Le match de la mort – Kiev, 1942 – Rien ne se passera comme prévu : Guillem Escriche et Pepe Galvez

Titre : Le match de la mort

Scénariste : Pepe Galvez 🇪🇸
Dessinateur : Guillem Escriche 🇪🇸

Édition : Les Arènes (20/10/2022)
Édition Originale : The death match (2022)
Traduction : Alexandra Carrasco

Résumé :
Pendant la Seconde Guerre mondiale, dans l’Ukraine occupée par les nazis, quatre joueurs du Dynamo Kiev se retrouvent. Pris dans la tourmente, ils survivent entre camps de concentration et travail dans une boulangerie.

À l’été 1942, ils sont sollicités par l’Occupant pour participer à une compétition de football opposant les différentes armées en présence
à Kiev : allemande, roumaine, hongroise.

Ils acceptent, à condition de jouer sous les couleurs (rouges) de l’Ukraine. Avec un nouveau nom qu’ils espèrent prometteur : START.

Critique :
Si j’aime le foot ? Non, pas du tout, mais j’aime l’Histoire et les petites histoires dans la grande.

Et cette histoire, elle se passe durant la Seconde Guerre Mondiale, lors du début de l’opération Barbarossa et de l’invasion de l’Ukraine et de la Russie.

Mais ce sera en Ukraine que nous allons aller voir ces joueurs de foot qui possédaient une autre étoffe que les crésus en short de maintenant.

Une partie des membres du club de foot du Dynamo Kiev se sont retrouvés emprisonnés dans des camps de détention, puis libéré, affamé, amaigri, sans un sous. Ils sont quatre à se retrouver à bosser dans la boulangerie N°1, tenue par un fan de leur équipe et qui tente d’aider le plus de gens possible.

De l’autre côté, le moustachu assassin et mégalo, a envie de transformer les riches plaines fertiles d’Ukraine en terres pour son peuple, qui apparemment, est trop à l’étroit dans l’Allemagne. Pourquoi ne pas faire comme les colons au far-west et passer tout le monde par les armes ?

Pour lui et ses sbires, tout ce qui n’est pas allemand est inférieur et dont, les ukrainiens sont des êtres barbares, sans culture, juste bon à… Bref, pour les nazis, il faut les éradiquer et surtout, ne pas leur donner de quoi être fier d’eux.

Alors, quand les anciens du Dynamo et du Lokomotiv, jouent au foot avec leur maillot d’équipe nationale, rouge, sous le nom de START et mettent une branlée aux autres équipes, dont des allemandes, ça passe mal chez les nazillons.

Ils auraient pu s’incliner devant les allemands, nos ukrainiens qui jouaient comme des dieux, c’était le match retour et ils leur avaient déjà mis la pâtée à l’aller, alors, pourquoi ne pas se coucher ?

Parce que cela faisait trop longtemps qu’ils courbaient l’échine, qu’ils baissaient les yeux, qu’ils subissaient le joug de l’oppresseur, les fusillades, les assassinats, les emprisonnements, les privations, alors, basta, ils y sont allés à fond, ne leur ont pas laissé la victoire, n’ont pas baissé les yeux et ils ont même redonné de la fierté au peuple ukrainien.

Hélas, les allemands sont mauvais perdants…

Une bédé dont je n’ai pas aimé les dessins, mais où j’ai vibré avec le scénario et les match de foot, parce que les enjeux n’étaient pas de l’argent, mais une forme de liberté, l’occasion de montrer que les ukrainiens ne sont pas des êtres inférieurs. Ils l’ont payés chers, trop cher.

Une petite histoire dans la grande que j’ai été contente d’apprendre. Celle de l’histoire de l’équipe qui a défié les nazis.

Le mage du Kremlin : Giuliano da Empoli

Titre : Le mage du Kremlin

Auteur : Giuliano da Empoli
Édition : Gallimard Blanche (14/04/2022) / Folio (04/01/2024)

Résumé :
On l’appelait le « mage du Kremlin ». L’énigmatique Vadim Baranov fut metteur en scène puis producteur d’émissions de télé-réalité avant de devenir l’éminence grise de Poutine, dit le Tsar.

Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre…

Ce récit nous plonge au cœur du pouvoir russe, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants. Et où Vadim, devenu le principal spin doctor du régime, transforme un pays entier en un théâtre politique, où il n’est d’autre réalité que l’accomplissement des souhaits du Tsar.

Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir.

De la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, Le mage du Kremlin est le grand roman de la Russie contemporaine.

Dévoilant les dessous de l’ère Poutine, il offre une sublime méditation sur le pouvoir.

Critique :
Tout le monde sait qui est Vladimir Poutine, sauf si vous avez passé les 12 dernières années dans une grotte au fin fond de l’univers.

Mais qui est-il vraiment ? Quel est l’homme derrière le politicien ou quel est le politicien derrière l’homme et surtout, qui sont les hommes derrière lui ? Comment fonctionne le système ?

Non, je n’aime pas Poutine, non, je n’aime pas les dirigeants de la Russie, mais j’aime la Russie en littérature et je voulais en apprendre un peu plus sur l’ogre de là-bas, sur ce qu’il y avait derrière ses actions, ses horreurs, ses petits yeux vicieux.

Et surtout, qui était ce fameux mage du Kremlin, ce Vadim Baranov ?

D’accord, ceci n’est pas une biographie, ni un roman historique, mais une sorte de biographie romancée, autrement dit, certains faits sont véridiques, d’autres pas… Le récit est inspiré de personnes existantes et de faits réels, pour le reste, à nous de séparer l’Histoire, la Vérité, de la fiction.

Tout d’abord, le personnage de Vadim Baranov est fictif, mais il partage de nombreux traits communs avec Vladislav Sourkov, éminence grise de Vladimir…

Tout d’abord, j’ai eu du mal à entrer dans les premières pages du roman, dans ce long récit sans dialogue, puisque le narrateur, qui rencontre Vadim Baranov, n’en placera pas une, laissant le mage du Kremlin lui raconter toute son histoire. À partir de ce moment-là, le récit devient plus intéressant.

Vadim Baranov va donc nous raconter sa jeunesse, sa vie dans les années 1990 en Russie, parlant aussi de son grand-père, un russe Blanc, puis nous parler de sa rencontre avec Poutine, toujours au FSB (ex-KGB), ainsi que son apport à l’ascension politique de celui que l’on surnomme le « Tsar » à partir de 1999 et de son expérience du pouvoir.

Entre nous, j’espérais en apprendre plus sur le dessous des cartes, sur l’envers du décor, malgré tout, avec le peu que j’ai lu, j’en ai déjà eu quelques frissons, et rien à voir avec le fait qu’il ne faisait pas chaud ! Maintenant, comme le récit est une biographie romancée, de la fiction historique, je ne sais si ce que j’ai appris est la réalité ou des théories. Vérités ou pas ? L’histoire du chien de poutine et de Merkel, sûr qu’elle est véridique, je viens de la voir en vidéo… Angela a peur des chiens.

Anybref, cette lecture a été intéressante, avec des frissons de peur devant certaines révélations.

Voilà un roman qui permet de mettre son nez dans les coulisses du pouvoir en Russie, d’apercevoir quelques rouages terriblement efficaces, de frissonner un bon coup, de confirmer que le tsar ne fait confiance à personne, hormis sa chienne et qu’il n’a pas vraiment d’amis, à ce stade du pouvoir.

Mon bémol sera pour le fait que j’aurais aimé en apprendre un peu plus, qu’il y ait un dialogue entre Vadim Baranov et l’homme qu’il invite afin de tout lui raconter, qu’on le mette face à ses contradictions, ses manquements et tout ce que cela a entrainé pour le peuple russe ainsi que ses proches voisins (guerre, terrorisme, massacres, instauration de la terreur…). Là, ça manquait un peu de réparties et ce choix narratif a rendu une partie du récit un peu boiteux.

Je ne sais pas encore tout, je ne saurai jamais tout, mais j’ai été foutre mon nez dans des choses qui ne sentaient pas bon et là, je vais m’enfuir à toute vitesse, parce qu’on ne sait jamais…

Le pouvoir absolu corrompt absolument mais j’ai été contente d’en apprendre un peu plus sur la culture russe et les arcanes du pouvoir du tsar. Un livre que je me devais de lire parce que dedans, c’est Poutine qu’on égratigne.

