Solak : Caroline Hinault

Titre : Solak

Auteur : Caroline Hinault
Éditions : du Rouergue Noir (2021) / Livre de Poche (2023)
Résumé :
Sur la presqu’île de Solak, au nord du cercle polaire arctique, trois hommes cohabitent tant bien que mal. Grizzly est un scientifique idéaliste qui effectue des observations climatologiques ; Roq et Piotr sont deux militaires au passé trouble, en charge de la surveillance du territoire et de son drapeau.

Une tension s’installe lorsqu’arrive la recrue, un jeune soldat énigmatique, hélitreuillé juste avant l’hiver arctique et sa grande nuit. Sa présence muette, menaçante, exacerbe la violence latente qui existait au sein du groupe.

Quand la nuit polaire tombe pour plusieurs mois, il devient évident qu’un drame va se produire. Qui est véritablement la recrue ? De quel côté frappera la tragédie ?

Dans ce premier roman écrit « à l’os », tout entier dans un sentiment de révolte qui en a façonné la langue, Caroline Hinault installe aux confins des territoires de l’imaginaire un huis clos glaçant, dont la tension exprimée à travers le flux de pensée du narrateur innerve les pages jusqu’à son explosion finale.

Critique :
Ah ça, pour être un roman écrit à l’os, c’est vrai ! Le récit est expurgé de tout ce qui pourrait le parasiter, comme les tirets cadratins, les guillemets et tout est condensé dans les 128 pages de l’édition (160 pages pour la version poche).

Entre nous, pas besoin de plus ! Cette avarice de détails ou ces dialogues non mis en évidence par des guillemets, sied bien au récit dont le narrateur est Piotr, un homme taiseux, en poste à Solak depuis 20 ans.

Peu de protagonistes aussi, puisque dans ce huis-clos qui se déroule dans l’Arctique, il n’y a que 3 hommes : Piotr, Roq et Grizzly. Le quatrième sera la nouvelle recrue et les figurants seront les ours blancs, les renards arctiques, les phoques… Dont certains ne feront pas que de la figuration…

Les personnages sont décrits à l’os aussi, nous n’en saurons pas plus que ce qu’il n’en faut pour faire vivre ce récit. Ils resteront tous un peu mystérieux, le strict minimum ayant été fait pour épaissir leur personnalité. Là non plus, il n’en fallait pas plus.

Ce qui est le plus décrit, ce sont les conditions de vie dans cet endroit où les températures descendent fort bas sous le zéro, dans ce coin paumé, où trois pelés et un tondu doivent garder le drapeau, pour que leur pays conserve ce morceau de glace.

Là-bas, tout est neuf et tout est sauvage, libre continent sans grillage… Mais attention, il y a des bêtes sauvages, des jours qui ne connaissent pas de nuits et des nuits qui ne connaissent plus le jour. Là-bas, tout peut être noir, sombre, à se donner envie de se pendre (d’ailleurs, paraît qu’un canal s’est pendu, tandis qu’un autre s’est perdu) ou, au contraire, être lumineux au point de rendre les hommes fous.

Huis-clos oppressant, roman très sombre, tension à couper au couteau, ce ne sera que dans les dernières lignes que tout sera dévoilé, me laissant hébétée. Ben merde alors, je ne m’y attendais pas…

Un roman à lire un jour où il fait froid, pour prendre encore plus la mesure des températures qui règnent dans cette presqu’île de Solak (ne lisez pas dehors tout de même) et en se blindant, parce que des animaux souffrent de la folie de la gâchette d’un des protagonistes (et de son envie de se faire du fric).

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°097].

Paris-Briançon : Philippe Besson

Titre : Paris-Briançon

Auteur : Philippe Besson
Édition : Julliard (06/01/2022) / Pocket (05/01/2023)

Résumé :
Le temps d’une nuit à bord d’un train-couchettes, une dizaine de passagers, qui n’auraient jamais dû se rencontrer, font connaissance, sans se douter que certains n’arriveront jamais à destination. Un roman aussi captivant qu’émouvant, qui dit l’importance de l’instant et la fragilité de nos vies.

Rien ne relie les passagers montés à bord du train de nuit no 5789. À la faveur d’un huis clos imposé, tandis qu’ils sillonnent des territoires endormis, ils sont une dizaine à nouer des liens, laissant l’intimité et la confiance naître, les mots s’échanger, et les secrets aussi.

Derrière les apparences se révèlent des êtres vulnérables, victimes de maux ordinaires ou de la violence de l’époque, des voyageurs tentant d’échapper à leur solitude, leur routine ou leurs mensonges. Ils l’ignorent encore, mais à l’aube, certains auront trouvé la mort.

Ce roman au suspense redoutable nous rappelle que nul ne maîtrise son destin. Par la délicatesse et la justesse de ses observations, Paris-Briançon célèbre le miracle des rencontres fortuites, et la grâce des instants suspendus, où toutes les vérités peuvent enfin se dire.

Critique :
Un train de nuit qui emporte ses voyageurs, un huis-clos où tout peut arriver et la promesse, dès les premières lignes, de savoir que certains vont mourir, puisque l’auteur annonce, sans gants, que tous les personnages n’arriveront pas vivant à destination..

Un train, des meurtres ? Hercule Poirot est monté dedans pour enquêter ? Il ne m’en fallait pas plus pour enfin ouvrir ce roman dont l’auteur m’avait mis l’eau à la bouche dans l’émission de La Grande Librairie.

Dès les premières pages, l’auteur nous présente sa palette de personnages : un médecin, un sportif, un couple de retraité, des jeunes, un VRP et une mère avec ses deux enfants. Un vrai huis-clos pour quelques heures, puisque tout le monde dort dans ce train de nuit, qui n’est pas l’Orient-Express…

Le roman est court, il se lit très vite, car on est happé par l’histoire, par celle des différents personnages, qui, bien que n’échappant pas aux clichés sociétaux (homosexualité, femme battue, cancer, jeunes fumeurs de pétards, syndicaliste, mélenchoniste, beauf), sont tout de même sympathiques et donnent envie d’être dans le train avec eux. Ah ben non, certains ne survivront pas… Mais qui ? Comment ? Pourquoi ?

Je ne divulguerai rien, afin de garder la virginité de l’intrigue, mais j’ai tout de même été un peu déçue de ce qui avait été annoncé. J’ai trouvé le procédé un peu limite… Non pas qu’il m’ait dérangé, mais bon, j’avais pensé autre chose et bien entendu, je me suis sentie un peu grugée en arrivant à la fin.

Malgré tout, j’ai apprécié cette lecture, notamment dans les portraits des personnages et des rencontres qui se sont formées dans ce train de nuit.

