Culottées – Tome 01 : Pénélope Bagieu

Titre : Culottées – Tome 01

Scénariste : Pénélope Bagieu
Dessinateur : Pénélope Bagieu

Édition : Gallimard – Bande dessinée (2017/2019)

Résumé :
Quinze récits mettant en scène le combat de femmes d’origines et d’époques diverses, qui bravèrent les normes sociales de leur temps : Margaret, une actrice hollywoodienne, Agnodice, une gynécologue de l’Antiquité grecque qui se fit passer pour un homme afin d’exercer sa profession, Lozen, une guerrière et chamane apache, etc.

Critique :
Je n’avais entendu que du bien de ce roman graphique et j’avais très envie de le découvrir.

Bon, ça a mis du temps (j’en manque toujours), mais maintenant que j’ai découvert ces portraits de femmes culottées, qui ont osé braver les interdits, se battre, s’élever, aller contre le conformisme, j’ai hâte de lire la suite.

L’autrice met en scène, au travers de 15 portraits, 15 femmes. « Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent ».

Des connues comme Joséphine Baker et des inconnues et c’est là tout l’intelligence, car elle nous fait découvrir des femmes qui méritaient bien un gros coup de projecteur sur leur vie et ce qu’elles ont réalisées.

J’ai apprécié en apprendre plus sur les femmes que je croyais connaître, mais dont je ne savais pas tout et j’ai pris un grand plaisir aussi à découvrir d’autres portraits, que ce soit celui d’une femme gynécologue du temps de la Grèce antique, qui sauva la vie de ses patients qui accouchaient ou tout simplement d’une femme à barbe qui s’est assumée, d’un homme qui se sentait femme ou de la seule femme impératrice en Chine.

Alors oui, toutes n’ont pas fait avancer la cause du féminisme, loin de là, mais par leurs petites actions, elles ont contribué à d’autres choses. C’étaient des rebelles qui n’ont pas voulu rester dans les cases prévues par leurs sociétés et où on a toujours caser les femmes : mariage, maternité, ferme ta gueule et fait le ménage.

C’est drôle, intéressant, bien mis en scène (j’ai un faible pour les dessins de Pénélope) et même si les portraits sont trop courts, on a tout de même rempli son cerveau de petites histoires à raconter plus tard, pour briller devant des beaufs et leur claper le bec.

L’autrice n’a pas suivi une ligne du temps, on passe par toutes les époques et tous les lieux. Il ne faut pas chercher un fil rouge, le seul qu’il y a, ce sont les portraits de ces femmes rebelles, dont la plupart nous étaient inconnues.

Elles ont du courage, certaines ont pris plus de risques que d’autres (s’opposer à un dictateur est plus dangereux que lutter contre l’érosion avec des plantations), mais je ne les jugerai pas, chacune, à son échelle, a fait quelque chose d’important, d’intéressant et c’est ce qui compte.

Une bédé, roman graphique à découvrir et à partager !

La traversée : Patrick de Saint-Exupéry

Titre : La traversée

Auteur : Patrick de Saint-Exupéry
Édition : Les Arènes (04/03/2021)

Résumé :
La traversée : un périple à travers l’immense forêt congolaise, de Kigali au Rwanda à Kinshasa en République démocratique du Congo.

Un invraisemblable voyage, en moto, en camion, en barge, malgré les trafiquants, la fièvre Ébola, les groupes armés. Une traversée dans une nature dantesque où les hommes et les femmes vivent coupés du monde.

L’enjeu ? Vérifier les accusations des autorités françaises, répétées inlassablement depuis plus de vingt ans : un génocide se serait déroulé au cœur de la forêt équatoriale congolaise, des centaines de milliers d’hommes et de femmes auraient été massacrés dans l’indifférence.

Au fil des étapes, émouvantes, savoureuses ou romanesques, les témoins parlent. La vérité émerge, et avec elle le rôle de la France au Rwanda puis au Congo.

Un engrenage qui a conduit Paris à s’enfoncer toujours plus avant dans la compromission. Un reportage fascinant. Une odyssée au cœur de l’Afrique.

Critique :
Cela aurait pu être un livre sur la difficulté de voyager au Congo, un reportage sur leurs différents moyens de transports, sur les pistes impraticables, le chemin de fer à voie unique et les retards incessants…

Cela aurait pu être aussi un roman sur l’état de la République démocratique du Congo.

En fait, ce livre, c’est tout ça, mais plus encore, puisque c’est aussi une enquête journalistique sur un fait de vérifier les accusations que les autorités françaises, ont répétées inlassablement depuis plus de vingt ans : un génocide se serait déroulé au cœur de la forêt équatoriale congolaise, des centaines de milliers d’hommes et de femmes auraient été massacrés dans l’indifférence.

Mitterrand, à l’époque, a fait du négationnisme, disant que les victimes étaient peut-être coupables et que les coupables étaient les victimes. Bref, du déni à tous les étages, sans compter que les Hutus, instigateurs du génocide, ont eu aussi brouillé les cartes, signifiant qu’ils tuaient pour ne pas être tués.

Le problème au Rwanda remonte à loin, à ce moment précis où les Allemands puis les Belges ont exacerbé la différence entre Tutsi et Hutu, permettant de diviser pour mieux régner. En donnant du pouvoir à la « minorité » tutsi, les colons belges s’assuraient des fidélités.

La France, sans qu’il existe aucun accord de défense entre elle et le Rwanda, va s’engager aux côtés de Kigali en déployant la panoplie de ses moyens : politiques, financiers, militaires, diplomatiques. C’est la France qui a fourni des troupes, des armes, des instructeurs, des conseillers et des spécialistes à son allié. Nous avons le nom des coupables de ce génocide : la France, la Belgique et l’Allemagne ne sont pas innocentes.

