Enfant 44 – Leo Demidov – Tome 1 : Tom Rob Smith [LC avec Bianca]

Titre : Enfant 44 – Leo Demidov – Tome 1

Auteur : Tom Rob Smith
Édition : Belfond (2009) / Pocket (2010)
Édition Originale : Leo Demidov, book 1: Child 44 (2008)
Traduction : France Camus-Pichon

Résumé :
Hiver 1953, Moscou. Le corps d’un petit garçon est retrouvé sur une voie ferrée. Agent du MGB, la police d’Etat chargée du contre-espionnage, Léo est un officier particulièrement zélé.

Alors que la famille de l’enfant croit à un assassinat, lui reste fidèle à la ligne du parti : le crime n’existe pas dans le parfait État socialiste, il s’agit d’un accident.

L’affaire est classée mais le doute s’installe dans l’esprit de Léo. Tombé en disgrâce, soupçonné de trahison, Léo est contraint à l’exil avec sa femme, Raïssa, elle-même convaincue de dissidence.

C’est là, dans une petite ville perdue des montagnes de l’Oural, qu’il va faire une troublante découverte : un autre enfant mort dans les mêmes conditions que l' » accident  » de Moscou.

Prenant tous les risques, Léo et Raïssa vont se lancer dans une terrible traque, qui fera d’eux des ennemis du peuple…

Critique :
On pourrait dire que cette histoire a commencé avec un chien qui s’est blessé au coussinet et que son maître, diplomate étranger, a emmené chez un vétérinaire consciencieux.

Comme les antibiotiques manquent cruellement, le véto a dû revoir plusieurs fois le chien et ce fut pour lui le début de la fin : on l’a accusé d’espionnage après l’avoir mis sous surveillance.

Mais ce serait trop simple de mettre tout sur le coussinet du pauvre chien car le responsable de cette horreur, c’est le système et tout ceux qui le font tourner, consciemment ou inconsciemment. Parce qu’ils aiment ça ou parce qu’ils le craignent.

Un système où la présomption d’innocence n’existe pas, où les dossiers se montent très vite, où l’on accuse sans preuve, où l’on condamne sans preuves (ou si peu) et où la dénonciation est encouragée et si vous ne dénoncez pas, on vous dénoncera pour non dénonciation. Vous me suivez toujours ?

Bienvenue dans le paradis du communisme, ce système où les inégalités n’existent pas mais où tu feras la file des heures pour un pain tandis que les dirigeants, les membres de la MGB et leur famille, ont accès à des magasins réservés pour eux et fourni en mets fins (vrai chocolat, oranges, citrons,…).

Un paradis où les vols et les crimes n’existent pas puisqu’on a gommé les inégalités (oui, faut le dire vite)… Permettez que je tousse ? Le système ment sur les chiffres, transforme des meurtres en accident et ne vous avisez pas de dire le contraire…

La Russie fait partie de mes pays préférés en littérature, ce roman ne pouvait que m’intéresser, malgré tout, il a traîné longtemps sur mes étagères. La lecture m’a fait mal aux tripes, au coeur, partout, non seulement à cause des injustices criantes, mais aussi des accusations et condamnations sans preuves.

Dans nos pays, des avocates sont obligées de faire des tribunes dans le journaux pour nous expliquer que la présomption d’innocence existe, que si X accuse Y d’un crime abject, il doit y avoir une enquête et que le public ne doit pas hurler « au bûcher » sans même vérifier les dires de l’accusateur/trice, sinon, c’est la porte ouverte à n’importe quoi, notamment à ces systèmes de pays où l’Humain n’a aucune valeur.

Cette Russie communiste, cette Russie de Staline qui broie le peuple est décrite d’une manière qui s’intègre parfaitement bien dans le récit. L’auteur a étudié le pays, ses mœurs, son système, à tel point qu’on penserait le roman écrit par un russe pure souche de l’époque.

Le personnage de Leo est abject et illustre bien les bénéfices du matraquage d’idées toutes faites et d’aphorismes qui ne servent que ceux qui les pondent. Dans sa tête, il sert la mère patrie, le communisme est sain et son pays magnifique. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui souffre de cécité dans ses idées arrêtées et qui met les fautes sur le dos des autres. Pourtant, on peu changer et Leo va ouvrir les yeux…

Un roman sans temps mort, un roman qui vous emporte dans la Russie post-seconde guerre mondiale et qui ne vous laissera aucun répit, surtout du côté de vos tripes, de votre coeur, de votre âme.

