Demain les ombres : Noëlle Michel

Titre : Demain les ombres

Auteur : Noëlle Michel
Édition : Le bruit du monde (05/01/2023)

Résumé :
C’est un clan d’humains. Ils chassent et cueillent, ils naissent et meurent, ils habitent des tentes de peau, ils peignent sur la paroi des grottes, ils perpétuent les légendes de leurs déesses et dansent autour du feu les soirs de fête.

Leur univers est une forêt nourricière et, hormis les grands froids ou la maladie, ils n’ont à redouter que la Bête, qui rôde aux abords d’infranchissables Confins. Ils ignorent qu’un tout autre monde existe au-delà.

Cet autre monde, c’est le nôtre ou presque, couvert de villes grises de pollution et peuplé de Sapiens dont quelques-uns vont bientôt rencontrer leurs lointains cousins du clan Neanderthal…

Porté par un redoutable sens du suspense, Demain les ombres est un grand roman d’évasion nourri de considérations éthiques sur notre rapport à la nature, au divertissement, à l’autre, à la vie.

Critique :
Ayant lu de bons retours sur ce roman, j’ai décidé de l’attaquer cette année et afin de garder le suspense entier, je n’ai pas relu le résumé.

Ce fut une excellente idée. La surprise à été totale, lorsque j’ai commencé la lecture, passant d’un récit sur une peuplade primitive à un labo scientifique dernier cri, au chapitre suivant. Quel grand écart.

Alternant les chapitres entre un récit qui semble être dans le passé et dans un futur immédiat, ce roman dystopique se lit très vite, tant l’émerveillement est grand en lisant ces deux récits. Évidemment, on comprend très vite certaines choses, mais cela n’a pas empêché mes yeux de briller.

Difficile d’en dire plus afin de ne pas gâcher le plaisir de lecture des futurs lecteurs et lectrices. Sachez juste que l’autrice a réussi à écrire un roman entrainant, différend des autres que j’ai déjà lu avec nos cousins néandertaliens et à garder des surprises pour la fin.

Le récit parle d’éthique, de science sans conscience, d’Hommes qui ont joué à Dieu et de fric, parce que c’est le moteur de nos sociétés. Vous connaissez le fameux « Panem et circenses » de la Rome Antique, qui veut dire « du pain et des jeux » ? Et bien, nous en sommes toujours là : l’Homme veut à bouffer et du divertissement, à n’importe quel prix.

Le récit ne se prive pas d’aller vers de l’émotionnel, sans virer dans un pathos qui serait malvenu. Les personnages sont attachants, même ceux qui vivent dans des grottes et ont le front proéminent.

Oui, l’autrice aurait pu faire virer son récit vers un thriller endiablé, mais elle a choisi la voie de la raison et tant mieux, on évite donc le blockbuster qui fait tout péter et on reste dans un récit qui ne manque pas de profondeur, que ce soit au niveau des personnages ou du scénario.

Un roman qui nous fait réfléchir, un roman inclassable, qui oscille entre la SF, l’anticipation, la dystopie et le côté thriller avec cette Bête qui vient chercher certains membres du clan.

Il y a un soupçon de nature-writing aussi, puisque les Néans vivent en communion avec la Nature, respectant ses saisons, vivant de ce que la Nature leur offre, là où d’autres ont saccagés la Terre.

Un roman à découvrir, assurément et qui ne vous laissera pas indifférents.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°096].

Méduse : Martine Desjardins

Titre : Méduse

Auteur : Martine Desjardins
Édition : L’Atalante – La Dentelle du cygne (17/08/2023)

Résumé :
On la surnomme Méduse depuis si longtemps qu’elle en a oublié son véritable prénom.

Elle marche tête baissée, le visage caché derrière ses cheveux, pour épargner aux autres la vue de ses Difformités – des yeux si horribles qu’ils révulsent les femmes et pétrifient les hommes.

Elle-même n’a jamais osé se regarder dans un miroir. Martine Desjardins signe ici un récit incendiaire sur la honte du corps, l’oppression et le pouvoir de la féminité.

Un renversement des rapports de force qui jette une lumière à la fois crue et raffinée sur la monstruosité.

Critique :
Enfin, un autre coup de coeur pour l’année 2023 ! Cela faisait longtemps…

En commençant ce roman, j’ai tout de suite accroché au style d’écriture, à l’ambiance, au personnage de la jeune fille, surnommée Méduse.

Méduse, cette jeune fille aux yeux étranges, si laids que personne ne peut la regarder dans les yeux. Ses parents l’obligent à vivre cachée, à laisser ses cheveux pendre devant ses yeux.

Ensuite, lorsqu’on l’enverra dans cet horrible institut pour enfants difformes, on l’obligera à marcher à quatre pattes.

Cette réécriture du mythe de méduse, est un conte cruel, sombre, violent, notamment en raison des bienfaiteurs de l’horrible institut, qui se comportent comme des enfants cruels, lorsqu’ils obligent des jeunes gamines à jouer avec eux.

En 200 pages, l’autrice nous fait passer par bien des émotions, souvent fortes et la jeune fille que l’on a surnommé Méduse est un personnage fort, emblématique, qui marque durablement (elle rejoint les personnages féminins que j’ai adoré dans divers romans).