Mais quand les ordonnateurs du génocide ont fui au Congo, ce sera sous protection de l’Élysée, qui stoppera net toute velléité d’arrestation des tueurs et organisera leur exfiltration.

La question à laquelle va tenter de répondre l’auteur, c’est : y a-t-il eu un génocide se serait déroulé au cœur de la forêt équatoriale congolaise, des centaines de milliers d’hommes et de femmes auraient été massacrés dans l’indifférence ? Et ce ne sera pas facile de prouver que non, car le voyage sera des plus épiques et difficile.

Dans une note à l’attention de la presse, diffusée quatre mois après le génocide, l’Élysée expliqua sa position : « Il n’y avait donc pas les bons et les méchants, les massacreurs et les libérateurs, cette vision manichéenne au nom de laquelle on a indignement caricaturé l’action de la France1. » Ni victimes ni coupables donc. Ou tous victimes et tous coupables. C’était au choix. Le président François Mitterrand confirma peu après la doctrine officielle au sommet France-Afrique de Biarritz2. Oui, il venait de se produire au Rwanda « un génocide », concéda-t-il. Mais lequel : « Celui des Hutu contre les Tutsi ? Ou celui des Tutsi contre les Hutu ? […] Le génocide s’est-il arrêté après la victoire des Tutsi ? Je m’interroge… »

Quelques années plus tard, des informations contradictoires arrivèrent selon lesquelles un deuxième génocide aurait eu lieu, cette fois-ci contre les réfugiés hutu au Congo, l’immense voisin du petit Rwanda. Pour les promoteurs de l’action de la France au Rwanda, il n’y eut pas de doute possible. C’était la preuve – a posteriori – qu’il n’y avait eu en 1994 ni victimes ni coupables, ou que des victimes et des coupables. C’est selon. C’est ainsi que persiste le déni, vingt-cinq ans après.

Avant le génocide, les extrémistes hutu avaient annoncé leur projet d’extermination des Tutsi en le justifiant au nom d’une menace qui pèserait sur la communauté hutu. Pendant le génocide, alors que le crime s’accomplissait, ces mêmes extrémistes ont renforcé la boucle qu’ils avaient mise en place : nous tuons, disaient-ils, pour ne pas être tués par les Tutsi, dont nous pensons qu’ils veulent nous tuer. Après le génocide, les extrémistes défaits et réfugiés au Congo réfutèrent le crime qu’ils avaient commis : il ne s’est pas produit ce que vous croyez, il y eut bien un génocide mais c’était le nôtre, celui des Hutu, nous sommes les seules victimes, les vraies.

Quinze mois après leur fuite hors du Rwanda, les artisans du génocide furent attaqués dans leurs places fortes congolaises. Voilà la preuve, crièrent-ils en s’enfuyant. Le deuxième génocide, celui que nous vous annoncions depuis le premier jour, est arrivé. Enfin. L’effet Larsen, intense, brouille l’entendement.

Invité d’honneur à un colloque organisé en 2020 au Sénat, Hubert Védrine a – de nouveau et sans hésitation – réitéré sa caution à la fine fleur de ceux qui s’efforcent de transformer les victimes en assassins et les assassins en victimes.

Un roman historique qui se lit lentement, à son aise, afin de tout bien assimiler et qui donne tout de même des sueurs froides devant ce négationnisme des politiciens de nos pays dits civilisés.

Une enquête qui ne fut pas facile pour le journaliste, tant on lui a mis des bâtons dans les roues et que voyager au Congo est une sinécure. Mais le voyage en valait la peine, ne fut-ce que pour y apprendre la vérité.

Une lecture intéressante. Glaçante, aussi.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°058].

Pocahontas : Patrick Prugne

Titre : Pocahontas

Scénariste : Patrick Prugne
Dessinateur : Patrick Prugne

Édition : Daniel Maghen (13/10/2022)

Résumé :
1607 : Trois navires anglais accostent en Virginie. Une centaine de colons débarquent et construisent le premier fort anglais en Amérique qui deviendra Jamestown.

Les indiens Powhatan n’auront de cesse de vouloir rejeter à la mer ces nouveaux venus bien inquiétants. Dans ce conflit latent, seule Pocahontas, fille du chef Powhatan tentera de rapprocher les deux peuples.

La narration commence en 1621 par une tentative de traité de paix entre tribus indiennes et colons du fort et se poursuit par des flash-backs sous forme d’un dialogue entre Pamouic, le fils du chef Powhatan et le narrateur. Leurs interventions rappellent constamment la place centrale jouée par Pocahontas sur la destinée des colons.

Basée sur la légende, l’histoire souligne crescendo les rapports amoureux entre le capitaine Smith et la jeune indienne… D’eux dépendra l’avenir de la colonie.

Critique :
Non, je n’ai jamais vu le dessin animé éponyme de Disney, ça ne m’a jamais tenté. Oui, je savais que les studios avaient embellis l’histoire.

Non, je n’ai pas ri de la blague de Donald Trump qui avait annoncé, devant des Amérindiens vétérans de la Seconde Guerre, que la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, était surnommée Pocahontas, en référence à ses origines amérindiennes qu’elle revendiquait.

Par contre, je me souviens avoir ri devant le jeu de mots qu’un humoriste belge avait fait avec Pocahontas, le transformant en « Pourquoi on taxe ? ». Notre gouvernement devait encore être atteint de rage taxatoire à  l’époque de la sortie du dessin animé.

J’aime bien les bandes dessinées de Patrick Prugne, autant pour ses dessins, des aquarelles, aux couleurs magnifiques, et pour ses scénarios, qui collent plus à la réalité historique qu’à son embellissement.

