La part de l’ombre – T01 Tuer Hitler : Patrice Perna et Francisco Ruizgé

Titres : La part de l’ombre – T01 – Tuer Hitler

Scénariste : Patrice Perna
Dessinateur : Francisco Ruizgé 🇪🇸

Édition : Glénat (06/01/2021)

Résumé :
Berlin, décembre 1955. Nous sommes à l’aune de la guerre froide. Guntram Muller est journaliste pour un des plus grand quotidien, le Berliner Zeitung. Il s’intéresse à une affaire assez singulière et très éloignée des préoccupations du Rédacteur en chef : le procès en révision de Maurice Bavaud, un jeune Suisse que l’on dit « illuminé » exécuté par les nazis en 1941 pour avoir tenté d’assassiner Adolf Hitler.

Ce procès, réclamé par la Confédération Suisse se soldera finalement par un jugement pour le moins étonnant : le jeune « terroriste », décapité en 1941, est condamné à cinq ans de détention et cinq ans de perte des droits civiques. Guntram, ancien inspecteur de la célèbre Kripo (Kriminalpolizei), enrôlé dans l’Abwehr en 1939, s’intéresse de près à cette histoire.

Et pour cause. Il a été mandaté, à l’époque des faits, par un proche de Himmler, pour enquêter sur les éventuels complices qui auraient pu aider le jeune Suisse a approcher aussi facilement le Führer dans le lieu le plus sécurisé, le fameux Nid d’Aigle.

En 1955, toujours tourmenté par son passé, Guntram tente de réhabiliter la mémoire de Maurice Bavaud et se lance dans une vaste enquête, journalistique cette fois. Il est aidé en cela par un jeune homme, garçon de bureau au journal, pour lequel il s’est pris d’affection. Wolf Fiala rêve de devenir reporter comme son idole, le célèbre Albert Londres. Il va aider Guntram à dérouler le fil complexe de l’histoire de Bavaud.

On découvrira toutes les hypothèses échafaudées au cours de cette étrange affaire : Bavaud était-il un fou de Dieu, tueur solitaire ?

Etait-il un espion agissant pour le compte d’une organisation secrète, A-t’il été mandaté par les alliés ou par un proche d’Hitler ? Comment a-t’il pu approcher le dictateur d’aussi près et à plusieurs reprises ? Pourquoi la Suisse a-t’elle refusé de l’aider en l’échangeant contre un espion Allemand ? Mais les apparences sont rarement fidèles à ce que sont les Hommes en réalité…

Critique :
En 1938, Maurice Bavaud, un jeune Suisse, a tenté de tuer Hitler. Il a été condamné et décapité. 15 ans plus tard, on le recondamne à nouveau !

Pourquoi ? Parce que : « Attendu qu’en vertu de l’article 211 du code pénal, la vie d’Adolphe Hitler mérite une protection juridique au même titre que n’importe quel être humain ».

Qu’en 1938, on condamne cette tentative assassinat, c’est compréhensible, Hitler est au sommet, et ce, jusqu’à son suicide et la capitulation de l’Allemagne.

Mais après, en sachant ce qu’Hitler a commis, avec l’aide de sa clique de nazis, on aurait dû décorer Maurice Bavaud, ou, au pire, le condamner pour avoir raté son coup !

Ben non, lors de la révision de son procès demandée par son père, 15 ans après, on recondamne cet homme qui est mort ! Sérieusement ? Oui, sérieusement, on condamne Maurice Bavaud, mort par décapitation en 1941, à cinq ans de détention et cinq ans de perte des droits civiques ! Heu ?? Ubuesque, non ?

Ok, je vais éviter de voir les choses par le petit bout de la lorgnette, comme le suggère Guntram Muller, journaliste, à son jeune padawan.

Alors, tentons de comprendre comme Bavaud en est arrivé à vouloir tuer le moustachu (je lui en veux de ne pas avoir réussi)… Enquêtons aux côtés de nos deux journalistes, dans le Berlin de l’Est.

Une tentative d’homicide est condamnable, quelque soit la personne que l’on souhaitait envoyer au boulevard des allongés, quand bien même c’était Hitler, quand bien même c’était assassiner un tyran. Ôter la vie est un crime.

Le récit est assez lent et à la fin de ce premier tome, on ne sait toujours pas qui était vraiment Bavaud, ni si ce qu’on a dit de lui est véridique ou si certains voulaient juste le faire passer pour un fou, un illuminé de la religion.

Il n’en reste pas moins que cet homme a réussi à se retrouver, par deux fois, dans l’entourage proche du moustachu et armé, qui plus est !

Ce premier album va mettre en images les hypothèses échafaudées au cours de cette étrange affaire, ainsi que l’enquête menée par Guntram Muller, journaliste au Berliner Zeitung et le jeune Wolf Fiala, qui rêve de devenir reporter comme son idole, Albert Londres.

Les mystères sont présents et à la fin de ce premier album, il est difficile d’échafauder des hypothèses, de tirer des conclusions, de faire des déductions. Je dois même avouer que je n’avais pas connaissance de cette tentative d’assassinat du moustachu. Les autres, oui, mais pas celle-ci. Cette bédé m’enverra au lit moins bête, tiens !

Les dessins sont réalistes, très agréables et les décors des années 50, dans Berlin divisée, sont très bien faits aussi. Des bâtiments sont en ruine, des murs effondrés, on voit que tout n’a pas encore été reconstruit.

Fin du suspense, je me lance sur le second tome ! Et la critique du second volet est pour demain après-midi

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°201] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°43].

Les Mahuzier chez les indiens Guaraos : Philippe Mahuzier

Titre : Les Mahuzier chez les indiens Guaraos 🇻🇪

Auteur : Philippe Mahuzier
Édition : G.P. Rouge et Or Dauphiné (1966)

Résumé :
C’est le Venezuela (🇻🇪), plus exactement le delta de l’Orénoque, qu’Albert Mahuzier s’est fixé comme but d’une prochaine expédition.

Mais la « tribu » Mahuzier a grandi – les deux aînés se sont mariés et totalisent déjà cinq enfants – de sorte que le cinéaste a jugé prudent de partir en avant-garde pour préparer le séjour familial.

Aussi, l’année suivante, en débarquant de l’île de la Trinité, ont-ils la surprise de s’installer dans une véritable maison guarao, bâtie sur pilotis, où ils vont vivre, durant quelques mois, des heures fertiles en surprises et émotions diverses.

Ils trouvent un concours précieux en la personne du Français Agosto, ancien forçat évadé devenu presque Indien, qui les aide à entrer dans l’amitié des indigènes et à découvrir les beautés d’une nature splendide et redoutable. Le retour de la « tribu » en pays civilisé sera assuré… par des contrebandiers !

Critique :
Petit retour en arrière, petite régression, avec de la littérature jeunesse de chez G.P : toute mon enfance, même si j’ai lu plus de livres jeunesses de la Bibliothèque Verte et Rose.

Je ne vais pas vous mentir, ça a vieilli… Publié en 1966, pour une jeunesse de l’époque, qui ne voyageait pas (ou peu) et qui n’avait pas Internet.

Alors oui, le style, la manière de décrire le voyage et les aventures que la famille Mahuzier va vivre dans la tribu des guaraos, un peuple pacifique qui vit dans le delta de l’Orénoque.

Ce qui est plus intéressant, c’est que ceci n’est pas un roman, une fiction, mais le récit d’un voyage réellement effectué par la famille Mahuzier, afin d’aller photographier, filmer, étudier, cette tribu au sein de laquelle vit Agosto, un évadé du bagne de Cayenne.

Alors, si le style est vieillot, on le met vite de côté pour se concentrer sur ce voyage un peu fou, dont une partie de fera à bord de canot gonflable pour rejoindre le village de cette tribu isolée. Cette partie prendra presque la moitié du récit (90 pages sur 187).

C’est tout de même intéressant de s’immiscer dans la vie d’une tribu qui vit aux antipodes des français moyens, même en 1966 (ou plus tôt, le roman ayant été publié après le voyage). Ils vivent dans la simplicité, dans des maisons qui ne tiennent pas plus de 5 ans (ensuite, faut les refaire), se moquant de la propriété, vivant de chasse et pêche, ou de confection de hamacs, pour certaines femmes.

Mon autre bémol sera pour les personnages : les parents Mahuzier s’embarquent dans l’aventure avec un bon nombre de leurs enfants (ils en ont 9, mais tous ne sont pas partis), mais on n’aura jamais l’occasion de mieux les connaître, tant leur rôle, dans ce récit, semble ténu.

