Les Gens des collines : Chris Offutt

Titre : Les Gens des collines

Auteur : Chris Offutt
Édition : Gallmeister (07/04/2022)
Édition Originale : The Killing Hills (2021)
Traduction : Anatole Pons-Reumaux

Résumé :
Depuis quatorze ans dans l’armée, où il est devenu enquêteur, Mick Hardin revient dans ses collines natales du Kentucky pour constater que son mariage est brisé. Sous le choc, il s’enferme dans la cabane de son grand-père avec une solide provision de bourbon.

Mais sa soeur Linda, première femme shérif du comté et pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, vient solliciter son aide sur une affaire : le cadavre d’une jeune veuve vient d’être retrouvé dans les bois.

Or les gens des collines ont tendance à rendre justice eux-mêmes, d’où la nécessité de court-circuiter les rumeurs inopportunes, avant que les vendettas ne dégénèrent.

Peut-être Mick, enfant du pays et vétéran respecté, pourra-t-il apprendre la vérité et agir à temps ?

Critique :
Là-bas, au Kentucky, on sait tout le prix du silence…

Là-bas, dans les collines du Kentucky, lorsque vous arrivez devant une maison, on vient vous accueillir avec une carabine ou un révolver et vous êtes prié de balancer votre généalogie (je suis le fils de, le petit-fils de).

Bref, c’est hospitalier au possible. D’accord, les maisons sont isolées, mais tout de même.

Une femme a été retrouvée morte, assassinée et dans ces collines appalachiennes, on a tendance à rendre justice soi-même.

Le proverbe dit que celui qui veut se venger, doit creuser deux tombes : une pour sa victime et une pour lui-même, mais dans ces collines, il faudra en creuser dix, car chacun vengera la mort d’un de ses parents, même lointain. C’est pour cela que Linda, la nouvelle shérif, charge son frangin, Mick Hardin, enquêteur militaire à l’armée, de l’aider à faire toute la lumière, avant que les armes ne parlent et ne tuent des innocents.

Dans ce roman, l’enquête policière n’est qu’un prétexte, pour l’auteur, de parler de ces collines qu’il connait bien et surtout, des « petites gens » qui y vivent (je le dis sans insultes). Il nous parle d’eux, de leurs manies, de leurs pensées, de leur étroitesse d’esprit, de leur machisme, sexisme, des traditions, des loyautés, des liens familiaux, des rivalités qui se règlent dans la violence, de l’esprit du clan (pas le klan) et de leur côté rural (ils se sentent mal, perdu lorsqu’ils sont dans une grande ville).

De cet auteur, j’avais adoré « Nuis Appalaches » et je pensais retrouver ce qui m’avait donné ma dose d’émotions, avec ce roman. Ce ne fut pas le cas, sans pour autant que ce roman soit mauvais, que du contraire. Lorsque vous avez eu l’excellence, tout ce qui vient ensuite vous semblera fade.

Les dialogues sont des plus intéressants, notamment dans les silences des gens, dans leurs actions, ou non action, tout comme les personnages, taillés au cordeau, au plus simple, sans pour autant qu’ils manquassent de profondeur.

Mick Hardin est un enquêteur hors pair, mais il est miné par ses problèmes de couple. Quant à sa sœur, elle a un agent du FBI dans les pattes et le peu que nous saurons de lui, apportera de la nuance à son portrait de mec rigide.

L’avantage de ce roman noir, c’est qu’il est court et qu’il évite de tourner en rond ou de faire des pages juste pour avoir plus d’épaisseur. Tout est dit en 240 pages, l’auteur nous a parlé de ces petites gens des collines, on a appris à les connaître, on a désamorcé des situations épineuses, on a assisté à des morts stupides, des vengeances à la con, commises pas des mecs parce qu’il fallait le faire et on pousse un soupir de soulagement en se disant qu’on est bien où l’on est.

Un roman noir composé de gens taiseux, qui ne parlent jamais pour ne rien dire, prompt à sortir les armes à feu, à se venger, qui aiment vivre dans leur petit coin, avec leurs propres codes claniques.

Un roman noir qui nous fait entrer dans un autre monde, que l’on pourrait croire révolu, tant il semble appartenir à l’ancien temps, celui de nos ancêtres. Un roman où la nature est omniprésente et où les gens savent encore attendre que pousse une racine de ginseng.

Un très bon roman noir, même s’il ne m’a pas apporté les émotions de « Nuis Appalaches ». Une belle approche sociologique.

— Partout ailleurs, les gens vivent un peu plus longtemps chaque année. Nous, nos vies raccourcissent. Ça arrive nulle part ailleurs dans le pays. Il y a vingt ans de ça, l’espérance de vie était plus élevée ici.
— Les collines nous tuent à petit feu.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°041] et Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.