Titre : Les amants de Baker Street – 03 – Les années Sussex
Auteur : Isabelle Lesteplume
Édition : MxM Bookmark (28/12/2022)
Résumé :
Un détective peut-il vraiment prendre sa retraite ? Angleterre, début du XXe siècle.
Propulsé par la révolution industrielle, le monde est en plein changement. Sherlock Holmes et John Watson sont désormais célèbres, leurs méthodes sont utilisées par la police et leur courrier déborde de propositions d’enquêtes.
Mais plus le temps passe, plus l’âge les rattrape et plus ils sont fatigués de devoir constamment cacher leur relation. Ils commencent à imaginer une vie différente dans un petit havre de paix perdu dans le Sussex…
Hélas, l’Histoire n’a pas dit son dernier mot. Embarqués malgré eux dans la tourmente de plusieurs événements dramatiques, ils devront se battre pour survivre… Et pour sauver le monde entier.
Critique :
Dans les contes de fées, la princesse et le prince se marient et on s’en arrête là, nous assurant qu’ils vivront heureux et longtemps…
Et pour que le charme du conte continue à agir il faut bien entendu en rester là ! Le prince n’abandonnera pas Blanche Neige pour Cendrillon et Cendrillon pour la Belle-aux-Bois-Dormant… Etc…
Quel salaud ce mec ! Sans parler de la belle-mère de la Belle-aux-Bois-Dormant qui veut bouffer ses petits enfants à la sauce Robert dans le conte original !
Toute personne ayant vécu en couple sait que, la vie conjugale n’est jamais un long fleuve tranquille et que l’idée d’un bonheur aussi inaltérable que parfait n’est qu’une illusion qui ne peut se défendre que dans des contes pour enfants encore assez naïfs pour y croire.
Cela ne veut pas dire que le mariage ou un couple qui dure soient des choses totalement nulles, entendons nous bien ! Mais bon… Il faudrait un peu retomber sur terre et sortir de la béatitude cucul la praline où l’on est à jamais heureux d’être content en se regardant éternellement dans le blanc des yeux !
On regrettera qu’Isabelle Lesteplume l’ait oublié et ait écrit le tome de trop en voulant faire de cette série une trilogie.
Or donc, nous avions quitté Holmes et Watson au terme du second tome écrit par Nathalie Lesteplume, sur une cérémonie de mariage non officielle entre les deux amants dans cette réécriture du canon.
Et maintenant il s’agit de nous raconter la suite, et notamment la façon dont nos détectives préférés ont pu gérer le virage de la maturité, pour ne pas dire du début de leur vieillesse (on était vieux plus jeune à l’époque et on s’en arrangeait mieux qu’aujourd’hui dans notre époque moderne qui nous oblige à cacher nos cheveux blancs et qui nous dit que l’euthanasie est la seule mort digne qui soit une fois qu’on n’est plus productifs et qu’on coûte cher !).
Comme Belette et moi-même avons eu l’occasion de vous le dire, nous ne sommes pas des fanatiques de ces réécritures du canon qui ont fleuri à l’occasion de la diffusion de la série Sherlock de la BBC, réactivant le fantasme d’une liaison entre le détective consultant de Baker Street et de son acolyte le Dr Watson.
Cette relecture du canon par Madame Lesteplume était malgré tout parvenue à retenir notre indulgente bienveillance en raison de la grande culture canonique de l’autrice qui avait su très habilement mêler sa réinterprétation du canon et l’idylle entre nos personnages préférés lors de ses deux premiers opus.
Évidemment, il nous fallait passer outre la vision d’un Holmes capable de céder à l’amour, ce qui en soit n’est franchement pas très canonique, mais passé ce cap, la chose se lisait d’autant plus agréablement qu’on nous faisait grâce de trop de descriptions de rapprochements physiques entre Holmes et Watson.
La série est fort heureusement plus sentimentale qu’érotique ou pornographique, jouant avec la culture canonique d’une manière intelligente.
Sauf que dans ce dernier tome, nos quinquagénaires presque sexagénaires auraient encore envie de s’envoyer en l’air entre deux portes à la moindre occasion… Et là c’est un peu too much à mes yeux.
Sans vouloir faire les rabats joie de service, et sans vouloir faire trop de généralités… le fait est que lorsque l’on est uni depuis de nombreuses années à un partenaire avec qui on a eu largement le temps de faire le tour de la bagatelle, la majorité des gens vieillissants s’assagissent sur ce plan. Il ne s’agit pas de fermer boutique non plus…
Mais quand vos rhumatismes et vos vieilles blessures vous torturent… et quand le vieillissement fait décliner les secrétions de testostérone (et oui ! Même chez les messieurs les hormones sexuelles déclinent avec l’âge même s’ils ne sont pas confrontés à l’arrêt des règles qu’ils n’ont jamais eues!), les parties de jambes en l’air se font moins fréquentes et on pense généralement moins à entreprendre des petits quickies vite expédiés avant un rendez-vous avec d’autres personnes. On prend son temps ! On a besoin de confort ! Bordel !