Il m’est déjà arrivée de voyager avec des connards à mes côtés, des rouspéteurs de tout, des empêcheurs de lire en toute tranquillité, mais là, je les ai tous apprécié et mon petit cœur s’est serré en pensant que certains n’arriveraient pas à destination, car je ne voulais pas qu’ils meurent. J’ai aimé leurs discussions, les rencontres, les amitiés qui s’étaient formées.

Un roman sur des vies ordinaires, qui se sont télescopées, par les hasards de la vie et qui se souviendront longtemps de ce voyage qui devait être agréable et qui s’est terminé d’une autre manière…

Meurtres sur le Christmas Express : Alexandra Benedict [LC avec Bianca]

Titre : Meurtres sur le Christmas Express

Auteur : Alexandra Benedict
Édition : Charleston (10/10/2023)
Édition Originale : Murders on the Christmas Express (2022)
Traduction : Jessica Shapiro

Résumé :
La veille de Noël, dix-huit passagers montent à bord d’un train couchette à destination des Highlands. Mais au beau milieu de la nuit, le convoi déraille et les festivités des voyageurs tombent à l’eau.

Alors que le train est coincé sous une tempête de neige au milieu de nulle part, un mystérieux tueur parcourt ses wagons. Ceux qui s’endorment pourraient bien ne jamais se réveiller…

Parmi les voyageurs se trouve Roz, une ancienne inspectrice s’apprêtant à rejoindre sa fille sur le point d’accoucher six semaines avant le terme. Roz parviendra-t-elle à arrêter le meurtrier ?

Critique :
Quand on me parle de train couchette, de long voyage, de neige et que l’on y ajoute le fait que le train soit arrêté au milieu de nulle part, je ne me sens plus et j’ai envie de crier « un meurtre, un meurtre, je veux un meurtre ».

Lorsqu’on aime les romans policiers, on a toujours envie de voir des meurtres, de donner son royaume pour un crime et un (ou une) enquêteur (trice). Hé, dans les fictions, bien entendu, pas dans la réalité.

Tous les ingrédients d’un bon huis clos ferroviaire étaient réunis, puisque, à défaut d’un détective belge à belle moustache (Poirot), nous avions Roz, une jeune retraitée de la MET de Londres (à 50 ans, waw, trop génial).

Le premier chapitre nous plonge de suite dans l’ambiance : un assassin rôde, on a eu une dispute de couple entre deux personnages et le train s’est arrêté brusquement. Puis, chapitre suivant, le récit va commencer au tout début, lorsque notre fraîche retraitée va prendre ce train de nuit à la gare de Londres, le 23 décembre, en direction de l’Écosse.

Dans ce train de nuit, nous ferons la connaissance des différents personnages qui feront le voyage, et d’emblée, il y en a un que l’on a envie d’assassiner ! Grant est un mec imbu de sa personne, un homme qui se plait à rabaisser sa compagne, à la traiter comme une merde. Et rien ne le sauve, son personnage est abject, infect.

Jaloux comme un pou, il ne se prive pourtant pas de tremper son biscuit dans toutes les tasses de café qui passent. Sans doute que pour lui, ce n’est pas tromper, mais juste pour l’hygiène (et si sa compagne l’imitait, il l’assommerait à coup de beignes, comme le chantait si bien Renaud).

Pour cet homme, j’ai souhaité que Jason Voorhees ou Tronçonneuse Man débarquent dans le train, afin de lui régler son compte au plus vite et qu’ils éparpillent son corps façon puzzle, dans la nature. Non, à ce niveau-là, ce n’est pas de la pollution, mais LA solution.

Si j’avais dû écrire ma chronique au fil de ma lecture, j’aurais râlé sur le fait qu’il y avait trop de blablas, que c’était trop long et qu’on aurait pu éviter les flash-back sur la jeunesse de notre enquêtrice, Roz. Finalement, ça a eu du sens, mais l’autrice aurait pu nous épargner les soucis d’accouchement d’une femme (no spolier).

Il faut tout de même attendre un peu moins de la moitié du roman pour tomber sur un cadavre, même si nous nous doutions, depuis le premier chapitre, de qui allait tomber en premier. Après, tout s’enchaîne et le rythme augmente, avant la solution finale, que je n’ai pas vu venir et un twist, en guise de cerise sur le caramel écossais. On verra plus bas si c’était opportun ou pas, ce twist.

Alors non, ce ne sera pas le polar de l’année, même si l’autrice a fait ce qu’il fallait pour y ajouter de la profondeur, en parlant d’un grave problème de notre société.

C’était un peu inattendu, je l’avoue, mais c’était dans la continuité du roman, au moins, ça n’est pas tombé comme un cheveu dans la soupe, on avait des indices. Je ne les avais pas vu, puisque je lisais avec mon cerveau déconnecté, pensant que le roman était parfait pour ça. Pas tout à fait…

Sous le couvert d’être un cosy mystery léger, on a tout de même un ingrédient très fort dans le gâteau, un ingrédient qui pique, qui fait mal au bide et de temps en temps, il faut qu’on le retrouve, que l’on en parle, que l’on mette fin à tout ça et que l’on écoute celles et ceux qui en ont souffert, qui en souffre toujours.

Le bémol, qui fait que ce cosy ne remporte pas plus d’étoiles, c’est que l’autrice à essayé de rendre un hommage au « Crime de l’Orient Express », d’Agatha Christie, mais sans la finesse de la Reine du Crime. On doit attendre la moitié du roman pour avoir un cadavre et ensuite, ils s’enchaînent !

Un autre problème, c’est que les personnages sont stéréotypés et que l’autrice ait fait en sorte de réunir un panel de profils assez disparate, comme pour respecter un cahier des charges ou cocher le maximum de cases. Trop est l’ennemi du bien et ça n’apporte rien de plus au récit. Et si le twist était inattendu, il est aussi un peu too much, un peu trop c’est trop.

En poussant la réflexion un peu plus loin, c’est lui qui tombe comme un cheveu dans la soupe et fait culbuter le récit dans une sorte de no man’s land. En refermant ce roman, j’étais partagée : j’avais aimé certaines choses, le twist m’avait ébranlée, mais il était inutile, pas nécessaire. Idem avec le côté dramatique ajouté avec la fille de Roz.

C’est une LC loupée pour nous deux. Le seul point positif étant que j’ai lu un roman de Noël en décembre (ma copinaute m’a fait basculer du côté obscur de la Force). L’avis mitigé de Bianca est dans ce lien ! Pour elle, c’est une déception totale…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°082].