Des colons ont installés un fort, le premier en Amérique.  Les colons sont anglais et ce fort deviendra celui de Jamestown. Nous sommes en Virginie en 1607 et la vie des natifs va basculer.

Les Powhatan, la tribu présente non loin du fort, veut repousser les blancs dans l’eau (ils auraient dû), mais une personne s’y oppose, c’est la fille du chef, la jeune rebelle Pocahontas, qui va ensuite se lier d’amitié avec John Smith et sans doute l’aimer (sans consommer). En tout cas, elle lui sauvera la peau plusieurs fois et elle aidera même les colons à ne pas mourir de faim durant le terrible hiver.

Les bonnes actions ne sont pas toujours bien récompensées et si les colons la surnomment princesse et la respecte, un trou du cul galonné n’en aura rien à foutre et là, on en viendrait presque à regretter les happy end à la Disney…

Cette jeune fille rebelle, ouverte d’esprit, remplie d’humanité, terminera sa vie, malade, chez les Blancs, bien loin des siens et de sa culture. Elle avait 22 ans, la vie devant elle, mais d’autres gens en avaient décidé autrement.

Les expressions faciales des personnages est bien rendue, les dessins les rendent vivants, rien n’est figé. Quant au scénario, il possède aussi de la profondeur, car il ne se contentera pas de parler de cet épisode historique, mais il abordera aussi d’autres sujets, tels que la nature, son respect, la condition humaine, l’ouverture d’esprit, les différences de culture, les tentatives de vivre en harmonie.

Une magnifique bande dessinée, remplie d’émotions, bien loin d’un dessin animé pour les petits enfants sages. Au moins, Disney aura permis qu’on ne l’oublie pas, même si sa vie ne fut pas celle de la fiction.

La réalité est toujours plus dure, plus violente, plus horrible. Surtout lorsque l’on sait, de nos jours, ce que fut la colonisation de l’Amérique et le sort réservé à ses autochtones…

Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.

La hache de guerre : Jacques Seyr

Titre : La hache de guerre

Auteur : Jacques Seyr
Édition : Marabout Junior (1955)

Résumé :
Au milieu du XIXe siècle, les vastes espaces de l’ouest américain furent ouverts aux émigrants, et cela, en dépit de tous les traités qui garantissaient aux Indiens l’intégrité de leurs territoires de chasse.

Alors, les tribus peaux-rouges se levèrent et déterrèrent la hache de guerre.

Sioux, Cheyennes, Apaches s’élancèrent au combat et, parmi eux, des guerriers à jamais célèbre comme Red Cloud, Sitting Bull, Cochise et Geronimo.

Critique :
Dans les brocantes (vide-greniers) ou dans les bouquineries, j’adore fouiller pour les vieux romans édités chez Marabout Junior et surtout dans ceux qui concernent l’Ouest sauvage. Leurs pages sentent souvent l’odeur du vieux papier et ça me plait aussi.

Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, l’auteur, Jacques Seyr, est un pseudo d’Henry Vernes (le papa de Bob Morane). Je l’ai appris en créant la fiche du livre sur Livraddict (les recherches ont payées).

Datant de 1955, je m’attendais à un récit orienté et manichéen : les gentilles Tuniques Bleues, les merveilleux colons Blancs et les méchants horribles Indiens emplumés. Eh ben non, pas de manichéisme chez Marabout et on s’en rend compte dans l’introduction du roman. Ma mâchoire s’est décrochée tant je n’imaginais pas lire ça dans un roman datant de 1955 !

Dans cette intro, il est souligné que les Blancs n’ont jamais respecté leurs traités, leurs paroles données, qu’ils ont été violents, qu’ils ont massacrés et exterminés les Indiens. Mais on ne transforme pas non plus les Natifs en gentils Bisounours ! Il est dit que eux aussi ont assassinés et massacrés.

Mais l’intro va plus loin, puisqu’elle assimile les colons Blancs aux nazis, disant que la seule différence entre eux, était la froideur des nazis et leur côté scientifique pour assassiner les gens (chambres à gaz et fours crématoires). Par contre, les colons Blancs ont, bien avant 39-45, mis au point des camps de concentration pour y mettre les Indiens.

Pourtant, le bandeau de couverture annonçait la couleur : « L’histoire authentique et fascinante de la lutte des tribus peaux-rouges pour leur indépendance ». Pour une fois, le bandeau-titre était juste !

Ce court roman de 150 pages parle des révoltes des Indiens, commençant pas Little Crow qui, un jour, en a eu plein les mocassins de se faire traiter comme un moins que rien par les Blancs. Puis, après sa mort, les autres prendront la relève, notamment Red Cloud, Sitting Bull, Geronimo,…

Moi qui m’attendais à lire un roman d’aventure fictionnel, mettant en scène les Amérindiens dans leurs guerres et je me suis retrouvé avec un récit historique des plus classiques. Il y a peu de dialogues et chaque chapitre est consacré à une histoire qui se rapporte à la révolte des Indiens et à la guerre qu’ils ont menés contre les Blancs.

Nous aurons, par exemple, un chapitre consacré au massacre de Sand Creek (qui a encore plus mis le feu aux poudres), un autre à l’exploit d’un homme qui, en plein hiver, blizzard de neige, est allé chercher du secours au Fort Laramie, on nous parlera des assassinats des grands chefs Indiens (quelle traîtrise chez les Blancs), de la lutte de Geronimo, un petit peu de Little Big Horn,…

Les chapitres ne suivent pas une ligne du temps linéaire, mais se croisent, se recoupent, se rejoignent, sautent des années et le tout donnera une vue d’ensemble des multiples conflits qui ont émaillés la Conquête de l’Ouest, les traîtrises, les vacheries, les paroles non respectées, les refus de faire la paix du côté des Blancs.

