qui n’a rien de bancal ou de non recherché.

Pas besoin d’avoir fait des longues études pour voir le parallèle entre la société des Nains et la nôtre et pas besoin de décodeur pour comprendre que la plume de Nicolas Jarry tacle nos sociétés où la naissance prime sur le reste.

On ne marche pas toujours au mérite, dans nos sociétés.

Qui entre dans les grandes écoles ? Peu d’enfants d’ouvriers et s’ils y entrent, ils vont en baver. Tout est fait pour les Fils De mais si votre père n’est pas issu d’une grande famille, vous êtes quasi forcé de rester à votre niveau, à ne pas trop vous élever, pas trop faire de votre gueule, car c’est mal vu.

Ici, c’est le même. Qui entre dans la caste prestigieuse de la Forge ? Les fils des forgerons, pas ceux des bas-fonds, des quartiers pauvres, pas les Errants.

Les Errants, ce sont les sans-dents, les plus pauvres, ceux qui ont été radié des Ordres des Nains, ceux qui ne peuvent pas toucher une arme, qui sont interdits de savoir, qui sont voués à rester dans leur fange et ce, ad vitam æternam.

Les Errants n’avaient pas le droit au savoir. Plus que l’or, l’acier ou la pierre, le savoir était ce qui fondait et soudait une société, ce qui lui permettait d’avancer et de s’émanciper de ses maîtres. Les puissants avaient compris qu’il était bien plus dangereux d’avoir des esclaves éduqués à l’intérieur d’une forteresse, qu’une bande de viandards en armes aux portes de celle-ci. Le pouvoir se nourrissait depuis toujours de l’ignorance du peuple… Et ce n’était pas près de changer.

Personne ne pense que parmi ces parias, il y a sans doute des Nains intelligents, des Nains qui mériteraient d’être mis en avant, des Nains plus prometteurs que le fils de, qui lui, ne vaut pas tripette, mais aura la fonction car il est le fils de son père.

Dans cette fange se débat Brum, un Errant, fils sans père (il n’est pas resté après avoir fait tagada avec la jeune fille qui sera la mère de Brum), un fils dont la mère a dû faire le trottoir pour subvenir à leurs besoins, un jeune Nain fort comme un bœuf, intelligent, mais qui doit le cacher, car c’est mal vu.

Il faut être malin et impitoyable pour survivre quand on est un gamin des rues. L’intelligence est un bagage trop lourd à porter, une fioriture qu’on ne peut pas se permettre. Elle vous empêtre et vous met à l’écart des autres. Le mieux que vous puissiez faire c’est d’oublier que vous êtes intelligent. Vous devez le cacher, acquiescer aux conneries qui sont débitées autour de vous et rire des mêmes blagues grasses qui reviennent en boucle depuis toujours.

L’intelligence attire la violence, elle exacerbe le sadisme, elle fédère les imbéciles et les détraqués. Elle fait de vous un broutard noir.

Mon intelligence, j’avais vite appris à la travestir en autre chose de plus cynique. Pour survivre, un marmouse était capable de tout, même de nier sa propre nature. J’étais un faussaire et plutôt un bon.

Alors, il cache le travail qu’il fait avec son cerveau et montre ses poings qu’il sait utiliser mieux que personne.

Le début de l’album ne me laissait pas présager ce genre d’histoire puisque nous étions face au légendaire capitaine de la légion de fer, un certain Brum. J’ai même regardé la couverture pour être sûre que j’avais bien lu « Brum des Errants ». J’ai continué ma lecture, sourcils froncés et puis j’ai compris : c’était la genèse de Brum.

Et quelle genèse, bordel de dieu ! Non ça ne fait pas que bastonner ou se cogner, sous leurs allures de fight-club, d’arène pour les combats où l’un sort sur ses jambes et l’autre pas, il y a de la profondeur dans l’histoire et des petites phrases assassines dans les réflexions de Brum.

Le pouvoir se nourrissait depuis toujours de l’ignorance du peuple. Et cela n’était pas près de changer.

Au final, que l’on soit dans le monde des Nains, des Elfes, ou des Hommes, c’est toujours la même histoire sur fonds de lutte des classes, de jalousie, d’envie, de hiérarchie, de lois stupides, de gens rejetés et de médiocres mis sur les hauteurs alors qu’ils ne le méritent pas car ils sont profondément cons.

Encore un très bon album !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°111.

11 réflexions au sujet de « Nains – Tome 14 – Brum des Errants : Nicolas Jarry & Jean-Paul Bordier »

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