Agnès Grey : Anne Brontë

Titre : Agnès Grey

Auteur : Anne Brontë
Édition : Archipoche (2012/2020)
Édition Originale : Agnes Grey
Traduction : Ch. Romey, A. Rolet et Isabelle Viéville Degeorges

Résumé :
Miss Grey était une étrange créature ; jamais elle ne flattait et elle était loin de leur faire assez de compliments ; mais, quand elle parlait d’elles ou de quoi que ce fût qui les concernât en termes élogieux, elles pouvaient avoir la certitude que sa bonne opinion était sincère.

Elle se montrait dans l’ensemble très prévenante, discrète et pacifique, mais certaines choses la mettaient hors d’elle ; certes, cela ne les gênait guère, mais pourtant mieux valait ne pas la désaccorder puisque, lorsqu’elle était de bonne humeur, elle leur parlait, était fort agréable et pouvait parfois se montrer extrêmement drôle, à sa manière, qui était bien différente de celle de Mère, mais faisait toutefois très bien l’affaire pour changer. Elle avait des opinions arrêtées sur tout, auxquelles elle restait farouchement attachée…

Des opinions souvent rebutantes, puisqu’elle pensait toujours en termes de bien et de mal et avait une curieuse révérence pour ce qui touchait à la religion et un penchant incompréhensible pour les honnêtes gens.

Critique :
Agnès Grey, jeune fille à qui on n’a jamais laissé prouver sa valeur, décide d’être gouvernante. Mais qu’allait-elle faire dans cette galère ??

La pauvre va se retrouver plongée dans un milieu social plus élevé que le sien où les enfants sont rois, les mâles étant des dieux qui ont toujours raison.

Le gamin dont elle est la gouvernante est un véritable petit tyran en culottes courtes et l’on ne peut pas remettre en question son statut de petit ange ou lui faire des remarques.

Pour ce gamin, c’est l’intervention de Sœur Marie-Thérèse des Batignolles qu’il aurait fallu pour le redresser ! Elle aurait fait une parfaite gouvernante pour ce petit merdeux, ce reliquat de fond de capote (anglaise) à qui les parents n’ont pas appris l’obéissance et le respect puisque eux mêmes en manquent.

Quant à ces fameux parents, coupables sur toute la ligne, dont le père a autant d’éducation que le dernier des derniers des barakîs de kermesse, il aurait fallu les faire monter au troisième étage, ouvrir la fenêtre et les balancer, tout simplement. Pour paraphraser Napo, cet homme, c’est de la merde dans un bas de soie !

Ensuite, faudrait secouer le gamin et lui promettre qu’il suivra le même chemin s’il n’arrête pas de martyriser les animaux et de corriger sa sœur, puisque ce petit Mussolini des bacs à sable pense qu’elle doit être corrigée régulièrement. Il y a des fessées qui se perdent…

Hélas, le problème de classe empêche Agnès Grey d’ouvrir sa bouche, de proférer un mot, une menace, de tirer les oreilles du petit dictateur, de le menacer de lui faire subir ce qu’il fait aux petits moineaux (les écarteler) et de foutre une claque à son père avant de lui apprendre à conjuguer le verbe « respecter les autres ».

Le monde est déjà une jungle pour les femmes qui ont de la poigne ou une grande gueule, mais à cette époque là, une gentille fille un peu bigote telle qu’Agnès, qui se lance sans arme ou sans gilet pare-balles, reste sans voix, impuissante (on l’aurait sans doute été devant ce merdeux) puisque sans moyen de pression face à un gamin qui se prend pour Jupiter et est sûr de son impunité.

Puisqu’il lui faut rester à sa place, malheureusement, cela rend la lecture insipide, endormante et je me suis énervée sur ce couple de la haute, souhaitant qu’on leur fît des nouvelles chaussures en béton armé et direction le lac. Oui, j’expédie, je ventile, moi !

Que j’eusse aimé que Agnès Grey montasse sur une table et crie, le poing levé « Capitaine, ô mon capitaine, je vais fucker ta putain de société de classe de merde, niquer ta race de dégénéré de l’éducation, cette bande de bâtard qui ne vaut même pas la bauge d’un cochon ! Vous allez crever comme des chacals, bande de chacals »… Mais ça aurait fait deux fois chacals.

Partagée entre l’envie de faire la révolution et de secouer cette pauvre Agnès qui ne pouvait que rester à sa place et faire oui-oui-amen parce que la religion est aussi importante que la classe sociale à cette époque, j’ai poursuivi vaille que vaille ce récit qui me faisait dresser sur mes ergots à toutes les pages, sans pour autant m’apporter d’autres émotions comme celles ressenties dans « Jane Eyre » ou « Les hauts de Hurlevent », les romans de ses sœurs.

Après l’impolitesse et le manque d’éducation de la première famille, Agnès Grey va bosser chez les Murray, plus polis mais tout aussi crétins que les premiers. Leur fille est tellement imbue d’elle-même, tellement charogne, qu’elle ferait passer Nellie Oleson pour une charmante enfant. C’est vous dire ! Encore une qui se prend pour ce qu’elle n’est pas et s’amuse à abaisser les hommes qui lui font la cour.