En 150 pages, il est difficile d’entrer dans les détails, mais au moins, en lisant ce petit ouvrage, on a déjà tout compris et pas de manière binaire ou manichéenne. Ce n’était pas le but des éditions (belges) Marabout Junior que de publier des récits fictionnels, mais « […] une sélection de récits complets de palpitantes aventures à travers la vie, l’histoire, l’univers […] ».

Si vous ne savez rien ou pas grand-chose des guerres indiennes et des luttes qu’ils menèrent contre les colons, ce petit roman historique vous apprendra le nécessaire et si vous savez beaucoup, il aurait le mérite de vous remettre la mémoire à jour (surtout si, comme moi, elle est comme une passoire).

Un petit roman historique bien intéressant et que je ne regrette pas d’avoir acheté pour une bouchée de pain (quoique, au prix du pain maintenant, ça fait cher la bouchée).

PS : Les Marabout Junior ont surtout publié des récits de guerre, des biographies et des récits didactiques (sur les grandes polices du monde, sur le tour de France, l’histoire de la médecine, etc.), mais aussi des romans, comme les aventures Bob Morane, pour citer les plus connues.

Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023 et le Challenge Amérique du Nord anglophone chez ENNA LIT, ENNA VIT!

La Petite Bédéthèque des savoirs – 11 – Le Féminisme – En sept slogans et citations : Thomas Mathieu et Anne-Charlotte Husson

Titre : La Petite Bédéthèque des savoirs – 11 – Le Féminisme – En sept slogans et citations

Scénariste : Anne-Charlotte Husson
Dessinateur : Thomas Mathieu

Édition : Le Lombard (07/10/2016)

Résumé :
Malgré des avancées significatives durant le 20e siècle, le combat féministe reste toujours d’actualité. D’Olympe de Gouges à Virginie Despentes en passant par Simone de Beauvoir ou Angela Davis, cette bande dessinée retrace, à travers des événements et des slogans marquants, les grandes étapes de ce mouvement et en explicite les concepts-clés, comme le genre, la domination masculine, le « slut-shaming » ou encore l’intersectionnalité.

Critique :
Qui a dit que les bandes dessinées étaient pour les enfants et qu’elles n’apprenaient rien aux lecteurs ? Pas moi, mais j’ai les noms des grincheux et grincheuses qui me regardent de travers parce que je lis des bédés, mangas et comics.

Cette petite bédé de vulgarisation s’attaque à un sujet énorme qu’est le féminisme. Après une intro de plusieurs pages sans dessins, on entre ensuite dans le vif du sujet avec les droits des femmes sous toutes ses coutures.

Il est impossible de parler de tout en 80 pages, mais l’essentiel est dit et il ne tient qu’à nous d’aller s’instruire plus en lisant d’autres ouvrages, dont une liste, non exhaustive, se trouve en fin d’ouvrage.

impossible de résumer cette bédé, mais elle m’a appris des choses, notamment qu’il existait plein de féminismes différents. On n’y pense pas toujours, mais de même que les revendications d’un ouvrier bossant dans la métallurgie ne seront pas celles d’un ouvrier bossant dans la maçonnerie, il y a plusieurs féminismes.

Ben oui, mes revendications en tant que femme Blanche hétéro ne seront pas les mêmes que celle d’une femme Noire, d’une musulmane, d’une lesbienne. Dans les revendications, les féministes oublient parfois les intersectionnalités où se retrouvent d’autres profils que les leurs.

Mais on ne parle pas que de féminisme… Les auteurs abordent aussi la sexualité et les violences conjugales. Ainsi que l’avortement et les viols.

Les slogans m’ont bien plu, car ils sont limpides : La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune / Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours / Ne me libère pas, je m’en charge.

J’ai apprécié aussi apprendre que les femmes avaient plus de droits au Moyen-Âge qu’à la fin du dix-huitième siècle, en termes de propriété privée, mais aussi professionnel… Qui l’eut cru ? L’eusses-tu cru ? Moi, non…

Anybref, cette petite bédé est instructive, elle vous envoie au lit moins bête qu’avant et elle fait réfléchir. Mon petit cerveau a bien turbiné après cette lecture.

Mon bémol ? C’est trop court, même si je comprends qu’il est impossible de synthétiser toues les différentes formes du féminisme dans cette bédé de vulgarisation. Le sujet est trop vaste et l’Histoire aussi.

Une lecture intéressante, instructive, une mise en page intelligente, où il est impossible de se perdre ou de se noyer dans toutes les infos. On ingurgite beaucoup, mais ça passe tout seul.

Une bédé à découvrir !

Les couturières d’Auschwitz : Lucy J. Adlington

Titre : Les couturières d’Auschwitz

Auteur : Lucy J. Adlington 🇬🇧
Édition : Payot Histoire (22/03/2023)
Édition Originale : The Dressmakers of Auschwitz : The True Story of the Women Who Sewed to Survive (2021)
Traduction : Julie Printzac

Résumé :
Comment des jeunes femmes en majorité juives et slovaques survécurent à Auschwitz en y travaillant dans l’atelier de haute couture créé à l’été 1943 par Edwig Höss, l’épouse du commandant du camp, pour ses propres besoins et ceux d’autres femmes de SS (y compris dans l’élite berlinoise).

Un témoignage d’autant plus saisissant qu’il mêle l’enfer concentrationnaire à l’existence dorée des geôliers, sous la plume d’une historienne de la mode.

