Titre : Petit traité du racisme en Amérique
Auteur : Dany Laferrière
Édition : Grasset – Essais français (2023)
Résumé :
Dans ce livre, le premier qu’il consacre au racisme, Dany Laferrière se concentre sur ce qui est peut-être le plus important racisme du monde occidental, celui qui dévore les Etats-Unis.
Les Noirs américains : 43 millions sur 332 millions d’habitants au total – plus que la population entière du Canada. 43 millions qui descendent tous de gens exploités et souvent martyrisés. 43 millions qui subissent encore souvent le racisme.
Loin d’organiser une opposition manichéenne entre le noir et le blanc, précisément, Dany Laferrière précise : « On doit comprendre que le mot Noir ne renferme pas tous les Noirs, de même que le mot Blanc ne contient pas tous les Blancs. Ce n’est qu’avec les nuances qu’on peut avancer sur un terrain si miné. »
Voici donc un livre de réflexion et de tact, un livre littéraire. Mêlant des formes brèves que l’on pourrait rapprocher des haïkus, où il aborde en général les sensations que les Noirs éprouvent, et de brefs essais où il étudie des questions plus générales, Dany Laferrière trace un chemin grave, sans jamais être démonstratif, dans la violence semble-t-il inextinguible du racisme américain.
« Mépris », « Rage », « Ku Klux Klan » alternent avec des portraits des grands anciens, Noirs ou Blancs, qui ont agi en noir ou en blanc : Charles Lynch, l’inventeur du lynchage, mais aussi Eleanor Roosevelt ; et Frederick Douglass, et Harriet Beecher Stowe, l’auteur de La Case de l’oncle Tom, et Bessie Smith, à qui le livre est dédié, et Angela Davis. Ce Petit traité du racisme en Amérique s’achève sur une note d’espoir, celui que Dany Laferrière confie aux femmes. « Toni, Maya, Billie, Nina, allez les filles, le monde est à vous ! »
Critique :
Voilà un livre qui se lit assez vite, car au lieu d’être composé d’un long texte, il est composé de plein de petits : poésies, réflexions, punchline, biographies assez courtes d’Américains ayant marqué leur époque, s’étant battu pour les droits.
Au départ, j’ai été déstabilisée, puisque je m’attendais à une étude, un essai, bref, à un texte en continu. Comme je sais m’adapter et faire preuve de souplesse, je me suis dit « Pourquoi pas ? »…
Et je me suis rendue compte, au fil de ma lecture, qu’on pouvait en dire beaucoup avec peu de mots, qu’il fallait juste bien choisir ses phrases, ce que Dany Laferrière a réussi à faire avec maestria.
S’appuyant sur ses expériences, sur des lectures, des auteurs, des faits de sociétés, il nous parle d’esclavage, de ségrégation, des luttes, des injustices, de littérature, de colonisation, des haines dans le coeur des Hommes. Le tout sans sombrer dans le pathos ou le larmoyant. C’est net et précis. Le tout avec de temps en temps une pointe d’humour.
C’est instructif, même si vous connaissez déjà beaucoup sur le sujet, parce qu’il est utile de rappeler que le racisme n’est pas mort, la ségrégation non plus et que les injustices sont toujours là, bien présentes, entre les Blancs et les Noirs, tout Américains, même si certains ont moins de droits que les autres.
Sans oublier le racisme primaire, celui que l’on fait sous le couvert de l’humour, mais qui peut blesser celui qui en fait les frais. Les petites paroles glissées dans votre dos, les rires gras, les gens qui chuchotent… Il y a encore du boulot !
Un essai qu’il faut lire, afin de ne pas oublier que des gens, à cause de leur couleur de peau, vivent toujours des injustices, comme c’est toujours aussi le cas pour une orientation sexuelle (homosexualité), pour leur sexe (nous les femmes) ou leur transsexualité.
Et toutes ces injustices ne concernent pas des minorités, certaines touchent la moitié de la population. On n’a pas fini de se battre, Dany ! Mais c’est épuisant…
Le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°21.