Jack l’éventreur démasqué – L’enquête définitive : Sophie Herfort

Titre : Jack l’éventreur démasqué : L’enquête définitive             big_4

Auteur : Sophie Herfort
Édition : Points (2008)

Résumé :
Ceci est une histoire vraie. En 1888, la police retrouve le corps lacéré d’une prostituée en pleine rue. Après Polly, quatre autres seront assassinées. Alors que Scotland Yard investigue, les journaux s’enflamment, les suspects se multiplient, la police n’avance pas…

Cent vingt ans après, l’enquête menée par Sophie Herfort est sans appel : Jack l’Éventreur a désormais un nom.

Critique : 
Sophie Herfort aurait-elle bel et bien répondu à cette vieille énigme qui a plus de 100 ans ? 126 ans, même.

C’est en tout cas ce qu’elle va tenter de nous démontrer… et je demandais à voir ! Voilà qui est fait.

Doit-on classer cette affaire pour autant ? Est-elle vraiment définitive ? Peut-on retourner à nos petites affaires maintenant que le voile est levé sur l’identité du tueur de Whitechapel, prénommé « Jack The Ripper » ??

Nous allons tenter de répondre à tout cela ! En tout cas, moi, j’étais curieuse de savoir ce que l’auteure allait nous proposer comme coupable et comme théorie, mobile, preuves…

Petits bémols en ce qui me concerne : j’avais regardé dernièrement deux documentaires sur l’Éventreur (merci le Net !) et l’auteure, en tant qu’invitée, avait parlé de « son » coupable, des ses motivations et parlé de quelques preuves, faits troublants… Oups, j’aurais dû lire le livre plus vite, moi.

De plus, après avoir « travaillé » en juin sur le tueur de Whitechapel dans le but de réaliser des petits articles sur les meurtres, après avoir lu des tas d’articles, regardé des documentaires, fouillé le Net et lu « Le livre rouge de Jack l’Éventreur » de Bourgoin, j’avais un peu l’overdose des faits de 1888 dont l’auteur nous sert en début de son livre !

Je vous rassure de suite, les conditions de vie de l’East End, les récits des meurtres et de l’enquête se déroule sur 85 pages très bien écrites (du mieux que l’on peut avec des faits historiques), ne laissant pas place à l’ennui, sauf si vous connaissez tout cela et que tout est encore frais dans votre mémoire. Mais même, j’ai relu avec plaisir.

Alors, son enquête ? Elle commence à la page 91, elle est clinique, précise, fouillée, travaillée. Je suis sciée.

Si Patricia Cornwell donnait l’impression dans son livre « Jack l’éventreur : Affaire classée » d’avoir réuni tous les indices qui pouvaient incriminer le peintre Sickert afin qu’ils collent à sa théorie, ici, ce n’est pas le cas.

Walter Sickert n’est pas Jack l’Éventreur ! La démonstration de Patricia Cornwell présente une faille majeure : l’enquête repose essentiellement sur une analyse de l’ADN mitochondrial recueilli sur les lettres écrites par Sickert et sur d’autres présumées de la main de l’Éventreur. Les deux concorderaient. Or, selon les experts, la probabilité qu’un élément de n’importe quel échantillon d’ADN mitochondrial puisse coïncider avec un autre échantillon serait élevé et concernerait jusqu’à dix pour cent de la population. Cornwell avait jusqu’à dix pour cent de chances que l’ADN de Sickert et de Jack soient identique, sans pour autant que les deux hommes ne fassent qu’une seule et même personne. Considérant le nombre d’individus ayant manipulé les lettres de l’Éventreur, on imagine à quel point les résultats sont contestables et faussés.

L’étude de Herfort semble plus sérieuse et bien moins onéreuse ! Son enquête semble avoir tout d’un « vraie » car elle a compulsé des tas d’ouvrages, sans oublier toutes les lettres anonymes reçues par Scotland Yard en 1888 et 1889. Du moins, toutes celles qui n’ont pas brûlées durant le Blitz de la Seconde Guerre Mondiale.

Les coïncidences entre le tueur de Whitechapel et son coupable sont étranges, troublantes, nombreuses…

Melville Macnaghten (je ne spolie rien, son nom se trouve dans la table des matières en première page du roman) est un personnage trouble et les preuves à charge sont nombreuses, les questions aussi.

Les coïncidences sont même trop nombreuses pour qu’il n’y ait pas anguille sous roche !

Malgré tout, je ne prendrai pas ce roman pour parole d’évangile car un bon enquêteur-écrivain pourrait faire de Sherlock Holmes le tueur de Whitechapel… Il suffit d’un peu de talent et de faire parler les preuves ou les faits troublants dans le sens que l’on veut.

J’avoue que l’auteure a ouvert une porte et que le tout est cohérent, bien que pour certaines choses, il puisse y avoir d’autres explications…

Je sais, je chicane, mais je n’ai pas du tout envie que l’on me prouve par A+B l’identité du tueur. Laissons planer un peu de mystère, c’est tellement plus exquis.

Au final ? On est face à une recherche précise, à un travail d’enquêtrice énorme, bien fourni, facile à lire, pas embêtant du tout, intéressant, comportant un index est bien chargé en fin de volume.