Et une enquête sur la façon dont l’aryanisation économique déstabilisa le secteur textile, pas seulement en Allemagne, et dont la récupération des affaires de déportés devint une véritable industrie de reconditionnement, au point qu’une vingtaine de trains remplis d’effets personnels repartaient quotidiennement d’Auschwitz.

Critique :
Un atelier de haute couture à Auschwitz ? Jamais je n’aurais pensé que ça avait existé dans ce lieu… Pourtant, plus rien ne devrait m’étonner, avec ces salopards de nazis.

Les dignitaires du partis avaient des épouses, qui voulaient être bien fringuées, à la dernière mode. Bref, être et paraître.

L’ironie de l’histoire, c’est que les SS ont interdit aux Juifs de pratiquer un métier, leur ont tout pris, interdisant aux allemands d’acheter chez des Juifs, de se vêtir chez eux, mais ont passé outre le fait que c’était ces mêmes Juifs qui confectionnaient les fringues de leurs épouses ! Hypocrisie, quand tu nous tiens.

Illogisme aussi, mais dans ce genre de système politique, il ne faut pas s’étonner que la logique ne soit plus de mise, mais que le régime soit à géométrie variable. Cet essai est rempli d’exemples de ces contre-sens.

Effectivement, c’est facile avec de la main d’œuvre qualifiée gratuite et corvéable à merci, des vêtements et des tissus qui arrivent en grande quantité et qui n’ont rien coûté, puisque volé aux futurs prisonniers (ou « génocidés »)… La vie est belle, pour les meufs des nazis ! Facile quand ce sont les autres qui triment pour vous… Et dans quelles conditions de travail !

Heureusement que dans ce kommando là, les conditions étaient un peu mieux qu’ailleurs (oui, tout est relatif, bien entendu)

Je pensais que c’était un roman historique, mais en fait, c’est un essai.

Alors non, vous n’aurez pas de l’Histoire mise en roman, mais plus une étude sur le « comment des femmes se sont retrouvées à confectionner pour les nazis » et des moments de vie dans le camp d’Auschwitz (vu du côté des déportés, mais aussi du côté des dirigeants).

Avant de nous plonger dans ce camp d’extermination, l’autrice dresse un portrait de ces femmes, nous parlant de leur jeunesse, de leur vie pauvre, mais agréable et ensuite, de la montée du nazisme, des lois anti-juives et de la propagande. Jusqu’à ce qu’elles se retrouvent dans un train, en direction de ce lieu maudit où l’on s’évadait par la cheminée…

C’est très instructif, en tout cas. Mais ça se lit moins vite que des témoignages romancés.

Par contre, ça vous glace les sangs. Malgré les innombrables ouvrages que j’ai lu sur les camps de concentration et ou de la mort, j’en apprend encore ! L’ignominie humaine est sans fond. La haine est toujours la même : l’autre, les autres !

Il faut les fustiger, dresser les gens contre eux, souligner les différences, diviser pour mieux régner. C’est abject et le pire, c’est que la formule marche du tonnerre et qu’on l’utilise encore et toujours. N’a-t-on rien appris du passé ??

C’est un livre difficile à lire, notamment parce que c’est un essai. Il n’est pas conseillé de le commencer en vacances, il n’est absolument pas fait pour une lecture avec les doigts de pieds en éventail. Il faut se poser, être à ce que l’on fait et prendre son temps pour le lire.

Instructif au possible, cet essai m’a encore appris des choses et je pense que je ne saurai jamais tout et que j’ai encore des horreurs à découvrir en plongeant dans la noirceur humaine.

Une lecture éprouvante, mais une lecture que je me devais de faire, comme toutes les autres traitant du sujet.

#lemoisanglais

Le Mois Anglais, chez Lou et Titine – Saison 12 – Juin 2023 [Fiche N°41].

Ils ont fait l’Histoire – Tomes 26 & 29 – Churchill (2/2) : Vincent Delmas et Alessio Cammardella

Titre : Ils ont fait l’Histoire – Tomes 26 & 27 – Churchill (2/2)

Scénariste : Vincent Delmas
Dessinateur : Alessio Cammardella

Édition : Glénat / Fayard

Résumé Tome 1 :
« L’Histoire me sera indulgente, car j’ai l’intention de l’écrire. »

1880. Descendant d’une famille aristocratique de seconde classe, le jeune Winston Churchill grandit dans l’ombre de son père, le député conservateur Randolph Churchill.

Passionné de stratégie militaire, Winston entame une carrière dans l’armée pour y briller et, un jour, siéger au Parlement aux côtés de son père.

Ses exploits en campagne et sa personnalité très marquée lui valent autant d’éloges que d’inimitiés. Alors que son père décède prématurément, le fils Churchill, lui, devient un personnage aussi incontournable qu’insaisissable de la classe politique anglaise.

Nommé Premier lord de l’amirauté aux prémices de la Grande Guerre, il s’apprête à montrer au reste du monde l’étendue de ses talents…

Tome 2 : « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ». Septembre 1939. Le monde entier entre en guerre.

En quelques mois à peine, ce sont la Belgique et la France qui capitulent… L’Angleterre perd deux de ses principaux alliés. Mais alors que des voix s’élèvent pour entamer des négociations avec l’Allemagne, Winston Churchill, revenu au poste de Premier Ministre, reste ferme. La bataille de l’Angleterre ne fait que commencer. Et c’est sans doute le destin du monde entier qui est en train de se jouer.

Aussi célèbre pour ses bons mots que pour son action décisive en tant qu’homme d’état au Royaume-Uni et en Europe, Winston Churchill est l’une des figures politiques les plus importantes du XXe siècle. Ce second volume de son récit en bande dessinée est centré sur les actions de Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale.

