Notre mère la guerre – Tome 2 – Deuxième complainte : Kris et Maël

Titre : Notre mère la guerre – Tome 2 – Deuxième complainte

Scénariste : Kris
Dessinateur : Maël

Édition : Futuropolis (2010)

Résumé :
Janvier 1915, en Champagne pouilleuse. Cela fait six mois que l’Europe est à feu et à sang. Six mois que la guerre charrie ses milliers de morts quotidiens.

Mais sur ce lieu hors de raison qu’on appelle le front, ce sont les corps de trois femmes qui font l’objet de l’attention de l’état-major.

Roland Vialatte, lieutenant de gendarmerie, militant catholique, humaniste et progressiste, mène l’enquête, à la demande du capitaine Janvier. Une étrange enquête, à cause des victimes, à cause des tranchées…

Le 8 janvier, la section Peyrac perd au combat les deux tiers de ses soldats. Même s’ils étaient des repris de justice, mineurs de surcroît, libérés de prison pour être envoyés au front, le caporal Gaston Peyrac, socialiste et antimilitariste, les aime ces gamins.

Il se moque de ce qu’ils ont pu faire avant, son unique but est de les garder en vie.

Alors, quand Vialatte et Janvier portent leurs soupçons sur ses hommes, ça le met en rage…

Critique :
Nous avions laissé nos jeunes soldats, des gamins encore, assister à la lente agonie d’un des leur, au fond de leur tranchée et c’est là que nous les retrouvons, mais un peu avant, avec l’appel des survivants de cette grande boucherie.

On assiste déjà à l’imbécilité faite homme avec celui qui fait les appels et qui demande au caporal Peyrac s’il a bien vérifié le décès du soldat touché par une salve d’artillerie de son propre camp…

— Bon… Certain de sa mort ? Vous avez vérifié le corps ?
— Son corps ? Il était éparpillé sur mon visage, mon lieutenant…

L’auteur sait si bien mettre les mots sur les maux… Et l’émotion transperce des cases, des paroles, vous prend à la gorge et vous la serre, comme le ferait une grosse main avec un petit cou de moineau.

Je pensais avoir le fin mot de l’histoire dans ce tome-ci, mais en fait, l’enquête sur les trois femmes assassinées va passer un peu au second plan tant les combats font rage sur le front et les auteurs n’émargent pas les lecteurs, ne manque plus que le bruit et l’odeur et on s’y croirait.

Attention, l’enquête passe au second plan, mais ce n’est pas pour autant qu’elle est reléguée aux oubliettes ou en pertes et profits…

Bien que niveau pertes, nous devrons ajouter, aux multiples soldats qui meurent, une nouvelle victime du tueur, une fille qui donnait de la joie et cette fois-ci, nous aurons des témoins, des pauvres tirailleurs, qui sont encore moins bien lotis que les autres.

Marrant, si je puis dire… On assassine des femmes, et la gendarmerie enquête, mais dans les tranchées, on assassine des hommes, on a transformé des terres en abattoir à ciel ouvert mais personne ne songe à mettre fin à cette boucherie.

Oui, je sais, certaines imbécilités des Hommes peut prêter à sourire 100 ans plus tard, heureusement que je ne serai plus là quand dans un siècle, on jugera nos actions à nous et à nos gouvernants.

Petit à petit, nous entrons un peu plus dans la compagnie du caporal Gaston Peyrac, cette compagnie fait de jeunes gamins qu’on a sorti de prison pour envoyer au front. Si les soupçons pèsent sur des membres de cette compagnie, nous ne saurons pas encore le nom du coupable puisqu’un assaut des casques à pointes à foutu tout en l’air.

Ah, le suspense me tuera et la justesse des dessins et des propos aussi… Les aquarelles donnent une autre dimension aux dessins et la plume aiguisée du scénariste va piquer là où ça fait le plus mal.

Une fois de plus, un tome magnifique, si c’est possible de faire du beau avec de l’aussi laid : la grande faucheuse travaillant à la chaine avec des rendements qui font toujours aussi froid dans le dos.

Une deuxième complainte qui fait grincer des dents et serrer les tripes.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2018-2019).