Anybref, c’est un rendez-vous de manqué avec Anne Brontë contrairement avec ses deux autres sœurs. L’écriture est insipide, sans relief et je me suis ennuyée ferme, sauf quand je bondissais au plafond devant le comportement de certains personnages.

Néanmoins, ce roman illustre parfaitement la condition des femmes du temps de l’époque victorienne, les différences entre les classes, l’éducation des enfants fort laxistes et l’impuissance de la gouvernante qui n’a aucune arme pour se faire respecter puisque les parents sont en accord avec le comportement du gosse.

Il illustre aussi la duplicité et la perfidie de certaines jeunes filles qui s’amusent avec les hommes comme le petit merdeux jouait avec des animaux sans défense, se régalant de son pouvoir sur eux.

Il n’empêche que ce fut un rendez-vous manqué.

PS : ce sera pour le 12 au matin, le levé de rideau de la fiche mystérieuse ! Des avis ? Des pistes ?

Le Challenge A Year in England pour les 10 ans du Mois anglais [Lecture N°27] et Le Mois anglais (Juin 2021 – Season 10) chez Lou, Cryssilda et Titine.

37 réflexions au sujet de « Agnès Grey : Anne Brontë »

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    • « Jane Eyre » était tellement magnifique ! « Les hauts de Hurlevent », j’aurais bien pris Heathcliff et Catherine pour leur taper dessus, mais j’ai adoré les ambiances sombres.

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    • Mais de rien pour le fou rire 😆

      C’était à lire pour la condition sociale de la femme, la classe de l’Angleterre d’en haut et avec une écriture différente, moins plate, le récit aurait été glaçant.

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  5. Encooooore un bouquin qui fait monter la tension! Et ben nan alors! J’en veux pas! Moi aussi je les aurais remis à leur place avec un aller-retour pif-paf ces sales mioches là! M’en fous du numéro vert « enfance maltraitée! Si tu ne leur fais pas de bleus le pire que tu risques c’est que les enfants soient protégés en étant mis dans un foyer qui protège la société de ces sales morveux mal-élevés! Et avec un peu de chance, il y aura une épidémie de poux dans le foyer et on leur rasera la tête épicétou! 😆

    Plus sérieusement, avant de donner envie de se faire ligaturer les trompes, ce bouquin est avant tout une présentation des travers de cette putain de société de classe britannique que ta Nanny traverse aussi stoïquement que possible et où les zaristos qui vivent de leur rentes et ne savent rien faire de leur vie se pensent au-dessus du reste du monde et inculque cette espèce d’assurance insupportable à leur progéniture dégénérée par la répétition des mariages consanguins. Et les bourgeois ? Ben ces cons, au lieux de couper la tête des zaristos comme on a fait en France, ils se contentent de reproduire ce qu’ils voient chez les zaristos et deviennent d’authentiques snobs. Snob de S.Nob, abréviation de Sans Noblesse en latin, petite annotation que l’on mettait en marge à côté du nom des fils de bourgeois qui entraient à Eaton, Oxford ou Cambridge sur les registres d’inscriptions. Et ouais… le mot snob ça vient de là et les romans sur le XIXe siècle anglais te permettent largement de comprendre pourquoi il s’est chargé du sens qu’il a aujourd’hui. Le snob est suffisant parce qu’il est convaincu de sa supériorité innée qu’il ne cesse de vouloir faire admettre à défaut de pouvoir la démontrer.

    Sauf qu’en Grande Bretagne, on ne fait pas de révolution. On ne fait pas de critique frontale des classes dominantes et de la société de classe de peur d’être soupçonné de communisme ou de tendances révolutionnaires. Surtout à cette époque! On se contente de la dénoncer en en décrivant les travers de manière factuelle sans faire de commentaire. On laisse le lecteur se rendre compte de lui-même ce que ces gens ont d’odieux, ce que leur système a de profondément injuste et de pathétique. Je trouve qu’il n’y a rien de plus pathétique que des médiocres qui se croient supérieurs aux autres de part leur naissance et de part ce qu’on les a assurés qu’ils étaient les meilleurs sans que jamais ils n’aient à faire leurs preuves… j’en ai croisé une paire dans ma vie de déclassée navigant entre les deux eaux de classes sociales différentes – ma classe sociale d’origine et celle de Toqué… – Combien de « femmes de » qui s’étaient contentées de se marier dans leur caste j’ai dû écouter me présenter leurs idées très arrêtées sur une société à l’écart de laquelle elles ont toujours vécu entre leurs écoles privées et leurs soirées rally en passant par les activités paroissiales… Même quand elles se hasardaient à la fac, elles osaient te raconter comment elles savaient mieux que les profs ce dont ces derniers parlaient en ayant évidemment tort malgré leur bac+35 et leurs années de recherche-enseignement! Quant à leurs mecs ? Ben ils avaient des gros postes parce qu’ils avaient pu entrer dans les écoles à 15000e l’année permettant d’accéder à ces postes… et pensaient ne devoir leurs diplômes et leurs jobs qu’à leurs mérites en oubliant que les 100 000e minimum dépensés entre frais d’inscription, stages VIP à l’étranger, studio et faux frais et que le réseau de Pôpa y avait été aussi pour énormément.

