Ainsi parlait ma mère : Rachid Benzine

Titre : Ainsi parlait ma mère

Auteur : Rachid Benzine
Édition : Seuil – Cadre rouge (02/01/2020)

Résumé :
« Vous vous demandez sans doute ce que je fais dans la chambre de ma mère. Moi, le professeur de lettres de l’Université catholique de Louvain. Qui n’a jamais trouvé à se marier. Attendant, un livre à la main, le réveil possible de sa génitrice. Une maman fatiguée, lassée, ravinée par la vie et ses aléas.

« La Peau de chagrin », de Balzac, c’est le titre de cet ouvrage. Une édition ancienne, usée jusqu’à en effacer l’encre par endroits.

Ma mère ne sait pas lire. Elle aurait pu porter son intérêt sur des centaines de milliers d’autres ouvrages. Alors pourquoi celui-là ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais su. Elle ne le sait pas elle-même.

Mais c’est bien celui-ci dont elle me demande la lecture à chaque moment de la journée où elle se sent disponible, où elle a besoin d’être apaisée, où elle a envie tout simplement de profiter un peu de la vie. Et de son fils. »

Critique :
Une fois de plus, j’ai décidé de lire ce roman à cause de « La Grande Librairie » (très dangereux pour la PAL cette émission).

L’auteur avait déjà apporté des émotions sur le plateau, sans pour autant sortir les mouchoirs, mais on sentait qu’il aimait sa mère, malgré le fait qu’il avait eu honte de son accent berbère fort prononcé.

Comme il l’avait si bien sur le plateau « Ce sont les autres qui nous font ressentir la honte ».

Oui, la honte ne vient pas des parents mais de ce que les autres disent d’eux et les enfants sont souvent cruels, méchants, bêtes et aiment faire mal, surtout quand ils voient que leur persiflages ont touché leur cible et l’ont blessée.

Sans être un roman autobiographique, on se doute que l’auteur a puisé dans son vécu en mettant en scène un fils au chevet de sa mère et en nous racontant l’enfance de cet homme, devant cette femme, sa mère, qu’il a méprisé, parfois, lui qui était lettré alors que sa pauvre mère ne savait ni lire ni écrire.

Les enfants sont tous cruels et ont souvent tendance à mépriser leurs parents, surtout si ceux ci sont issus de l’immigration et restent, toute leur vie, cantonnés aux classes sociales d’en bas, regardée de haut par toute personne qui a un peu plus que ceux qui n’ont rien.

C’est avec justesse que l’auteur nous parle justement de l’immigration et des boulots mal payés que leurs parents ont dû faire pour que leurs enfants ne manquent de rien, ou du moins, qu’ils n’aient pas le ventre vide.

Mais l’enfant ne s’en rendra compte des sacrifices de ses parents qu’une fois devenu adulte.

Il y a de la pudeur, des émotions contenues, des émotions qui coulent, une gorge qui se serre… Celle du lecteur qui ne peut rester de marbre devant une si belle déclaration d’amour d’un fils à sa mère qui part doucement.

Sardou a chanté les questionnements du personnage principal, ce fils qui n’imagine pas que sa mère ait pu comprendre certains passages olé-olé du livre « La peau de chagrin » de Balzac, qui n’imagine même pas que sa mère ait pu avoir du plaisir à faire l’amour… Sujet tabou pour le fils et pour tout les enfants une fois devenu grands.

Toujours avec pudeur, toujours avec émotion, drôlerie, l’auteur nous parle de ce fils au chevet de sa mère, qui se souvient des moments les plus beaux de leur vie, mais aussi des humiliations qu’elle a subie, qu’elle a encaissée sans rien dire.

Une déclaration d’amour d’un fils à sa mère qui a tout donné pour ses cinq fils, pour qu’ils ne manquent de rien après le décès de leur père.

Mais pas que… L’auteur, avec juste les mots qu’il faut, nous parle aussi de l’exil et de la douleur qu’il procure, des exclusions, des injustices sociales, des hontes enfantines envers les parents qui ne sont pas comme les autres, qui sont illettrés ou peu instruits, de ces enfants qui réussissent leur vie professionnelle et le décalage qu’il y a ensuite entre leurs parents et eux.

Une belle lecture, bien que trop courte car je n’aurais pas dit non à passer un peu plus de temps avec le personnage principal et sa maman, fan de Dacha Distel.