 

Rage : Richard Bachman (Stephen King)

Titre : Rage

Auteur : Richard Bachman (= Stephen King)
Édition : J’ai Lu (2000)
Édition Originale : Rage (1977)
Traduction : Évelyne Châtelain

Résumé :
Charles Decker est, en apparence, un petit lycéen américain bien tranquille. Mais, entre un père violent qu’il déteste et une mère fragile, il rage a froid. Un jour, cette rage éclate et il abat, d’un coup de revolver, sa prof de maths.

Puis, il s’empare du pouvoir, autrement dit, il prend sa classe en otage.

Il va alors contraindre ces condisciples a se livrer a un déballage furieux, a se débarrasser de toutes les haines accumules en secret : contre les parents, la société corrompue, l’école pourrie, la lâcheté et l’incompréhension des adultes.

Critique :
Rage est le premier roman que Stephen King a publié sous le pseudonyme de Richard Bachman. Si vous voulez le lire, vous ne le trouverez pas en librairie, mais dans des bouquineries, en seconde main.

Pourquoi ? Parce que l’auteur a fait arrêter la publication de nouvelles éditions, en 1999, après qu’un exemplaire a été trouvé dans le casier d’un lycéen ayant tué trois de ses camarades (et ce n’était pas la première fois que l’in découvrait ce roman dans les casiers des lycéens ayant tiré sur des camarades).

Dans ce roman, Charles Decker assassine deux professeurs. Vous n’assisterez donc pas à une chasse aux étudiants dans des couloirs de l’école, tel un mauvais film d’épouvante. Ou pire, dans la réalité.

Ce roman est un huis-clos psychologique, puisqu’après avoir tué sa prof d’algèbre et un autre qui voulait entrer dans la classe, Charles tiendra toute sa classe en otage et leur expliquer une partie de sa vie, demandant ensuite à ses camarades de parler de leurs frustrations, de livrer des petits secrets, de se confesser, en quelque sorte.

Non, Charles n’a pas eu une vie merdique, même s’il y avait mieux (mais c’était plus cher), coincé qu’il était entre un père chasseur qui voulait en faire un homme et sa mère qui l’affubla d’un costume en velours, à 13 ans, pour aller à une fête d’anniversaire (débile et inapproprié !).

Là, il vient de péter un câble, un de plus et il est allé aussi loin qu’on peut aller : l’assassinat de sang-froid. On comprend bien ses névroses en lisant ses pensées, ses explications, mais de là à arriver à prendre une arme et à tuer, on se demande bien quelle araignée lui a trotté dans le crâne.

En tout cas, rien n’indiquait qu’il allait basculer du côté obscur de la force. Et rien ne peut justifier ses actes (ni ceux dans la vie réelle). Je peux comprendre (pas cautionner) un meurtre par vengeance (on a tous rêvé de flinguer un chef, un collègue, un emmerdeur, un tortionnaire, mais juste dans sa tête). Mais là, ce n’est pas le cas, Charlie ne se venge pas de tortionnaires, d’harceleurs et il y a des dommages collatéraux terribles. Sa réaction à ses problèmes est excessive.

Ce qui fout plus les chocottes, dans ce premier roman du King, c’est le comportement de ses camarades de classes. Là, j’en suis restée bouche bée. Pour eux, c’est une aventure, un truc à raconter (nous ne sommes même pas à l’époque des réseaux sociaux), une journée passée à ne rien faire et un seul tentera de s’opposer à Charlie. Juste un seul. La meute est avec Charlie. C’est ça le plus terrible.

Un premier roman qui sonnait déjà juste, qui parlait d’un phénomène qui allait s’amplifier aux États-Unis, où les jeunes peuvent faire de plus gros cartons, puisqu’ils sont équipés de fusils d’assaut, possédant des chargeurs multiples et avec lesquels ils peuvent tirer de nombreuses fois sans devoir recharger.

Charles, dans ce récit, ne possède qu’un révolver, un six-coups, il doit ouvrir le barillet pour recharger et quitter ses camarades des yeux. Avec une arme de guerre, c’est plus simple, plus rapide et plus meurtrier.

Un président a dit, un jour, que si les français avaient pu porter des armes, ils auraient pu se défendre face aux terroristes du 13 novembre 2015. Moi je dis que ce n’est pas vrai… Les américains sont armés, les flics sont armés et face à un jeune qui flingue à tout va, personne ne bouge, ou alors, il se fait descendre comme au tir pipes.

Un roman assez glaçant, avec un personnage tourmenté, qui avait ses petits problèmes et qui a choisi de les résoudre de manière violente et expéditive. Pas de circonstances atténuantes pour Charlie Decker, même si c’est une personne vulnérable.

Un roman surprenant, puisqu’il ne va pas dans la direction que l’on aurait pensée…

Ce que wikiki en dit : Stephen King écrit une première version de Rage durant sa dernière année de lycée, sous le titre Get It On, mais la laisse inachevée. Il termine le roman en 1971 mais, après il est refusé à la publication par Doubleday malgré l’intérêt de la maison d’édition. Il est finalement publié en 1977 sous le pseudonyme de Richard Bachman.

#automneduking – 01

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°050] et Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.

Les mystères de soeur Juana – 01 – Mort au couvent : Oscar De Muriel

Titre : Les mystères de soeur Juana – 01 – Mort au couvent

Auteur : Oscar De Muriel (Mexique)
Édition : Presses de la Cité (02/02/2023)
Édition Originale : Muerte en San Jeronimo (2019)
Traduction : Vanessa Canavesi

Résumé :
Notre Père qui êtes aux cieux, délivrez-nous du mal…

Mexico, Nouvelle-Espagne, XVIIe siècle. Quelqu’un – ou quelque chose – a pris possession du couvent de San Jerónimo. Religieuses et servantes sont retrouvées sacrifiées sur l’autel selon des rituels précolombiens sanguinaires, et la suspicion règne.

Nulle n’y échappe. Car dans cette enceinte retirée du monde, entre fornication, autoflagellation et cauchemars blasphématoires, le péché est partout…

Alina, jeune novice insolente et rebelle, vient de prendre le voile. Au côté de Matea, sa fidèle domestique indigène, la voilà qui s’allie à sœur Juana, excentrique femme de lettres, pour trouver le coupable.

Entre prières, lectures, leçons de cuisine et chocolats chauds, le trio mène l’enquête. Mais dehors, l’Inquisition est déjà en chemin et compte bien couper le mal à la racine…

Dans une atmosphère digne du « Nom de la rose », le premier volume d’une nouvelle série de polars historiques, exotiques et mystiques.

Critique :
Hé oui, me voici entrée au couvent de San Jerónimo, chez les hiéronymites (à ne pas confondre avec les Cénobites tranquilles).