    On en a déjà parlé… En France on évite de montrer son argent de manière trop frontale comme en Angleterre, mais cette société de classe existe tout autant même si elle se cache derrière une pseudo méritocratie dont on sait à quel point elle est fictive depuis les études sociologiques de Bourdieu!

    Anybref! Ce roman qui ne peut critiquer cette société de classe qu’en la décrivant factuellement et sans que l’héroïne puisse rembarrer ces connards a dû être éprouvant… Et alors si en plus c’est pas super bien écrit… Mouais… On évitera. Il ne suffit pas de s’appeler Brontë pour savoir écrire de bons romans… Tu sais nous on a eu un ministre d’un parti conservateur dont le frère était acteur et passablement alcoolique… Comme quoi… un nom en commun ne destine pas aux mêmes talents! 😀

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    • On n’est même mal vu quand on fait grève, en Angleterre ! Chez nous, t’es mal vu si tu ne manifestes pas au moins en octobre novembre 😆

      L’écriture n’était pas mauvaise, je l’ai trouvée sans relief, mais sans doute est-ce voulu ? Pour faire mieux passer les travers et les dérives de la société anglaises « merde dans un bas de soie » (j’aime Napo pour quelques unes de ses citations) ? Je ne le sais pas. Mais j’ai manqué de sortir guillotine et lanternes pour pendre ces aristo et pourtant, je ne suis pas pour ces traitements expéditifs, mais ici, fallait traiter à tout prix, comme tu éliminerais une colonie de cafards.

      Oui, ceux qui se pensent sorti de la cuisse à Jupiter mais qui ne sont rien sans le fric de papa, la situation de papa… Je déteste ces gens-là imbus d’eux-mêmes. Nous, on a rien eu sans notre sueur, même si je suis une privilégiée par rapport à d’autres, mes grands-parents maternels ayant des biens (parce qu’ils ont bossés dur et économisé à mort) qui sont passés ensuite dans l’escarcelle de ma mère (après paiement de droits de succession, of course !!).

      Merci pour la petite histoire des snobs, je ne manquerai pas de la ressortir 🙂

      Oui, chez nous, si tu bosses comme un malade, sans dépenser trop (pas de vacances,…) et qu’une fois la soixantaine, tu te fais plaisir, les gens grincent des dents, oubliant que eux, ils sont partis en vacances, ont été au resto, se la sont coulés douce. Ils sont jaloux de ce que tu possèdes parce que tu as bossé dur. Sans même se demander si tu l’as acheté ou tout simplement pris en location… Bref, je n’aime pas les gens :p

      Agnès Grey a eu moins le mérite de mettre en avant cette société à plusieurs étages, où les nobles sont aussi nobles qu’un sanglier se roulant dans la fange, où ceux en-dessous doivent fermer leur gueule. Si j’avais adhéré à l’héroïne et au texte, il en aurait été glaçant ! Je retiendrai ça de ma lecture et je l’oublierai jamais 🙂 Comme quoi !

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      • Perso je n’ai rien contre l’argent ni contre le fait que des gens en aient beaucoup. Je ne suis pas d’un naturel jaloux… Et mon éducation chrétienne m’a bien enfoncé dans le crâne que nous finissons par être possédés par ce que nous possédons au point que je suis devenue du genre minimaliste décroissante… Mais en revanche j’ai horreur qu’on me traite avec condescendance ou comme si j’étais une citoyenne de troisième zone, a moitié débile, sans éducation ou inculte, ou de voir des gens oublier qu’ils ne sont assis que sur leur cul même si celui repose sur un coussin mieux garni. :-/

        De la merde dans un bas de soie… Je crois que c’est en parlant de Talleyrand que Napo le Boucher avait sorti cette saillie. Faut dire que le mec a survécu à l’ancien régime (évêque), à la terreur (il quitte les ordres et devient révolutionnaire de haut rang, dirige l’assemblée constituante) et à l’empire (ministre), Louis XVIII (chef du gouvernement provisoire, ambassadeur) et Louis-Philippe (ambassadeur) et toujours à de hautes fonctions… Il a bouffé à tous les râteliers en retournant sa veste toujours quand il fallait! 😆

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        • ♫ je retourne ma veste, toujours du bon côté ♪

          Certains sont doués pour survivre à tout.

          Tu peux avoir du fric, mais ce qui me fait chier, ce sont ceux qui se croient au-dessus du lot parce que ça sort de tous les trous et qui étalent leur fric comme de la merde quand tu manque de papier Q. Puis tu vois tous les pique assiette leur courir derrière et leur lécher le derrière aussi. Ma mère nous a toujours dit de regarder ce que nous avions, pas ce qui nous manquait et que tout le monde n’avait pas notre chance, alors, hein, la piscine, les vacances à Torémolinos, on s’en balek ! 🙂

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    • Fallait que je le lise, depuis les années que je voulais le faire mais je ne m’attendais pas à passer ainsi à côté.

      Il reste néanmoins excellent dans ses descriptions de la condition de la femme…

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