Elle devra s’accepter, grandir, trouver sa place dans ce monde qui n’accepte pas les différences, les difformités, au point d’abandonner et ensuite d’enfermer des enfants qui en sont pourvus.

Dans ce roman sombre, les hommes n’ont pas le beau rôle, ils sont tous un peu lubriques, méchants, dominateurs, certains de posséder un pouvoir de par leur sexe, considérant toutes les femmes comme des moins que rien, juste bonnes à les servir, de toutes les manières possibles et imaginables (sans oublier d’être belle et de se taire).

Dans nos sociétés, de tout temps, une femme doit d’être belle, élégante et répondre au diktats de la mode de son époque. Les femmes font peur aux hommes (certains les obligent même à se couvrir la tête).

Ce récit, pris au premier degré, est un réécriture d’un mythe, mais analysé au second, parle assurément du féminisme et de la difficulté pour les femmes de se faire une place dans ce monde phallocrate et patriarcal.

Avec peu de dialogues (quasi aucun), avec une écriture ciselée, que l’on aimera ou pas (moi, j’ai adoré), avec un choix nombreux d’adjectifs que Méduse utilisera pour parler de ses difformités, de ses monstruosités, sans jamais nous parler de l’époque, l’autrice arrivera sans problème à nous entrainer dans ce monde de noirceur où tout ne sera pas si noir que ça. Oui, il y a parfois des lueurs dans la nuit, même la plus noire.

Méduse fait partie de ces romans qui m’ont sorti de ma zone de confort, qui m’ont apportés des émotions fortes lors de ma lecture.

C’est un récit dérangeant, qui met mal à l’aise, mais que l’on ne peut s’empêcher de lire, tant on est subjugué par le style d’écriture et par ce conte, gothique, dramatique et sombre.

Une allégorie puissante… Un coup de coeur.

Culottées – Tome 01 : Pénélope Bagieu

Titre : Culottées – Tome 01

Scénariste : Pénélope Bagieu
Dessinateur : Pénélope Bagieu

Édition : Gallimard – Bande dessinée (2017/2019)

Résumé :
Quinze récits mettant en scène le combat de femmes d’origines et d’époques diverses, qui bravèrent les normes sociales de leur temps : Margaret, une actrice hollywoodienne, Agnodice, une gynécologue de l’Antiquité grecque qui se fit passer pour un homme afin d’exercer sa profession, Lozen, une guerrière et chamane apache, etc.

Critique :
Je n’avais entendu que du bien de ce roman graphique et j’avais très envie de le découvrir.

Bon, ça a mis du temps (j’en manque toujours), mais maintenant que j’ai découvert ces portraits de femmes culottées, qui ont osé braver les interdits, se battre, s’élever, aller contre le conformisme, j’ai hâte de lire la suite.

L’autrice met en scène, au travers de 15 portraits, 15 femmes. « Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent ».

Des connues comme Joséphine Baker et des inconnues et c’est là tout l’intelligence, car elle nous fait découvrir des femmes qui méritaient bien un gros coup de projecteur sur leur vie et ce qu’elles ont réalisées.

J’ai apprécié en apprendre plus sur les femmes que je croyais connaître, mais dont je ne savais pas tout et j’ai pris un grand plaisir aussi à découvrir d’autres portraits, que ce soit celui d’une femme gynécologue du temps de la Grèce antique, qui sauva la vie de ses patients qui accouchaient ou tout simplement d’une femme à barbe qui s’est assumée, d’un homme qui se sentait femme ou de la seule femme impératrice en Chine.

Alors oui, toutes n’ont pas fait avancer la cause du féminisme, loin de là, mais par leurs petites actions, elles ont contribué à d’autres choses. C’étaient des rebelles qui n’ont pas voulu rester dans les cases prévues par leurs sociétés et où on a toujours caser les femmes : mariage, maternité, ferme ta gueule et fait le ménage.

C’est drôle, intéressant, bien mis en scène (j’ai un faible pour les dessins de Pénélope) et même si les portraits sont trop courts, on a tout de même rempli son cerveau de petites histoires à raconter plus tard, pour briller devant des beaufs et leur claper le bec.

L’autrice n’a pas suivi une ligne du temps, on passe par toutes les époques et tous les lieux. Il ne faut pas chercher un fil rouge, le seul qu’il y a, ce sont les portraits de ces femmes rebelles, dont la plupart nous étaient inconnues.

Elles ont du courage, certaines ont pris plus de risques que d’autres (s’opposer à un dictateur est plus dangereux que lutter contre l’érosion avec des plantations), mais je ne les jugerai pas, chacune, à son échelle, a fait quelque chose d’important, d’intéressant et c’est ce qui compte.

Une bédé, roman graphique à découvrir et à partager !

Sleeping beauties : Stephen King et Owen King

Titre : Sleeping beauties

Auteurs : Stephen King et Owen King
Édition : Albin Michel (2018) / Livre de Poche (2019)
Édition Originale : Sleeping Beauties (2017)
Traduction : Jean Esch

Résumé :
Un phénomène inexplicable s’empare des femmes à travers la planète : une sorte de cocon les enveloppe durant leur sommeil et si l’on tente de les réveiller, on prend le risque de les transformer en véritables furies vengeresses.