En fait, personne n’est vraiment mis en avant, hormis le père, Philippe Mahuzier, qui est un homme assez confiant dans la vie. Tout va s’arranger, pas de panique. Hélas, même lui semble effacé dans le récit. Sans doute voulait-il mettre en avant l’aventure avec un grand A, le voyage, les guaraos, Agosto, les pères capucins et la faune.

Attention, dans ce livre, on tue des animaux, on pêche des poissons, des crabes et on tue des papillons pour les conserver et les étudier en France…

Une petite aventure agréable, sans se prendre la tête, dans un style un peu passé, fait pour la jeunesse des années 60, mais ce petit roman venait à point après un roman très sombre et ultra violent.

PS : un article sur le voyage d’un des fils Mahuzier, là-bas, précisément.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°XX].

Voyage à motocyclette : Ernesto Che Guevara

Titre : Voyage à motocyclette

Auteur : Ernesto Che Guevara
Édition : Au diable Vauvert – Les poches du diable (2021)
Édition Originale : Diarios de motocicleta (1993)
Traduction : Martine Thomas

Résumé :
En 1951, à bientôt vingt-quatre ans, Ernesto Guevara, alors jeune étudiant en médecine et fils de bonne famille désireux de découvrir le monde, grimpe à l’arrière de la Norton 500 de son ami Alberto Granado pour une traversée de l’Amérique latine qui deviendra un véritable voyage initiatique, embarquant le lecteur dans la variété des paysages, architectures et populations du pays.

Mais face à la misère omniprésente, ce voyage est aussi celui d’une prise de conscience politique, d’un sentiment de révolte qui se convertit en nécessité révolutionnaire.

La naissance de celui qui deviendra bientôt le commandante Che Guevara.

Critique :
« En 1951, durant ses études de médecine, Ernesto Rafael Guevara entreprend avec Alberto Granado un premier voyage à moto en Amérique latine. Il en effectuera un deuxième en 1953.

Avec cette première expédition, le Che est au contact quotidien de la pauvreté. Ce terrible constat a fait naître en lui le sentiment que seule une révolution pourrait permettre d’abolir les inégalités ». Voilà ce qu’il en est dit de ces carnets de voyage de Guevara…

Partis de San Francisco, en Argentine, sur une Norton 500, Ernesto Rafael Guevara part avec son ami Granado pour un périple à la Easy Rider. Sauf que la moto rendra l’âme en court de route et qu’ils continueront à pied… Leur but était d’atteindre l’Amérique du Nord, alors, ils continueront à pied, à cheval, peu importe le moyen de transport.

Normal de casser, lorsque l’on voyage sur une moto surchargée, où trop de choses tiennent grâce à des bouts de fil de fer… Au début, sur des routes encaissées, ils se taperont le cul sur la selle, auront des crevaisons de pneus, des casses, des pannes mécaniques… Mais ne dit-on pas que le plus important, dans un voyage, c’est le voyage lui-même ?

Argentine, Pérou, Chili, Colombie, Vénézuela, ça fait un sacré périple, des aventures à foisons et des rencontres de population. Bref, ça fait une lecture où il aurait été difficile de s’ennuyer et pourtant, c’est ce qui m’est arrivé !

J’ai sans doute dû descendre à la première crevaison, sans m’en rendre compte et les deux hommes sont parti sans moi. Durant tout le récit, j’ai passé mon temps à errer, sans jamais reprendre pied tout à fait dans leur voyage. Les seuls moments où je suis revenue dans le récit, c’est lorsque que Guevara a parlé de misère humaine, des vestiges Incas…

Là c’était intéressant, instructif et une fois ces passages terminés, je reprenais ma sieste. Le voyage de nos deux hommes a été plus long que prévu et il est à l’image de ma lecture : chaotique, long, pénible. Ils ont eux faim et moi j’avais faim d’un autre livre, de passer à autre chose.

Bref, ce livre, qui avait été recommandé par un (une) libraire sur l’émission « La grande librairie » n’a pas eu le même impact sur moi, puisque je suis passé à côté et que la lecture a été foirée sur toute la ligne, quasi.

Mais au moins, maintenant, je sais pourquoi on a surnommé Guevara « Che » ! En fait, « Che » est une sorte de tic de langage des Argentins, qui veut dire « Tiens » ou « hé ». S’il était de notre époque et jeune en pays francophone, on l’aurait surnommé « quoi » ou « du coup »…

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°26].

Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02 : José Rodrigues dos Santos

Titre : Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02

Auteur : José Rodrigues dos Santos 🇵🇹
Édition : HC (2021) / Pocket (06/10/2022)
Édition Originale : O Manuscrito de Birkenau (2020)
Traduction : Adelino Pereira

Résumé :
Une approche totalement nouvelle de l’Holocauste où J.R. dos Santos donne la parole à ceux qui l’ont perdue.

Le grand magicien Herbert Levin, sa femme et son fils ont été déportés à Auschwitz où ils tentent de survivre. Le soldat Francisco Latino a réussi à se faire engager dans l’armée SS pour tenter de retrouver sa fiancée russe enfermée, elle aussi, dans les camps de la mort.

Ils ne savent pas encore qu’ils vont devoir coopérer pour survivre. Et les choses se compliquent lorsque les prisonniers du Sonderkommando commencent à préparer un soulèvement majeur et que Levin se retrouve au cœur de la révolte.

Critique :
Ce roman est la suite du Magicien d’Auschwitz, que j’avais déjà apprécié, mais ce second tome est bien plus oppressant que le premier puisqu’il se déroule intégralement dans le camp de concentration de Birkenau.

Comment écrire un roman historique, tout en étant dans le fictionnel, sans trahir la mémoire des personnes qui ont été assassinées en masse dans ce camp ?

Comment décrire l’indicible, sans que le récit ne devienne si horrible que l’on répugnerait à le lire ? Faut-il édulcorer la vérité ou pas ? Pour moi, il me semble que non… Sinon, à quoi bon écrire un livre sur le sujet des camps d’extermination…

L’auteur a donc réussi ce subtil équilibre d’un récit qui en dit beaucoup, qui entre dans l’indicible, sans édulcorer, sans toutefois en arriver à trop de détails horrible qui donnerait envie au lecteur d’arrêter sa lecture et de placer ce livre dans le freezer, tel Joey (Freinds) avec les romans éprouvants. J’ai déjà fait de même (au sens figuré, bien entendu).

Pourtant, après que notre magicien, Herbert Levin, fut placé dans l’unité des Sonderkommando, je vous avoue sans honte que j’ai stoppé ma lecture afin de regarder une série policière légère (mais pas trop) avant d’aller dormir.

C’était effroyable, ce passage où Herbert découvre les milliers de cops morts dans la chambre à gaz, ainsi que le moment où il faut y faire entrer les nouveaux arrivants…

Pour assassiner à grande échelle (industriellement) tout un peuple (et d’autres), il faut déjà faire preuve d’une froideur sans nom, mais y impliquer les personnes que l’on génocide aussi, là, il faut être d’un sadisme sans nom… Et si au départ Levin est sonné, horrifié et tout ce que vous voulez, ensuite, au bout de quelques jours, comme les autres, il agit mécaniquement, sans réfléchir.

Dans ce poste barbare, soit la personne bugue et on l’assassine froidement, soit elle survit en fermant les yeux et en travaillant mécaniquement, en fermant son esprit, son cœur et en agissant comme un robot.

Il n’y aura pas que ces passages qui seront éprouvants, mon coeur s’est serré aussi lorsque l’on annonce aux prisonniers du camp des familles qu’ils vont y passer aussi, alors que eux, après 6 mois de présence à Birkenau, avaient très bien compris où partaient tous les nouveaux arrivants… Des femmes, des enfants, soi-disant des ennemis du peuple allemand… Je n’ai pas encore compris.

La force de ce roman, c’est qu’il est basé sur des faits réels, sur des témoignages historiques, que la plupart des personnages, y compris Herbert Levin, ont existé. La seul entorse est que Levin n’a pas été affecté aux Sonderkommando et qu’il n’a pas donné de spectacle de magie devant des dignitaires du camp. Francisco Latino,  croisé dans le premier tome, n’a pas existé, mais est inspiré d’autres personnages.

Son autre force c’est que jamais il ne sombre dans le manichéisme, alors que cela aurait été si facile de faire des nazis des vilains méchants pas beaux, sadiques de la pire espèce.

Alors oui, le personnage du Malakh HaMavet (Otto Moll) est un salopard, il était ainsi, on n’allait pas le changer, mais les autres sont plus en nuance et l’on voit des soldats nazis avoir du mal à envoyer les enfants du camp des famille dans la chambre à gaz… Attention, ce moment d’humanité n’exonère pas leurs crimes, loin de là, mais au moins, ce n’étaient pas tous des machines à assassiner.