« Je n’imaginais pas les cheveux de ma mère,
Autrement que gris-blanc.
Avant d’avoir connu cette fille aux yeux clairs,
Qu’elle était à vingt ans.
Je n’aurais jamais cru que ma mère,
Ait su faire un enfant ». 

Inexorable : Claire Favan

Titre : Inexorable

Auteur : Claire Favan
Édition : Robert Laffont La bête noire (11/10/2018)

Résumé :
Vous ne rentrez pas dans le moule ? Ils sauront vous broyer.

Inexorables, les conséquences des mauvais choix d’un père.
Inexorable, le combat d’une mère pour protéger son fils.
Inexorable, le soupçon qui vous désigne comme l’éternel coupable.
Inexorable, la volonté de briser enfin l’engrenage…
Ils graissent les rouages de la société avec les larmes de nos enfants.

« Claire Favan franchit un cap avec cette histoire qui touchera inexorablement votre âme. » Yvan Fauth, blog EmOtionS.

« À l’enfant qui est en vous, ce livre peut raviver des douleurs. À l’adulte que vous êtes devenu, il vous bousculera dans vos certitudes. » Caroline Vallat, libraire Fnac Rosny 2

Critique :
Le résumé de ce livre m’avait attiré, les critiques élogieuses me donnaient encore plus envie de me plonger dans cette histoire d’un enfant mis à l’écart à l’école.

Ne pas rentrer dans le moule et se retrouver mis à l’écart, je connais ça, j’ai vécu ça, faut pas croire que j’étais une meneuse à l’école, ni la plus populaire.

Ce genre de sujet aurait dû me parler, me procurer des émotions fortes, de l’empathie pour Milo, ce jeune garçon mis au ban dans son école, mais là, j’ai eu du mal à m’attacher à lui car nous n’avions rien en commun…

Bon, déjà, un papa gangster, ça n’aide pas à se sentir en phase, le mien n’ayant jamais pratiqué cette profession lucrative et dangereuse… De plus, si Milo est écarté et perd ses copains, c’est suite à la violence qu’il commence à développer envers les autres, ce qui entraînera l’effet boule de neige de se retrouver accusé de tous les maux, même lorsqu’il est absent. Le bouc émissaire parfait, en quelque sorte.

J’avoue que j’aurais préféré tomber sur un récit plus conceptuel de mise à l’écart d’un enfant dans une école : un enfant timide, taiseux, d’une couleur différente, possédant un petit handicap, ou un retard mental léger…

Ceci afin de pouvoir rattacher cet enfant à un sentiment connu, vécu par moi-même ou par d’autres enfants et qui m’a été raconté. Là, pour ces gosses, j’ai de l’empathie, mon cœur saigne car la mise à l’écart est injustifiée.

Mais un enfant violent, ça fait rejaillir aussi ce que les enfants d’amis ont subi : les coups porté par cet enfant à d’autres et la direction de l’école qui, tel Ponce Pilate, se lave les mains en se retranchant derrière le « C’est un enfant à problème, on ne sait rien faire de plus ».

Comme une amie à moi qui est dans le cas : son gamin s’en prend plein la gueule suite à un enfant violent et le violent n’est pas écarté, ni puni… Et ce gosse ne doit pas sa violence à d’autres enfants de l’école qui l’auraient eux-mêmes maltraité, ni à un milieu familial chaotique. Mon petit-neveu en a souffert aussi, en 2ème maternelle, autrement dit, entre gosses de 3-4 ans !

Anybref, j’ai apprécié le récit, mais niveau émotions, je ne serai pas en overdose puisqu’il m’en a manqué.

J’ai eu du mal à m’attacher à Milo, même si j’ai trouvé le comportement de ses profs injuste et que ces derniers, au lieu de l’aider, l’ont enfoncé un peu plus car il est plus facile de détruire que de construire, plus facile d’enfoncer que d’aider à sortir la tête hors de l’eau.

Idem au niveau de ses copains de classe, qui ont profité ensuite de la situation de bouc émissaire de Milo, mais là, tout le monde sait que les chères têtes blondes sont de vrais démons entre eux.

Malgré tout, l’auteur met bien en évidence le fait qu’un parcours scolaire chaotique tel que fut celui de Milo a débouché sur un jeune homme en manque de confiance, de repères et que ça lui a bousillé ses chances professionnelles.