Critique :
Churchill, tout le monde connaît son nom, on connaît souvent bon nombre de ses citations et pourtant, on ne connaît pas très bien l’homme.

Enfin si, on croit connaître… On croit savoir, mais en fait, on ne sait rien et ces deux tomes tombaient à point nommé pour que je révise mon Winston, avec un gros cigare au bec et un verre d’alcool.

D’ailleurs, vu ce que Churchill disait des chevaux, jamais je n’aurais imaginé qu’il aurait été dans la cavalerie et brillant cavalier (sûr que lorsque l’on monte à cheval, on n’en connait que mieux leur danger). Là, il aura la double casquette militaire et journaliste.

Première chose, les dessins ! Ils sont magnifiques (les décors !), détaillés et totalement réalistes, bien entendu. Nous sommes dans de la bande dessinée sérieuse, messieurs, dames ! (petite pique à celles et ceux qui continuent de dire que les bédés, c’est pour les enfants).

La vie de Churchill sera passée en revue dans ces deux tomes et je suis allée me coucher moins bête, moins ignorante !

Petit, Winston n’était pas le couteau le plus affuté du tiroir et son père désespérait d’arriver un jour à en faire quelque chose. D’ailleurs, s’il est entré dans la cavalerie, c’est parce que Winston avait foiré tout le reste… Comme quoi, on peut être nul dans tout, mais bon dans la communication et arriver tout de même au faîte du pays.

Lors de la Première Guerre Mondiale, il sera rendu responsable du désastre des Dardanelles, même si on lui avait bien savonné la planche. Mais nous le savons, il en fallait plus à Winston pour l’enterrer et il reviendra, plus fort que jamais.

De cette lecture, je retiendrai que Winston n’était pas un brillant stratège, mais qu’il était entouré d’excellents stratèges et qu’il les écoutait, contrairement au moustachu gesticulant (Hitler était un médiocre stratège et n’écoutait pas les experts : heureusement, sinon… Qui sait ?).

Dire qu’au début de la Seconde Guerre Mondiale, Churchill était super impopulaire, considéré comme un has-been, doublé d’un alcoolo. Après, il en sera tout autrement.

Anybref, si vous voulez en savoir plus sur l’animal qu’était W.C, je ne peux que vous conseiller ces deux tomes de la collection « Ils ont fait l’Histoire ».

Même s’il est impossible de tout dire dans deux bédés de 56 pages chacune, il reste néanmoins les appendices afin d’avoir plus d’informations sur la bête qu’était Winston.

#lemoisanglais
Le Mois Anglais, chez Lou et Titine – Saison 12 – Juin 2023 [Fiche N°33].

Les Cinq de Cambridge – Intégrale : Olivier Neuray et Valérie Lemaire

Titre : Les Cinq de Cambridge – Intégrale

  1. Les Cinq de Cambridge – 01 – Trinity
  2. Les Cinq de Cambridge – 02 – 54 Broadway
  3. Les Cinq de Cambridge – 03 – Les étangs du patriarche

Scénariste : Valérie Lemaire
Dessinateur : Olivier Neuray

Édition : Casterman (2015 / 2021)

Résumé :
L’histoire vraie du plus incroyable réseau d’espions du XXe siècle !

Alors que la crise de 1929 a plongé les classes populaires anglaises dans une misère noire et que le fascisme émerge partout en Europe, dans les amphithéâtres de Cambridge, la majorité des étudiants reste indifférente, assurée d’appartenir à une caste immuable d’élus.

Mais les certitudes se lézardent pour certains, et au doute succèdent le dégoût puis la conviction que le Vieux Continent se compromet. Seule l’Union soviétique semble avoir quitté la rive à temps…

De cette prise de conscience naît le plus incroyable réseau d’espions du XXe siècle, qui, dans l’ombre, infléchira radicalement, pendant plus de 30 ans, le cours de l’Histoire : Les Cinq de Cambridge !

Critique :
Le Club des Cinq, version espionnage ! Sans le chien… Et avec des adultes, en moins amusant puisque ces 5 anglais trahirent leur pays en jouant les agents doubles au profit de l’URSS de Staline.

Nous ne sommes pas dans une fiction, mais bien dans l’Histoire. Cette bédé est comme un biopic, puisque Anthony Blunt, un des Cinq de Cambridge (Magnificent Five), qui va vider son sac et raconter toute leur histoire.

Oubliez James Bond, nous avons beau être dans de l’espionnage, ici, point de gadget et de jolies filles. C’est plus sordide. Nous sommes dans l’élite de la nation, pas dans les bas-fonds, ni chez des étrangers. Hé, n’en déplaise aux populistes, les trahisons viennent souvent de son propre camp, comme ici avec 5 hommes brillants et anglais jusqu’au bout des ongles.

Parlons des dessins : exécutés dans la ligne claire, je les ai bien aimés. Olivier Neuray dessine de manière réaliste, détaillées et j’avais déjà apprécié son travail sur le dytique « Les cosaques d’Hitler ».

Cette intégrale est en fait composée des trois albums publiés précédemment et ce sont eux que j’ai lus. Mais pour des raison de facilité, je ne ferai qu’une seule chronique pour les trois et le concept de l’intégrale était parfait pour cette chronique. Vous aurez donc le choix, en librairie, pour cette série (qui est terminée).

L’Histoire commence en 1929 et se poursuivra durant la Seconde Guerre Mondiale, ou les bombes tomberont sur votre tête, à Londres. Ce n’est pas qu’un biopic sur les 5 traîtres à leur pays, mais aussi bien des pages de l’Histoire que l’on va tourner (en vitesse, les auteurs n’ont gardé que le plus important et où nos cocos étaient impliqués).