La supplication – Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse : Svetlana Alexievitch

Titre : La supplication – Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse

Auteur : Svetlana Alexievitch
Édition : J’ai Lu (05/10/2016)
Édition Originale : Tchernobylskaïa molitva (1996)
Traduction : Galia Ackerman et Pierre Lorrain

Résumé :
« Des bribes de conversations me reviennent en mémoire… Quelqu’un m’exhorte :
— Vous ne devez pas

 oublier que ce n’est plus votre mari, l’homme aimé qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort coefficient de contamination. Vous n’êtes pas suicidaire. Prenez-vous en main ! »

Tchernobyl. Ce mot évoque dorénavant une catastrophe écologique majeure.

Mais que savons-nous du drame humain, quotidien, qui a suivi l’explosion de la centrale nucléaire ?

Svetlana Alexievitch nous fait entrevoir un monde bouleversant : celui des survivants, à qui elle cède la parole. L’évènement prend alors une toute autre dimension.

Pour la première fois, écoutons les voix suppliciées de Tchernobyl.

Critique :
Le premier témoignage m’a déjà foutu par terre : c’était celui de l’épouse d’un des pompiers envoyés sur la catastrophe au tout début.

On les a appelé pour un incendie, ils sont partis le cœur tranquille, pensant n’avoir affaire qu’à un simple feu qu’ils maîtriseraient facilement. Il n’en était rien, mais ils ne le savaient point.

Partis sans protection, ils revinrent ensuite sous totale contamination.

Quatorze jours, c’est le délai maximum de votre existence après avoir été soumis à des radiations comme ils le furent.

L’épouse d’un est allée à l’hôpital, s’est occupée de son mari, qui avait été transformé en mini centrale nucléaire. La dégradation du corps est horrible. Son amour était immense, peu de femmes seraient restées auprès de leur mari. Hélas, le prix à payer était le plus fort. L’épouse était enceinte de 6 mois… Je n’en dirai pas plus.

Ce roman est composé de multiples témoignages, que ce soit ceux des habitants, des soldats, des liquidateurs, des témoins, des déplacés… Tous ces témoignages sont ceux et celles des suppliciées de Tchernobyl.

Ceci n’est pas une fiction, rien n’est romancé, ce sont des témoignages bruts. Les gens racontent, se souviennent et chaque récit semble plus glaçant que le précédent.

Ces villages vidés de tous leurs habitants, où sont resté uniquement les animaux domestiques. Tout ces gens qui pensaient revenir ensuite et qui sont parti avec le minimum…

Certains sont revenus, en douce, pour cultiver leur jardin, reprendre leurs affaires. Ou voler ce que les militaires enterraient, les objets contaminés… Sans penser qu’ils allaient se contaminer encore plus.

Les dirigeants ont sacrifiés les populations et les liquidateurs envoyés sur le toit pour enlever le graphite, sans protection.

Parfois, on leur en donnait, mais puisque les chefs minimisaient les effets et payaient bien, les hommes y sont allés, le cœur léger, les tire-au-flanc étant très mal vu, chez eux. Ils avaient une autre mentalité, ils servaient la patrie, ils obéissaient et surtout, la vodka coulait à flot, alors, il ne pouvait rien leur arriver de grave !

Avec le recul et les maladies arrivant, bien des soldats ou des liquidateurs, comprendront les risques qu’on leur a fait prendre au mépris de tout danger. Les roubles qu’on leur donnait en plus, les salaires triples, ne valaient pas les conséquences qu’ils ont subis ensuite.

Il fallait ne rien dire, mettre une chape de plomb sur l’incident (un incident, rien de plus) et brosser les merdes sous les tapis. C’est ce qu’ils ont fait et on devrait les en remercier, car ils ont pris des risques énormes pour les autres.

Le problème étant que la radioactivité, ça ne se voit pas, ça n’a pas d’odeur, alors, comment y croire ? Comment arriver à comprendre qu’il ne faut pas manger les fruits de son verger, cultiver sa terre ou boire le lait de sa vache ?

Les différents témoignages sont bouleversants, ils sont bruts de décoffrage, ils expriment la souffrance, l’incompréhension, les départs pour d’autres lieux, la perte de tout, ainsi que l’exclusion par les autres, puisqu’ils venaient de la zone.

Durant ma lecture, l’émotion m’a souvent submergée, me forçant à faire des pauses et à lire autre chose, afin de ne pas sombrer totalement.