Par contre, l’auteur m’a glacée au niveau de son polar et de ce qu’une mère est capable de faire pour sauver son enfant. Là, elle m’a troué le cul et je ne m’en suis pas encore remise, oscillant toujours entre le « elle a eu raison » et le « rien ne justifiait cette action ».

Une demi-teinte pour moi, puisque je cherchais autre chose, carton plein pour le côté polar puisque j’en ai pris plein ma gueule sans pouvoir bouger pendant que l’action se déroulait sous mes yeux.

Par contre, pour vous, ce sera peut-être le ticket gagnant au niveau des émotions ou de l’empathie. Je désirais autre chose, je ne l’ai pas eu, ce qui ne m’empêchera pas de sauter de joie à l’idée du prochain roman de l’auteure et de le lire car madame Favan m’a déjà donné un fameux quota d’émotions avec ses autres livres.

EDIT : le coup d’Olivier Norek en marraine la bonne fée, dans les remerciements, m’a fait pisser de rire !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2018-2019).

 

Chat sauvage en chute libre : Mudrooroo

chat-sauvage-en-chute-libre-mudrooroo

Titre : Chat sauvage en chute libre

Auteur : Mudrooroo
Édition : Asphalte (12/01/2017)

Résumé :
Australie, dans les années 1960. Le narrateur, jeune métis aborigène, sort d’un court séjour en prison suite à un cambriolage. Livré à lui-même, il erre entre les bars jazz, où il risque de retrouver ses mauvaises fréquentations, et les plages où flâne la jeunesse dorée locale.

Il se heurte de nouveau aux multiples barrières entre lui et les blancs, lui et les Aborigènes, lui et une société dans laquelle il ne trouve pas ses repères.

Dans une librairie, il tombe sur un exemplaire d’En attendant Godot de Samuel Beckett, qui lui fera l’effet d’un électrochoc…

aboCritique : 
« Les hommes naissent égaux. Le lendemain, ils ne le sont plus » (Jules Renard). Pour certains, même avant leur naissance c’est déjà foutu pour les droits…

L’auteur de ce roman paru en 1965 n’avait pas les bonnes cartes en main pour faire une Grande Suite.

Son père était Blanc, et sa mère Aborigène, ce qui fait de lui un métis : pour les Blancs, il est Aborigène, pour les Aborigènes, il est Blanc. Le cul entre deux chaises.

Jugé par tout le monde dès sa naissance, même avant, étiqueté dès l’enfance, condamné par les deux populations, la Blanche et les Aborigènes, il aurait eu du mérite de s’en sortir, vu le sale ticket perdant qu’on lui a casé dans les mains dès qu’il est sorti du ventre de sa pauvre mère.

On m’avait placé un ticket dans la main le jour de ma naissance avec une destination précise, mais que, eh bien, le temps avait passé, l’encre s’était effacée, et aucun contrôleur ne s’était encore présenté pour éclaircir l’affaire.

Il a bien entendu sombré assez vite, pour une broutille, bien entendu, et le fait d’être placé chez des gentils Blancs (ironie) d’une espèce de maison de redressement n’a pas arrangé les choses. Séparé de sa mère, cela ne fera que de le précipiter plus dans la merde totale. Une vraie merde, pas de la glace au chocolat (cfr scandale du Cacagate).

C’est le récit d’un renoncement à tout, sauf aux mauvais coups, le récit d’un naufrage humain, la chronique d’une renonciation annoncée. La chronique d’un jeune gars dont le seul tort était de n’être ni Blanc, ni Aborigène et qui n’a jamais réussi à trouver sa place, ses marques.

Les paragraphes alternent entre des récits du passé et ceux du présent, donnant à certains moments des airs de foutoir, mais comme un chat, on retombe vite sur nos pattes.

Un récit qui n’est pas joyeux, bien entendu, rien qu’aux titres des trois parties on a déjà compris le final. Notre auteur est désabusé, n’attend rien de la vie, rien des autres, ne sait pas trouver sa place et reste assez cynique lorsqu’il porte un regard sur la société Australienne.

C’est court, c’est pas long, mais c’est puissant, l’amertume de l’auteur transpire de chaque phrase et on sent bien que jamais il ne fera un effort pour s’en sortir dans la vie puisque la vie l’a mis sur le côté dès le départ.

Un récit qui, hélas, est toujours contemporain.

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017) et le Mois du polar 2017 chez Sharon.

Mois du polar - sharon-pour-logo-polar21

Enregistrer