Bientôt, presque toutes les femmes sont touchées par la fièvre Aurora et le monde est livré à la violence des hommes.

À Dooling, petite ville des Appalaches, une seule femme semble immunisée contre cette maladie.

Cas d’étude pour la science ou créature démoniaque, la mystérieuse Evie échappera-t-elle à la fureur des hommes, dans un monde qui les prive soudainement de femmes ?

Critique :
♫ Où sont les femmes, femmes, femmes, où sont les femmes ? ♪ Dans des cocons pleins de charme ♪ Que certains enflamment,  flamme, flamme, flamme ♪ Pour brûler les femmes ♫

Avec ce pavé de plus de 900 pages (en version poche), nous avions deux fois plus de King, puisque Stephen, le père, avait écrit avec un de ses fils, Owen.

Bon, doubler la dose ne veut pas nécessairement dire que ce sera meilleur et ce pavé le prouve, sans pour autant être mauvais.

Le pitch de départ est intéressant : toutes les femmes s’endorment et une sorte de cocon les enveloppe durant leur sommeil. Toutes les femmes ? Non, une femme résiste encore et toujours à cette maladie… Evie peut s’endormir et se réveiller. Quel est ce prodige ?

Le problème de ce roman des King, ce sont les longueurs qui n’apportent rien à l’histoire ou aux personnages. Avec 200 pages de moins, on aurait peut-être bénéficié d’un peu plus de rythme, parce que là, même moi j’ai mis du temps à venir à bout de ces 900 pages, ce qui n’est pas dans mes habitudes.

Profusion de personnages dans ces pages et j’ai parfois confondu quelques femmes du pénitencier, mais rien de grave. Les dernières pages du roman contiennent les noms et les fonctions de personnages, afin que l’on s’y retrouve. Par contre, l’éditeur aurait dû placer ça en début de roman…

Il y a un côté féministe, dans le roman des King, puisqu’il est question de la disparition totale des femmes, qui, endormies dans des cocons, laisse un monde voué à sa perte, sans possibilité pour les hommes de se reproduire. Comment les mecs allaient-ils réagir, à travers le monde ?

Nous ne connaîtront que la réaction des hommes de la petite ville de Dooling, petite ville des Appalaches, puisque c’est dans cette ville que Evie a fait son apparition et qu’elle est la seule à ne pas dormir, sans compter qu’elle sait des choses, comme si elle venait d’ailleurs. La vérité serait-elle vraiment ailleurs, comme le disait si bien Fox Mulder ?

D’habitude, avec les romans du king, même s’il ne se passe pas grand-chose dans le récit, je ne m’ennuie jamais, tandis qu’ici, j’ai tout de même eu des longs moments de solitude, notamment dans les 100 premières pages et à quelques endroits du roman.

J’aurais aimé que le récit nous fasse vivre plus d’émotions, ait plus de tension, plus d’angoisses et finalement, il en ressort un récit assez banal dans sa conclusion, alors que le pitch de départ était tout de même fort.

Ma foi, j’ai eu l’impression qu’on aurait pu avoir quelque chose de plus fort si les auteurs avaient moins fait tourner en rond leurs personnages dans cette trop longue introduction et s’étaient attaqué à nous raconter l’histoire d’un monde sans femmes.

Le rythme du roman manque d’équilibre, on passe de tensions à des moments plus calme, mais c’est trop abrupte et les moments calmes sont trop longs. Ça monte, ça descend, mais on se retrouve trop souvent dans le creux de la vague. Malgré tout, je n’ai pas abandonné ma lecture, car j’avais envie de savoir ce qui allait se passer.

Pourtant, ce roman n’est pas dénué de qualités, notamment dans les personnages forts, qui sont travaillés, qui évoluent et qui ne sont pas manichéens. Même un des meneurs du groupe des assaillants a des circonstances atténuantes et il est assez facile de le comprendre. Face à une telle peur, un tel cataclysme, nous aurions sans doute agi de la sorte, afin de sauver nos proches.

Un des personnage ultra fort et intriguant, c’est la fameuse Evie, mais là encore, le duo des King ne nous donnera que peu de détails sur elle. Ok, on restera dans le flou, mais c’est dommage.

Le plus grave, c’est que nos auteurs arrivent à faire foirer le final, qui s’éternise un peu trop et où les conclusions tombent comme un cheveu dans la soupe. Pourquoi devoir attendre mardi matin et pas lundi soir ? Le test des hommes n’est guère concluant et surtout, pourquoi considérer que les habitantes de Dooling sont un échantillon représentatif de la population mondiale ??

Je reste avec beaucoup d’interrogations et je trouve que le final, ainsi que la conclusion, ne sont pas assez travaillés, sont trop légers, trop faciles, un peu poussifs, mou du genou… Mais ceci n’est que mon avis.

Et puis, la violence n’est pas que masculine, il y a des femmes violentes. Les prisons de femmes n’ont rien à envier à celles des mecs. La violence est dans l’humanité.

Alors non, ce roman n’est pas une daube, tout n’est pas à jeter dedans, il y avait de belles promesses, mais, comme les politiciens, elles n’ont pas donnés grand-chose, elles auraient eu le mérite d’être plus approfondies, quitte à survoler d’autres faits moins importants.