Ceci n’est pas un roman, ni une fiction, ce sont des portraits de gens réels, de personnes fracassées, arrachées à leurs terres, à leurs vies. Des gens que l’on a sacrifié, des vies que l’on a considérées comme sans valeur. Des victimes à qui on a jamais donné la parole.

Ce sont aussi des soldats (liquidateurs) qui ont été envoyés en première ligne, sans connaître vraiment les risques et certains, même en les connaissant, on tout donné, afin d’épargner des vies. Des liquidateurs qui ne savaient pas qu’ils étaient déjà morts, à force de respirer et de manger des röntgens.

Dame Ida va encore me traiter de « Glauque-trotter » et elle n’aura pas tort…

Pourtant, je ne regrette pas d’avoir osé lire ce recueil de témoignages afin de savoir, de rendre un hommage silencieux à ces femmes, à ces hommes, ces enfants, morts ou déplacés, ces gens à qui on n’a rien voulu dire. À ces gens dont on ne parle jamais.

Et puis, malgré le fait que j’avais 10 ans lors de la catastrophe, il ne m’en restait aucun souvenir, comme si ma mémoire avait tout oublié. On ne peut pas oublier.

Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres chez Bidb » (Biélorussie).

Donbass : Benoît Vitkine

Titre : Donbass

Auteur : Benoît Vitkine
Édition : Les Arènes (05/02/2020) / LP (24/03/2021)

Résumé :
Hiver 2018. Sur la ligne de front du Donbass, la guerre s’est installée depuis quatre ans. Plus grand monde ne se rappelle comment tout a commencé. L’héroïsme et les beaux principes ont depuis longtemps cédé la place à une certaine routine.

Et quand les enfants d’Avdiïvka sont assassinés sauvagement, même le colonel Henrik Kavadze, l’impassible chef de la police locale, perd son flegme. Il se lance à coeur perdu dans une enquête qui va vite réveiller les démons du passé…

Benoît Vitkine, lauréat du prix Albert-Londres 2019, aborde un angle mort de la géopolitique mondiale : le déchirement d’une région entre la Russie et l’Ukraine, volontairement ignoré et toujours d’actualité.

Critique :
Le Donbass n’est pas l’endroit idéal pour aller passer ses vacances, du moins, lorsqu’il y a la guerre.

Passez votre chemin pour vos prochaines vacances, mais restez et ouvrez ce roman si vous voulez en apprendre plus sur le conflit Russo- Ukrainien.

Ce polar prend son temps, si vous êtes à la recherche d’adrénaline, faudra prendre votre mal en patience car si nous avons un meurtre horrible d’un enfant, il faudra attendre les trois quart du roman pour en avoir un deuxième.

Non pas que je souhaitais que des enfants tombent comme des mouches sous les coups d’un assassin sadique, loin de là, mais je râle un peu sur le 4ème de couverture qui nous annonce « Et quand les enfants d’Avdiïvka sont assassinés sauvagement… ».

Ok, deux enfants, c’est du pluriel, cela correspond au « les enfants », mais dans ma tête, on montait à plus que deux. Fin de la parenthèse que je n’ai pas signalé que j’ouvrais.

Bref, revenons à nos moutons : la guerre qui sévit, depuis 2014, et dont personne ne nous parle. C’est loin de chez nous, donc, pas intéressant (ceci n’est pas ma pensée, bien entendu) pour les médias.

Pas besoin d’être calé en géopolitique ou sur la guerre dans le Donbass pour comprendre le fond du roman. Mieux, en lisant ce polar, vous irez vous coucher moins bête.

Au fond, ces crimes ne servent qu’à nous parler, au travers des personnages de ce roman policier, de la situation inhumaine qui se passe là-bas, loin de nos contrées, loin de nos jardins.

Dans les conflits, quels qu’ils soient, les gens changent, pour le meilleur ou pour le pire et celui-ci ne fait pas exception à la règle : soit on devient un loup, soit on reste une proie. Pas de juste milieu, pas de nuances.

Les portraits des différents personnages qui parsèment ce roman sont très bien réalisés et en peu de mots, l’auteur arrive très bien à nous offrir une situation très claire de leur psychologie. Les méchants n’étant pas toujours les pires (ou le contraire) et les plus gentils n’étant pas toujours les moins pires.

Tout est camouflé, tout le monde joue un rôle, se donne une nouvelle personnalité, afin de survivre dans ce chaos ambiant ou d’échapper à des traumatismes d’anciens conflits (Afghanistan) ou du nouveau.

