Les Thés meurtriers d’Oxford – 02 – Beau Thé Fatal : H.Y Hanna [Par Dame Ida, théïnomane invétérée]

Titre : Les Thés meurtriers d’Oxford – 02 – Beau Thé Fatal

Auteur : H.Y Hanna
Édition : City (11/05/2022)
Édition Originale : Oxford Tearoom Mysteries, book 2: Tea with Milk and Murder (2016)
Traduction : Diane Garo

Résumé Babelio :
Lors d’un cocktail à Oxford, Gemma Rose, propriétaire d’un salon de thé, entend une conversation inquiétante quelques minutes avant qu’une étudiante de l’université ne meure empoisonnée. Simple coïncidence ?

Et le nouveau conjoint de sa meilleure amie Cassie pourrait-il être impliqué ? Gemma décide de mener sa propre enquête, aidée par les vieilles commères de son village de l’Oxfordshire et par son ancien amour d’université, l’inspecteur Devlin O’Connor.

Mais sa mère fait du grabuge dans le charmant salon de thé anglais de Gemma, sa meilleure amie est furieuse de la voir fouiner… et ce mystère s’avère plus intriqué qu’un bretzel au chocolat !

Gemma réalise un peu tard qu’elle pourrait bien être la prochaine sur la liste du tueur. Sauf si sa petite chatte tigrée, Muesli, parvient à la sauver.

L’avis de Dame Ida :
Or donc, après le jeune inspecteur Morse et l’inspecteur Lewis (évoqué dans cet opus), à la télévision, c’est au tour de Gemma Rose, tenancière de salon de thé so british, de résoudre les crimes mystérieux qui semblent frapper Oxford et ses environs.

Sachant que les environs en question sont la jolie région des Costwolds, vous me direz qu’on risque même à un moment de voir Agatha Raisin débouler comme une tornade dans le salon de thé de Miss Gemma Rose pour réclamer un gin tonic et une part de lasagnes surgelées ou un curry entre deux clopes.

Mais non ! Vous qui entrez ici renoncez à tout espoir de cross-over puisque ça n’existe qu’à la télévision, et que Morse et Lewis ne se situent pas dans la même décennie que Gemma ou Agatha… Et parce qu’Agatha préfère les pubs au salon de thé ! De toute façon elle ne boit que du café.

Mais pourquoi je vous parle de la Raisin moi ? On trouvera bien un grain ou deux de raisin dans un scone que Gemma ou sa mère vous auront préparé et servi dans ce salon de thé.

Ah ben oui, parce que c’est sa mère qui œuvre en cuisine maintenant. Sans doute cela l’aidera à avoir un œil sur elle pour essayer de lui fourguer un mari puisque la trentaine approche tic-tac, tic-tac, et toussa toussa…

Anybref, sa copine et serveuse Cassie a trouvé un beau galeriste prêt à la couvrir d’attentions et à propulser sa carrière de peintre en devenir… Gemma ne devrait-elle pas se réjouir de voir sa copine casée et à la veille de se réaliser en tant qu’artiste ?

Humm… C’est bien mal connaître la mesquinerie féminine qui consiste chez certaines d’entre nous à très mal vivre que les copines se casent quand on est soi-même incapable de sauter le pas, malgré la présence de deux beaux spécimens de la gent masculine prêts à vous courtiser.

Mais… Gemma ne se rend même pas compte de ça… Jurant ses grands dieux qu’elle ne veut que le bonheur de sa copine etc… A d’autres… Si elle compte tromper ses lectrices, on ne me la fait pas à moi et je trouve ça… Nul ! Faut dire que jadis une copine m’a fait le coup et qu’elle a fini rayée de mon répertoire d’adresses (on n’avait pas encore de smartphones au précédent millénaire figurez-vous !).

Oui mais voilà… Ce séduisant galeriste en fait des tonnes et il aurait peut-être des trucs pas nets à cacherdans ses placards… En tout cas c’est ce qu’on pourrait penser quand une jeune créature sapée comme jamais et bijoutée comme Sa Majesté déboule bourrée au vernissage de Cassie en tapant un scandale, invectivant le maître des lieux avant de s’écrouler raide morte.

Et évidemment comme Gemma était là au moment des adieux définitifs de la jeune créature au music-hall au terme de sa grande scène du II, et qu’elle a aperçu des trucs étranges dans le jardin en prenant l’air ; et comme elle continue à jouer à « cache-cache » avec l’inspecteur nommé sur l’enquête qui n’est autre que son séduisant ex-petit ami, étrangement pété de thunes pour un flic, toujours célibataire ce qui ne gâche rien, la voici partie pour prendre une part active à cette enquête.

Comme quoi les Costwolds et la séculaire cité universitaire d’Oxford sont bien devenues une « no-go-zone » bourgeoise, où les morts violentes sont en pleine expansion sans que ça n’empêche l’immobilier d’y flamber…

Et comme quoi nul n’est obligé de faire l’école de police pour résoudre des crimes en Angleterre depuis qu’une certaine Miss Marple s’y est mise.

Alors ? Faut-il ou non continuer à suivre cette nouvelle série de cosy mysteries ?

Je vous avais dit que je réservais mon jugement à cet égard après la lecture du premier opus et attendais de voir comment les personnages allaient évoluer et l’auteure progresser dans sa manière de construire une intrigue.