J’ai beau connaître le côté obscur de l’Homme, avoir lu des livres sur les horreurs humaines, en avoir abandonnés certains tellement ils étaient effroyables (médecins de la mort dans des camps) et malgré tout, je suis toujours surprise par la perversion humaine, comme si j’étais le lapereau de l’année, la petite fille naïve qui croit toujours aux licornes et aux fées (ok, je connais une fée).

Là, une fois de plus, j’en ai pris plein ma gueule et elle me fait toujours mal.

Lire un roman qui se déroule en Russie est souvent source d’enchantement pour moi, mais j’en paie toujours le prix ensuite car je n’en ressors jamais indemne.

Bianca, qui faisait cette LC avec moi (et qui m’a fait sortir ce super roman qui croupissait dans ma PAL depuis plus de 6 ans) est en tout point d’accord avec moi, même si, tout comme moi, elle a trouvé le mobile un peu léger.

Mais ce n’était pas ça le plus important, c’était tout le reste : le communisme dans toute son inégalité, dans son horreur, le socialisme tel que je le déteste et qui n’avait rien à envier au capitalisme.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°209.

43 réflexions au sujet de « Enfant 44 – Leo Demidov – Tome 1 : Tom Rob Smith [LC avec Bianca] »

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  4. Bin ce ne sont pas les systemes qui sont le probleme…ce sont les humains qui utilisent les systemes…le capitalisme, la religion ne sont pas si mauvais aussi sur papier, aussi…..bref….il n’y a pas d’evolution,,,en tout cas tout un livre macabre qui decrypte toute une machine…

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    • Le capitalisme n’est pas super bon non plus comme système, il crée des inégalités et les actionnaires sont trop gourmand. La société de consommation n’est pas bonne non plus,… ne me demande pas quel système est bon, mais je sais que la démocratie, malgré ses défauts, est le moins pire des systèmes…

      L’Homme aime asservir l’Homme. Les religions devraient ouvrir le cerveau des hommes, les guider, mais là aussi, certains l’ont accaparée et ont dit que leurs pensées étaient la vérité et que tu devais t’y plier. Mince, Trumpette fait de même : sa réalité est la vérité.

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      • Oui comme tu le dis ce sont les actionnaires donc les hommes…pas le systeme qui creait les inegalites….tout le monde pouvait participer et cela devait justement aider les entreprises….apres il y a eu des hommes qui se sont remplis les poches…la democratie est pillee a cause des hommes…;)
        bref on ne s’en sortira jamais…;)

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        • Mais le système a été mis en place par des Hommes… On va en revenir à qui de l’oeuf ou de la poule… Les Hommes mettent en place un système qui avilit l’Homme, qui l’asservit et ensuite, c’est pas de leur faute, c’est le système…

          Les actions, avant, c’était une bonne chose, ton argent aidait une entreprise à acheter de nouvelles machines, à se moderniser et il était normal que tu en retires un petit quelque chose, maintenant, les actions changent de mains plus vite qu’une actrice porno change de partenaire dans une partouze !

          On en veut trop… Je viens de terminer l’excellent « Vers une sobriété heureuse » de Pierre Rabhi et je fume encore du cerveau !

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          • Bin parceque pas tous les hommes ne sont mauvais…certains essayent d’ameliorer la situation que d’autres en profitent pour en abuser…tu vois on est d’accord pour les actions…lol..donc les systemes ne sont pas forcement fabriques par des mauvais
            Euh Pierre Rahbi…bon je ne t’envoie pas le lien qui explique l’imposteur que c’est…;) bref….je passe lala pour ne pas te briser ton reve….mais cela reste un tres mauvais exemple….

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            • Oui, j’ai vu ! En cherchant des images pour l’article, je suis tombée dessus. Il fait sans doute comme Coffe… Je ne commenterai pas, je parlerai juste du livre. Je n’ai pas de rêve, je ne divinise pas les Humains. Sa réflexion était bonne, elle m’a fait réfléchir et j’ai aimé ma lecture. Après… 😉 Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

              Je sais aussi que parfois, il manger à la table du diable pour obtenir ce que l’on veut pour ses projets… Comme un pape fermant les yeux sur la bankster du vatican parce qu’il a besoin de fonds pour aider son ancien pays à sortir du communisme…

              La plupart voient vite qu’ils peuvent abuser et comme c’est bon d’abuser, ils tournent vite casaques ! Non, je n’ai plus d’espoir dans l’Homme…. :/

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              • Nop…et surtout il est devenu un catho extremiste contre le mariage pour tous et l’adoption universelle…bref…certains principes assez trop extremes pour moi…;)…
                mais bon, on en revient a cette question : doit-on separer l’homme de son oeuvre ?

