Nickel Boys : Colson Whitehead

Titre : Nickel Boys

Auteur : Colson Whitehead
Édition : Albin Michel (18/08/2020)
Édition Originale : The Nickel Boys (2019)
Traduction : Charles Recoursé

Résumé :
Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à coeur le message de paix de Martin Luther King.

Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ».

Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié.

Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.

Critique :
Tant que l’on n’a pas vécu la ségrégation raciale, on ne peut pas vraiment ressentir les choses.

Pourtant, certains auteurs arrivent à nous la faire ressentir dans nos tripes rien qu’avec la puissance de leurs mots, de leurs personnages, de leurs phrases.

Heureusement, une fois terminé le roman, je retrouve mon statut de Blanche et mes tripes ne se noueront pas si je croise une patrouille de police aux States…

Une fois de plus, Colson Whitehead m’a tordu les intestins et noué la gorge, sans pour autant en faire des tonnes ou sombrer dans les descriptions atroces.

Non, juste quelques mots glissés ça et là, des allusions et tout était dit, tout était compris. Malgré tout, il nous décrira quelques scènes qui glaceront les sangs (mais sans jamais déborder) et que ne donnerons pas foi dans l’Humain lorsque celui-ci a le pouvoir absolu et qu’il sait qu’il ne risque rien.

Ce roman bouleversant, c’est ce qui arrive lorsqu’on se trouve dans une sociétés où les injustices sont légions, où les flics sont rois, où une partie de la population a tous les droits quand l’autre n’en a aucun, où l’on se fiche de ce qui vous arrivera, juste parce que vous n’avez pas la bonne couleur de peau.

1962. Notre personnage principal, Elwood Curtis, est un jeune homme simple, vivant avec sa grand-mère, travaillant bien à l’école, ayant de bonnes notes. Il peut entrer à l’université pour les Noirs, c’est gratuit et il est assez intelligent que pour y arriver.

On s’attache facilement à lui, même si dans votre carrière scolaire vous n’avez jamais eu d’aussi bonnes notes que lui…

Hélas, Elwood aura le tort d’être monté dans une voiture qui a été volée. Il ne le savait pas, il est innocent, mais la justice rouleau-compresseur s’en branle totalement et l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui soit-disant s’engage à en faire des hommes honnêtes et à leur prodiguer de l’enseignement. Tu parles !

Tiré d’une histoire vraie que l’auteur a changé afin de nous parler du racisme crasse, de la ségrégation, des maltraitances, de ces jeunes Noirs que l’on enfermait pour des motifs débiles (comme dans le roman « Les Mal-Aimés »), futiles, arbitraires et que l’on cassait avec professionnalisme alors qu’on était plus indulgent avec les Blancs de la même maison de correction.

On pourrait nommer ce roman « Chronique d’une ségrégation ordinaire » tant elle est ancrée dans l’esprit des Blancs, les pères l’expliquant à leurs fils, qui reproduisent les mêmes mécanismes et tant elle est ancrée aussi dans l’esprit de certains Noirs qui préfèrent faire profil bas que de s’attirer les regards.

J’avais apprécié son précédent roman « Underground railroad » mais il possédait quelques longueurs qui n’existent pas ici. De plus, je me suis attachée fortement à ce cher Elwood qui aimerait changer les choses et à son pote, Turner, plus cynique, plus réaliste.

Sans jamais sombrer dans le pathos ou le larmoyant, sans jamais exagérer dans les scènes de violences, préférant la suggestion plutôt que la démonstration, l’auteur nous démontre toute l’imbécillité de la ségrégation, du racisme, de la violence et de l’enfermement des jeunes pour les redresser alors qu’ils ne font que les casser, les briser définitivement.

Un roman puissant qui nous parle de la cruauté humaine qui peut se cacher aussi dans des petites choses et pas que dans des coups de ceinture. L’Humain est cruel et adore rabaisser les autres…

Un roman puissant qui laisse le lecteur/trice avec la gorge nouée, surtout lorsque l’on voit les dernières horreurs qui ont lieu et qu’un président compare ça à un coup raté au golf. Il reste beaucoup de chemin à faire, vraiment beaucoup !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°53] et le Mois Américain – Septembre 2020 chez Titine et sur Fesse Bouc.