Nous ne sommes pas au pays des Bisounours et le colonel Henrik Kavadze, chef de la police locale nous l’expliquera avec beaucoup de cynisme. Lors d’une guerre, les magouilles et la corruption sont reines. Certains s’enrichissent, d’autres s’appauvrissent pour arriver à manger.

Finalement, ce polar n’en est pas vraiment un : l’enquête est un peu décousue, vu que le colonel Henrik Kavadze n’a que peu de pistes et qu’il y va lentement sans trop savoir où tout cela va le mener.

Cela donne un récit qui manque un peu de fluidité, qui pourrait gêner la lecture de certains. Dans mon cas, cela ne m’a gêné en rien, j’ai dévoré ce roman car j’avais soif d’apprendre. La géopolitique ne me dérange pas et le fait que cela se déroule à l’Ouest était un plus pour moi qui aime ces contrées (sans les guerres, bien entendu).

Le fait que Benoît Vitkine soit correspondant au journal « Le Monde », il est le spécialiste des pays de l’Est et de l’ex -URSS, ce qui fait qu’il connaît son sujet. C’est un sérieux plus.

Ce polar ne devient jamais lourd, l’auteur restant très pédagogue, mélangeant habillement la géopolitique avec son récit et ses personnages. Ce qui fait que ce polar devient un témoignage sur ce qu’il se passe là-bas car le côté polar passe en second lieu.

Une belle découverte en tout cas.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°110] et Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres » chez Bidb (France).

C’est arrivé la nuit : Marc Levy

Titre :9 – Tome 1 – C’est arrivé la nuit

Auteur : Marc Levy
Édition : Robert Laffont Versilio (29/09/2020)

Résumé :
Ils sont hors-la-loi. Mais ils œuvrent pour le bien
Ils sont amis et partagent leurs secrets
Pourtant ils ne se sont jamais rencontrés
Jusqu’au jour où…

C’est arrivé la nuit. Le premier tome de la série 9.

Critique :
Voilà, je l’ai enfin fait… Pourtant, j’avais juré que jamais de ma vie je ne ferais ça…

Pourquoi ? Parce que ce genre de truc ne me tentais absolument pas (j’étais même réfractaire) et que je laissais ça à ceux ou celles qui aimaient ce genre de chose. Moi c’était niet dans toutes les langues.

Mais maintenant, j’appartiens à ceux et celles qui ont franchi le pas. Et je suis contente d’avoir essayé. Même pas eu mal, tiens.

Hein ? What did you expect ? Mais enfin, bande d’obsédés, je ne parle pas de pratiques textuelles consistant à passer par la sortie ! Je parle d’avoir lu pour la première fois de ma vie un Marc Levy ! Non, je n’avais rien contre l’auteur, juste pas intéressée par le genre littéraire dans lequel il sévissait.

Mais un techo thriller qui parle de hacking et de scandales dévoilés par des lanceurs d’alertes qui naviguent dans l’illégalité tout en risquant plus que les criminels en cols blancs, moi, je demandais à voir. Ayant appris que l’auteur avait bossé dans la vallée de la Silicone, aux premières minutes de l’Internet, j’étais encore plus tentée.

Comme devant une piscine remplie d’eau froide, j’y suis allée doucement, trempant mon gros orteil pour tester si entre nous ça allait matcher et l’auteur m’a poussé dedans d’un grand coup d’épaule. Allez hop, à la la flotte !

Verdict ? Conquise de cette nage en eaux troubles ! Ce thriller est hyper addictif, il se lit tout seul, mais donne des sueurs froides. Je connaissais certains scandales de par mes lectures du « Canard Enchaîné » mais j’en ai découvert des autres qui font tout aussi froid dans le dos…

Surtout que les lanceurs d’alerte risquent beaucoup plus que les criminels qui augmentent le prix de l’insuline (ou autre médocs indispensables), qui manipulent des gens pour faire sortir un pays de l’Union Européenne ou de Fesse De Bouc qui collecte nos données et s’en fait des en or.

D’ailleurs, après avoir lu ce roman et s’être attaché aux différents personnages que composent ce Groupe 9, on a une envie folle de se tenir loin des réseaux sociaux !

On est manipulé non stop et le pire, c’est qu’on plonge car on nous demande de réagir de suite, sans avoir le temps de vérifier les infos ou de se poser pour analyser à tête reposée les infos que l’on vient de lire.