Ce ne sera pas un King qui entrera dans mes coups de coeur, ni même dans ceux qui m’ont laissé un bon souvenir. Je reste assez mitigée avec cette lecture, même si tout n’est pas mauvais dans ce roman. À vous de vous faire votre propre avis.

#automneduking – 02
 An American Year – 01

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°061] et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024).

Sous les étoiles de Bloomstone Manor : Mary Orchard [LC avec Bianca]

Titre : Sous les étoiles de Bloomstone Manor

Auteur : Mary Orchard
Édition : Casterman (01/02/2023)

Résumé :
Agathe Langley a dix-neuf ans en cette année 1898. Contrairement aux attentes de ses parents la jeune femme boude les bals mondains et ne vit que pour l’astrophysique, qu’elle étudie en cachette avec la complicité de sa gouvernante. Alors que les Langley viennent de quitter Londres pour s’installer à la campagne.

Agathe fait la connaissance de leur excentrique voisin, Lod Nathanaël Stone, dans sa demeure de Bloomstone Manor… une rencontre qui va changer sa vie du tout au tout.

Critique :
Voilà un roman qui a tout d’un feel-good, d’une lecture qui fait du bien, qui réconforte, même si un peu trop too much que pour être réaliste.

Je ne vais pas pinailler, parce que dans le fond, ce genre de lecture n’est pas désagréable, de temps en temps.

Agathe Langley est née à la mauvaise époque : celle où les femmes avaient juste le droit de se taire, de ne pas être plus intelligente que les hommes (pour ne pas leur faire de l’ombre à ces pauvres chéris), à se marie, pondre des enfants et tenir leur maisonnée, en donnant des ordres aux domestiques si elles évoluaient dans le monde des gens avec du fric.

Hélas, Agathe aime la physique et les conversations qui ne sont pas futiles. De plus, elle a du mal à tenir sa langue et dis souvent tout haut ce qu’elle aurait dû se contenter de penser tout bas. Bref, elle est un anachronisme dans cette bonne société, surtout qu’elle aimerait étudier la physique en toute liberté et non en cachette.

Ce roman ne manque pas de bons sentiments, notamment avec ce voisin qui lui permet de rester une semaine, avec chaperon, chez lui, afin de lire des ouvrages de physique dans sa biblio.

Le défaut majeur du roman est le côté manichéen des personnages : les bons sont bons et les méchants sont mauvais comme pouvaient l’être les hommes de cette époque : pour eux, la place de la femme était au foyer (Landru, Petiot, non, pas de mauvais jeux de mots !!), elle n’est pas capable de réfléchir, d’être l’égale de l’homme en matière d’intelligence. Ce n’est pas dans leur programme cérébral que de voir des femmes arriver au niveau des mecs. Autant espérer qu’un chien puisse utiliser un ouvre boîte…

Hélas, à cette époque, ce genre de pensée était la norme et on ne va pas se leurrer, de nos jours, certains voudraient nous renvoyer à nos casseroles. Les personnages « méchants » du roman étaient donc des purs produits de l’époque.

Par contre, tous les personnages du côté des Bons font plus anachroniques dans le tableau, surtout qu’il y en a beaucoup qui sont tolérants, compréhensifs,… C’est appréciable, mais ça fait un peu too much. Pourtant, j’ai adoré ces personnages gentils. Comme quoi, rien n’est inscrit.

Anybref, ce roman est bourré de bons sentiments et à tout d’un feel good qui fait du bien par où il passe, malgré ses petits défauts et son manichéisme. De temps en temps, on a besoin que les gentils gagnent et que l’on avance dans les droits des femmes, dans la manière qu’on les hommes de percevoir l’autre sexe.

Une lecture détente qui m’a fait du bien, parce que le roman qui je vais lire ensuite est roman noir bien poisseux, où les méchants sont d’une autre trempe que ceux de ce gentil livre. Maintenant, je vais descendre dans le Sud de l’Amérique, chez les racistes, xénophobes, assassins… Je vais regretter les gentils.

Une LC réussie avec Bianca, une parenthèse de douceur, dans un monde de brute, un roman qui parle des droits des femmes dans la société victorienne et de la somme de volonté qu’il fallait pour se faire entendre, pour faire valoir que l’on avait un cerveau aussi et que l’on était capable de penser, réfléchir, résoudre des équations.

La Petite Bédéthèque des savoirs – 11 – Le Féminisme – En sept slogans et citations : Thomas Mathieu et Anne-Charlotte Husson

Titre : La Petite Bédéthèque des savoirs – 11 – Le Féminisme – En sept slogans et citations

Scénariste : Anne-Charlotte Husson
Dessinateur : Thomas Mathieu

Édition : Le Lombard (07/10/2016)

Résumé :
Malgré des avancées significatives durant le 20e siècle, le combat féministe reste toujours d’actualité. D’Olympe de Gouges à Virginie Despentes en passant par Simone de Beauvoir ou Angela Davis, cette bande dessinée retrace, à travers des événements et des slogans marquants, les grandes étapes de ce mouvement et en explicite les concepts-clés, comme le genre, la domination masculine, le « slut-shaming » ou encore l’intersectionnalité.