Le scénario est assez dense, il faut rester concentré sur l’histoire, car dans l’espionnage, avec des agents doubles, triples, il y a moyen de ne plus retrouver ses jeunes. Heureusement, les visages sont bien exécutés et il est impossible de confondre les personnages.

De plus, dans les cinq de Cambridge, on a des personnalités bien distinctes, notamment entre le tombeur de ses dames (Kim Philby) ou celui qui tombe les hommes (Guy Burgess). Ils ont tous des personnalités bien à eux et certains sont même flamboyants.

Si, au départ, nos jeunes étaient idéalistes et avaient pour ambition de changer le pays, de changer la vie, lorsque la guerre a commencée, ils se sont vite rendu compte que leurs idéaux communistes pouvaient leur valoir le peloton d’exécution.

Oui, ils étaient des traîtres, mais au plus haut niveau, tout le monde jouait un jeu de dupes : que ce soit le moustachu Hitler, le moustachu Staline ou les autres gouvernements des différents pays, tout le monde mentait, tout le monde trompait tout le monde… Hitler avait même signé un pacte avec Staline…

Non, je n’excuserai pas ces hommes, mais ils n’étaient pas les seuls à jouer aux jeux des dupes, des trônes, de la guerre. Cette bédé ne les exonère pas de leur faute non plus, mais elle montre que tout n’était pas blanc ou noir.

L’hypocrisie est présente à tous les étages. L’homosexualité était interdite, en Angleterre, mais personne ne s’est plain que des homos se battent pour défendre la perfide Albion. Après, c’est une autre histoire quant à les remercier ou reconnaître le mérite qui revient à chacun…

Ces trois tomes sont si riches d’événements qu’il serait impossible de citer tout ce qui était important, sachez juste qu’après la lecture de ces tomes (ou de l’intégrale, vous avez le choix), vous irez vous coucher moins bête, mais en colère contre une partie de l’univers, notamment contre ceux qui ont obligé Alan Turing à choisir entre la prison ou la castration chimique par prise d’œstrogènes (ce qu’il choisit). Putain, bravo la reconnaissance pour Enigma et le merci, bande d’enfoirés !

Une série que j’avais envie de découvrir, après avoir entendu, à La Grande Librairie, l’auteur Rémi Kauffer qui en parlait. Avant de m’attaquer à son roman (Les espions de Cambridge : cinq taupes soviétiques au coeur des services secrets de Sa Majesté), j’avais envie de lire l’Histoire en bédé. Plus facile de s’y retrouver, avec des images.

Ce fut une belle découverte. Comme quoi, celles et ceux qui pensent que les bédés, c’est des histoires pour les gosses, se trompent lourdement !

#lemoisanglais

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°209] et Le Mois Anglais, chez Lou et Titine – Saison 12 – Juin 2023 [Fiche N°07].

Verdun – 02 – L’agonie du fort de Vaux : Jean-Yves Le Naour et Iñaki Holgado

Titre : Verdun – 02 – L’agonie du fort de Vaux

Scénariste : Jean-Yves Le Naour
Dessinateur : Iñaki Holgado

Édition : Bamboo Grand angle (2017)

Résumé :
Juin 1916 – Le commandant Raynal, un officier blessé, se porte volontaire pour une mission désespérée : prendre le commandement du fort de Vaux, aux avant-postes des lignes françaises et tenir tête à l’offensive allemande qui avance.

Sans moyens et dans des conditions épouvantables, Raynal et ses hommes vont pourtant se battre avec acharnement, assoiffés et ne tenant que grâce au maigre espoir de l’arrivée de renforts ou d’une contre-offensive salvatrice…

Critique :
Verdun, mai 1916… Le temps est horrible sur Verdun, il pleut des bombes !

Le commandant Raynal s’est porté volontaire pour prendre le commandement du fort de Vaux et tenir la place, afin que les casques à pointes ne le prennent pas. Une mission suicide.

Mais avant d’arriver au fort, il faut traverser un paysage infernal, un paysage qui, à force de se prendre des bombes, ne ressemble plus à rien.

Une fois de plus, les dessins en disent beaucoup, pas besoin de faire de longues descriptions, on comprend toute de suite que l’armée française s’est prise un déluge de feu sur la tête.

Raynal, ce n’est pas un comique, il veut de l’ordre, il veut de la discipline, il ne veut pas que le fort ressemble à un foutoir et les hommes comprennent que ce ne sera pas un marrant.

Ni un marrant, ni un vétéran, car il ose demander à ses soldats s’ils ont été sévèrement bombardé… Déjà qu’il s’était demandé, lors de son voyage vers le fort, ce qu’était ce bruit (les bombes qui tombaient). Hé oui, première fois à Verdun. Il va vite comprendre.

Bon, entre nous, il faut sans doute l’avoir vécu pour le comprendre. Nous savons ce qu’il s’est passé, mais sans y être, nous ne pourrions pas dire ce que l’on pouvait ressentir là-bas.

Les combats sont terribles, les hommes, réfugiés dans le fort, subiront le feu roulant de l’ennemi, des attaques de toutes parts, et eux, ils doivent résister avec peu de matériel, puisqu’ils n’ont même pas de canon de 75 dans les tourelles du fort.

Pourtant, ils résistent, encore et toujours. Ailleurs, les propagandes vont bon train. On loue le courage des français, pour redonner le moral à la France et l’Allemagne loue aussi la résistance de ces hommes, entassés dans le fort, afin d’avoir un plus grand mérite lorsqu’ils les auront vaincus… Oui, la propagande, c’est un métier !