Avant de partager ou de s’offusquer et de lyncher à tour de bras, la plupart des utilisateurs des réseaux sociaux devraient tourner 7 fois leur clavier avant de poster une réponse incendiaire. Des vies peuvent être détruite à tout jamais pour rien.

Mon léger bémol sera pour le fait que l’on n’a pas toujours le temps de bien s’imprégner des différents personnages que compose ce Groupe 9. On nous apprend l’essentiel, le strict minimum.

Cela ne m’a pas empêché de m’attacher à ces Grey Hat (des hackeurs qui agissent avec éthique ou pas, tout dépend) qui se battent dans l’ombre afin de dénoncer des scandales alors qu’ils risquent beaucoup, eux.

Un techno thriller addictif, des personnages attachants, sympathiques, le genre de groupe qui ressemble à des Avengers dont les pouvoirs magiques sont concentrés dans leurs doigts qui pianotent des claviers de PC afin de jouer les Robin des Bois dans ce Monde gouverné par le pouvoir et l’argent.

Une série que je ne manquerai pas de suivre (mais ne me demandez pas de lire les autres romans de l’auteur, ils ne sont pas pour moi) et que je conseille de lire.

Mais après, éteignez votre PC, votre smartphone, vos réseaux sociaux et reprenez une vie normale ! FB sait plus de choses sur vous que votre conjoint ou vos parents et FB a plus de données sur vous que la C.I.A et le F.B.I réunis. Sans compter qu’il s’en fait des « kloten en or » sur votre dos en revendant vos données. Je ne vous parle même pas des sondages débiles qui n’ont pour but que de mieux vous cibler…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°116].

De bonnes raisons de mourir : Morgan Audic

Titre : De bonnes raisons de mourir

Auteur : Morgan Audic
Édition : Albin Michel (02/05/2019)

Résumé :
Un cadavre atrocement mutilé suspendu à la façade d’un bâtiment. Une ancienne ville soviétique envoûtante et terrifiante. Deux enquêteurs, aux motivations divergentes, face à un tueur fou qui signe ses crimes d’une hirondelle empaillée.

Et l’ombre d’un double meurtre perpétré en 1986, la nuit où la centrale de Tchernobyl a explosé…

Morgan Audic signe un thriller époustouflant dans une Ukraine disloquée où se mêlent conflits armés, effondrement économique et revendications écologiques.

Critique :
J’aurais peut-être dû relire le résumé avant de commencer le roman, moi… Nous sommes à Pripiat…

Pripiat ? Ce nom éveille un écho en moi…

Tout à coup, les sirènes d’alerte retentissent dans mon crâne : je suis dans la ville fantôme, à quelques kilomètres de la centrale nucléaire de Tchernobyl et je n’ai pas de compteur Geiger avec moi, ni aucune protection.

Irradiée j’ai été.

Ce thriller m’a irradié, en effet. Un thriller qui mélange allègrement le roman policier, le roman d’action, d’espionnage, de roman noir, d’écologie, de guerre civile, de conflits entre peuple frères et de folie Humaine.

La recette est excellente, imparable, on dévore le roman même si, parfois, devant certains comportements, on a envie de vomir.

M’emmener en Russie dans un roman, c’est déjà me conquérir une fois, mais me faire passer la frontière Ukrainienne pour me déposer en zone d’exclusion, me parler un peu de politique, de conditions sociales, de l’ex-URSS et de l’accident d’avril 1986, c’est m’offrir des pralines délicates sur un plateau en or massif. Je me suis régalée.

Ne me demandez pas ce que je faisais le 26 avril, nuit de la catastrophe, je n’en ai plus aucun souvenir ! Trop jeune pour m’en souvenir et sans doute plus intéressée par les dessins animés que l’actualité, même brûlante.

L’auteur a mis les petits plats dans les grands, a soigné ses personnages, a soigné sa mise en scène, a soigné les décors à tel point que j’avais l’impression d’être à Pripiat, ce qui m’a fait flipper grave quand même.

D’ailleurs, j’ose le dire, durant toute ma lecture, j’ai flippé, mes tripes se sont serrées, j’ai eu mal au coeur, même si j’ai pris mon pied littéraire. Hélas, tout n’est pas que fiction et penser à quoi nous avons échappé alors que d’autres n’avaient pas d’échappatoires ou n’ont même pas survécu, ça fait froid dans le dos.