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                • Je n’aime pas les extrêmes, dans n’importe quel domaine, je ne suis pas pour tout, certaines choses ne me bottent pas toujours, mais je fais gaffe de ne pas tomber dans les extrêmes.

                  Parfois je me dis que oui, faut séparer l’homme de son oeuvre et parfois non… Je n’ai pas de position ferme et définitive. Une fois que le temps à passé, je joue la prescription et je ne vais pas tirer à boulets rouges sur Hergé, Céline et autres, même si je garde dans ma mémoire leurs trucs pas nets et leurs pensées racistes et autres. Mais je ne lirais pas un roman écrit par un Dutroux ou consort…

                  Là, je ne savais pas pour Rabhi, ça ne changera rien à ce que j’ai ressenti de ma lecture mais je serai plus vigilante pour le suivant puisque je sais.

                  Il est dommage que certaines personnes qui ont un beau langage pour certains domaines, virent facho ou limité du bulbe pour d’autres sujets. Je ne dis pas que ce type doit être pour le mariage pour tous, il a le droit de ne pas être d’accord, d’avoir des doutes, des questions, c’est logique et sain, si tout le monde était d’accord, ce ne serait pas normal, mais ça doit rester dans l’ordre du privé, pas du public.

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                    • Je conçois que tout le monde n’est pas toujours d’accord avec tout, ce ne serait pas normal, ça ferait « tyrannie dictatoriale » ou « dictature tyrannique »… mais j’étais outrée des cathos intégristes qui hurlaient dans la rue… tu as le droit de ne pas être d’accord avec le mariage pour tous, mais ne le hurle pas et si tu es un people, ça ne regarde pas le monde.

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                    • Bin c’est comme l’avortement…si tu es contre n’avorte pas…mais n’impose pas ton idee aux autres….c’est juste le probleme de ces extremes, ils veulent imposer leurs idees….je me souviens de cet abruti d’evangeliste qui te sortait « on est 20% de protestants, alors on doit nous ecouter et interdire…etc etc…. »….c’est-y malheureux….;)

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                    • L’Homme aime imposer son avis aux autres, il pense toujours que lui il a tout bon, donc, les autres doivent le suivre et l’écouter et obéir. Donne ton avis, dis ce que tu penses et ensuite, les autres feront ce qu’ils veulent.

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  5. Le problème c’est que depuis que le communisme a été officiellement déchu en ex URSS… et ben c’est pareil! Le totalitarisme n’a jamais fait que d’emprunter le costume d’une idéologie pour essayer de se légitimer…

    Ça m’intéresserait bien mais la mention Tome1 me fait un peu peur car il en annonce d’autres et vu l’état de ma PAL… 🙄

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    • Tu peux te contenter de lire le tome1… le tome 2 n’est pas terrible, et le 3 est bon. À toi de voir.

      Oui, le communisme est mort mais le totalitarisme a encore de beaux jours devant lui, c’est si facile un état totalitaire, si les gens haussent le ton, boum, tu tires dedans, si ça manifeste, tu fais tirer dedans, si un auteur ou un journaliste veut dire la vérité, tu l’empoisonnes… L’Homme est pire qu’un loup pour l’Homme. Etre totalitaire, même pour des parents, c’est infiniment plus simple que de laisser la place à la discussion, au débat,…

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  6. Je suis justement en train de le finir, il avait trop long végété dans ma PAL également, d’autant que j’ai lu Agent 6 quelques années avant.
    Eh bien, même si je reconnais l’aspect thriller efficace, je trouve au contraire que la documentation manque de nuances. Je vais voir comment il conclut, mais jusque-là l’orientation de l’auteur est plutôt très marquée.

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    • L’orientation est marquée, en effet, mais il ne fait que décrire le communisme tel qu’il était. Le communisme, sur papier, ça a toujours l’air chouette, mais une fois mis en oeuvre, ce n’était pas ce qui était noté sur papier :/ Les inégalités étaient criantes. J’ai aimé le fait que l’auteur nous mette en scène un personnage qui voit le communisme comme LE système parfait, juste et toussa toussa, avant de se rendre compte que quand le pan de ta veste se prend dans l’engrenage du système, il te broie.