[Aide de camp] — Puisque les Français se passionnent pour le siège de Vaux, alors nous devons nous aussi dramatiser l’enjeu. Ainsi, quand la forteresse tombera, nous serons d’autant plus grands que nous aurons triomphé de formidables héros.
[Kronprinz] — Quelle bonne idée! Faites donner la presse! Vantez le courage des Français, ensevelissez-les sous les fleurs avant de les gazer dans leur terrier comme de la vermine !

C’est la chronique de leur mort annoncée, que met en image cette bédé. Ils doivent tenir, sans eau, sans secours, avec juste leur courage. Et le billet de félicitation du général Joffre pour s’être défendu devant les assauts répétés des allemands… Personne ne lui a fait bouffer, à Joffre, son putain de message ?

Le commandant Raynal n’était pas un marrant, mais il savait commander, soutenir ses hommes, prendre des décisions. Et puis, lui, contrairement à d’autres, n’était pas planqué dans une belle maison, dans le confort et la sécurité.

Un album rempli d’émotions, surtout à la fin, dans les dernières pages.

Il y avait des hommes courageux et ce sont eux qui devraient recevoir les mérites, les honneurs, les noms de rues. Pas les généraux d’opérette planqués à l’abri.

Un deuxième album magnifique, qui montre toute l’horreur de cette guerre, de ces combats, de ces morts. Un album qui rend hommage à ces héros de l’ombre, ceux dont on ne parle jamais. À tort !

— Et qu’est-ce que vous allez faire ?
— Je vais faire citer à l’ordre de l’armée ce brave pigeon qui est mort au colombier après avoir fait son devoir.
— Euh… et pour le fort et mes camarades ? C’est que nous n’avons plus une goutte d’eau et nous sommes enfumés comme des renards.
— J’ignorais que la situation était si grave.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°51].

La part de l’ombre – T02 – Rendre justice‭ : ‬Patrice Perna et Francisco Ruizgé

Titres : La part de l’ombre – T02 – Rendre justice

Scénariste : Patrice Perna
Dessinateur : Francisco Ruizgé 🇪🇸

Édition : Glénat (06/01/2021)

Résumé :
Doit-on être puni pour avoir tenté de tuer Hitler ?

Avril 1955. Le tribunal de première instance de Berlin a confirmé en appel la condamnation de Maurice Bavaud, exécuté quatorze ans plus tôt pour sa tentative d’assassinat d’Adolf Hitler.

Bien décidé à ne pas en rester là, l’ancien agent de la Kriminalpolizeï Guntram Muller fait de l’annulation de ce verdict une affaire personnelle. Mieux, il veut voir Bavaud honoré en héros national.

Pris en étau entre des services secrets américains intrusifs et des autorités soviétiques méfiantes, il se voit confier la responsabilité d’interviewer rien de moins que Nikita Khrouchtchev, Premier secrétaire du parti communiste qui s’apprête à renier officiellement la politique de Staline dans les semaines à venir.

Dans le final haletant de La Part de l’Ombre, Patrice Perna s’interroge sur l’importance du travail bibliographique et du devoir de mémoire.

Le flegmatique Guntram, en explorant le passé, est sur le point de mettre au jour les enjeux réels de cette affaire. Quand une injustice passé finit-elle d’avoir des répercussions sur le présent ?

Critique :
Nous retrouvons Muller, poursuivant son enquête sur Bavaud, notamment auprès de l’ambassade Suisse en Allemagne (de l’Est).

La Suisse, par le biais de son ambassadeur, se retranche derrière la décision de la justice et les codes de la loi, ajoutant que durant la Seconde Guerre Mondiale, ils étaient neutres et que c’est donc pour cela qu’ils n’ont jamais proposer, aux nazis, d’échanger des espions nazis contre Bavaud, ressortissant suisse.

Oui, mais… On peut aussi être neutre et avoir des relations cordiales avec les différents belligérants, tirer son épingle du jeu. Les relations bienveillantes, même avec les allemands, ça peut aider, durant une guerre. Mais il ne faudrait pas que l’on ressorte ce passé peu glorieux de sous les tapis…

Et maintenant, 15 ans après, les suisses ne font rien pour réhabiliter Bavaud ? Refusant même de faire appel de la décision de justice qui condamne, à nouveau, Bavaud, à l’emprisonnement (alors qu’il a été guillotiné en 1941!).

Dès les premières pages, la Suisse est rhabillée pour 36 hivers, Muller ne se privant pas pour mettre le nez de l’ambassadeur dans leur merde, notamment avec l’or des Juifs, volé par les nazis et dormant gentiment dans les banques suisse. Oh, il est shocking, monsieur l’ambassadeur, quand Guntram Muller lui balance tout à la figure.

Dans ce second tome, le côté espionnage prend le dessus (services secrets américains, Stasi, politburo), on en apprend plus sur les différents personnages, on a quelques surprises (que j’avais deviné, la ficelle était un peu grosse) et ça complote un peu partout.

Plus d’action dans ce second tome, là où le premier prenait son temps. On bouge plus, l’histoire est assez dense, complexe et se consacre plus à Guntram Muller et sa part d’ombre (on le verra en découvrant son passé et son implication) qu’a Bavaud, même si tout est lié.

Guntram Muller est un personnage complexe, tout en nuances, pas facile à cerner. D’ailleurs, les autres personnages sont, eux aussi, complexes, réalistes et terriblement humains.

Le final est explosif… et à la hauteur !

Une bédé qui mélange habillement l’espionnage, la guerre froide, les dialogues percutants, la politique, la justice, l’Histoire, les faits réels et fictionnels, le tout dans des ambiances pesantes de l’après guerre et d’un Berlin coupé en deux.

Les dessins sont bien faits, ce qui ne gâche rien.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°202] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°45].