La plume est caustique, amère, le constat est sans fard, non maquillé et tout en suivant les enquêtes d’Alexandre Rybalko et de Melnyk, l’auteur nous dresse un portrait au vitriol de la Russie et de l’ex-URSS. Pas en mettant en cause le pays ou ses habitants (bien que certains…), mais ses différents dirigeants qui se sont succédé et qui ont foutu la vérole à tous les niveaux.

Anybref, la plume de l’auteur sait très bien vous expliquer les petits travers de l’Homme, les corruptions, les magouilles, les secrets bien gardés, les bassesses et tout ça tourne toujours autour du pouvoir et surtout de l’argent.

Glaçant… Oui, le roman est glaçant, tout en étant magnifique. Rien ne nous est épargné et l’auteur à l’art et la manière de nous faire comprendre la noirceur humaine, même si on la connait déjà.

Un thriller roman noir dur, froid, âpre, intelligent et des plus instructifs. Le dosage entre la politique, la psychologie, l’écologie, l’enquête, la corruption, le passé et le présent est savamment dosé et aucun ingrédients ne prend le dessus sur les autres.

En fait, c’est plus qu’un simple thriller, plus qu’un simple polar, plus qu’un simple roman noir, plus qu’un roman historique. C’est tout ça à la fois et c’est bien plus encore.

Sortez vos compteurs Geiger et aventurez-vous dans la zone d’exclusion en retenant votre souffle afin de ne pas soulever trop de poussières radioactives…

Avec amertume, il se dit que le monde se souvenait de dictateurs, de joueurs de foot brésiliens et d’artistes peignant des carrés blancs sur fond blanc, mais que personne ne pouvait donner le nom d’un seul de ces hommes qui avaient sauvé l’Europe d’un cataclysme nucléaire sans précédent. Qui connaissait Alexeï Ananenko, Valeri Bespalov et Boris Baranov ? Qui savaient qu’ils s’étaient portés volontaires pour plonger dans le bassin inondé sous le réacteur 4, pour activer ses pompes et le vider de son eau avant que le cœur en fusion ne l’atteigne ? Qui savait que si le magna d’uranium et de graphite s’était déversé dans le bassin, il se serait produit une explosion de plusieurs mégatonnes qui auraient rendu inhabitable une bonne partie de l’Europe ? Qui le savait ?

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°133.

Le Village : Smith Dan

Titre : Le Village                                                                      big_5

Auteur : Smith Dan
Édition : Le Cherche midi (2014)

Résumé :
En 1930, dans le village ukrainien de Vyriv. Luka, vétéran de la guerre de Crimée et ses deux fils recueillent un homme inconscient qu’ils trouvent dans la steppe enneigée.

Dans son traîneau gisent deux corps d’enfants atrocement mutilés. La panique s’empare des villageois…

Lorsque Luka revient au village, les habitants s’affolent. Avec l’arrivée au pouvoir de Staline, la paranoïa règne.

Dans cette petite communauté jusqu’ici préservée, tout le monde craint l’arrivée de l’Armée rouge et des activistes. La venue de cet étranger n’annonce-t-elle pas un péril plus grave encore ?

Luka n’aurait-il pas fait entrer un monstre dans le village, un assassin d’enfants, l’incarnation du mal ?

Critique : 
Ce livre, à peine était-il paru que je l’ai voulu… Sans trop tarder, je l’ai lu et me voici sur le cul ! Mon plaisir de lecture est repu.

S’il y a une chose que j’apprécie, dans un roman, c’est que l’auteur me surprenne, qu’il emprunte des sentiers auxquels je ne pensais pas, auxquels je ne m’attendaient pas.

Pari réussi tant j’ai été surprise de la tournure que le récit prendra, partant dans une direction inattendue, m’entraînant dans l’immensité enneigée de la steppe et me tordant le cœur dans tous les sens.

L’avantage de n’avoir lu qu’un résumé succint m’a permis d’en savoir le moins possible sur le roman et j’ai gardé intacte ma virginité (littéraire, bien entendu).

Déjà, l’environnement me plaisait : Ukraine, 1930, un petit village perdu au fin fond du fin fond du trou du cul du monde. Ici, on vit chichement avec les quelques maigres possessions que l’on possède. J’avoue avoir un faible pour les récits se passant en Russie où dans ses alentours.