J’ai fait vœu de chasteté, de pauvreté, je suis obligée à porter un vêtement infâme qui gratte la peau (fini les sous-vêtements confortables), à me lever à 5h du matin, à être cloîtrée et à prier, prier et encore prier pour le salut de mon âme (va en falloir beaucoup, de prière). En plus, nous sommes au Mexique, en 1689.

Qu’est-ce que je suis allée foutre au couvent de San Jerónimo ? Je me suis infiltrée pour les besoins d’une enquête. On assassine des membres de cette congrégation et vu l’état des corps, les suspects ne peuvent être qu’un loup-garou ou Jack The Ripper voyageant dans le temps !

Bon, hormis l’intervention du fantastique, ces deux coupables sont aussi impensables que moi-même dans un couvent… Voilà encore une lecture qui va me conforter dans le fait que j’aie le cul bordé de nouilles : je suis libre et pas obligée de choisir entre le mariage et le couvent !

La lecture de ce roman policier se déroulant quasi en huis-clos (nous sommes cloîtrées) et entre femmes (quelques mecs en soutane interviendrons, dont un qui pue de la gueule et un autre qui a moins de charme qu’une hyène) m’a confortée aussi dans le fait que je n’ai jamais aimé les gens de religion qui se comportent comme les derniers des derniers, notamment en possédant des esclaves et en les privant de leurs cultures, de leurs croyances (pour les sacrifices, c’était une bonne chose).

Dans ces pages, on a quelques religieuses ou moines, accusant les autres d’être des pécheurs, voyant la paille dans leurs yeux et oubliant la poutre dans les leurs. Pour eux, les femmes sont des êtres dépourvus d’intelligences, se sont des succubes, des fornicatrices, bref, notre sexe s’est fait rhabiller pour plusieurs hivers.

Heureusement qu’il y a des nonnes sympas et intelligentes, comme soeur Juana Inés de la Cruz, une religieuse érudite (qui a réellement existée) et Alina, jeune novice envoyée au couvent pour que sa pingre de mamy puisse garder le fric.

Sans être un thriller trépident qui va à cent à l’heure, ce polar va tout de même plus vite que « Le Nom de la Rose » (il manque juste un Sean Connery sexy), dont il est noté dans le résumé qu’il s’en inspire, pour ses atmosphères.

Et c’est vrai ! On s’éclaire à la bougie, on a des flaques de sang, de la peur, de la suspicion, l’inquisition, bref, tout est réuni pour vous donner envie de quitter le couvent au triple galop, tout en restant plongé dans la lecture du roman.

Après avoir suspecté tous les personnages évoluant dans le couvent et d’autres encore (sauf les chats et la nouvelle novice), j’ai enfin eu la résolution de ces meurtres et j’avais raison (mais bon, dans ma tête, j’avais accusé tout le monde).

Ce polar historico-religieux est intéressant à lire et pas qu’en raison de ses meurtres et de l’enquête qui aura lieu.

Ce n’est jamais qu’un prétexte pour parler de la colonisation du Mexique par les Espagnols, des différences entre les classes sociales, de l’esclavage, de l’évangélisation forcée des peuples qui vivaient au Mexique, de leur culture qu’on a écrasée, de la place des femmes dans cette société hyper masculinisée, un patriarcat total qui ne laisse comme choix aux femmes qu’entre le mariage (et la reproduction) et le couvent.

L’auteur parle aussi, au travers d’un de ses personnages, de ces colons qui pensent tout savoir, tout connaître, posséder la meilleure religion (et croyances) et qui ont refusé d’écouter ce que les autochtones avaient à leur dire, à leur apprendre. Les Espagnols se pensaient investis de tout savoir face aux autres, ces colonisés, qui n’étaient que des barbares incultes juste capable de faire des gribouillis (c’étaient des écritures, pourtant) et même pas foutu de croire au Dieu vrai… Comme d’habitude…

Sans être le polar de l’année, celui-ci se laisse lire agréablement tout en nous parlant de la colonisation, de l’esclavage, des croyances, de la religion….

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°186]  et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°09].

La dernière maison avant les bois : Catriona Ward

Titre : La dernière maison avant les bois

Auteur : Catriona Ward
Édition : Sonatine Thriller/Policier (16/02/2023)
Édition Originale : The last house on needless street (2021)
Traduction : Pierre Szczeciner

Résumé :
Dans l’impasse de Needless Street se dresse une maison isolée et solitaire, à l’image de son propriétaire, Ted Bannerman, un étrange personnage. Dee, qui vient d’emménager dans la maison voisine, est persuadée qu’un terrible secret pèse sur les lieux.

Ted aurait-il un lien avec cette disparition d’enfant survenue onze ans plus tôt dans les environs ? Que se passe-t-il vraiment derrière la porte de la dernière maison avant les bois ?

Quelque chose est bien enterré dans la forêt. Mais ce n’est pas ce que vous pensez…

La Dernière Maison avant les bois est en effet l’un des romans les plus inattendus qu’on ait lus depuis longtemps – et certainement celui dont vous aurez le plus envie de parler cette année.

Critique :
Needless Street n’est pas Helm Street, mais ce n’est pas non plus la Rue Sésame…

La dernière maison de cette impasse inutile (traduction littérale) est bizarre : ses fenêtres sont occultées par des panneaux en bois et dedans y vit un étrange bonhomme, Ted Bannerman.

Voilà un roman choral qui ne laisse pas indifférent lors de sa lecture, tant il est bizarre.

Plusieurs narrateurs se succéderont, notamment Ted, le personnage principal, qui fout un peu les jetons, puis on aura aussi Dee, qui racontera le moment de la disparition de sa petite sœur, on aura Lauren, une gamine et ensuite, un narrateur inhabituel, sauf dans les bédés : une petite chatte, celle de Ted.

Je dois vous dire que durant les 100 premières pages, je ne savais absolument pas où ce roman allait m’emmener ! Il était plus que déroutant, notamment avec cette narratrice aux pattes de velours et le personnage de Ted me déroutait totalement, ne sachant pas de quel côté je devais pencher : l’apprécier et le plaindre ou le haïr et le pendre.

La construction du récit est bien faite aussi, on avance, mais dans le brouillard total, au fil de l’intrigue, on comprend que la maison de Ted recèle des trucs pas nets et que son comportement envers celle qu’il nomme sa fille, n’est pas celui d’un père aimant. Franchement, j’étais dans une confusion totale envers ce personnage, ce Ted, qui n’a pas eu une enfance facile. Cul entre deux chaises, j’étais.

L’avantage, dans ce thriller de 400 pages, c’est qu’il ne faut pas attendre le dernier chapitre pour qu’une partie des voiles se déchirent et ne nous fassent entrevoir de l’abject, de l’horreur et mon cœur s’est serré, tout comme mes doigts de pieds dans mes pantoufles. Là, je me suis prise un uppercut dans le ventre qui m’a coupé le souffle.

