Méduse : Martine Desjardins

Titre : Méduse

Auteur : Martine Desjardins
Édition : L’Atalante – La Dentelle du cygne (17/08/2023)

Résumé :
On la surnomme Méduse depuis si longtemps qu’elle en a oublié son véritable prénom.

Elle marche tête baissée, le visage caché derrière ses cheveux, pour épargner aux autres la vue de ses Difformités – des yeux si horribles qu’ils révulsent les femmes et pétrifient les hommes.

Elle-même n’a jamais osé se regarder dans un miroir. Martine Desjardins signe ici un récit incendiaire sur la honte du corps, l’oppression et le pouvoir de la féminité.

Un renversement des rapports de force qui jette une lumière à la fois crue et raffinée sur la monstruosité.

Critique :
Enfin, un autre coup de coeur pour l’année 2023 ! Cela faisait longtemps…

En commençant ce roman, j’ai tout de suite accroché au style d’écriture, à l’ambiance, au personnage de la jeune fille, surnommée Méduse.

Méduse, cette jeune fille aux yeux étranges, si laids que personne ne peut la regarder dans les yeux. Ses parents l’obligent à vivre cachée, à laisser ses cheveux pendre devant ses yeux.

Ensuite, lorsqu’on l’enverra dans cet horrible institut pour enfants difformes, on l’obligera à marcher à quatre pattes.

Cette réécriture du mythe de méduse, est un conte cruel, sombre, violent, notamment en raison des bienfaiteurs de l’horrible institut, qui se comportent comme des enfants cruels, lorsqu’ils obligent des jeunes gamines à jouer avec eux.

En 200 pages, l’autrice nous fait passer par bien des émotions, souvent fortes et la jeune fille que l’on a surnommé Méduse est un personnage fort, emblématique, qui marque durablement (elle rejoint les personnages féminins que j’ai adoré dans divers romans).

Elle devra s’accepter, grandir, trouver sa place dans ce monde qui n’accepte pas les différences, les difformités, au point d’abandonner et ensuite d’enfermer des enfants qui en sont pourvus.

Dans ce roman sombre, les hommes n’ont pas le beau rôle, ils sont tous un peu lubriques, méchants, dominateurs, certains de posséder un pouvoir de par leur sexe, considérant toutes les femmes comme des moins que rien, juste bonnes à les servir, de toutes les manières possibles et imaginables (sans oublier d’être belle et de se taire).

Dans nos sociétés, de tout temps, une femme doit d’être belle, élégante et répondre au diktats de la mode de son époque. Les femmes font peur aux hommes (certains les obligent même à se couvrir la tête).

Ce récit, pris au premier degré, est un réécriture d’un mythe, mais analysé au second, parle assurément du féminisme et de la difficulté pour les femmes de se faire une place dans ce monde phallocrate et patriarcal.

Avec peu de dialogues (quasi aucun), avec une écriture ciselée, que l’on aimera ou pas (moi, j’ai adoré), avec un choix nombreux d’adjectifs que Méduse utilisera pour parler de ses difformités, de ses monstruosités, sans jamais nous parler de l’époque, l’autrice arrivera sans problème à nous entrainer dans ce monde de noirceur où tout ne sera pas si noir que ça. Oui, il y a parfois des lueurs dans la nuit, même la plus noire.

Méduse fait partie de ces romans qui m’ont sorti de ma zone de confort, qui m’ont apportés des émotions fortes lors de ma lecture.

C’est un récit dérangeant, qui met mal à l’aise, mais que l’on ne peut s’empêcher de lire, tant on est subjugué par le style d’écriture et par ce conte, gothique, dramatique et sombre.

Une allégorie puissante… Un coup de coeur.