Le côté politique très présent est un autre argument qui m’a plu… Nos villageois vivent dans la crainte que l’on vienne tout leur confisquer.

Avec ce postulat de départ, je m’attendais à un huis clos tournant autour du fait que Luka, personnage principal et auteur du récit, avait fait entrer dans le village un homme grièvement blessé qui cachait sur son traineau  les cadavres de deux enfants dont un était atrocement mutilé.

Huis clos il y aura, mais l’auteur, dans un récit flamboyant, nous entraînera ensuite bien plu loin, dans une aventure où les épais manteaux sont de mises, les gants et la chapka aussi.

Accrochez-vous, vous allez vivre quelques heures angoissante de lecture qui vont vous transporter dans une époque fort sombre de par son contexte politique.

Le suspense présent dans ce livre est à couper au couteau tellement il est épais, dense, prenant.

Ici, la nature est tout sauf clémente et elle a façonné les gens à son image. Ici, il n’y a pas de faible femme, elle ont toutes endurées plus qu’il n’en faut dans leur courte vie de misère : guerre, révolution, famine, perte des proches…

Le personnage de Luka est d’un réalisme à couper le souffle, oscillant entre une humanité rare, une perception de la vie très forte, mais n’hésitant pas aussi à basculer du côté obscur de la Force.

Luka, c’est un vétéran de la guerre, tuer, ce fut son métier, il s’il doit le refaire afin de préserver sa famille, il le refera sans aucun état d’âme.

Tous les autres qui gravitent autour de lui sont aussi empreints d’une réalité rarement atteinte dans un roman. Ils sont travaillés, profonds, sans jamais être tout bon ou tout méchant.

Même les hommes bien peuvent faire le mal et a contrario, même les hommes méchants peuvent faire le bien.

Ce que tu as commis un jour parce que tu étais soldat et que tu obéissais aux ordres, c’est ce que tu me reproches aujourd’hui de commettre, moi qui suis un soldat et qui obéit aux ordres… C’est sadique mais cela décrit bien ce qui se passe depuis toujours : on reproche aux autres de faire ce que, un jour, nous leur avons fait.

Le contexte social du livre en fait un roman noir et comme je vous le disais plus haut, l’aspect politique est fort présent avec le communisme et toute la puissance de son illogisme puisque l’on prend à des pauvres gens leurs maigres biens, leurs maigres provisions pour l’hiver, pour les donner – sois-disant – à la collectivité et à ceux qui n’ont rien… Imbécilité et mauvaise foi, quand vous nous tenez.

Le roman nous parlera aussi de la chasse aux koulaks, ces paysans supposés êtres riches parce qu’ils possédaient un lopin de terre, une vache et deux poules.

Si on feuillette un peu la pages de l’Histoire, on ne peut qu’être glacé d’effroi devant la « collectivisation » des terres mise en place par Staline, de 1929 à 1933. Là, nous sommes en plein dedans et on imagine les horreurs durant la lecture.

À un moment donné, j’ai tiqué parce que l’auteur prenait un raccourci qui ne collait pas avec son talent. Le diable se cache toujours dans les détails et Sherlock Holmes n’aurait pas mieux déduit que moi puisque j’avais compris. Là, l’auteur ne m’a pas surpris mais a confirmé son talent pour les fausses pistes, le coquin !

Oui, c’est un véritable coup de cœur, ce livre.

Des personnages charismatiques oscillant souvent entre leurs côtés humaniste et leur part sombre qui peut faire d’eux des assassins qui n’ont pas de remords; un récit à la fois humain et barbare, la frontière étant ténue entre les deux, elle aussi; de la fraternité côtoyant de l’égoïsme pur et dur dicté par les aléas de la vie ou de la nature; des paysages enneigés à couper le souffle; un froid glacial, mordant, piquant; de la chaleur humaine, parfois distillé par des bourreaux.

Ici, rien n’est ni tout blanc ni tout noir, mais entre gris clair et gris foncé.

C’est tout ça, ce roman… avec des larmes et du sang.

Un grand moment de lecture et un déchirement de devoir quitter ces hommes et ces femmes, souvent rudes, mais possédant un cœur.

Challenge « Thrillers et polars » de Canel (2014-2015), le Challenge « Polar Historique » de Sharon et le « Challenge US » chez Noctembule.