Critique :
Qui a dit que les bandes dessinées étaient pour les enfants et qu’elles n’apprenaient rien aux lecteurs ? Pas moi, mais j’ai les noms des grincheux et grincheuses qui me regardent de travers parce que je lis des bédés, mangas et comics.

Cette petite bédé de vulgarisation s’attaque à un sujet énorme qu’est le féminisme. Après une intro de plusieurs pages sans dessins, on entre ensuite dans le vif du sujet avec les droits des femmes sous toutes ses coutures.

Il est impossible de parler de tout en 80 pages, mais l’essentiel est dit et il ne tient qu’à nous d’aller s’instruire plus en lisant d’autres ouvrages, dont une liste, non exhaustive, se trouve en fin d’ouvrage.

impossible de résumer cette bédé, mais elle m’a appris des choses, notamment qu’il existait plein de féminismes différents. On n’y pense pas toujours, mais de même que les revendications d’un ouvrier bossant dans la métallurgie ne seront pas celles d’un ouvrier bossant dans la maçonnerie, il y a plusieurs féminismes.

Ben oui, mes revendications en tant que femme Blanche hétéro ne seront pas les mêmes que celle d’une femme Noire, d’une musulmane, d’une lesbienne. Dans les revendications, les féministes oublient parfois les intersectionnalités où se retrouvent d’autres profils que les leurs.

Mais on ne parle pas que de féminisme… Les auteurs abordent aussi la sexualité et les violences conjugales. Ainsi que l’avortement et les viols.

Les slogans m’ont bien plu, car ils sont limpides : La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune / Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours / Ne me libère pas, je m’en charge.

J’ai apprécié aussi apprendre que les femmes avaient plus de droits au Moyen-Âge qu’à la fin du dix-huitième siècle, en termes de propriété privée, mais aussi professionnel… Qui l’eut cru ? L’eusses-tu cru ? Moi, non…

Anybref, cette petite bédé est instructive, elle vous envoie au lit moins bête qu’avant et elle fait réfléchir. Mon petit cerveau a bien turbiné après cette lecture.

Mon bémol ? C’est trop court, même si je comprends qu’il est impossible de synthétiser toues les différentes formes du féminisme dans cette bédé de vulgarisation. Le sujet est trop vaste et l’Histoire aussi.

Une lecture intéressante, instructive, une mise en page intelligente, où il est impossible de se perdre ou de se noyer dans toutes les infos. On ingurgite beaucoup, mais ça passe tout seul.

Une bédé à découvrir !

‭The Corpse Queen : Heather M. Herrman ‬[LC avec Bianca]

Titre : The Corpse Queen

Auteur : Heather M. Herrman
Édition : Fibs (05/04/2023)
Édition Originale : The Corpse Queen (2021)
Traduction : Alison Jacquet-Robert

Résumé :
Un thriller historique sombre et résolument féministe

Alors que sa meilleure amie Kitty vient de mourir dans des circonstances mystérieuses, Molly Green, orpheline de dix-sept ans, découvre l’existence d’une tante dont elle ne savait rien.

Richissime, Ava est disposée à prendre la jeune fille sous son aile… à condition que celle-ci soit prête à en payer le prix. Car Ava a bâti sa fortune en pillant des tombes pour revendre les dépouilles à des étudiants en médecine avides d’apprendre la chirurgie. Et elle veut que Molly l’aide à se procurer les corps.

Or à Philadelphie dans les années 1850, une jeune fille non mariée n’a que peu de perspectives. De plus, Molly est bien décidée à remonter la trace de l’étudiant qu’elle pense être l’assassin de Kitty. Elle accepte donc et découvre son nouveau métier… mais surtout, les leçons d’anatomie du docteur LaValle, qui vont la fasciner.

Mais à cette époque, aucune femme n’est censée étudier pour devenir chirurgienne. Et alors qu’un meurtrier sévit en ville et que la mort de Kitty reste impunie, la poursuite du savoir devient pour Molly une danse… mortelle.

Critique :
Girls power ! Oui, mais c’est plus facile de le crier en 2023 qu’en 1850. Même si ce n’est pas toujours facile pour les femmes, en 2023, c’était encore plus difficile pour celles de 1850 qui devaient toujours appartenir à un homme (père, mari ou frère).

Alors, quand Molly Green, une jeune fille de 17 ans décide de devenir chirurgienne, dans un monde uniquement composé de mecs, on ne peut pas dire qu’elle va susciter l’engouement et les hourra de ceux qui possèdent des baloches.

Ce thriller historique qui sent bon le féminisme avant l’heure, est assez gore, délicieusement macabre (comme indiqué sur sa couverture) et une fois entamé, il se lit assez vite (trop vite ?). Même si j’ai sauté un passage, celui avec Molly Green qui va tenter de remettre un siège dans le bon sens (les lecteurs comprendront et les femmes aussi). Gloups…

Les personnages sont bien esquissés, sans que l’autrice ait eu besoin d’en rajouter pour les étoffer. Ce qu’elle nous donne est suffisant pour que l’on s’attache à eux et les chapitres avec une personne emprisonné rajoute du mystère aux corps démembrés de femmes que l’on retrouve semées un peu partout dans Philadelphie.