Oui, ce roman m’a mis le coeur en vrac, plusieurs fois, mais une fois la pause faite, je n’ai plus lâché le récit, il me fallait aller jusqu’au bout et découvrir l’horreur, une fois encore. Je suis plus chanceuse que celles et ceux qui s’y trouvaient, je n’allais donc pas faire ma petite nature, même si j’ai trinqué, notamment lors du dernier morceau du roman… Terrible. Le choc…

Les témoignages sur cette période sombre, il en existe beaucoup, mais seuls les survivants ont pu témoigner (et encore, tous et toutes ne l’ont pas fait). Les morts ne parlent pas, ne témoignent pas. Ils sont silencieux pour l’éternité.

Hors, seuls ceux et celles qui ont vécu la shoah jusqu’au bout auraient pu témoigner de l’horreur de la chambre à gaz, de ces milliers corps qui se bousculent, qui s’écrasent, qui cherchent de l’air…

Idem dans les Sonderkommando, qui étaient des témoins qu’il fallait éliminer et hélas, les survivants n’ont pas été nombreux à parler, trop honteux de ce qu’ils avaient dû faire. Le pire du pire n’a pas laissé de témoins, juste quelques testaments enterrés dans le camp.

Cette lecture est d’utilité publique, même si elle ne fera pas changer d’avis les négationnistes ou les nouveaux nazis de notre époque.

Un roman fort, terrible, sans concession, qui mordra dans vos chairs, dans votre âme et qui relate, avec pudeur, avec émotion, la dure réalité des camps de concentration, d’extermination et de ce génocide industriel, accompli par des êtres humains.

Maintenant, j’ai deux envies : la première étant d’en apprendre un peu plus sur les Sonderkommando et la seconde, c’est de lire de la littérature jeunesse légère pour me remettre de mes émotions…

Un puissant sentiment de culpabilité et de honte s’était emparé de Levin, et certainement aussi de ses compagnons. Ils évitaient les regards des autres. Ils avaient collaboré à la mort de ces gens. Leur propre peuple. Ils étaient complices. Et en échange de quoi ? D’une journée supplémentaire de vie, dans le confort du Block 13, d’une douche chaude, d’un estomac bien rempli et de quelques gorgées de pálinka volée.

Culpabilité et honte. Comment lui, Levin, qui se considérait intègre et équilibré, qui respectait tout le monde et qui avait passé une grande partie de sa vie à faire sourire et à émerveiller les gens, avait-il pu emmener des cadavres de bébés jusqu’à un four en échange de ce confort ? Il avait vu dans cette salle des femmes semblables à sa Gerda et des enfants comme son Peter ! Et qu’avait-il fait ? Ce que les Allemands lui avaient ordonné. Culpabilité et honte.

« Je pense que nous ne devrions lire que les livres qui nous mordent et qui nous transpercent, a écrit Franz Kafka. Si le livre que nous lisons ne nous secoue pas, ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? […] Un livre doit être une hache qui brise la mer gelée qui est en nous. » C’est à ça que servent les romans, c’est pour ça que j’en écris, et c’est pour ça que j’ai écrit celui-ci, et que je l’ai fait de cette façon.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°11].

HMS Beagle, Aux origines de Darwin : Fabien Grolleau et Jérémie Royer

Titre : HMS Beagle, Aux origines de Darwin

Scénariste : Fabien Grolleau
Dessinateur : Jérémie Royer

Édition : Dargaud (31/08/2018)

Résumé :
Londres, 1831. Le jeune Charles Darwin, impatient d’embarquer pour le périple de sa vie, prend place sur le HMS Beagle. Le voyage vers des contrées lointaines pleines de promesses sera aussi fait de multiples épreuves.

Tandis que ses découvertes sur la faune et la flore le comblent d’admiration et de confusion, la fréquentation d’esclavagistes va le pousser à questionner les principes humanistes de ses contemporains.

Un voyage formateur pour l’homme et révolutionnaire pour la science.

Critique :
De Darwin, je connaissais peu de choses, si ce n’est sa théorie de l’évolution, qui a fait couler beaucoup d’encre (hérésie ! blasphème) et qui en fait encore couler de nos jours.

Ce que je ne savais pas, c’est qu’il avait fait un périple en Amérique du Sud, et ça, c’était parfait pour le Mois Espagnol et Sud Américain…

Partant de Plymouth et faisant une escale à Cape Verde, le HMS Beagle (qui va faire souvent vomir Darwin), va accomplir un périple de 5 années et ce que Darwin découvrira comme espèces et plantes, seront primordiales pour sa théorie de l’évolution.

De ses recherches et ses accumulations d’insectes et d’espèces animales, il va mettre au point ses théories.

Cette bédé, aux dessins spéciaux qui ne m’ont pas rebutés (ils lui allaient bien, je trouve), est un récit succinct du voyage de Darwin, malgré tout, je pense que le plus important s’y trouve. Les éléments clés, je veux dire.

Charles Darwin est un homme spécial, en cela qu’il est avide de découverte, mais surtout, qu’il était pour l’égalité des Hommes, ce qui, à cette époque, était plus que révolutionnaire !

Malgré tout, en découvrant le peuple habitant la Terre de Feu, il les trouvera sauvages et non civilisés… Je ne lui en voudrai pas, nous penserions sans doute la même chose, malgré notre plus grande ouverture d’esprit.

Une bande dessinée des plus intéressantes, un scénario qui entraîne les lecteurs (et lectrices) dans un voyage fabuleux, où Darwin va émettre des théories blasphématoires, comme le fait que la Terre ait bien plus que les 6.000 années qu’on lui donnait (bible).

Un scénario qui ne devient jamais indigeste, car les auteurs ont été assez intelligents que pour aller à l’essentiel. Un récit qui fait que l’on va se coucher moins bête, après avoir dévoré, d’une traite, cette bédé de 176 pages.

Encore une preuve que les bédés ne sont pas constituées QUE des p’tits Mickeys, ni QUE pour les enfants… Ceci est une bédé adulte, mais qu’un enfant de 10 ans pourrait lire sans problème.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°10].

Les contemplées : Pauline Hillier

Titre : Les contemplées

Auteur : Pauline Hillier
Édition : La manufacture de livres (09/02/2023)

Résumé :
À l’issue d’une manifestation à Tunis, une jeune Française est arrêtée et conduite à La Manouba, la prison pour femmes. Entre ces murs, c’est un nouvel ordre du monde qu’elle découvre, des règles qui lui sont dictées dans une langue qu’elle ne comprend pas.

Au sein du Pavillon D, cellule qu’elle partage avec vingt-huit codétenues, elle n’a pu garder avec elle qu’un livre, « Les Contemplations » de Victor Hugo. Des poèmes pour se rattacher à quelque chose, une fenêtre pour s’enfuir.

Mais bientôt, dans les marges de ce livre, la jeune femme commence à écrire une autre histoire. Celle des tueuses, des voleuses, des victimes d’erreurs judiciaires qui partagent son quotidien, lui offrent leurs regards, leurs sourires et lui apprennent à rester digne quoi qu’il arrive.

Critique :
♫ Les portes du pénitencier, sur elle, se sont refermées ♪ Et c’est là que certaines finiront leur vie ♪ Comme d’autres femmes l’ont finies… ♫

De la ville de Tunis, personne n’a envie d’aller faire un tour à La Manouba, la prison pour femmes, où il ne fait pas bon y être emprisonnée.

Dans les prisons, il y a des règles à respecter, propres à l’établissement et lorsqu’on est bleue, on ne les connait absolument pas, ce qui peut entraîner bien des problèmes. Heureusement, notre jeune française, emprisonnée pour avoir manifesté, aura la chance de se faire enfermer dans le pavillon D.

Oui, de la chance ! Non pas que ce soit le Club Med, mais comparé à d’autres pavillons, celui-ci est un peu plus humain que d’autres, moins violents et notre jeune femme fera des rencontres décisives, qui lui ouvriront les yeux.

Oui, elle a eu de la chance de tomber sur des femmes pas trop méchantes, qui l’ont prises sous leurs ailes, qui lui ont expliqués les règles, qui l’ont aidées à s’en sortir, à survivre dans un univers carcéral qui n’est pas fait pour nous…

Là bas, une jeune fille a été condamnée à plusieurs années de prison pour tricherie au bac et on en croisera une autre, qui, en plus d’avoir été violée, aura droit à l’ignominie rajoutée à l’ignominie : ou comment tripler la peine d’une victime, tout en blanchissant l’homme coupable de l’acte (et tous les autres). Terrifiant !