      Mon bémol sera pour le mobile, pas assez réaliste pour nous. 😉

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      • C’est clair que le mobile semble léger non seulement à côté des crimes de l’antagoniste (alors que le protagoniste est intéressant), mais aussi à côté de ce que veut dénoncer l’auteur derrière son histoire.

        Par contre, dire que le communisme c’est ce qu’a fait Staline, ce serait comme considéré que le régime chinois d’aujourd’hui est communiste comme il le dit. A partir du moment où le pouvoir est phagocyté par un petit groupe, c’est de l’oligarchie, pas du communisme ; pareil quand les inégalités sociales grandissent à ce point, il n’y a plus de « mise en commun ».
        A l’inverse, en France, le communisme, c’est la Sécurité sociale, les allocations et les congés payés. Et là, c’est quand même symboles de plus de liberté et d’une meilleure égalité.

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        • Le mobile est très léger, nous sommes d’accord là-dessus… Dommage.

          Pour la sécu et les allocations, ce n’est pas le socialisme ? Il n’y a pas de parti communiste en Belgique, maintenant, il y a le PTB, mais si les idées prônées par le parti semblent positives et égalitaires, elles ne le sont pas dans la réalité et des membres du parti s’en plaignent…

          Pour ne pas dire de conneries, je suis allée revoir ce que disait wiki exactement du communisme, pour avoir la vraie définition…

          « Dans son sens d’origine, le communisme est une forme d’organisation sociale sans classes, sans État et sans monnaie, où les biens matériels seraient partagés. Au XIXe siècle, le mot « communisme » entre dans le vocabulaire du socialisme. Il se rattache en particulier à l’œuvre de Karl Marx et Friedrich Engels — qui le reprennent à leur compte en 1848 dans le Manifeste du Parti communiste — et, plus largement, à l’école de pensée marxiste, qui prône la fin du capitalisme via la collectivisation des moyens de production. En 1917, les bolcheviks, dirigés par Lénine, prennent le pouvoir en Russie lors de la Révolution d’Octobre. Cet événement change radicalement le sens du mot communisme : il désigne désormais un mouvement politique international, né d’une scission du socialisme, et qui se reconnaît dans le courant révolutionnaire incarné par les bolcheviks comme dans l’interprétation du marxisme par Lénine. Le communisme se présente désormais comme la véritable expression politique du mouvement ouvrier, au détriment de la social-démocratie dont il est issu. Selon cette acception, le communisme constitue l’un des phénomènes les plus importants du XXe siècle, qui a pu être qualifié de « siècle du communisme » tant cette idéologie y a tenu un rôle moteur ».

          Bien, le mot a changé de définition, sans doute que les membres d’en haut n’étaient pas tout à fait prêt à abolir les classes et à vivre dans une sobriété matérielle… En attendant, le peuple a trinqué et les Chinois trinquent toujours sous le joug d’une tyrannie.

          Entre nous, chez nous, les socialistes de la gauche caviar aiment entretenir la pauvreté dans certains régions afin de les garder toutes acquises à eux…

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          • C’est clair que selon les pays et les époques les termes évoluent beaucoup. De ce que je comprends, le socialisme est une très vaste tendance politique contenant beaucoup de branches parfois opposées (en même temps depuis le début du XIXe et le nombre de pays concernés…). Le communisme en est une, elle-même à décomposer en plein de sections (encore aujourd’hui, trotskisme, néocommunisme, etc.). De même, la « social-démocratie » d’aujourd’hui en est une autre (au départ le mot se confondait avec « socialisme », maintenant c’est la branche de droite) ; les partis dits « socialistes » aujourd’hui par exemple le PS français et le PS belge, la gauche cavier en effet, ne sont plus tellement vus comme de réels socialistes ; ils ont quelques réminiscences mais ils ont largement viré libéraux.

            Quant aux quelques mesures que je citais, ce sont des symboles car comme tu le redéfinis, elles permettent de voir n’importe quelle personne comme travailleuse et ayant droit aux fruits de son travail, pas juste à des indemnités consenties ça et là.

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  7. Je suis tellement contente que tu ait aimé ce livre ❤
    Il m’a marqué et quand je lis ton avis, plus de 5 ans après sa lecture, j’ai revu toutes les descriptions, j’ai ressenti cette peur tellement présente 🙂
    Le film est d’une nullité incroyable !

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