À ce moment là, j’aurais eu envie que, dans le récit, débarque Zorro, ou le Captain America, l’Agence tous risques… Des sauveurs, quoi ! Oh purée, quel suspense, quelle tension durant plusieurs chapitres ! Ma gorge était serrée, mon cœur battait à la chamade.

Et alors que je souffrais toujours mille douleurs, l’autrice, sadique magnifique, m’a donné un coup de barre de fer dans le bide, une fois de plus. Oh putain, le truc de fou ! J’étais au sol et elle ne s’est pas privée de me frapper, encore une fois, d’un coup de batte de base-ball cloutée, que je n’avais pas vu venir (d’ailleurs, je n’ai rien vu venir, juste eu un soupçon, mais tellement ténu)… C’est fini ou ça va continuer ?

Quel roman, mes amis ! Quelle noirceur ! Quel scénario ! Même par terre, j’ai encore eu droit à des coups dans les tibias. Jusqu’au dernier moment, les coups vont s’enchaîner sur les pauvres lecteurs, qui en redemanderons (moi j’en redemandais).

Si j’avais trouvé qu’il y avait un peu de longueurs après les 100 premières pages, que le récit s’enlisait un peu, une fois la page 200 dépassée, ce ne fut plus qu’un festival de suspense, d’angoisses et de révélations toutes plus percutantes les unes que les autres.

La preuve que c’est percutant, j’ai réussi à lire ces 400 pages en une journée (et une soirée bien avancée).

Un thriller choral, un huis-clos oppressant où toutes les pièces du puzzle se mettent en place à partir d’un moment, nous montrant une fresque inattendue, donnant ce roman totalement fou, sur lequel je ne peux rien dire sous peine de vous gâcher le plaisir. Je peux juste vous dire qu’il n’est pas qu’un simple thriller de plus… Non, c’est bien plus que ça !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°182].

‭Petits meurtres à Endgame : A. K. Benedict ‬[LC avec Bianca]

Titre : Petits meurtres à Endgame

Auteur : A. K. Benedict
Édition : Charleston (18/10/2022)
Édition Originale : The Christmas Murder Game (2021)
Traduction : Laura Bourgeois

Résumé :
Lily Armitage espérait ne jamais devoir retourner à Endgame, le domaine familial où sa mère est décédée vingt et un ans plus tôt. Mais lorsque sa tante l’invite au traditionnel jeu de piste de Noël, la curiosité est plus forte qu’elle.

Car cette année, l’enjeu est de taille : non seulement le gagnant héritera du domaine, mais les indices révéleront enfin la vérité sur la mort de sa mère.

Alors que le réveillon de Noël approche, la tension monte entre les cousins. Tous ont leurs raisons de vouloir gagner, et certains n’ont pas l’intention de jouer franc-jeu. Et quand une tempête de neige les force à rester confinés dans le manoir, les retrouvailles familiales prennent une tournure funeste…

Bien décidée à connaître le fin mot de l’histoire, Lily comprend vite que le domaine renferme de sombres secrets, et qu’elle risque sa vie dans ce jeu dangereux…

Cosy mystery, fêtes de Noël et grand manoir : un jeu de piste haletant au cœur d’une famille aux secrets bien gardés.

Critique :
Des meurtres pour Noël, un huis clos, de la neige, un manoir familial dans le Yorkshire, un jeux de piste, des énigmes, comme une sorte de Cluedo grandeur nature ça te dit ?

Purée, bien sûr que je veux lire ce cosy mystery anglais ! Est-ce qu’on demande à un chien s’il veut un os ? Bien sur que non. C’est pourquoi j’ai accepté de suite la proposition de Lecture Commune avec ma copinaute Bianca.

Ce fut une bonne pioche, même si ce cosy mystery souffre de quelques défauts dont je vous parlerai plus loin.

Munie d’une veste chaude, de plusieurs paires de chaussettes épaisses, de plaid et d’un thermos de thé chaud, je me suis aventurée dans cet ancien manoir reconvertit en hôtel pour séminaires. La propriétaire des lieux, décédée, a tout de même tenu à ce que l’on réunisse ses enfants, neveux et nièces, pour un dernier jeux de pistes dont le gros lot est l’acte de propriété du manoir…

Les points forts de ce cosy sont ses énigmes, bien pensées, bien traduites aussi (important, on le comprendra au fil de sa lecture) et qui font appel à la sagacité de la famille Armitage pour décrypter les anagrammes ou autres jeux de mots.

À ce petit jeu là, je suis nulle, tandis que Lily, elle, est un véritable Sherlock Holmes en puissance. Hélas, elle n’a pas son aura, ni sa personnalité, elle est même super fade, la Lily ! Avant de retourner au manoir familial, elle aurait dû aller s’acheter un bon kilo de réparties et au moins 500 grammes d’agressivité, afin de résister au sarcasmes de sa cousine Sara, qui elle, a trop d’aigreur en elle…

Si les énigmes sont bien faites, si le final est génial, si la double enquête est bien menée, si le suspense est présent, les mystères aussi, si les décorations de Noël, dans le manoir, sont grandioses, les personnages, par contre, manquaient de décorum, de boules (oui, les mecs en manquaient !!) et de consistance. Lily est trop molle, Sara trop agressive et personne ne la remet jamais en place, ou alors, avec mollesse.

Ils m’ont fait penser à ces dirigeants qui condamnent fermement un dictateur, mais ne bougent pas d’un millimètre, sauf à froncer les sourcils, ce qui ne fait peur à personne, bien entendu. Bref, les portraits sont déséquilibrés, pas assez travaillés, et pourtant, cela ne m’a pas vraiment posé de problème durant ma lecture. Dommage pour ce manichéisme. Le travail aurait pu être plus approfondi pour eux.

Autre chose que j’ai remarqué et qui manquait un peu de réalisme, c’est qu’après le premier cadavre, personne ne semble vouloir enquêter, virer parano ou raser les murs en claquant des dents… Pourtant, il est impossible que ce soit un accident ou un suicide, à moins d’être contorsionniste.

Heu, avec la neige, les routes sont coupées, ils n’ont pas de téléphones, ils ont un cadavre sur les bras, l’assassin ne peut être que parmi eux (un proche, donc !) et personne ne semble avoir envie de courir comme un poulet sans tête ???