 

Gunfighter – Tome 1 : Christophe Bec et Michel Rouge

Titre : Gunfighter – Tome 1

Scénariste : Christophe Bec
Dessinateur : Michel Rouge

Édition : Glénat (28/08/2019)

Résumé :
Toujours bon. Parfois brute. Jamais truand.

Quelque part dans les plaines d’Arizona. Alors que les « longhorns », ces vaches américaines aux cornes interminables, ont besoin d’espace, l’arrivée des premiers barbelés, la « corde du diable » comme on l’appelait alors, ne fait qu’exacerber les conflits qui opposent deux familles de propriétaires terriens.

C’est dans ce contexte et dans le souffle d’une tempête qu’une bande de ranchers découvre un homme inanimé, agrippé à son colt…

Qui peut bien être ce mystérieux Gunfighter ?

Critique :
C’est drôle, dans « Des barbelés sur la prairie » (Lucky Luke N°29), je trouvais que les éleveurs avaient tort d’en vouloir à Vernon Felps d’utiliser des barbelés pour délimiter sa propriété…

Dans cette bédé, plus réaliste que celle du cow-boy qui tire plus vite que son ombre, c’est le contraire : les barbelés sont une merde dans la prairie !

Tout est dans la manière de présenter la chose : Cash Casey était LE type détestable dans Lucky Luke. Mais c’était un ange comparé à l’éleveur Wallace de cet album, celui qui a dressé les barbelés.

En face, ceux qui sont contre les barbelés et qui nous sont sympathiques d’emblée : Wayne et Katherine Cotten, frère et soeur, à la tête d’une exploitation familiale qui périclite et dont le contremaître m’a fait penser à Ten Gallons, le vieux bougon dans la bédé « Comanche ».

Le western a le vent en poupe et ça tombe bien car j’adore ce genre. Le trait de Michel Rouge ne m’était pas inconnu, il avait dessiné les 5 derniers tomes de  la série « Comanche » et le tome 3 de « Marshall Blueberry ». J’ai apprécié sa ligne claire et les couleurs.

Pour le scénario, nous sommes dans le l’ultra conventionnel : des troupeaux de vaches, des barbelés, un éleveur qui louche sur les terres des autres et qui fait tout pour les faire déguerpir afin d’étendre son empire, un mystérieux tueur dont on ne sait pas grand-chose, des rangers à ses basques et un troupeau de Longhorn à convoyer…

De l’ultra conventionnel, donc, pourtant, j’ai dévoré ce premier tome avec une certaine avidité car l’auteur a su glisser du mystère dans la personnalité du gunfighter (Craig Bellamy) et les flash-back laissent entrevoir des choses pas nettes dans le comportement de l’éleveur Wallace…

Les codes du western sont respectés, la cuisine est conventionnelle pour ce premier tome mais ça ne manque pas d’épices, de dialogues ciselés, d’humour, de mystère et de suspense.

D’entrée de jeu on sympathise avec les jeunes Cotten et on prend Wallace en grippe, surtout avec le vice qu’il possède et le plus terrible n’est pas l’envie d’agrandir son élevage par tous les moyens.

Il y a plusieurs arcs narratifs dans ce premier tome qui place les personnages, les faits évoluer dans la prairie, les entoure d’un halo de mystère et j’espère que le tome 2 nous en apprendra plus sur notre gunfighter pour qui j’ai une grande affection, malgré le fait que ce soit un tueur. Mais que devait-il tuer ?

Une bédé western qui reste dans le classique et dont les dessins en lignes claires sont du plus bel effet, sans oublier les couleurs et les ambiances, bien rendues toutes les deux.

Vivement la suite !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°52] et le Mois Américain – Septembre 2020 chez Titine et sur Fesse Bouc.