Celui qui était ignorant ne le sera plus. Celui qui en savait déjà beaucoup en apprendra un peu plus… Le prologue est déjà éclairant :

L’image d’Épinal de l’Éventreur, souvent dépeint en cape noire, chapeau haut de forme, portant cane et sac Gladstone verni, semble désormais relever du folklore. Il est vrai qu’à côté du mythe « Jack », la plupart des tueurs en série sont d’une « banalité » affligeante. Jeffrey Dahmer – le « cannibal du Milwaukee » – avait l’air d’un jeune premier, Ed Kemper – « l’ogre de Santa Cruz » – ressemblait à un bûcheron et Landru à un clerc de notaire.

Quant au préfet Sir Charles Warren, il va en prendre plein son grade ! Oui, il était incompétent…

À son arrivée à Scotland Yard, Warren [le préfet] avait entrepris de transférer les agents de l’est dans les quartiers de l’ouest et vice versa. Il ne s’y serait pas mieux pris s’il avait voulu, comme dit le Times, « que ses officiers ignorent tout de leur terrain ». L’exemple illustre parfaitement cette attitude bornée, consistant à vouloir calquer l’organisation de la police sur celle de l’armée. Warren en supporte pas l’insubordination de ses officiers. Il veut tout contrôler. Le problème est bien là. Depuis le Bloody Sunday, l’ancien militaire compte bien rester maître de la situation pour éviter que l’anarchie ne gagne.

À vous de voir si vous voulez cet homme comme coupable ou si vous préférer faire comme si ce n’était pas lui afin d’entretenir le mystère qui est bien plus attractif.

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014), au Challenge « Polar Historique » de Samlor (repris par Sharon), au Challenge « I Love London II » de Maggie et Titine, au « Mois anglais III » chez Titine et Lou, au Challenge « Victorien » chez Arieste et au Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park et « Ma PAL fond au soleil 2014 » chez Metaphore.

CHALLENGE - Ma PAL Fond au soleil

13 réflexions au sujet de « Jack l’éventreur démasqué – L’enquête définitive : Sophie Herfort »

  1. Ping : Jack l’Éventreur, les morts : André-François Ruaud et Julien Bétan | The Cannibal Lecteur

  2. Tiens! Tu as fait une fiche sur ce livre! Il est temps que je réagisse !

    Le numéro de l’emission L’Ombre d’un doute (visible sur Toupub) reprend la thèse d’Herfort. Je t’avoue que comme Portier-Katelbach, je trouve qu’Herfort va trop loin avec ses élucubrations pseudopsychanalytiques! Elle n’avait pas besoin de ça car il y a beaucoup d’éléments plus concrets et solides suffisants pour étayer sa théorie. Elle aurait mieux fait d’en rester là! Ça aurait été suffisamment crédible! En revanche ses interprétations psypsys ne le sont pas et ça nuit presque au reste.

    Les analystes n’interprètent plus comme elle le fait depuis les années 1950! Et puis l’interprétation ça se fait avec ce que DISENT les patients VIVANTS! 🤓 Là où elle touche le fond c’est avec ce V et ce M que le coupable aurait tracés sur le corps de MJ Kelly ou sur le mur de la chambre! Elle voit ça sur une vieille photo noir et blanc! Perso je ne les vois pas (le M sur le mur) ou alors bien déformés (le V sur la cuisse)! Or on sait que la forme qu’on donne aux tâches d’encre ou de sang… c’est celle qu’on veut bien leur donner. Ça s’appelle « projection » en psychologie.

    Aussi… je ne veux même pas lire le livre car ça risque de me faire monter la tension. Ce qu’elle disait chez Ferrand m’a largement suffit pour me crisper! Je ne joue pas l’historienne car je ń’ai pas appris les règles techniques et éthiques de la recherche en histoire… alors ça serait bien que les historiens évitent de jouer aux psys à deux balles pour donner du lustre à leurs thèses ! 🧐

    J’aime

  3. Ping : L’Affaire Jack l’Éventreur : Christian Coudurier | The Cannibal Lecteur

  4. Ping : Billet récapitulatif I love London | Plaisirs à cultiver

  5. C’est vrai que savoir qui serait Jack l’éventreur a coup sûr enlèverait toute part de mystère et je comprends que tu veuilles ne pas savoir qui était ce tueur en série

    J’aime

  6. Ping : Le "Mois Anglais 2014" : Bilan de mes publications | The Cannibal Lecteur

  7. Ping : Bilan Livresque : Juin 2014 | The Cannibal Lecteur

  8. Ping : Billet récapitulatif du mois anglais 2014 | Plaisirs à cultiver

  9. J’ai lu ce livre il y a 2 ou 3 ans mais je n’en ai jamais fait le billet.
    J’avais beaucoup apprécié le travail de Sophie Hefort et perso, j’ai bien envie de croire à sa théorie…
    Par contre le bouquin de Patricia Cornwell m’est tombé des mains ! Je n’ai jamais eu le courage de le terminer tellement je l’ai trouvé chiant !
    Bon dimanche la Belette ! 🙂

    J’aime

    • Oui, il est bien fait, l’enquête semble sérieuse, je ne sais pas si la théorie est exacte parce que l’on peut toujours trouver d’autres explications si on cherche aussi 😀

      Je sais, je n’ai pas envie d’avoir de no définitif… ça casserait le mystère.

      Cornwell en a vendu des milliers, de livres, et même plus, mais je n’ai pas aimé son approche. Et peu de Ripperologues l’a suivent ! :/

      J’aime

C'est à votre tour d'écrire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.