Sans jamais sombrer dans le pathos, l’autrice nous raconte ce qu’elle a vécu dans cette prison tunisienne, les multiples humiliations, l’enfer des transports et les règles bien souvent idiotes et illogiques : pour te doucher, tu gardes ta culotte, parce que la techa d’une femme, c’est sale (les gardiennes sont pourtant des femmes), mais ces mêmes gardiennes ne se priveront pas de vous fouiller l’anus et le vagin… Juste pour le plaisir de vous humilier.

Une fois de plus, voilà un récit qui m’a pété à la gueule et qui m’a tordu doucement les tripes, car comme l’autrice, j’ai moi aussi, pris une leçon d’humanité. Qui aurait cru cela possible, avec des femmes incarcérées pour meurtres ou pour d’autres motifs ?

Bien qu’entre nous, j’accorderais bien une médaille à celle qui tua son mari (et son père et ses frères), vu ce qu’elle avait endurée.

Dans ce roman coup de poing, dans cette autobiographie, il n’y a pas que l’autrice, qui est l’héroïne, mais aussi toutes ces femmes enfermées avec elles, ces parias, ces femmes qui ne sentiront plus le soleil réchauffer leur peau, qui continueront de subir leur incarcération, sachant qu’une fois sortie, rien de bon ne les attendra dehors.

Sans jamais les juger (bien qu’au départ, elle le fasse), l’autrice apprendra à les connaître, à les écouter se confier, parlant de leurs fautes, de leurs crimes, de leurs erreurs, le tout avec beaucoup d’humanité aussi, balançant aux orties ses préjugés moraux.

Être une femme, dans certains pays, c’est plus qu’une épreuve, plus que marcher sur une corde raide, plus qu’une punition, plus qu’un risque de tous les jours, de toutes les heures. Dans certains pays, les hommes ont TOUS les droits, les femmes n’en ont aucun.

Dans ces société patriarcales, hautement religieuses, les êtres humains font rarement preuve de mansuétude, de pardon, de gentillesse et les femmes trinquent deux fois : victimes de la violence des hommes (ou de la société) et ensuite, victimes de la violence des autres femmes (gardiennes, belle-mère, mère,….).

Un magnifique roman qui met en avant la sororité, l’humanité, la solidarité, dans un lieu où il est si facile de la perdre.

Un roman magistral et un coup de coeur !

Wake up America – Tome 1 – 1940-1960 : John Lewis, Andrew Aydin et Nate Powell

Titre : Wake up America – Tome 1 – 1940-1960

Scénaristes : John Lewis & Andrew Aydin
Dessinateur : Nate Powell

Édition : Rue de Sèvres (08/01/2014)
Édition Originale : Wake Up America
Traduction : Basile Béguerie

Résumé :
Une peinture de la société américaine des années 60, racontée à partir de la vie de John Lewis, démocrate, icône américaine, le seul encore vivant du groupe des Big Six dont faisait partie Martin Luther King.

Ce premier tome retrace le début des sits in et la mise en pratique de la politique de non violence.

Critique :
Cette série, en 3 albums, est l’autobiographie romancée du militant et député noir américain John Lewis.

Le premier volume est consacré à sa jeunesse dans l’Alabama. La ségrégation n’a plus lieu d’être, mais dans les états du Sud, c’est une seconde nature et les Blancs la pratiquent encore et toujours.

Le récit commence avec l’arrivée au pouvoir de Barak Obama et le sénateur John Lewis qui reçoit des jeunes enfants dans son bureau. Il va alors replonger dans ses souvenirs.

Au départ, l’histoire ne manque pas d’humour, avec le jeune John qui, voulant être prédicateur, se livrait à des sermons devant une congrégation des plus improbable : les poulets de la famille.

Cet album retrace une partie des combats livrés par les Afro-américains pour tenter de faire respecter leurs droits, notamment en faisant des sitin dans des cafés où l’on refusait de les servir, en boudant les bus et les commerces.

Les dessins, noir et blanc, sont réalistes et vont droit au but. Il y a une belle maîtrise graphique et j’ai adoré.

Alors non, je n’ai rien appris de neuf sur la lutte des Noirs pour obtenir des droits. J’avais déjà appris bien des choses dans le roman Power de Michaël Mention et dans Harlem Shuffle de Colson Whitehead.

Malgré tout, il n’est jamais mauvais de se les remettre en mémoire, afin de ne pas oublier les saloperies de l’Histoire (enfin, des Hommes, l’Histoire, elle, elle se laisse écrire) et de se dire que rien n’est jamais gagné pour les minorités, quand bien même une minorité est la moitié de l’humanité (les femmes), qu’il faut toujours se battre, être vigilant et que oui, à la fin, on s’épuise…

Si les droits civiques des Afro-Américains ont changé ensuite, eux aussi doivent rester éveillés et sur le qui-vive, car l’Amérique fait des bonds en arrière en matière de droits et de libertés, tout comme chez nous, en Europe.

Un comics riche en émotions, en Histoire, en combats. Un récit qu’il faudrait faire lire aux plus jeunes, qui ne savent pas ou à toutes celles et ceux qui ont la mémoire courte, sélective, qui sont dans le déni, le négationnisme, la ségrégation, la suprématie. Bien que je me demande si un jour ils changeront, ces racistes… Pas sûr, malgré tous les récits du monde.

Un comics dont j’ai hâte de lire la suite.

 

Le bateau-usine : Takiji Kobayashi et Gô Fujio

Titre : Le bateau-usine

Scénaristes : Takiji Kobayashi et Gô Fujio
Dessinateur : Gô Fujio

Édition : Akata (2016)
Édition Originale : Kanikôsen (2006)
Traduction :

Résumé :
Dans les années 20, au Japon… L’industrialisation du pays fait rage, tandis qu’en Russie, la Révolution vient de s’achever.

Au port de Hakodate, c’est l’effervescence : le bateau-usine s’apprête à partir en mer, pour pêcher des crabes qui seront revendus à prix d’or. Mais les ouvriers-pécheurs ne se doutent pas encore du destin qui les attend…

Exploités, battus et spoliés par Asakawa, l’intendant du navire qui ne pense qu’aux bénéfices de l’entreprise qu’il représente, ils vivront un véritable enfer quotidien.

Pourtant, quand le bateau échappe au naufrage, grâce à l’aide d’un chalutier russe, les esprits commencent à s’échauffer.

Un jeune étudiant, influencé par les romans de Dostoïevski, décide de prendre la tête d’un mouvement de rébellion… La grève est ouverte !

Critique :
La littérature engagée, j’aime ça. Quelque soit son support. Ici, c’est roman issu de la littérature japonaise, publié en 1929 (et interdit ensuite), qui est adapté en manga.

L’auteur du roman original est décédé en 1933, d’une crise cardiaque, soi-disant, mais les marques sur son cadavre font tout de suite penser à ses proches qu’il est mort de la torture… Ambiance.

Ce manga parle du capitalisme dans ce qu’il a de plus extrême : pour que les actionnaires gagnent plein de pognon, il faut que des pauvres types crèvent en travaillant dans des conditions épouvantables.

Le rendement, quoiqu’il en coûte ! Voilà le maître mot d’Asakawa, l’intendant du bateau-usine qui pêche des crabes sur la mer du Kamtchtka, rivalisant avec les Russes. Pour l’intendant, c’est une guerre économique contre les Russes.

[…] c’est un duel entre le peuple de l’empire du Japon et les Russkofs… si jamais on perdait, alors les jeunes Japonais que vous êtes, avec vos couilles ballantes, vous n’auriez plus qu’a vous ouvrir le ventre et vous jeter dans la mer du Kamtchatka.

Coups, menaces, privations, travail dans des conditions terribles, pire qu’au goulag (ou « aussi pire »), malades obligés de bosser, bouffe infâme, pendant que le capitaine, l’intendant et les autres, se goinfrent de mets succulents, pour aller les vomir ensuite, vu que la mer, parfois, est démontée…

Même les ouvriers, dans leur trou à merde, au fond de la cale, on bien du mal à garder leur bol de riz dans l’estomac.

Dans ce manga, aucun personnage n’est plus mis en avant qu’un autre. Pas un héros, mais des ouvriers pauvres, qui n’ont pas le choix que de bosser sur ce navire, des hommes qui vont se révolter, tenter de se serrer les coudes pour mettre fin à cette tyrannie.

L’union fait la force, c’est bien connu, mais avant d’y arriver, à cette union, il faudra bien des brimades, bien des coups, bien des morts… avant que les 400 marins ne se rendent compte qu’ils sont bien plus nombreux que l’intendant.