Moi, dans une situation pareille, j’aurais la chair de poule, les chocottes, l’esprit en mode parano et je serrerais tellement les fesses que, même avec des fayots à bouffer à tous les repas, rien ne sortirait ! Au moindre bruit suspect la nuit, par contre, ce serait crise cardiaque ou traces de freinage assurées ! Et bien, cette peur de l’autre, cette suspicion, on ne peut pas dire qu’elle a vraiment lieu. Non, on continue le game. Ils ont dû garder leurs émotions pour eux, sans doute…

Malgré mes quelques bémols, la lecture de ce Cluedo m’a enchanté, je n’ai pas vu le temps passer et mes petites cellules grises ont tourné à plein régime pour tenter de trouver les pièces visées dans les petits poèmes, de résoudre les énigmes, de trouver qui avait tué Mariana, 20 ans plus tôt (ou si c’était bel et bien un suicide), qui a tué une partie des participants de ce jeu de piste de Noël (bingo, j’avais compris), ainsi que les titres des romans policiers préférés de l’autrice, caché dans le récit (3 trouvés, c’est peu).

Pour apprécier pleinement cette lecture, il faut se laisser porter par les événements, ne pas être trop regardant sur le réalisme qu’une famille qui n’enquête pas sur les meurtres qui ont lieu en leur sein, qui ne deviennent pas parano, mais continuent le jeu.

Un huis-clos où l’autrice à mis en place tout ce qu’il fallait pour les garder enfermés ensemble, sans possibilité de fuir (à moins de vouloir se choper une hypothermie sévère), avec un assassin parmi eux, sans que l’on sache qui va être le prochain ou la prochaine, le tout avec envies de meurtre, pour les lecteurs, envers la peste de Sara.

Une lecture sans prise de tête, agréable, fun, qui fait du bien. Si le début est un peu plus long à se mettre en place, une fois les jeux commencé, il est difficile de lâcher ce cosy mystery avant la solution finale.

Là, c’est une LC réussie avec Bianca, ça tombe bien, c’était notre dernière de l’année. J’espère que celles prévues en janvier serons des réussites aussi, parce que nous avons prévu des auteurs et ses sagas que nous avons appréciées.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°105].

Illusions : Maxime Chattam [Par Dame Ida]

Titre : Illusions

Auteur : Maxime Chattam
Édition :

Résumé :
Bienvenue à Val Quarios, petite station de ski familiale qui ferme ses portes l’été. Ne reste alors qu’une douzaine de saisonniers au milieu de bâtiments déserts. Hugo vient à peine d’arriver, mais, déjà, quelque chose l’inquiète. Ce sentiment d’être épié, ces « visions » qui le hantent, cette disparition soudaine…

Quels secrets terrifiants se cachent derrière ces murs ? Hugo va devoir affronter ses peurs et ses cauchemars jusqu’à douter de sa raison…

Bienvenue à Val Quarios, une « jolie petite station familiale » où la mort rôde avec la gourmandise d’une tempête d’été.

L’avis de Dame Ida :
Hugo vient de se faire larguer. Il n’y a pas a dire, son ex a bien eu raison ! Il est nul ! Un vrai raté ! Un foutu de la vie qui n’a rien fait de son existence et est condamné à végéter en tournant autour de son nombri l!

Acteur-romancier sans succès ! Et pourquoi pas influenchieur pendant qu’on y est !

Bref, réalisant la fatuité de son parcours, il décide de changer de vie… de prendre du recul… et au lieux de se retirer dans un monastère, il part travailler comme factotum sur une station de ski désertée et isolée du reste du monde pendant la saison d’été. Ça lui apprendra la vie de bosser pour de vrai!

Et comme il a des prétentions d’écrivain à ses heures et qu’il se retrouve loin de tout dans une station vide et presque fantomatique ça vient planter un décor à la Shining ! La référence est claire et même évoquée par l’auteur. D’ailleurs, moi aussi j’ai tendance à prendre mes jambes à mon cou quand je croise des jumelles dans un couloir…

Évidemment dans un tel contexte ça ne peut pas bien se passer et nous voilà partis pour un peu moins de 500 pages de mystères mystérieux.

Quand j’étais jeune, jadis, il y a fort fort longtemps, au siècle dernier pour ne pas dire au millénaire précédent, le Club Dorothée nous assommait de dessins animés japonais stéréotypés produits de manière industrielle et toujours écrits sur le même plan, comme le fameux Goldorak.

Serai-je méchante au point de trouver que Maxime Chattam écrive lui aussi toujours la même chose ?

Non ! Rassurez-vous ! Je serais objective et une fois de plus je louerai son parfait sens de l’intrigue, son art de noyer le poisson et surtout son imagination débordante et un brin perverse qui le conduit roman après roman à nous créer des histoires originales et bien terrifiantes.

Alors ? Pourquoi je parle de dessin animé japonais ? Et bien parce que le Sieur Chattam tend malgré tout à recycler certains éléments de construction dans ses romans.

À savoir celui du héros qui se perd en conjectures aussi multiples qu’erronées page après pages, revoie et amende ses théories en nous embarquant avec lui dans… l’erreur jusqu’au bout du roman, mais tout en arrivant au moment de la révélation finale de la vérité !

La marche n’est qu’une succession de chutes coordonnées diraient certains ? Avec Chattam c’est souvent ainsi. Le héros se trompe mais d’erreur en erreur il finit par arriver à la vérité !

Le personnage principal qui se plante et emmène avec lui le lecteur en courant dans tous les sens dans ses errements logiques, il n’y a rien de mieux pour nous empêcher de réfléchir et de comprendre ce qui se trame par nous mêmes. Artifice efficace, mais un brin lassant à force.

C’est un truc qu’il a déjà utilisé maintes fois dans certains de ses autres romans depuis les Arcanes du Chaos. Cela m’a frappée parce que roman après romans ses héros me semblent souvent particulièrement idiots vu qu’à la fin, on découvre qu’ils étaient totalement à côté de la plaque de bout en bout.

Et là le Hugo, il décroche la palme de la catégorie ! Je l’ai même trouvé carrément fatigant parce qu’il partait bille en tête dans des élucubrations et conjectures tout de mêmes loin d’être banales, pour ne pas dire abracadabrantes sur la base de… rien ! Ou presque. Des intuitions… des interprétations… pour ce que ça vaut!

Et mieux ! A un moment il trouve des éléments nouveaux presque par hasard en suivant une piste douteuse basée sur un raisonnement foireux et voilà qu’il change de théorie du tout au tout, sans s’expliquer en quoi que ce soit des raisons de ce changement radical de théorie.

Une telle progression logique laisse le lecteur attentif quelque peu perplexe.

En outre… Chattam évoque à certains moments des livres fictifs, issus de l’œuvre de Lovecraft, comme s’ils étaient réels, sans forcément en faire quelque chose et rendant assez obscur la limite entre ce qui relèverait d’une intrigue policière ou d’une intrigue fantastique. On retrouvera ainsi quelques autres pistes de ce genre laissées en plan, reprises plus tard sous un autre angle…

Encore une fois, je note aussi que Maxime Chattam est capable de faire un gros boulot de documentation mais… qu’il ne va pas jusqu’au bout de celui-ci, exploitant improprement certains éléments qu’il est allé pêcher, pour expliquer certains détails de son intrigue… je ne peux malheureusement en dire plus sans spoiler la fin.