Bref, les considérations libidinales et même les régulières introspections sentimentalistes des deux hommes sur leur relation amoureuse (que je trouvais déjà peu crédibles dans les tomes précédents en ce sens que cela relève plus de la psychologie féminine que de celle des zhômes, et les zhômes gays restent des zhômes!) me semblent ennuyeuses dans ce troisième volume car peu en phase avec les réalité du temps qui passe et avec les réalités du vécu d’un vieux couple.
Car oui, sans aller jusqu’à dire qu’avec l’âge on reste ensemble par habitude (et pourquoi pas d’ailleurs ! Certains et certaines d’entre nous aiment les habitudes aussi et c’est respectable !), le fait est que la passion des premières années laisse le plus souvent la place à une tendresse confiante et paisible entre les conjoints les plus unis.
Cela n’exclut pas le sexe évidemment… Mais plus d’une manière aussi fréquente et impromptue, voire dans des circonstances pouvant mettre en difficultés à moins d’être excité par les pratiques exhibitionnistes… Mais qui veut entendre ça concernant Holmes et Watson ? Ben pas moi !
Par ailleurs, contrairement aux tomes précédents, ici Isabelle Lesteplume n’ancre plus réellement son roman dans le canon, inventant ni plus ni moins une nouvelle enquête totalement indépendante de celles brodées par Doyle.
Certes, on commence par une histoire canonique largement simplifiée, lors de laquelle Watson manque d’être tué… Ce qui conduit Holmes à vouloir prendre sa retraite…
D’autant que Londres a beaucoup changé (la fée électricité s’impose partout!), que la police est plus efficace et que de nombreux autres détectives privés sont prêts à prendre la relève. Sans parler des deuils qui les frappent durement, des irréguliers qui ont pris de l’âge eux aussi… et de Gregson et Lestrade qui eux aussi songent à la retraite pour vivre leur amour tranquillement. Oui oui… eux aussi…
N’est-ce pas un peu trop quand on y pense ? Et bien si c’est trop pour vous, passez votre chemin car vous n’aurez pas fini de croiser d’autres membres du club des messieurs qui préfèrent s’intéresser aux messieurs.
Or donc voilà Holmes et Watson partis se chercher un cottage à la campagne, et à se lier à leurs nouveaux voisins… Mais Mycroft ne les laissera pas pas tranquilles trop longtemps et viendra leur soumettre un « dernier problème » qui s’écartera encore plus fortement de celui que leur proposera le canon.
Voilà en effet que l’autrice expédie nos héros aux États-Unis et qui plus est… sur le Titanic (NB : à défaut de suivre le canon cette fois-ci, l’autrice s’est très bien renseignée sur l’unique voyage du Titanic, sur son architecture et ses services) ! Rien que ça !
Autant dire que ce faisant elle les expédiait à la mort, sachant que peu d’hommes, même des premières classes, ont eu la chance de survivre au naufrage de ce navire !
Personnellement je les aurais plutôt laissés tranquille à faire du miel dans leur petit cottage du Sussex, épicétou ! Or donc, comment vont-ils s’en sortir ? S’en sortiront-ils seulement ? Et dire que Holmes avait pris sa retraite pour préserver son chéri rendu boiteux par ses blessures de jeunesse ! Pourquoi ne s’en sont-ils pas tenus à leur première résolution ?
Ah ben… Parce que sinon le roman aurait été beaucoup trop court et sans trop d’intrigue sans doute ! Élémentaire mon cher lecteur !
Anybref, je ne vous en dirais pas plus, vous laissant un peu de suspens si comme moi vous vouliez aller au bout de cette trilogie…
Mais ce dernier volume m’aura beaucoup déçue car le jeu adroit de réécriture du canon que nous avions pu trouver dans les deux premiers n’est plus de mise, et le placage d’une sexualité adolescente sur deux vieux messieurs en couple depuis des lustres ne me semblera plus assez crédible pour retenir l’indulgence que j’avais eu jusque là pour la transgression majeure à l’égard du canon consistant à mettre Holmes et Watson dans le même lit.
Et vous me connaissez… Quand une erreur persévère jusqu’à la dernière page d’un roman… J’ai bien du mal à me concentrer sur l’intrigue et à le finir.
Il était temps que la série se referme.