Unir les gens est la chose la plus difficile qui soit, tandis que les désunir est si facile, comme le fera l’intendant, en mettant les pêcheurs et les ouvriers chargés de mettre les crabes en boîte en compétition. Et ça marche toujours !

Les seules choses qui aient un prix, sur ce bateau-usine, ce sont les boîtes de crabes, destinées à l’élite, certaines à l’empereur. Dans ces boites de crabes, il y a surtout le sang, la sueur et les morts des ouvriers, des pêcheurs.

L’autre chose qui a de la valeur, c’est le rafiot sur lequel ils naviguent : ce dernier est assuré pour une somme plus élevée que sa valeur. Autrement dit, il rapportera plus d’argent en faisant naufrage qu’en naviguant. Le ton est donné.

Récit d’une descente aux enfers où les pauvres gars embarqués sur cette galère se demanderont, à un moment, s’il n’aurait pas mieux valu mourir au départ. Les conditions de travail vont devenir de plus en plus dures, laissant les ouvriers épuisés, à tel point que les accidents de travail augmentent.

Un manga dont la lecture ne laissera personne indifférent, sauf peut-être les gros actionnaires (hommes ou femmes), qui ne s’enrichissent que sur le dos des autres, tels des tiques sur le dos d’un chien.

Il est à souligner que dans ces bateaux-usines, les intendants étaient des Japonais, qui se comportaient en esclavagiste envers d’autres Japonais, le tout pour le bien du pays. Ce n’était pas le fait d’étrangers donc !

Juste pour rappeler que bien souvent, le Mal vient de ses propres dirigeants, de ses propres intendants, patrons…. et qu’ils sont de la même nationalité que ceux qu’ils exploitent. Le véritable ennemi, ici, c’est le capitalisme et les étrangers ne sont pas responsables.

Diviser pour mieux régner, c’est un classique qui marche toujours. Exploiter les plus pauvres, ceux qui n’ont pas le choix, et les dresser l’un contre l’autre, c’est le combo gagnant pour cet intendant et pour tous les exploiteurs.

Un excellent manga, qui prouve, une fois de plus, que les mangas, ce ne sont pas que pour les ados et que ce ne sont pas des « trucs avec des mecs bourrins dedans ». Non, ici, c’est juste la mise en image d’un roman qui était lui même la mise en phrase des horreurs qui avaient lieu dans les bateaux-usines.

Le pire est que ces pratiques ont toujours lieu, quelque part dans le monde, dans d’autres pays, pour que des sociétés fassent de superprofits sur des vêtements, de l’alimentation, le tout, au détriment de gens qu’elles exploitent et de la Nature qu’elles foutent en l’air.

Pas de soucis, tout va très bien, madame la marquise !

Le Suppléant : Henry Mountbatten-Windsor* *ou plutôt de son gosht-writter appointé [par Dame Ida, Pigiste Pipôle Stagiaire Adjointe à la Rédaction]

Titre : Le Suppléant

Auteur : Prince Harry
Édition : Fayard (10/01/2023)
Édition Originale : Spare (2023)
Traduction : Nathalie Bru et Santiago Artozqui

Résumé :
C’est l’une des images les plus marquantes du XXe siècle : deux jeunes garçons, deux princes, marchant derrière le cercueil de leur mère sous les regards éplorés – et horrifiés – du monde entier.

Alors que Diana, princesse de Galles, rejoignait sa dernière demeure, des milliards de personnes se demandaient à quoi pouvaient bien penser les princes à cet instant, ce qu’ils ressentaient – et quelle tournure allait prendre leur vie désormais.
Pour Harry, voici enfin venu le moment de raconter son histoire.

D’une honnêteté brute et sans fard, LE SUPPLÉANT est un livre qui fera date, plein de perspicacité, de révélations, d’interrogations sur soi et de leçons durement apprises sur le pouvoir éternel de l’amour face au chagrin.

L’avis de Dame Ida :
Je n’envisageais pas d’acheter ce livre afin de ne pas participer à l’entretien du train de vie de gens qui ont déjà à eux deux plus d’argent que mon époux, moi-même, mais aussi tous mes proches réunis ne parviendront jamais à gagner en une vie, voire une dizaine de vies… Et qui ne sont pas fichus d’écrire un livre eux-mêmes… Mais une bonne amie me l’a passé… et forcément, curieuse… J’ai passé un week-end dessus.

400 pages qui, initialement, auraient dû en faire le double, dit-on, avant qu’il ne soit expurgé du pire du pire pour ne pas rendre à jamais impossible une réconciliation que les déclarations de la presse rendraient de plus en plus improbable. En tout cas c’est que dit aujourd’hui la presse…

Oui mais voilà… La presse pipôle ne nous raconterait que des conneries. C’est d’ailleurs ça la principale révélation du bouquin !

Bon, je vous l’accorde que la presse nous raconte souvent des conneries, surtout sur les pipôles, on le savait déjà, ce n’est pas une révélation… Mais le décalage entre ce que les médias répètent et finissent par nous faire tenir pour vrai, parce que plusieurs sources le répètent, et ce qu’Henry Mountbatten-Windsor (ben oui, c’est ça en principe son vrai nom – d’autant qu’il n’est plus censé avoir de titres) déclare, est assez troublant.

Exit la Meghan qui harcèlerait ses collaboratrices… Ce serait un complot fomenté par l’une d’entre-elles, virée pour s’être fait passé pour la Duchesse de Sussex, afin de se faire offrir des cadeaux gratuits… Mouais… Il est aussi possible que ce grand benêt amoureux, peu objectif, n’ait pas envie de voir que certaines façons de parler puissent poser problème ou que quant on envoie des SMS le dimanche matin, de très bonne heure… ça peut aussi réveiller le destinataire, même si on prétend qu’il n’est pas tenu de répondre.

Exit le scandale de la tiare, Henry étant supposé avoir levé le ton contre l’habilleuse de la Reine, qui s’opposait au choix d’une tiare russe, controversée pour le mariage…

Alors que le choix de la tiare se serait porté sur une autre et en outre, en présence de la Reine elle-même, qui avait approuvé ce choix… L’habilleuse n’aurait seulement pas apprécié qu’on lui fasse remarquer les retards qu’elle a pris pour faire parvenir la tiare sélectionnée pour les essais coiffure nécessaire (poser une tiare ne s’improvise pas au dernier moment; il faut que le coiffeur apprenne à le faire avant le jour J).

Il n’y aurait donc eu aucun appel de Mamie pour gronder son petit fils et lui dire qu’il ne faut pas parler ainsi au personnel et l’affaire de la tiare russe serait une pure invention de l’habilleuse !

Fausse également, l’hypothèse voulant que la Reine ait découvert la décision d’exil des Sussex via leur blog, puisque la presse avait déjà prévu d’annoncer, le lendemain, des éléments confidentiels, transmis directement par un courrier des intéressés au roi actuel sur les conditions de leur départ… éléments qui avaient donc fuité alors que les négociations avec la Reine et son successeur étaient déjà en cours…

Et tout serait à l’avenant, découlant de fuites plus ou moins mensongères des collaborateurs et secrétaires royaux, qui ont un sens étrange de leurs devoirs, de confidentialité, allant même jusqu’à vendre des infos fausses aux médias, pour mieux arrondir leurs fins de mois, vu qu’ils sont mal payés au Palais !

Et le narrateur n’épargnera pas la nouvelle femme de son père en lui attribuant la responsabilité de certaines fuites, pour que la presse s’intéresse moins à son propre fils en galère… L’ennui, évidemment, c’est qu’on ne pourra jamais vérifier quelles sont les vraies versions… Et c’est ça qui fait enrager l’ex-prince : sa parole n’est pas et n’a jamais été considérée comme la vérité, les théories alternatives de la presse inventée par elle-même ou par d’autres, ayant été répandues dans les oreilles du public auparavant.

Cela étant, nous pouvons compter sur l’Establishment pour ne jamais rien nous dire de manière transparente.

Alors nous n’avons aujourd’hui que les déclarations d’Henry Mountbatten-Windsor, et celles d’une presse dont on sait par ailleurs qu’elle n’a pas hésité non plus à raconter bien des saloperies.

Tiens… Quand la Reine est morte, on annonçait qu’elle était au plus mal à la nation dans l’après midi, alors que c’était déjà fini (on l’apprendra le lendemain quand l’heure exacte du décès sera annoncée). On voulait attendre que toute la famille soit arrivée pour annoncer la nouvelle, ça peut se comprendre… Mais ça veut dire et ça prouve que la communication du palais n’est pas fiable, puisqu’elle peut employer le mensonge. Le narrateur, quant à lui, avait été averti dans l’avion du décès de sa grand-mère, alors que la nation priait encore pour la survie de celle-ci…

Alors la vérité véritablement vraie… bien malin qui saura la connaître… Le Palais ment… les employés vendent de faux tuyaux… certains le feraient sur ordre de certains membres de la famille… Et pendant ce temps, le narrateur raconte sa propre vérité et son propre point de vue.