Mais comme c’est un sujet que je connais bien forcément j’ai pu relever l’approximation fautive. C’est dommage. Bon… si on ne connaît pas on passe à côté évidemment et ça fonctionne… mais quand on est au courant on trouve ça un peu ballot.

L’ennui, c’est aussi que souvent le personnage principal qui porte sur ses épaules la responsabilité de conduire le lecteur à travers l’œuvre, se confond avec l’auteur lui- même…

D’ailleurs quelques détails personnels concernant l’auteur se retrouvent en Hugo, soulignant l’identification auteur/personnage principal (pas seulement les aspirations à l’écriture… ses références à ses origines Normandes).

Alors la question est de savoir si Chattam décrit précisément les élucubrations d’un esprit brouillon qui devine qu’un truc louche se passe, sans avoir grand chose pour étayer ses intuitions très personnelles et souvent fausses… ou s’il est lui-même parti d’un point de départ sans trop savoir comment il compte parvenir au but qu’il s’est fixé.

Bref si l’intrigue imaginée est une fois de plus brillante, si Chattam fait ici en outre de réels efforts dans son style d’écriture, il peine malgré tout à se renouveler quant à sa méthode narrative que j’ai trouvée ici propice à rendre son personnage principal ridicule pour ne pas dire pathétique au point de faire douter de l’auteur lui-même.

Certains éléments du dénouement pourront expliciter ce côté pathétique… mais avant d’arriver au final il faut traverser le roman avec le personnage principal qui va d’hypothèse en théorie sur la base de pas grand chose avant la page 300… et qui surinterprète les faits dont il dispose ensuite. Aussi aurait il mieux valu ne pas le présenter autant comme à côté de la plaque d’un bout à l’autre.

Le dénouement mérite d’être évoqué. Pas dans son contenu évidemment ! On ne va pas spoiler et vous raconter la fin ici! Mais… on ne peut que lui reconnaître une originalité certaine dans son genre… je ne vous en dirais pas plus ! Mais Chattam a su éviter la banalité.

Bref, comme toujours avec Chattam, depuis les « Arcanes du Chaos », mon avis sera mitigé : une lecture de vacances distrayante partie d’une idée d’intrigue diabolique mais dont le développement souffre de quelques faiblesses entre une très bonne première centaine de pages plantant très bien le décor, et une dernière centaine de pages qui nous conduit vers un dénouement surprenant comme toujours.

 

L’étrange traversée du Saardam : Stuart Turton

Titre : L’étrange traversée du Saardam

Auteur : Stuart Turton
Édition : Sonatine (03/03/2022) – 592 pages
Édition Originale : The Devil and the Dark Water (2020)
Traduction : Fabrice Pointeau

Résumé :
1634. Le Saardam quitte les Indes orientales pour Amsterdam. À son bord : le gouverneur de l’île de Batavia, sa femme et sa fille. Au fond de la cale, un prisonnier : le célèbre détective Samuel Pipps, victime d’une sombre affaire.

Alors que la traversée s’avère difficile et périlleuse, les voyageurs doivent faire face à d’étranges événements.

Un symbole de cendres apparaît sur la grand-voile, une voix terrifiante se fait entendre dans la nuit, et les phénomènes surnaturels se multiplient. Le bateau serait-il hanté, ses occupants maudits ?

Aucune explication rationnelle ne semble possible. Et l’enquête s’avère particulièrement délicate, entre les superstitions des uns et les secrets des autres.

Critique :
Le Saardam n’est pas un désert qu’il faut traverser, non, c’est juste le nom d’un bateau, un indiaman, pour être précise et sa traversée va être des plus étranges…

Qualifier ce roman d’aventures, mi-polar, mi-historique, mi-fantastique, de spécial serait réducteur et pourtant, c’est le mot qui le qualifiera le mieux.

1634… Nous embarquons sur un indiaman de la compagnie néerlandaise des Indes orientales, partant de Batavia (pour les GPS contemporains, inscrivez Jakarta), les cales remplies d’épices et d’une cargaison mystérieuse, secrète.

Nous partîmes 300 (marins, mousquetaires, capitaine, passagers, nobles) et par de promptes emmerdes, décès, assassinats, disparitions, nous terminâmes cette traversée étrange avec beaucoup moins de monde.

Ce roman pourra sa classer dans la catégorie des inclassables ou de ceux difficiles à cataloguer, en raison des nombreuses étiquettes qu’il coche, bien que le roman policier historique soit le plus prégnant.

Le personnage de Sammuel Pipps a tout d’un Sherlock Holmes et son acolyte, Arent Hayes, a tout d’un Watson bodybuildé et bagarreur.

Inconvénient de l’affaire, notre enquêteur chevronné est aux fers, avec interdiction de sortir et donc, impossible pour lui d’enquêter sur les évènements étranges qui frappent le Saardam, comme s’il était victime d’une malédiction, celle de Old Tom.

Les meurtres en huis-clos sont les plus étranges, ici, navigant sur l’océan, nous entrons dans une autre dimension : personne n’a pu monter à bord ou s’en échapper et lorsqu’un meurtre aura lieu dans un cabine hermétiquement fermée, le huis-clos prendra encore plus d’ampleur, surtout qu’il a un arrière-goût de fantastique, de sorcellerie, de malédiction…

Possédant le pied marin, c’est avec enthousiasme que je suis montée sur le pont du Saardam et le mal de mer m’a pris par surprise, alors que tout le monde embarquait et que ça n’en finissait pas…

La mise en place traîne en longueur et il faut attendre encore d’être arrivé à la moitié pour que tout bouge enfin un peu plus. Il y a une profusion de personnages et s’ils sont bien tous décrits et reconnaissables, j’ai réussi à en confondre deux, malgré l’index dans les premières pages (le Chambellan Cornelius Vos et le Marchand-chef Reynier van Schooten).

L’auteur a réussi à me faire perdre le Nord, mélanger bâbord et tribord, confondu la proue et la poupe, tant son récit était mystérieux et que je ne parvenais pas à trouver les solutions à tous ces phénomènes étranges qui arrivaient aux passagers du Saardam.

D’où proviennent les voix qui parlent aux gens durant leur sommeil, qui a peint les signes sur la grande voile et gravé dans les caisses ? Qui est ce huitième bateau qui n’apparaît que la nuit ?