Molly Green va tenter de mener l’enquête et d’entrer dans le cercle des jeunes apprentis médecins qui bossent sur les corps que des « résurrectionnistes » leur apporte (je ne dirai pas plus).

Effectivement, pour avancer dans l’étude du corps humain, il faut pouvoir en explorer, même si on aimerait que la médecine, la science, la chirurgie, ne doivent pas s’avilir pour avancer (vœu pieu). Je ne vous ferai pas de dessins, l’Histoire parle pour moi.

Le personnage de Molly Green est assez fort, même si, durant un petit moment, elle aura des réactions d’ado puérile… Bon, à 17 ans, je ne pense pas que j’aurais eu les épaules assez solides pour faire tout ce qu’elle fait… Et je devais avoir les mêmes réactions débiles. Heureusement, elle arrive à se reprendre ensuite.

L’ambiance un peu gothique de ce thriller historique est bien rendue, on frissonne, on regarde derrière son épaule, espérant ne pas croiser un certain Dentiste ou le serial killer qui se balade avec un couteau aiguisé. Tueur en série qui ne deviendra jamais le fil conducteur du roman (n’espérez pas une enquête poussée ou une chasse au tueur).

Un thriller historique, sur fond de misère sociale et de classes aisées (la fracture est grande) où pour avancer dans la médecine, certains sont prêts à oublier leur conscience, à déshumaniser les corps, afin de réaliser des expériences (sur les gens morts), quitte à donner un coup de pouce au destin…

Un thriller historique qui m’a scotché sur la fin, me donnant l’impression qu’une boule de bowling m’a renversé. Je n’avais rien vu venir, ou du moins, j’étais à côté de mes pompes.

Une LC réussie de plus avec ma copinaute Bianca. C’était délicieusement macabre, un poil gore, avec des vrais morceaux de féminisme et foutrement bien réussi. (3,75/5)

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°007].

Shi, cycle 1 – Tome 4 – Victoria : José Homs et Zidrou

Titre : Shi, cycle 1 – Tome 4 – Victoria

Scénariste : Zidrou
Dessinateur : José Homs

Édition : Dargaud (2020)

Résumé :
Rattrapées par la police et l’horrible Kurb, Jay et Kita sont prises au piège. Elles parviennent à s’enfuir in extremis grâce à l’aide de Senseï, mais le prix à payer est terrible.
Leurs têtes mises à prix, elles s’allient au Dead Ends, le gang de gamins des rues de Husband et Sainte Marie-des-Caniveaux.

Ensemble, ils veulent se venger de cet Empire britannique qui les écrase sans vergogne. Et rien de mieux pour parvenir à leurs fins que de profiter des décisions de la Reine Victoria.

N’appréciant nullement que les provinces d’Amérique du Nord revendiquent leur indépendance, la Reine a ordonné la construction d’une flotte navale pour aller déclarer la guerre à l’Amérique et récupérer ce qui lui appartient. Un attentat se prépare pour le jour de l’inauguration…

Il arrive que le démon verse des larmes, mais ne vous méprenez pas, il s’en nourrira pour devenir plus fort et déversera sa haine…

Critique :
Cela faisait presque 1 an que j’avais laissé Jen et Kita, ce qui était une erreur, car la série est bien faite et mystérieuse. Et puis, cela m’aurait permis de recoller avec l’histoire. Plus tard, j’essaierai de les relire d’une seule traite.

Après la trahison de qui vous savez, Jay et Kita, nos deux héroïnes sont pourchassées, recherchées. Mais elles ont une arme secrète.

Ce quatrième tome continue dans la lignée des précédents, mêlant habilement l’historique et le fantastique, sans oublier les contextes sociaux, puisque nous sommes dans les bas-fonds, avec une bande de gamins des rues (les Dead End’s), dont certains sont hauts en couleurs.

Mais pas que… De l’autre côté, nous avons la reine Victoria, la bonne société (qui est pourrie jusqu’à la moelle), les richesses et les chantiers navals qui construisent un super navire pour aller reconquérir les terres dans les Amériques.

Après s’être vengées de leurs persécuteurs, nos deux femmes vont s’attaquer à l’Empire, qui van contrattaquer, bien entendu. Qui gagnera le bras de fer ?

Je ne vous dirai rien… Juste que l’Empire est gouverné par une femme et que celle-ci ne fait rien pour ses consœurs, que du contraire, que le puritanisme fait loi et que dans les bas quartiers, la misère grouille, tout comme les enfants.

Un tome 4 qui bouge, qui pulse, qui ne manque absolument pas d’action, de retournements de situation, d’explosions, d’incendies et qui clôt un cycle (avant d’en commencer un autre).

Les dessins sont toujours aussi bien faits, les décors sont grandioses et j’apprécie les visages des différents personnages.

Dans ce tome violent, il y a aussi de l’amour : celui de Jay et de Kita pour leur enfant, vivant ou décédé, celui de Jay pour la petite Pickles, l’amour qui a entre Jay & Kita, et l’amour d’une fille pour cette mère qu’elle n’a pas connue… Sans oublier les amours plus triviaux d’un homme pour sa belle-sœur.