Mais il n’échappera pas aux lecteurs attentifs que ce point de vue passe aussi à travers les interprétations et le prisme d’une subjectivité très en souffrance. Ben oui… il souffre, ce narrateur. C’est une évidence.

Cela étant, difficile de se faire une idée très claire de ce qu’endurent les « royals » britanniques, avec la presse. Nous ne recevons pas les tabloïds britanniques en France et nous mesurons assez peu les débordements hallucinants que la liberté de la presse permet, outre-manche. On peut raconter n’importe quoi, sur n’importe qui, sans rien risquer, à condition d’y mettre certaines formes.

Et oui chers amis… En France (je ne sais pas comment ça se passe en Belgique), les lois sur la vie privée et la diffamation, les lois réprimant les discours racistes etc… ne permettent pas de dire n’importe quoi, dans les journaux, alors que visiblement la presse britannique pourrait mentir en toute liberté, sans jamais avoir à en rendre compte, sauf dans des cas particuliers limités, toujours possibles à contourner.

Nous ne savons donc des péripéties de la Firme que ce que la presse francophone s’autorise à reprendre. Cela nous parvient plus soft, très édulcoré, moins racoleur, plus sérieux… Mais ce n’est pas nécessairement plus vrai pour autant !

Un tri a juste été fait par les services juridiques, pour mettre au panier les « infox » des tabloïds qui tomberaient sous le coup de la loi chez nous, et il semblerait que ce soit le cas de la majorité de ce qui se publie de l’autre côté du tunnel ou du channel, ça dépendra par quel moyen vous y allez.

Mais pour apprendre tout cela, il vous faudra accepter de mourir d’ennui pendant 80 % de ce livre, où le gosht-writter de Monsieur Mountbatten-Windsor nous fera part de manière assez répétitive de ses états d’âmes, de ses nombreux voyages (purée le bilan carbone du type ferait frémir la petite Gretha T!!!), de ses souvenirs d’armée ou de collégien…

Ce livre est, bien souvent, creux ou vide, reprenant des anecdotes sans intérêt, déifiant le souvenir de sa mère avec quelques bons sentiments, par-ci par-là… Mais sans réelles révélations, car la plupart des éléments abordés ont déjà été révélés par la presse.

Quant à ses liens avec certaines personnes, ils ne seront pas suffisamment détaillés pour qu’on saisisse quelque chose de leurs relations, comme s’ils étaient de parfaits figurants anonymes.

Même son père, sa grand-mère, son frère et quelques autres ne feront pas l’objet de développements, nous permettant réellement de voir comment il les saisit subjectivement, ce qui nous en révélerait peut être trop… Leurs descriptions sont très factuelles, sans profondeur…  Aux lecteurs de se les imaginer à travers ce qu’ils auront lu dans une presse… qui selon lui n’est que mensongère.

Il est pourtant de notoriété publique que les Windsor forment une famille dysfonctionnelle, pas douée avec les sentiments, etc…

Et d’ailleurs, le narrateur ne manquera pas une occasion de les tacler, mais sans jamais véritablement rien mettre en lumière, quoi que ce soit, des liens qu’ils ont les uns avec les autres et de la façon dont il s’en débrouille. Probablement, valait-il mieux zapper ces questions pour laisser une porte ouverte à un retour possible du narrateur, dans le giron familial, quand sa femme se sera fatiguée de lui.

Anybref, ce n’est pas de la grande littérature et ça a donc l’avantage d’être vite lu…

D’ailleurs c’est certainement le but, pour toucher un lectorat très vaste et rapporter plus d’argent possible… Mais c’est souvent sans intérêt, et la lecture diagonale m’a soulagé les yeux et l’esprit assez souvent.

Et puis… Ce livre m’a dérangé par certains aspects.

Quand on revendique avec autant de force un droit à l’intimité, pourquoi s’appesantir sur des détails sur l’anatomie de son pénis, sur ses inquiétudes concernant l’intégrité de celui-ci suite à un voyage au pôle nord, pour cause d’engelures et de sa décision de le mettre au chaud dans une « chaussette », sur mesure, en polaire, lors de son voyage au pôle sud ? Pourquoi nous raconter en quelques mots la perte de sa virginité ? Pourquoi nous parler de ses ex, aussi ?

Parce que la presse avait raconté autre chose ? Mouais… Pas certaine de cela… Démentir nécessite-t-il toujours de tout dévoiler ? À la presse intrusive, faut-il réagir par l’impudeur totale ? Always complain, always explain… La rupture du narrateur avec sa propre famille est manifestement une rupture éthique et philosophique sur la façon de se positionner.

Autre problème : Henry Mountbatten-Windsor ne nous cachera rien de ses consommations fréquente et précoce de cannabis, de cocaïne, de drogues hallucinogènes, et surtout de ses abus d’alcool. Et à aucun moment il ne tiendra un discours critique à cet égard. Il en parle d’une manière totalement banale comme si c’était parfaitement normal de se défoncer régulièrement à la beuh dès le collège !

La cocaïne ? Ben quoi ? Tout le monde n’en prend-il pas ? Et l’alcool après tout, ce n’est même pas illégal ! Où est le problème d’évoquer une cuite à pratiquement chaque chapitre ? Quant aux drogues hallucinogènes, on vous dira que c’était une thérapie alternative à son malaise psychologique, pour lequel il reconnaît n’avoir jamais vraiment  consulté un psy dans la durée, sauf dans l’année qui a précédé son exil.

Ce discours, sans aucune critique sur ses consommations de drogues ou d’alcool et leurs effets, me semble parfaitement irresponsable de la part d’un père de famille et d’une personne ayant une telle audience médiatique. Ce livre va être lu par des millions de gens… N’a-t-il jamais imaginé qu’un passage un peu critique sur les dangers des drogues aurait été de bon ton ?

La recherche en neurosciences pose que la consommation régulière de cannabis à l’adolescence altère le développement cognitif et diminue le QI durablement… La psychiatrie sait aussi très bien que de nombreux épisodes psychotiques sont déclenchés par cette drogue et qu’elle n’a rien d’anodin, même si certains voudraient qu’elle soit librement commercialisable, au motif qu’on l’utilise pour préparer des médicaments (à titre indicatif; la morphine est utilisée en médecine ou pour des médicaments antalgiques, mais est-ce une raison pour légaliser l’héroïne ?).

Dira-t-il que la cocaïne peut rendre paranoïaque à long terme ou mettre ses consommateurs en dangers, à cause de la surestimation des compétences qu’elle entraîne chez ses consommateurs ? Evidemment non ! Sans faire l’apologie des drogues, il les présente sous un jour inoffensif sans avertissement ni conseil de modération…

Même la dernière psy qu’il aura consultée, la seule dont il nous parle, il ne l’aura vue qu’un an ou deux tout au plus sa thérapie s’achevant avec le Meghxit. Bref… Elle n’aura certainement pas duré suffisamment pour faire le tour de ses tendances toxicomaniaques, de ses tendances alcooliques, de sa dépendance au risque (être militaire n’a pour lui de sens que si on va au front, à bien le lire), et surtout d’un deuil pathologique ancien (le jeune Henry se serait accroché jusqu’à l’âge de 17 ans à l’idée que sa mère se serait fait passer pour morte afin de vivre un exil anonyme!), sans parler d’un trouble de stress post-traumatique, auto-diagnostiqué, dont les symptômes tels qu’ils seront évoqués dans le livre, ne correspondent pas spécifiquement à ça, et ne seraient apparus qu’après sa carrière militaire.

Bref, le jeune homme n’allait franchement pas bien. Il est carrément fracassé et on peut se demander s’il va réellement mieux eu égard au manque de recul de questionnement ou d’autocritique de son discours.

Jamais il ne se remet en question… Il préfère les méthodes alternatives, les délires new-age, les tantras, les voyantes… voire l’homéopathie (granules de sucre sans AUCUNE substance active, les substances supposées être utilisées à des doses plus qu’infinitésimales n’ont aucune efficacité scientifiquement démontrée, et les résultats atteignent péniblement l’effet placebo) pour soigner des troubles anxieux !

La préférence systématique pour les méthodes alternatives signe le plus souvent une méfiance ou un évitement des méthodes scientifiquement éprouvées… Et donc, une résistance profonde au changement.