Sans les explications finales, je n’aurais jamais trouvé et si j’ai apprécié me faire balader de la sorte, avec 100 pages de moins, le rythme aurait été plus soutenu (la palissade, je sais). Le début fastidieux m’a fait boire la tasse.

Oui, la résolution était bien trouvée, digne d’un grand roman policier. Elle était inattendue, sans pour autant égaler le truc de ouf qu’il y avait dans le premier roman (Les sept morts d’Evelyn Hardcastle).

Attention, la résolution comportait une sacrée touche d’originalité que je n’ai pas vu venir. Le fantastique est expliqué, on reste dans le rationnel, alors que dans le premier roman, nous étions sans contestation aucune dans du fantastique.

Si j’avais lu les romans dans le désordre, j’aurais sans doute au plus de plaisir, puisque j’aurais monté de niveau. Ici, par rapport au précédent, cela fait un peu pâle figure, tout en restant un formidable roman d’aventures en mer.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°008] et Le pavé de l’été 2022 (Sur mes Brizées).

Le Loup des Ardents : Noémie Adenis

Titre : Le Loup des Ardents

Auteur : Noémie Adenis
Édition : Robert Laffont La bête noire (23/09/2022)

Résumé :
1561, Sologne. L’hiver s’abat sur Ardeloup. Nuit et jour la neige tombe, transformant implacablement le village en prison.

Puis un mal mystérieux se répand parmi les habitants. Certains ont des hallucinations terrifiantes, d’autres hurlent qu’ils brûlent alors qu’ils sont glacés.

Cette maladie qui imprime sa marque noire sur le corps des mourants est-elle l’œuvre d’un démon ou celle d’un assassin ? Bientôt, la superstition embrase les esprits. Il faut un coupable avant qu’il ne reste plus personne pour enterrer les morts…

Critique :
Qu’est ce qui est blanc, froid, qui tombe en hiver et se termine par « cile » ?? Non, pas d’idée ? Ben la neige, imbécile !

C’est l’hiver, il neige à mort, il fait froid à se cailler les miches, nous sommes en 1561, à Ardeloup, petit village paumé en Sologne, entre les villes de Vierzon et de Romorantin.

Aymar de Noilat, médecin, allait vers la ville de Romorantin, la neige l’a surpris et il est resté à Ardeloup, où on a eu très vite besoin de ses connaissances et de sa science, vu l’épidémie qui a commencé à y sévir, emportant les habitants après d’atroce souffrance.

Vous vous souvenez du confinement de mars 2020 ? Il n’était rien comparé à ce que vont vivre les habitants du village : la nourriture manque, le bois pour se chauffer aussi, la neige est épaisse, monte très haut, il fait caillant et on a du mal à se déplacer. En 1561, pas Netflix, pas de livres (ils ne savent pas lire), rien ! Juste la peur…

Parlons-en, justement de la peur ! Elle dévore les cœurs, elle obscurcit les esprits et les gens ne tardent pas à chercher un bouc émissaire. En ce temps-là, le diable est Number One (avec une punition divine), mais comme il est difficile de le citer à comparaître, faut chercher plus simple : une sorcière !

Ben voilà, c’est facile, c’est rapide, pas besoin d’aller voir plus loin. La logique déserte alors les cerveaux et le médecin aura beau apporter sa science, des preuves, du bon sens, rien n’y fera !

On pourrait se dire qu’en ces temps obscurs, les gens ne sachant pas lire, étant pauvres, rustres et frustes, sans éducation, c’est malheureusement normal qu’ils se tournent vers la facilité et le bouc émissaire… Oui, mais non…

Certaines personnes, lors de la pandémie de la covid en 2020 (alors que nos populations sont éduquées, que la majorité sait lire) ne se sont pas privées de désigner des boucs émissaires. Des sales caricatures ont refait surface, comme dans les années 1930 et que des accusations, sans fondements, sans logique, ont été balancées, répétées, hurlées,… ♫ Non, non, rien n’a changé ♪

Impossible d’avoir une conversation sensée avec ces personnes, quelque soit l’époque, comme l’a constaté le médecin Aymar. Lorsque l’on veut noyer son chien, on l’accuse d’avoir la rage et dans le cas du Mal des Ardents, les gens sont capables de voir des liens où il n’y en a pas et de mentir, aussi, pour arriver à leurs fins. Glaçant, mais moins que durant notre ère (ou celle des années 30, et encore après).

Le médecin, Aymar de Noilat, sera notre narrateur, témoin impuissant de ce qui se déroule sous ses yeux, impuissant à soigner les gens, ne comprenant pas le mal dont ils souffrent. C’est le Mal des Ardents, mais ils ne savent pas encore comment il se déclenche. Nous, lecteurs, en 2022, nous connaissons les méfaits de l’ergot du seigle, mais eux sont dans le noir total.

Le coup de force de l’autrice, c’est d’être arrivée à donner une présence immense à la jeune Loïse, une petite fille taiseuse qui subit la mauvaise humeur des gens chez qui elle vit, qui se tape tous les sales boulots.

La gamine n’a pas beaucoup de dialogues, sa présence est en arrière-plan, elle ne dit rien, elle observe. Pourtant, elle m’a fait un grand effet et son personnage était lumineux, avec peu. Chapeau d’avoir réussi à lui donner pareille densité !

Ce polar historique se démarque des autres par sa conception : pas d’enquêteur pour chercher le coupable d’un crime puisqu’il n’y a pas de meurtres, juste des gens touchés par un mal violent, implacable, un tueur contre qui l’on ne sait pas lutter en 1561. Le médecin tentera de sauver les gens, avec l’aide de Loïse, qui préparera ses plantes pour soigner et de sauver la personne accusée de sorcellerie.

Un roman court, qui va à l’essentiel, qui ne fera pas l’impasse sur les décors et les ambiances, afin que les lecteurs se sentent bien dans le froid et la neige. Ce froid, je l’ai ressenti dans tous mes os, à tel point que j’ai terminé la lecture avec un plaid sur les épaules (note pour moi-même : j’aurais dû le lire un jour de canicule).

Un roman sombre, noir, qui ne s’éternise pas. Un roman court (290 pages) qui va droit au but et qui offre quelques heures de lecture remplie de mystères, notamment avec cette ombre qui rôde dans la neige froide…

Un polar historique qui a des relents nauséabonds qui n’ont rien à envier à notre époque où l’on érige des bûchers sur le Net et où les tribunaux sont les réseaux sociaux. Je me demande si nous ne sommes pas pires que ceux qui vivaient dans les siècles obscurs.

PS : Qu’est ce qui est blanc, froid, qui tombe en hiver et se termine par « ire » ?? La neige, imbécile, je viens de te le dire ! (ok, je sors).

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°193].