Lectio Letalis : Laurent Philipparie

Titre : Lectio Letalis

Auteur : Laurent Philipparie
Édition : Belfond (17/01/2019)

Résumé :
Oserez-vous tourner les premières pages du LECTIO LETALIS ?

Paris. Un assistant d’édition tout juste embauché se tranche les veines à la lecture du premier manuscrit qui lui est confié. C’est la troisième fois, en quelques semaines, que le même scénario-suicide se produit dans cette maison d’édition.

Bordeaux. Le lieutenant Gabriel Barrias, ancien indic devenu flic, enquête sur l’assassinat atypique d’un psychiatre massacré par un rapace, dans son cabinet, en pleine consultation.

Deux affaires éloignées en tout point, et pourtant. Un nom apparaît des deux côtés. Celui d’Anna Jeanson, qui fut, dix ans plus tôt, l’unique survivante d’un suicide collectif survenu dans une secte dressant des animaux à tuer.

Un livre et des oiseaux qui tuent, personne ne pourrait y croire. Mais sous la plume de Laurent Philipparie, capitaine de police, tout est si vrai que c’en est effrayant.

Critique :
Un livre qui tue ? Comme le grimoire interdit dans « Le nom de la rose » où en fait, c’était… Ah ben non, je ne vais pas vous divulguer comment le livre tuait de ce roman d’Umberto Eco !

Dans quel autre cas un livre pourrait-il nous pousser au suicide ? J’ai bien des pistes, mais pour cela, il faudrait que je balance des noms d’auteurs ou des titres de livres, et là, je serai muette comme une carpe.

La seule chose que je peux divulguer, c’est que je remercie NetGalley pour l’envoi de ce livre que la curiosité m’avait fait cocher dans leur catalogue.

Niveau marketing, l’auteur et les éditions Belfond ont bien fait leur job car ils nous proposent un titre des plus aguicheur tant il paraît bourré de mystère ou tiré d’une formule magique de Harry Potter et la couverture est plus que réussie. On le veut !

Verdict ? Mitigée. Je ne ferai pas de la critique complaisante, ce n’est pas le genre de la maison, donc, autant le dire de suite, j’ai eu l’impression de tourner en rond dans les premières parties, celles qui mettent tout en place, celles qui devraient distiller le mystère et le suspense.

Disons-le clairement, un certain côté fantastique a failli me faire tourner les talons tant il semblait peu crédible et mal abordé. Pourtant, j’aime le fantastique.

Là où je me suis embourbée aussi, c’est dans le style d’écriture de l’auteur qui était un peu trop imagé à mon goût, qui paraissait fort simpliste et j’ai eu cette sensation que je n’avançais pas dans l’histoire tant tout paraissait obscur et mal mis en scène, avec bien trop de répétitions sur les souffrances de certains personnages principaux, leurs haines, leurs obsessions.

À l’entrée du virage, le roadster manqua de perdre l’équilibre. Gabriel n’était plus en état de piloter. Sur le chemin du retour, la haine avait refait surface, sourde, incontrôlable…

D’habitude, trop obnubilé par ses démons, Gabriel ne s’associait jamais à la liesse collective ; il se contentait d’y puiser l’énergie de poursuivre son propre combat.

Mettre un seul neurone dans cette affaire risquait de l’emporter vers ses vieux démons.

Ses cheveux maintenant noués en queue-de-cheval dégageaient sa figure d’ange.

Les mèches de cheveux collées à sa peau dessinaient de fines arabesques.

Ses cheveux ruisselaient sur ses épaules.

Dommage que tout cela ait été amené de manière si malhabile. Là où le bât blesse de nouveau, c’est que, une fois de plus, le lecteur se trouve face à des flics torturés, au passé très lourd ou au caractère très entier qui donnent plus l’impression d’être des caricatures d’eux-mêmes que des personnages réalistes.

Pourtant, l’auteur est policier, il doit savoir de quoi il parle… Si ce genre de flics existent en vrai, je ne voudrais pas vivre dans leur tête. Et si un ancien SDF peut devenir policier, tant mieux pour sa réhabilitation, mais j’ai un peu coincé là-dessus.

Les parties suivantes sont plus intéressantes (après le chapitre 15), ça bouge, l’adrénaline monte, on entre mieux dans le vif du sujet et l’écriture me paraissait moins fade.

Même si on retrouve encore un peu trop de mots bateau tels que « démon(s) » pour qualifier le méchant de l’histoire, qui lui, est foiré tout à fait car il a encore moins de relief que les autres personnages, il débarque tel un cheveu dans la soupe et son portrait est tellement peu réaliste qu’il en deviendrait risible.

Albert Modéas descendit au compartiment machines. Ses pas claquaient dans l’escalier métallique comme les sabots d’un démon.

— Mes frères ! Nous avons passé ces dix dernières années à le chercher ! J’ai invoqué les démons, offert de nombreuses vies en sacrifice pour qu’il nous revienne !

— Il parle de morts et d’un démon dans la salle des machines. Ils le logeraient depuis deux jours.

Les Apprentis, c’était ainsi qu’ils s’appelaient, lui avaient révélé l’existence d’une force fabuleuse. Celle qui gouverne le monde. Un pouvoir capable de contrôler tous les pouvoirs.

Anybref, même si mon esprit cartésien a bloqué pour quelques trucs fantastiques mal abordés, j’ai tout de même ressenti le suspense dans le final, l’adrénaline a monté dans les derniers chapitres, mais je n’ai pas ressenti ce que je cherche dans un thriller : cette poussée qui vous donne envie de rester éveillée toute la nuit ou cette force qui vous empêche de poser le livre sur la table, cette puissance qui vous sort totalement de votre vie réelle pour vous emporter ailleurs.

Une lecture en demi-teinte, je m’attendais à mieux, la faute sans doute à une écriture un peu trop imagée, des répétitions sur les démons intérieurs ou extérieurs des personnages à ne plus en finir, des obsessions sur une ancienne affaire dont on ne saura pas plus, un Méchant mal travaillé, mal servi et des personnages pour lesquels je n’ai pas eu de grande empathie car pas assez explicités, sans reliefs, aux portraits trop lisses, trop habituels.

Pourtant, il y avait matière à faire un super thriller avec un pitch plus rare qu’est celui du livre tueur. L’idée était originale car différente de celle du roman de Umberto Eco et j’aime assez ce contexte du livre qui vous tue.

Les passages sur les sectes sont bien traités, même si je ne comprendrai jamais rien à cet endoctrinement et alors que nous avons des passages très simplistes, nous en avons d’autres avec de beaux moments d’écriture, avec des réflexions vraies, puissantes, le tout cohabitant comme si deux personnes avaient co-écrit le texte ou comme si l’écriture manquait encore de maturité car l’auteur se cherche et n’a pas encore défini son style à lui.

« Peut mieux faire car a du potentiel mais ne le développe pas correctement », comme pourrait écrire un prof sous un travail rendu par un élève prometteur mais qui doit s’améliorer.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2018-2019).

18 réflexions au sujet de « Lectio Letalis : Laurent Philipparie »

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  4. Mmmmm… ça me pose un problème ce cas là… le thème est engageant mais… la critique sur le traitement du thème séduit peu. C’est pas comme si je n’avais rien dans ma PAL… alors… bon… Non…

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