SHI n’est pas qu’une série fantastique où des démons asiatiques prennent vie, c’est aussi avant tout une série qui parle de féminisme, du combat des femmes pour obtenir des droits, de la justice. C’est aussi une série qui met en avant des femmes prêtes à tout pour se venger, pour faire justice, quitte à tuer.

Une série qui n’a rien de binaire, qui n’est pas toute blanche ou toute noire et qui met les lecteurs face à des situations qui ne le laisseront pas indifférent.

Une série mi-historique, mi-fantastique, qui met en scène la ville de Londres, ses classes sociales, ses injustices, le tout à l’époque victorienne. Il faut avoir le cœur bien accroché.

Ce tome quatre marque aussi la fin d’un premier cycle. La quête de Jay et de Kita est terminée et nous découvrons enfin le narrateur de ces récits.

Non, je ne vais plus laisser passer une année avant de lire la suite (chronique du tome 5 « Balck Friday » dans le lien ci-dessous).

#lemoisanglais

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°234] et Le Mois Anglais, chez Lou et Titine – Saison 12 – Juin 2023 [Fiche N°36].

Anna Thalberg : Eduardo Sangarcia

Titre : Anna Thalberg

Auteur : Eduardo Sangarcia 🇲🇽
Édition : La Peuplade (17/01/2023)
Édition Originale : Anna Thalberg (2021)
Traduction : Marianne Millon

Résumé :
Un après-midi, alors qu’elle attise le feu dans la cheminée de sa chaumière, la jeune Anna Thalberg aux yeux de miel est enlevée par des hommes brutaux et amenée à la prison de Wurtzbourg, où on l’accuse de sorcellerie.

Isolée et torturée pendant des jours, elle tient tête au cruel examinateur Melchior Vogel tandis que Klaus, le mari d’Anna, et le père Friedrich, curé de son village, tentent tout ce qui est en leur pouvoir pour lui éviter les flammes du bûcher.

Petit à petit, le visage du Diable se révèle être celui du Dieu des hommes, et la sorcière un nouveau Christ.

Critique :
Voilà un roman pas comme les autres, déstabilisant, notamment dû au fait de l’absence de majuscules en début de phrase, de points finaux, de l’avarice de virgules et de tirets cadratins ou de guillemets pour signaler les dialogues.

Un alinéa pour signaler le début d’un nouveau paragraphe et un double alinéa pour les dialogues, c’est tout. Perturbant pour moi, mais je m’y suis vite habituée.

Comme je l’ai souvent dit, la taille d’un livre n’est pas important (pour le reste, je vous laisse seul.e juge).

La preuve une fois de plus : 159 pages d’une noirceur absolue, faite de fausses accusations de sorcellerie et de tortures, de fausse justice, de médisance, de peurs, de superstitions, de pouvoir et de religion toute puissante.

Dans l’Allemagne des XVIe  siècle, une personne comme Anna Thalberg dérangeait : elle était jolie, avait les cheveux roux, les yeux couleur de miel et pire encore, elle venait d’ailleurs ! Oh, pas du bout du monde, même pas d’un autre pays, juste d’un village plus loin… Mais je n’ai pas besoin de vous faire de dessin sur la noirceur humaine et ce que certains sont prêt à faire pour se débarrasser d’une personne qui les dérange.

L’accusation de sorcellerie est LE truc génial que l’on a inventé pour éliminer celles ou ceux qui gênent. Impossible de prouver que vous n’en êtes pas une et sous la torture, tout le monde avouerait n’importe quoi.

Kafkaïen sera son procès : elle est coupable, point à la ligne. Si elle avoue, elle renforce l’accusation et si elle n’avoue pas sous la torture, alors c’est qu’elle est aidée par le Malin, le Diable, l’antéchrist… Bref, entre la peste et le choléra, le choix est maigre.

Et puis, il ne pleut plus depuis longtemps, c’est de la faute d’Anna et sa mort servira de sacrifice et il pleuvra, sans aucun doute… Son avenir est déjà tout tracé. La justice ? « Mes couilles, ti », comme le dirait si bien Fabrizio le carolo (les belges comprendront).

La force de ce roman, c’est la confrontation entre Anna et Melchior Vogel, le grand inquisiteur, le salopard qui l’a condamnée à la torture. Jamais elle ne baissera les yeux. L’autre point fort, ce seront les longs entretiens entre Anna et Hahn, le confesseur inquisiteur. Anna est une femme forte, droite dans ses bottes et elle ne lâchera rien.

Tout les genres se mélangent, dans ce court roman, intense : la politique, la religion, l’histoire et la philosophie. Il est difficile de ne prendre ce roman qu’au sens littéral, tant il a des niveaux de lecture qui s’entremêlent, harmonieusement, puisque tout est lié.

Le côté historique est bien rendu, sans devenir indigeste et le côté politique entre en ligne de compte puisqu’avec ces procès en sorcellerie, les puissants gardent le pouvoir et tiennent tout le monde sous leur coupe. Idem pour le côté religieux, avec l’opium du peuple, on les fait marcher droit, on leur fait peur.

La philosophie intervient dans les questionnements : qu’est-ce qu’il y a après la mort ? Ainsi que dans le fait que certains croient mordicus être les détenteurs de la vérité sur Dieu, qu’il leur parle à eux, qu’ils sont élus et que c’est à eux que revient l’indicible honneur de faire marcher tout le monde droit.