Et même si je comprends qu’il doit être très pénible de vivre constamment dans le viseur de la presse-caniveau britannique qui atteint des abysses de bassesse, je ne résumerais pas à cette unique raison les traits persécutifs qu’il exprimera à l’égard de la presse, de l’establishment, de sa famille, si j’en crois la théorie complotiste à peine voilée qu’il évoquera au sujet du décès de sa mère dont la version officielle a été arrêtée du fait de la « corruption »…

Sachant que les autorités françaises ont collaboré à cette enquête, l’évocation d’une « corruption », même s’il ne dit pas qui serait corrompu, relèverait de l’incident diplomatique, s’il avait encore quelque accréditation pour s’exprimer au nom de la Couronne !

Il reproche constamment à sa famille de n’avoir jamais partagé son exaspération à l’égard des tabloïds, de leurs intrusions, de leur harcèlement, et de leurs mensonges. Mais oublie-t-il que cette famille en est aussi l’objet et n’a eu d’autre choix que de s’en débrouiller, eu égard aux coudées franches que la loi leur laisse en Grande-Bretagne ?

Dans la prière des Narcotiques Anonymes, que l’on dit en début ou en fin de réunions, n’y a-t-il pas une petite phrase où l’on dit qu’il faut « accepter ce qu’on ne peut changer » et s’y adapter ? Cela fait partie du programme de réhabilitation. Monsieur Henry devrait méditer sur cette petite phrase si un jour il avait la bonne idée de participer à leurs réunions.

Sa famille n’a d’autre choix que de respecter la loi. Aucun manquement, aucune critique contre la loi sur la liberté de la presse ne serait tolérée de la part de la famille royale britannique ! Et par son comportement et ses exaspérations contre la presse, il met objectivement le statut de sa famille en danger, en laissant supposer que cette famille pourrait questionner la liberté de la presse et la liberté d’expression, qui sont des piliers fondamentaux de ce pays.

Critiquer ouvertement la liberté d’expression de la presse, même pour en condamner les abus, mettrait l’institution monarchique en position d’être suspectée de tyrannie ou de velléités dictatoriales !

Nous pouvons tous déplorer que la liberté de la presse britannique ne puisse se voir opposer aucune loi sur le respect de la vie privée… ou qu’on puisse publier des mensonges, sans avoir à en rendre compte…

Mais c’est ainsi qu’est la loi britannique et la famille royale, pour préserver son statut, doit s’y faire et s’y adapter. Et s’y adapter suppose de garder un contrôle rigoureux sur sa présentation, sur ses moindre faits et gestes et sur tout ce qu’on dit quand on sort dans un lieux public… C’est injuste, mais c’est ainsi.

Alors, le voir monter dans les tours parce que la presse a parlé de ses consommations de cannabis, de cocaïne ou d’alcool devant des tiers, en groupe ou dans des lieux publics… et que le seul problème avec ses consommations de drogues a été que la presse en parle.

Excusez-moi… Mais là, je ne peux pas le plaindre. Si tu ne veux pas te voir reprocher de faire des conneries, et bien tu commences par ne pas en faire, au lieux de faire comme la plupart des sales gosses dont la seule réaction est de dire : « Qui a osé me dénoncer ! ».

Franchement un strip-billard à Las Vegas, alors qu’on ramène de parfaits inconnus dans la suite où on se soule ? Est-ce bien raisonnable quand on est supposé avoir l’habitude de devoir toujours faire attention à qui prend des photos ? Ou joue-t-on un peu avec le feu pour s’en plaindre après ?

Bonhomme, si tu ne veux pas voir tes fesses dans la presse, ne les découvre que dans ta salle de bain ou dans ton lit ! Ou alors montre les et… assume !

Personnellement, si le narrateur est accro à la beuh et ruine son QI avec, c’est son problème tant qu’il ne fait pas de prosélytisme ! Mais dans ce cas là, qu’il assume comme le ferait Doc Gynéco ! Mais qu’il ne se plaigne pas après, si ça fuite dans la presse, parce qu’il le fait sans se soucier d’être vu !

Est-ce que je fais des sextapes moi ? Non. Pourquoi ? Ben parce que je sais que même si ça ressemblerait plus à un reportage animalier sur la reproduction des éléphants de mer, un vidéogramme peut être téléchargé, piraté, diffusé, et regardé par la planète entière.

Alors ? Quand tu sais que les photos de tes moindres conneries seront revendues quoi qu’il arrive et bien… Tu t’abstiens ! Sinon… tu assumes et tu ne te plains pas. On pourra me trouver coincée… Mais je parle juste de sens des responsabilités. Si tu aimes montrer ton cul aux gens, il faut te faire à l’idée à l’ère d’internet que même des gens que tu n’as pas choisis, finiront par le voir aujourd’hui.

Par ailleurs, quand il parle de ses stratagèmes pour faire des courses dans des supérettes ou pour s’acheter des vêtements… Heu… Excusez-moi… Mais à l’ère de la livraison à domicile ou des services VIP dans les grands magasins où on vous reçoit dans un salon et on vous apporte un choix du type de produits recherchés… Ne cherche-t-il pas les problèmes ?

Tu vois Deneuve ou Adjani faire leur marché ? Tu crois que Brad Pitt se promène au rayon caleçons d’un centre commercial ? Comment faisait son frère ? Ses oncles ? Ses cousines ? Dans une famille qui a autant de thunes, et des services de sécurité, on ne me fera pas croire qu’il n’y aurait eu personne pour faire ses courses ! Comme si c’était si drôle de faire ses courses !

Pitié ! Je me dispenserais bien de devoir les faire moi ! J’ai pus la force de pousser mon caddie bondé dans des allées noires de monde le samedi ! C’est pas juste parce que j’ai peur d’être prise en photo ! Et si j’osais me lamenter là dessus au bureau mes collègues me regarderaient comme une conne en me disant « Ben c’est la vie, Ida ! Fais-toi livrer si tu ne veux plus pousser ton caddie! »…

Le mec, il a un secrétaire particulier des gardes du corps et même le cuisinier de papa qui lui apporte des plats sous vide et toussa toussa… mais il va nous faire croire qu’il doit faire ses courses comme n’importe qui ! Pauvre garçon… il ne réalise pas ce que vivent les vrais gens dont il voudrait se faire plaindre ! Pitié !

Son obsession à se poser comme victime de la presse, à l’instar de sa mère qui pourtant savait aussi très bien l’utiliser (et ça il tend à l’oublier), là où le reste de sa famille a dû apprendre à faire le dos rond, n’étant en réalité pas plus protégé que lui (on se souviendra des conversations entre Charles et Camilla, rendues publiques où il disait vouloir être son tampax… Une humiliation assez sympa… On ne parlera pas des unes, sur la fois où son père a commandé un sherry au pub alors qu’il était collégien, ou de toutes les petites amies et liaisons qu’on lui a prêtées avant son mariage !), me semblera parfois peu entendable même si je conçois que de voir les gens qui entrent ou sortent de chez vous être harcelés par les paparazzis ou les parents ou proches de vos petites amis harcelés également, est prodigieusement scandaleux.

De même le sujet de sa relation avec son frère me semblera problématique. La dimension projective (le fait d’attribuer à l’autre des sentiments qu’on ressent à son égard) des sentiments de rivalités, qu’il attribue à son frère aîné à son égard, me semblera évidente, notamment quand ils se trouvent régulièrement associés à une sorte de listage de tous les privilèges dont il jouit et dont le narrateur prétend ne pas se préoccuper.

S’il ne s’en préoccupe pas, alors, pourquoi en fait-il si souvent la liste ? Mon Dieu ! Le futur roi jaloux de son frère parce qu’on l’autorise à porter l’uniforme de son choix et la barbe à son mariage ! Qui y croit ? Dégringolé au cinq ou sixième rang dans l’ordre de succession, il était presque à la limite de ce que la Reine n’ait plus son mot à dire sur son mariage… Pauvre vieille… Elle n’avait juste pas envie de se raidir sur des questions de protocole pour un petit fils qui n’avait aucune chance de régner…

Et son frère s’est fait plus royaliste que la reine en ne comprenant pas l’abandon d’un point de protocole concernant son frère… Whaou… Le scandale du siècle !!! La preuve que son aîné est un jaloux pathologique !

Quand on l’entend raconter devant des caméras que son aîné et sa femme lui en voudraient à lui et à son actrice, d’être plus populaires qu’eux… et qu’ils sont contre eux, à cause de ça… on ne pourra trouver ça que pathétique !

Comme si le problème était là ! Il y a juste un aîné qui va devoir récupérer le job de diriger la firme et qui, comme son propre père, ne peux féliciter ou soutenir un trublion qui torpille le système !