Et surtout… échapperait-on au « je t’aime moi non plus » usant que nous infligent certains auteurs, afin de nous tenir en haleine avec la vie sentimentale de leurs héros, sans se rendre compte qu’au bout d’un moment, s’ils n’ont pas conclu, c’est qu’ils sont sévèrement névrosés, impuissants, frigides ou affecté d’un complexe d’œdipe chronique incurable ?

À moins qu’ils n’aient trop lu de romans à l’eau de rose (c’est possible mais franchement moins fréquent chez les mecs tout de même)?

Mais quoi qu’il en soit au bout d’un moment ces tergiversations nous emmerdent prodigieusement à terme et il serait grand temps de passer aux choses sérieuses (comme une bonne scène de partie de jambes en l’air décrite en détail).

Or donc qu’en est-il avec ce second tome ?

Eh bien, question intrigue on est clairement en progrès. Pas de liste réduite de suspects évidents dès le départ, tout le monde pourra voir ce qu’il dit réutilisé contre lui-même.

On liste des pistes, on les explore, on les ferme, on les rouvre… et même quand on croyait l’affaire dans le sac on se retrouve face à une impasse rendant obligatoire d’explorer d’autres possibilités.

Je regretterai néanmoins un léger abus du facteur chance et d’heureuses coïncidences dans cet opus. Si ça peut marcher dans la littérature jeunesse, je suis hélas considérée comme adulte depuis trop longtemps pour encore croire que le Père Noël puisse passer plusieurs fois par an.

Mais je ne serai pas trop sévère. On a une bonne brochette de personnages récurrents attachants bien que leur psychologie mérite d’être davantage creusée.

Par exemple, le gang des « vieilles chouettes » désigne un petit groupe sympathique de dames âgées expertes es ragots et donnant volontiers un coup de main au salon de thé se voit toujours désigné sous ce terme générique…

Certes, elles ont chacune un prénom (qu’on oublie vite), l’une d’elle est un peu ronde… Mais… pour le moment nous n’avons qu’une perception assez floue ou indistincte de ce groupe dont je ne suis plus très sûre de savoir s’il est composé de trois ou de quatre retraitées.

Quant au père de Gemma qui n’est que peu présent hors de son domicile, on pourra trouver étrange qu’il ne se soit pas déplacé en une occasion que nous tairons, pour ne pas spoiler, mais pour laquelle tout parent normalement constitué bouge un peu ses fesses quand même.

Le style est assez agréable et léger. La banalité de la vie quotidienne de l’héroïne vient se nouer à la trame de l’intrigue comme pour l’ancrer dans une certaine réalité.

Et le choix d’une rédaction à la première personne présentant le roman comme un récit vivant où la narratrice semble capable de prendre ses distances vis-à-vis d’elle-même avec humour et d’alléger la charge émotionnelle des aspects les plus lourds du roman, vient renforcer cette impression d’agréable légèreté.

Et puis… Il y a la recette finale. C’est une tradition avec cette série : l’auteur nous offre à la fin du roman, la recette d’une pâtisserie servie au salon de thé et évoquée dans l’histoire.

Pour le premier volume, nous avions eu droit à la recette des scones avec lequel la victime a été étouffée… Et là, ce sera la recette secrète du cheesecake qui relance les ventes du salon de thé et que la mère de Gemma tient de sa propre mère !

Pour les hésitations sentimentales de Gemma je crains hélas que nous ne soyons pas au bout de nos aventures… Toujours deux partis intéressants en perspective… Et qui se savent en rivalité par-dessus le marché.

Gemma semble craquer davantage pour l’un des deux, et cela semble réciproque mais l’autre n’a pas l’air de vouloir lâcher l’affaire.

C’est certainement moins lourdingue qu’avec Agatha Raisin, qui, en plus tombe amoureuse du premier pantalon venu… Mais les premières indications données, quant à l’intrigue du troisième volume annoncée à la fin du livre, me laisse encore un peu sceptique et prudente. Elle n’a pas l’air d’être pressée de choisir.

Pour le moment… ça peut passer. Après tout Gemma n’a que 29 ans (les aura-t-elle indéfiniment ?), et on peut après tout comprendre qu’elle puisse encore se faire quelques illusions ou avoir quelques pudeurs l’empêchant de foncer tête baissée dans une affaire avec un mâle.

Mais… il ne faudra pas qu’elle hésite trop longtemps si elle ne veut pas lasser ses lecteurs.

Après tout Lizzie Martin s’est décidée assez vite elle… Je vous l’accorde, il n’y avait pas non-plus beaucoup de concurrence, donc ça aide… Et puis elle était pressée de se caser en bonne victorienne obligée de convoler pour coucher et ne pas se retrouver à la rue.

Alors oui effectivement, quand t’as ta propre affaire et le choix entre deux beaux mecs pleins aux as… Le truc qui n’arrive jamais au pauvres mortelles que nous sommes… ça finit vite par devenir insupportable. Elle nous nargue cette tête à claque, épicétou !

En résumé, j’ai passé un agréable moment avec ce cosy mystery léger et sans trop de prétentions, qui nous offre des personnages récurrents attachants, et dont la construction des intrigues mérite encore d’évoluer vers un peu plus de maturité.

En espérant que le personnage principal finira par faire des choix sentimentaux lui permettant également d’évoluer plutôt que de stagner dans une hésitation redondante qui a terme pourra nous faire fuir, nous continuerons à apprécier le style vivant de l’écriture et surtout, la recette finale qui ravira les gourmandes.

Mais… peut-être vaudra-t-il mieux lire cette série à un rythme espacé pour éviter l’indigestion ?