Le final est superbe, prouvant que la vie ne manque jamais d’ironie, ni d’humour noir et que la roue tourne…

Un roman étrange, dérangeant, court, qui m’a sorti de ma zone de confort.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°16].

Les contemplées : Pauline Hillier

Titre : Les contemplées

Auteur : Pauline Hillier
Édition : La manufacture de livres (09/02/2023)

Résumé :
À l’issue d’une manifestation à Tunis, une jeune Française est arrêtée et conduite à La Manouba, la prison pour femmes. Entre ces murs, c’est un nouvel ordre du monde qu’elle découvre, des règles qui lui sont dictées dans une langue qu’elle ne comprend pas.

Au sein du Pavillon D, cellule qu’elle partage avec vingt-huit codétenues, elle n’a pu garder avec elle qu’un livre, « Les Contemplations » de Victor Hugo. Des poèmes pour se rattacher à quelque chose, une fenêtre pour s’enfuir.

Mais bientôt, dans les marges de ce livre, la jeune femme commence à écrire une autre histoire. Celle des tueuses, des voleuses, des victimes d’erreurs judiciaires qui partagent son quotidien, lui offrent leurs regards, leurs sourires et lui apprennent à rester digne quoi qu’il arrive.

Critique :
♫ Les portes du pénitencier, sur elle, se sont refermées ♪ Et c’est là que certaines finiront leur vie ♪ Comme d’autres femmes l’ont finies… ♫

De la ville de Tunis, personne n’a envie d’aller faire un tour à La Manouba, la prison pour femmes, où il ne fait pas bon y être emprisonnée.

Dans les prisons, il y a des règles à respecter, propres à l’établissement et lorsqu’on est bleue, on ne les connait absolument pas, ce qui peut entraîner bien des problèmes. Heureusement, notre jeune française, emprisonnée pour avoir manifesté, aura la chance de se faire enfermer dans le pavillon D.

Oui, de la chance ! Non pas que ce soit le Club Med, mais comparé à d’autres pavillons, celui-ci est un peu plus humain que d’autres, moins violents et notre jeune femme fera des rencontres décisives, qui lui ouvriront les yeux.

Oui, elle a eu de la chance de tomber sur des femmes pas trop méchantes, qui l’ont prises sous leurs ailes, qui lui ont expliqués les règles, qui l’ont aidées à s’en sortir, à survivre dans un univers carcéral qui n’est pas fait pour nous…

Là bas, une jeune fille a été condamnée à plusieurs années de prison pour tricherie au bac et on en croisera une autre, qui, en plus d’avoir été violée, aura droit à l’ignominie rajoutée à l’ignominie : ou comment tripler la peine d’une victime, tout en blanchissant l’homme coupable de l’acte (et tous les autres). Terrifiant !

Sans jamais sombrer dans le pathos, l’autrice nous raconte ce qu’elle a vécu dans cette prison tunisienne, les multiples humiliations, l’enfer des transports et les règles bien souvent idiotes et illogiques : pour te doucher, tu gardes ta culotte, parce que la techa d’une femme, c’est sale (les gardiennes sont pourtant des femmes), mais ces mêmes gardiennes ne se priveront pas de vous fouiller l’anus et le vagin… Juste pour le plaisir de vous humilier.

Une fois de plus, voilà un récit qui m’a pété à la gueule et qui m’a tordu doucement les tripes, car comme l’autrice, j’ai moi aussi, pris une leçon d’humanité. Qui aurait cru cela possible, avec des femmes incarcérées pour meurtres ou pour d’autres motifs ?

Bien qu’entre nous, j’accorderais bien une médaille à celle qui tua son mari (et son père et ses frères), vu ce qu’elle avait endurée.

Dans ce roman coup de poing, dans cette autobiographie, il n’y a pas que l’autrice, qui est l’héroïne, mais aussi toutes ces femmes enfermées avec elles, ces parias, ces femmes qui ne sentiront plus le soleil réchauffer leur peau, qui continueront de subir leur incarcération, sachant qu’une fois sortie, rien de bon ne les attendra dehors.

Sans jamais les juger (bien qu’au départ, elle le fasse), l’autrice apprendra à les connaître, à les écouter se confier, parlant de leurs fautes, de leurs crimes, de leurs erreurs, le tout avec beaucoup d’humanité aussi, balançant aux orties ses préjugés moraux.

Être une femme, dans certains pays, c’est plus qu’une épreuve, plus que marcher sur une corde raide, plus qu’une punition, plus qu’un risque de tous les jours, de toutes les heures. Dans certains pays, les hommes ont TOUS les droits, les femmes n’en ont aucun.

Dans ces société patriarcales, hautement religieuses, les êtres humains font rarement preuve de mansuétude, de pardon, de gentillesse et les femmes trinquent deux fois : victimes de la violence des hommes (ou de la société) et ensuite, victimes de la violence des autres femmes (gardiennes, belle-mère, mère,….).

Un magnifique roman qui met en avant la sororité, l’humanité, la solidarité, dans un lieu où il est si facile de la perdre.

Un roman magistral et un coup de coeur !