Et puis mince… J’ai des enfants et des frères et sœurs… Et quand on a pris un peu de maturité et qu’on va bien dans sa tête, c’est suffisant pour savoir, qu’entre frères et sœurs, on imagine toujours que l’autre est plus avantagé que soi, vis à vis des parents !!! C’est normal d’imaginer ça quand on est enfant… Mais rester là-dessus une fois adulte c’est un peu plus ennuyeux. Et quoi que vous fassiez, en tant que parent, pour empêcher ça entre vos enfants, ça revient tout le temps sur la table.

Quand les parents essaient d’être justes et ne vont pas dans le sens d’un de leurs enfants, celui-ci a toujours l’impression qu’on préfère les autres à lui ! C’est tout le temps comme ça dans les fratries… L’aîné attend plus longtemps son premier téléphone et trouve injuste que le petit frère ait le sien plus jeune etc… C’est la vie ! Mais quand on est adulte, on est supposé passer à autre chose, non ? Faudrait grandir un peu peut-être ? Mais s’il n’y parvient pas à son âge, peut être est-ce le signe qu’il a encore besoin d’une aide ?

Alors oui c’est vrai… Les parents seront davantage satisfaits quand un de leurs enfants travaille bien à l’école, ou se montre bien élevé, s’approprie les valeurs de la famille… et déçus si l’un est en échec, part en vrille, se drogue, picolle etc. Alors oui… Chez les Mountbatten-Windsor-Spencer, c’est l’aîné qui est le mieux rentré dans le moule… Ben oui c’est comme ça… Et ça tombe bien en plus parce que c’est sur lui qu’on compte pour reprendre la firme… So what ? Il faut lui reprocher ? Et lui reprocher de faire son job en approuvant pas la démission de son frère ? Mais croyez-vous que les Windsor ont bien vécu le départ d’Edward VIII pour épouser sa maîtresse nazi en son temps ?

Est-ce leur faute, à son père et à son frère, si le cadet n’a pas bien réussi à l’école ? Sont-ce eux qui lui ont allumé son premier joint, sachant que la consommation de cannabis pendant la puberté fait perdre des points de QI ? Non, mais à entendre le narrateur, ils auraient « autorisé » l’establishment à faire de lui une sorte de bouc émissaire, supposé servir de contre-feu afin de ne pas trop regarder leurs affaires ! Ben voyons ! J’imagine bien son père, le fournir en coke, pour être certain qu’il se fasse photographier en train de sniffer, tant qu’on y est !

Faut-il fusiller tous les Windsor qui ont appris et réussi à se débrouiller des tabloïds en commençant par prendre de la distance avec leurs mensonges et par ne plus y faire attention ? Les mouches à merde sont toujours gênantes, mais nous avons toujours mieux à faire que de les écraser ou de sauter dans la merde à pieds joints pour s’acharner sur elles ! Et bien c’est malheureusement ce que fait le narrateur de ce livre.

Le problème, c’est que seules les personnes avec de bonnes assises de personnalité, bien construites, ayant une bonne estime d’elles-mêmes, sont capables de se passer de se voir renvoyer constamment une bonne image d’elles mêmes, par tous les miroirs qu’ils croisent. La presse est un de ces miroirs qui vous renvoient une image de vous-même, déformée, fausse… sans doute…

Et pour supporter que des crétins disent n’importe quoi sur vous, en permanence, et bien il faut être suffisamment certain de ce qu’on est, de sa valeur, de ce qu’on veut dans la vie etc. Et l’incapacité d’Henry Mountbatten-Windsor à faire face à ce que le reste de sa famille doit supporter, révèle surtout ce qu’il en est des profondes blessures qui l’ont empêché d’avoir une image de lui-même suffisamment solide.

D’ailleurs, ce livre ne démontre-t-il pas à quel point il est en définitive fragile et en recherche constante de lui-même, arpentant littéralement la Terre du pôle nord au pôle sud dans l’espoir de se trouver enfin ?

Ne démontre-t-il pas non plus que les traumatismes psychologiques de l’enfance devraient être pris en charge sur le plan psychologique sur le champ, et que sa famille a clairement merdé en ne lui offrant pas ce secours au plus tôt ?

Espérons pour lui qu’il se trouvera un jour… Dans pas trop longtemps… ça nous évitera un autre livre aussi creux.

 

Jim Thorpe – La légende Amérindienne du football : Kevin Lecathelinais et Georges Chapell

Titre :Jim Thorpe – La légende Amérindienne du football

Scénariste : Kevin Lecathelinais
Dessinateur : Georges Chapelle et Emmanuel Michalak

Édition : Delcourt (05/10/2022)

Résumé :
En 1904, Jim quitte la Première nation Sauk et Fox pour le collège de Carlisle, où l’on rééduquait les enfants amérindiens. Sur le terrain de football (américain) comme sur les pistes d’athlétisme, l’entraineur Pop Warner va pousser Jim à donner le meilleur de lui-même, jusqu’aux podiums de Stockholm ou au fameux match contre les cadets de West Point dirigés par Ike Eisenhower.

Critique :
Le sport et moi, ça fait deux. Je ne fais pas de sport, jamais de sport, si ce n’est monter à cheval (et oui, c’est du sport).

Le football américain m’est totalement inconnu et je n’ai absolument pas envie d’en savoir plus.

Cette bédé n’était, en principe, pas faite pour moi et pourtant, je n’ai pas regretté cet achat !

Né né en 1887 dans l’Okhlahoma, Jim Thorpe était l’un des plus grands sportifs américain, qu’il était d’origine Amérindienne et que cet album, bien qu’il parle de sport, parle aussi de dépassement de soi, de racisme, de ségrégation et d’injustice.

Ben voyons, si Jim Thorpe avait été un WASP (White Anglo-Saxon Protestant), sa carrière aurait été différente et la reconnaissance des autres aurait été différente ! Là, il n’était question que d’emplumés Rouges contre des Blancs, puisque l’équipe de Jim était composée uniquement d’Amérindiens, provenant du magnifique collège Carlisle où il fallait tuer l’Indien en eux et en faire de parfaits petits américains…

Ironie, bien entendu ! C’étaient des collèges monstrueux où l’on extirpait, de force la culture des Amérindiens, où on l’effaçait, la réduisait en miettes. Finalement, ces pauvres gosses se retrouvaient dénués de tout, sans pour autant être devenu des Américains.

De toute façon, dans cette Amérique des années 20, profondément raciste, il leur aurait été impossible d’être accepté.

Modeste n’étant pas le second prénom de Jim Thorpe, ses fanfaronneries, vantardises, son orgueil, irritaient les autres au plus haut point. Lui, était fier de ses origines.

Pourtant, Jim n’était pas qu’un vantard, ce qu’il disait, il le réalisait ! Même des trucs de fous au football américain, avec une cheville blessée ou une course avec deux chaussures différentes qui ne lui appartenaient pas.

Les dessins sont réalistes, ne manquant jamais de dynamismes et on s’attache très vite à ce grand gaillard qui sourit tout le temps et qui ne se laisse jamais abattre par les saloperies que les autres pouvaient lui réserver. C’était un véritable athlète qui brillait dans tout ce qu’il touchait.

Alors oui, cette bédé parle de sport, pourtant, malgré mon allergie au foot, qu’il soit européen ou américain, je peux vous assurer que ce fut un plaisir de lire cette bédé, d’aller me coucher moins bête et d’apprendre qu’un Amérindien, un jour, fut le plus grand athlète d’Amérique et qu’il joua même un match contre les cadets de West Point dirigés par Ike Eisenhower qui voyait ce match comme une revanche après la défaite américaine à Little Big Horn… T’es très raciste, Ike !

Le pays tout entier est raciste, hélas… et la grande gueule de Jim lui fera perdre toutes ses médailles, parce qu’un jour, il avait joué au base-ball de manière professionnelle, sans changer son nom et que les athlètes des J.O ne pouvaient pas être des sportifs professionnels. Ou comment chercher la petite bête parce que l’on a pas envie que les sportifs Blancs se fassent damer le pion par un Amérindien…

Une bédé qui ne manque pas d’émotions, qu’elles soient de joies quand Jim gagne tout ou plus tristes, lorsqu’il repense à son frère et qu’il tente de tenir les promesses qu’il lui avait faite, quand ils étaient gosses.

Le cahier qui se trouve en fin d’album nous en apprendra plus sur Jim Thorpe et sur l’injustice américaine qui n’aime pas qu’on lui ravisse les premières places… Surtout quand on est pas un WASP…

L’année 2023 commence bien, du point de vue des lectures ! Pourvu que ça dure !